Ces apprentis James Bond qui espionnent la gauche et les écologistes

Combien d’espions sur la zad ???

La ZAD serait-elle devenu un nid d’espions ? Le débat aux AG semblerait n’avoir jamais été abordé… comme par hasard ! Cette interrogation mérite d’être posée en urgence…

Considérée comme un haut lieu de “l’ultra gauche” par les gouvernements capitaliste s: la ZAD de Notre Dame des Landes est surveillée de très près par les polices européennes.

Infiltrés sur la ZAD depuis plus de trois ans, ils ont déjà gagné une bataille : diviser pour mieux régner, en se rapprochant de certains militants afin de mieux les manipuler.

Soyons vigilants, restons sur nos gardes !

Collectif de lutte contre l’aéroport de Notre Dame des Landes, 7 octobre 2013

 

Ces apprentis James Bond qui espionnent la gauche et les écologistes

Mouvements écologistes et anticapitalistes sont surveillés de près par les polices européennes. Et tous les moyens sont bons, y compris l’infiltration. Vol d’identités d’enfants décédés, relations sexuelles avec leurs « cibles »… Au Royaume-Uni, les infiltrés et leurs supérieurs ne reculent devant aucun cynisme. Certains policiers ont même eu des enfants avec les militants qu’ils espionnent. Décryptage de ces détestables pratiques qui font l’objet de virulentes critiques, et échappent à tout contrôle parlementaire ou judiciaire.

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Leurs défenseurs les comparent à des sortes de James Bond, qui fréquenteraient squats et lieux autogérés plutôt que des casinos huppés, qui participeraient à des « camps climat » ou à des actions de résistances passives plutôt qu’à de spectaculaires courses-poursuites. Ces espions au service de sa majesté, ce sont les policiers infiltrés au sein des mouvements écologistes ou anticapitalistes. Ces méthodes d’infiltration font l’objet de virulentes critiques au Royaume-Uni, depuis qu’elles ont été révélées par l’affaire Mark Kennedy. Ce policier s’est infiltré entre 2003 et 2010 au sein de groupes de la gauche radicale européenne, dont le collectif militant de Tarnac, avant d’être démasqué. Les informations transmises par Kennedy ont notamment été utilisées par la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) pour monter son dossier contre « les neuf de Tarnac ». Depuis, les affaires impliquant des infiltrés se sont multipliées.

Leurs noms sont révélés au gré de scandales, de procès ou de plaintes qui défraient la chronique outre-Manche : Lynn Watson, une agent de police basée à Leeds, a infiltré plusieurs groupes écologistes, anticapitalistes et pacifistes entre 2003 et 2008. Simon Wellings demeure quatre ans au sein du réseau anticapitaliste Globalise Resistance, avant de se griller par un coup de fil accidentel alors qu’il transmet infos et photos dans un commissariat. Jim Sutton, infiltré au sein du mouvement Reclaim the Streets – un mouvement de réappropriation de l’espace public – à la fin des années 90, finit par avouer qu’il est policier à sa compagne militante… avec qui il a eu deux enfants ! Le couple divorce en 2009. Bob Robinson (ou Bob Lambert) et John Baker intègrent Greenpeace dans les années 80 et 90. Tous deux ont des relations amoureuses durables avec une de leurs « cibles »… Une version « réalité » de James Bond, où la subversion anticapitaliste et écologiste est combattue avec les mêmes moyens que ceux utilisés pour démanteler un réseau terroriste ou de trafic de drogue.

Un service très spécial

Le Royaume-Uni dispose d’une solide expérience en matière d’infiltrations des milieux activistes, pacifistes, écologistes ou anarchistes : 40 ans exactement. Tout commence en 1968. En pleine période de contestation et de manifs contre la guerre du Vietnam naît le « SDS » (Special Demonstration Squad), un « Service spécial des manifestations ». Il sera dissous en 2008. Ses pratiques font désormais l’objet de demandes d’investigations de la part de parlementaires et d’avocats après une succession de révélations plus détestables les unes que les autres.

« Quelles sont les critères pour autoriser une infiltration ? Construire une relation avec des “cibles”, y compris avoir des enfants avec elles, fait-il partie des politiques officielles de l’État ? Dans quelle mesure ces opérations d’infiltration sont-elles coordonnées au niveau européen ? », interroge le centre de recherche indépendant Statewatch, basé à Londres, qui regroupe avocats, chercheurs ou journalistes travaillant sur la question des libertés publiques [Dans le numéro du mois d’août de son journal].

Quand l’État vole les identités d’enfants décédés

En février, le quotidien The Guardian révèle que, pour mener à bien ses infiltrations, la police britannique « a volé les identités d’environ 80 enfants décédés pour établir des faux passeports à leurs noms ». À l’exemple de « Peter Daley », infiltré au sein de mouvements antiracistes dans les années 90, qui utilise comme couverture l’identité d’un enfant de quatre ans mort de leucémie. Le vol de l’identité et du certificat de naissance facilitait l’élaboration de couvertures crédibles.

Le procédé, dévoilé sur la place publique, est qualifié de « macabre », « irrespectueux » et « odieux » par la commission parlementaire chargée de suivre les affaires intérieures [Dans un rapport publié en mars]. La police britannique assure aujourd’hui que de telles pratiques n’ont plus cours et a lancé une enquête interne. Jusqu’à cet été, ses chefs n’avaient toujours pas daigné entrer en relation avec les familles concernées. James Bond n’est plus un gentleman.

Des conjointes et épouses abusées

La recherche des responsables tarde. « Il n’existe pas un fichier poussiéreux rangé quelque part au sein de Scotland Yard qui nous apportera toutes les réponses. Mais plus de 50’000 documents, papier et électronique, que nous devons passer au crible », précise la Commissaire adjointe, Patricia Gallan, en février 2013, auprès des parlementaires membres de la commission d’enquête sur le sujet. Une manière de prévenir : les réponses risquent bien de ne jamais être divulguées. D’autant que les enquêtes resteront internes.

Une autre affaire se retrouve quasiment classée « secret défense ». En décembre 2011, après les premières révélations sur les policiers espions, huit femmes annoncent poursuivre en justice la police britannique. En cause : l’infiltration de cinq officiers au sein de « groupes promouvant la justice sociale ou environnementale ». Des agents qui, tout en cachant leurs véritables motivations, étaient devenus leurs conjoints. Les relations intimes ont duré entre sept mois et… 9 ans ! Les plaignantes s’appuient sur les articles de la Convention européenne des droits de l’Homme qui protègent la vie privée et familiale, et interdisent des traitements dégradants et inhumains. Mais, début 2013, la Haute Cour stipule que l’affaire sera traitée à huis clos, dans le secret du « Tribunal spécial sur les pouvoirs d’investigation de l’État » (Investigatory Powers Tribunal), chargé de contrôler les activités de surveillance et d’infiltration menées par la police et les services secrets britanniques.

La jurisprudence James Bond

Pour justifier le recours à cette législation spéciale, le juge Michael Tugendhat, n’hésite pas à se référer au fameux héros de Ian Fleming : « James Bond est le plus célèbre exemple fictif d’un membre des services de renseignement qui utilise ses relations avec les femmes pour obtenir des informations ou accéder à des personnes et des biens. (…) Ian Fleming ne s’attarde pas sur la manière dont son héros utilise la tromperie, et encore moins sur le préjudice psychologique que ces relations pourraient provoquer. Mais bien que fictif, cet exemple accrédite la vue que les services de renseignement et de police déploient depuis de nombreuses années des hommes et des femmes officiers dans le but de nouer des relations personnelles de nature intime afin d’obtenir des informations. (…) De mon point de vue, chacun, dans sa vie, doit assumer le fait que les services secrets et la police doivent, de temps en temps, déployer des officiers infiltrés, que ce soit à tort ou à raison. » Ces cas de tromperies, de manipulations, de mensonges et d’humiliations, au service de la sécurité de l’État, seront donc traitées en toute discrétion. Grâce à un roman.

« Nous sommes indignés que la Haute Cour permette à la police (…) de garder le secret de leurs opérations abusives et manipulatrices. En comparaison, la vie privée des citoyens espionnés par la police secrète ne dispose d’aucune protection, ce qui est contraire à tous les principes que nous pourrions attendre d’une société démocratique », ont répondu les huit plaignantes. « Il est inacceptable que des agents de l’État puissent cultiver des relations durables et intimes avec des militants politiques afin de collecter de soi-disant renseignements sur les mouvements politiques. Nous avons l’intention de poursuivre ce combat. »

Quand l’infiltration se retourne contre la police

Même les élus se voient retourner une fin de non-recevoir. Jenny Jones, vice-Présidente de la commission sur la sécurité londonienne, et élue verte de la capitale, a critiqué « l’obstruction délibérée » de la police suite à ses demandes d’informations répétées sur les opérations d’infiltration. Malgré les remous, l’opaque rideau qui recouvre ces barbouzeries ne se déchire pas.

L’une des opérations d’infiltration menée par Mark Kennedy avait abouti à la plus grande rafle d’activistes écologistes de l’histoire britannique. 114 militants, suspectés de préparer une action contre une très polluante centrale au charbon près de Nottingham, ont été arrêtés préventivement en avril 2009. Parmi eux, 20 activistes sont poursuivis puis condamnés à de courtes peines d’emprisonnement ou des amendes. Ces condamnations sont finalement annulées car l’accusation n’avait pas communiqué l’ensemble de son dossier à la défense… dont les informations recueillies par la taupe. D’autres militants écologistes pourraient faire appel dans des affaires similaires, dont les dossiers à charge sont basés sur les informations de policiers infiltrés.

L’Europe envahie de taupes

Ces scandales ne se cantonnent pas au territoire britannique. Ils s’étendent au-delà des frontières du royaume, à l’Europe continentale. Pendant ses sept années d’infiltration au sein de la gauche radicale, Mark Kennedy a ainsi été « déployé » dans onze pays différents, dont la France, lors d’une quarantaine d’évènements militants (rencontres, manifestations…). Ces opérations sont coordonnées au niveau européen par un groupe spécial (European Cooperation Group on Undercover Activities, ECG), créé en 2011. L’ECG regroupe Interpol, plusieurs services de police des États membres de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe, dont… la très démocratique Russie. L’ECG fait elle-même partie d’un groupe de travail international (IWG [International Working Group on Police Undercover Activities]) avec les services états-uniens ou israéliens.

« Lorsque les forces de police et les services de renseignement s’engagent dans la coopération internationale, le grand perdant est le contrôle parlementaire. L’importance croissante des réseaux de policiers en civil rend cette situation bien plus critique », alerte en 2012 le député de gauche allemand Andrej Hunko. L’affaire des infiltrés britanniques a fait des vagues jusqu’à Berlin. Des députés du Bundestag questionnent à plusieurs reprises le gouvernement d’Angela Merkel sur le niveau d’implication de la police allemande, et des polices européennes, dans ces opérations secrètes. Le ministère de l’Intérieur précise alors qu’il n’autorise pas ses agents, y compris les agents étrangers opérant sur le sol allemand, à avoir et à entretenir des relations sexuelles dans le cadre d’une enquête.

Les élus n’en apprendront pas beaucoup plus, « pour des raisons de confidentialité. » « L’infiltration des mouvements de gauche européens illustre cette coopération policière menée en l’absence de tout contrôle parlementaire. On ne sait toujours pas sur ordre de qui l’enquêteur infiltré opérait pendant les années de son activité », rappelle Andrej Hunko. En France, les opérations d’infiltration sont censées être réalisées sous le contrôle d’un procureur ou d’un juge d’instruction (voir le Code de procédure pénale). Mais aucun cadre juridique ou démocratique n’existe au niveau européen pour contrôler ces pratiques. Les barbouzes chargés d’espionner les mouvements de contestation ont de beaux jours devant eux.

Ivan du Roy, avec Statewatch – Basta !, 30 septembre 2013

Les ouvriers bloquent des rues et mettent le feu

Des dizaines de milliers d’ouvriers du textile ont bloqué des rues, mis le feu à des usines et se sont heurtés à la police lundi, exigeant un salaire mensuel minimum équivalent à 100 dollars.

Jusqu’à 200.000 ouvriers ont manifesté lundi pour le troisième jour consécutif, selon Abdul BAten, chef de la police du district de Gazipur, près de la capitale Dacca, où plusieurs centaines d’usines textiles sont implantées.

Quelque 300 usines ont été fermées pour prévenir toute attaque d’usines de la part de manifestants, a précisé son adjoint, Mustafizur Rahman. «La situation est très volatile. La police a tiré des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes pour disperser les ouvriers incontrôlables», a-t-il ajouté, précisant que plusieurs dizaines d’ouvriers et quelques policiers avaient été blessés.

Les manifestations contre les faibles salaires et les mauvaises conditions de travail ont secoué le secteur de l’habillement du Bangladesh depuis l’effondrement en avril du Rana Plaza, qui a tué plus de 1.100 personnes. Dans le faubourg de Savar, où l’immeuble s’est effondré, des ouvriers en colère ont mis le feu à au moins deux usines, a déclaré Reaz-Bin-Mahmood, vice-president de l’association des fabricants et exportateurs de vêtements du Bangladesh.

Le pays exporte pour Walmart, H&M et Carrefour

Le Bangladesh est le deuxième exportateur de vêtements au monde, fournissant notamment des grands noms tels que l’américain Walmart, le français Carrefour ou encore le suédois H&M. Pilier de l’économie, le secteur avec ses 4.500 usines représente 80% des exportations annuelles s’élevant à 27 milliards de dollars.

Mais la grande majorité des 3 millions de travailleurs ne gagnent qu’un salaire de base mensuel de 3.000 taka (38 dollars) – soit un des plus bas au monde – suite à un accord tripartite entre les syndicats, le gouvernement et les fabricants signé en août 2010.

En juin, le gouvernement avait mis en place un groupe de travail spécial pour examiner les salaires et les syndicats ont demandé un salaire mensuel minium de 8.114 taka (100 dollars). Les propriétaires d’usine ont rejeté la demande, affirmant qu’ils pouvaient augmenter les salaires de seulement 20%, à 3.600 taka, en raison de la conjoncture économique mondiale morose.

tiré surhttp://www.20min.ch/

lettre ouverte d’un anarchiste indigène à un anarcho-colon

Pour en finir avec le communautarisme majoritaire et le suprémacisme européen

par Karim Ramadan
14 août 2005

La loi sur le voile n’a pas seulement dévoilé de force des adolescentes qui n’avaient rien demandé. Elle a aussi dévoilé, au sens figuré, la gauche et l’extrême-gauche française. Elle a notamment montré à quel point des « athées » militants, des « laïcards » et des « anti-cléricaux » farouches pouvaient se révéler pieux et soumis au nouveau Clergé que constitue la Télévision ; à quel point des adversaires proclamés de « l’intégrisme » ont promu l’adoration intégriste d’une « Laïcité » mythifiée, allant jusqu’à forcer des adolescentes à se découvrir ou à se déscolariser. Elle a enfin dévoilé les libertaires [1] : au lieu de défendre le principe inaliénable de la liberté de conscience et le droit à l’éducation pour tou-te-s, la majorité des « anarchistes » ou « libertaires » français a accepté [2] (et parfois même approuvé) une loi répressive qui frappait des femmes, pour la plupart pauvres et victimes du racisme. Ils ont accepté par la même occasion que ce soit l’Appareil d’État qui mène le combat anti-religieux, traditionnellement dévolu, dans la tradition anarchiste, à l’individu et aux collectifs militants. Le texte qui suit, issu d’une liste de discussion anticolonialiste de la mouvance libertaire [3], s’en prend à cet anarchisme franco-français plus anti-religieux qu’anti-étatiste et plus autoritariste que libertaire. Il le qualifie de colonial, en des termes véhéments, mais qui nous paraissent hélas adaptés aux dérives qui se font jour jusque dans la mouvance libertaire française – on est tenté de dire franchouillarde…

Salut,

Ton intervention paternaliste [4] montre l’énormité du
travail a accomplir chez les anars francais et chez
les petits colons de gauche en général.
Ton monologue est basé sur une hystérie politique, sur
un intégrisme et un sectarisme politique abject.
De plus tes accusations ridicules montrent ton
ignorance des groupes et individus que tu calomnies.
Ma compréhension de l’éthique libertaire, c’est de
commencer par savoir de quoi et de qui on parle, de
fonder son commentaire sur une expérience personnelle
ou sur une communauté de vécu d’une situation. (Sans
avoir besoin pour autant d’être un spécialiste)

Visiblement, certains colons de gauche, de la secte FA [5]
à la secte LO, ont une éthique à géométrie variable.
La violence machiste dans certains congres de la FA
devrait pourtant amener une réflexion sur les
pratiques et les discours face au patriarcat puis, qui
sait, rêvons toujours, peut-être un jour sur le
racisme…

Mais je ne perdrais pas une seconde a répondre aux
accusations proférées et aux amalgames [6]. Simplement, je te souhaite de relire quelques mots que
tu as tapé sur ton clavier : « liberté de conscience ».

Des réactions racistes et arrogantes sur cette liste [7],
aucune n’offre de critique argumentée du texte de
Sadri Khiari [8].

Idem, aucune argumentation pour étayer les accusations
dégueulasse et policières envers l’Appel, envers
l’UOIF ou envers Tariq Ramadan – qui sont en plus
amalgamés, ce qui est une autre pratique journalistique
et policière qu’endossent volontiers les colons de
gauche quand il s’agit de fermer sa gueule au
bougnoule qui-n’a-pas-son brevet-d’universalisme.
Pourtant, les élites françaises sont maîtres dans l’art
de la production intellectuelle strictement « négative »
(élaboration d’un discours centré uniquement sur la
déligitimation de toute tentative de modification de
l’ordre social, politique ou culturel).

On voit le résultat dans cette France minée par le
cynisme, l’Apartheid, et secouée épisodiquement par un
activisme citoyenniste et corporatiste des classes
moyennes appauvries de la communauté dominante et des
fonctionnaires de l’état colonial.

D’ailleurs, un colon libertaire français s’est essayé
récemment à cet exercice d’éditorialiste à gages, du genre
Philippe Val, contre l’appel des indigènes.
Son argumentation était prévisible : l’appel serait un
sursaut du tiers-mondisme marxiste (allié au complot
islamiste).
Au moins a-t-il essayé de rationaliser son refus de
confronter ce qui fait de sa posture celle d’un petit
colon et d’un nouvel « antisémite-islamophobe » :
endoctrinement eurocentriste, narcissisme identitaire
de la communauté dominante, culture chrétienne
refoulée et « laïcisée », richesse de la praxis libertaire
figée dans le sectarisme de la pensée-slogan.

La pensée-slogan devrait pourtant être le domaine réservé de
la publicité, de l’État, des rituels religieux et de
leurs messages autoritaires. Mais on le sait, elle
remplace souvent la pensée autonome et critique,
surtout lorsque le militant « de gauche » ou « libertaire »
réveille en lui le colon et l’éducation suprémaciste
dans laquelle il baigne depuis sa naissance – et de
laquelle il pense s’absoudre magiquement par
l’activisme « antifasciste », par le paternalisme
« antiraciste » ou encore par le tiers-mondisme
léniniste-populiste. Chez le libertaire, c’est souvent
pire, puisque le non-autoritarisme formel peut
renforcer la rigidité du discours et le refus de
mettre à l’épreuve son propre regard sur les réalités
sociales.

Par contre, je ferai suivre ta lettre de petit colon à
quelques ami-e-s indigènes, qu’ils-elles n’oublient pas ce
qu’ils savent déjà : les ennemis politiques les plus
hypocrites et fanatiques sont à gauche, des caviards
PS aux prêcheurs laïcistes, léninistes ou
« anarchistes ».
Je met parfois des guillemets parce que je ne me
résouds pas, en tant qu’anar, à limiter l’anarchisme
et ses diverses réalités mondiales au seul discours
sclérosé de quelques militant-e-s français.

Les indigènes ne peuvent compter que sur eux-mêmes et
ne s’attendre à aucune solidarité militante, sauf
celle bourrée d’arrières-pensées électorales de quelques
zombies rescapés du trotskysme électoral ou des
Verts.

p.-s.

Site des indigènes de la République : www.indigenes-republique.org

notes

[1] Par « les libertaires », nous entendons les trois grandes organisations qui se disent libertaires : la Fédération Anarchiste, la CNT et Alternative Libertaire. Cette dernière se distingue par une prise de position contrela loi anti-foulard, mais elle n’a pas plus que les autres pris part à la mobilisation contre cette loi. L’OCL (Organisation communiste Libertaire) a également pris des positions contre cette loi. Seuls quelques militants de l’OCL et de la CNT, minoritaires au sein de leur organisation, se sont engagés contre cette loi et pris part à la dynamique Une école pour tou-te-s. Certain-e-s ont aussi signé l’Appel des indigènes de la République.

[2] Au sens où ils n’ont opposé aucune résistance, n’ont pris part à aucune des mobilisations organisées contre la loi anti-foulard. Ils n’ont notamment pas rejoint le Collectif Une école pour tou-te-s, pourtant mobilisé sur des bases libertaires. Cf. la Charte de ce collectif, et P. Tévanian, Tentative de cartographie (textes en ligne sur www.lmsi.net)

[3] Nous reproduisons ci-dessous le message auquel répond Karim Ramadan. Il est paru sur la liste de discussion « néocolonialisme_france », une liste d’orientation libertaire consacrée à la dénonciation de la « Françafrique ». Il est signé par un militant de la Fédération anarchiste, dont nous avons choisi de ne pas mentionner le nom, l’important n’étant pas de stigmatiser un individu mais de critiquer un discours. Voici son contenu, entrecoupé de quelques commentaires :

« Ci-dessous, un article du « Monde libertaire » à
propos des « indigènes ».
Analyse que je partage. Je tiens à souligner qu’il
faut en finir avec les
tentatives d’intimidation qui consistent à traiter
de « colonisateur » et de
« raciste » toute personne tenant à défendre le
principe de laïcité et luttant
contre toute forme d’intégrisme religieux, qu’il
soit chrétien, musulman ou
autre. La laïcité est la vrai cible de cet appel
(qui soutient le voile). »

Remarque : cette dernière affirmation est un pur mensonge. La lecture de l’Appel en question montre que la laïcité n’est à aucun moment la « cible », pas plus que le voile n’est « soutenu ». Une phrase dénonce la loi excluant de l’école les élèves qui portent le voile, ce qui est tout à fait différent. Cette dénonciation vient au milieu d’une dizaine d’autres, portant sur des problématiques dans lesquelles le voile est totalement absent.

« Elle est pourtant la seule façon de garantir la
liberté de conscience et
permet de croire ou de ne pas croire et de préserver
tout système collectif
des critères religieux. Songez à l’Irlande du Nord
par exemple qui souffre
toujours du manque de laïcité. Je suis libertaire,
donc « ni dieu ni maître ».
Les luttes pour l’émancipation s’opposent de la même
manière contre les
chrétiens anti-IVG que les islamistes comme Tarik
Ramadan et l’UOIF.
Renseignez-vous sur les discours sur l’homosexualité
des prédicateurs comme
les frères Ramadan et ceux de l’UOIF – c’est aussi
homophobe et écoeurant
que feu-Jean-Paul II et le pape actuel ! ! ! »

Remarque : cette affirmation est elle aussi mensongère. Tariq Ramadan a beau refuser de reconnaître une égale légitimité aux unions homosexuelles et hétérosexuelles, il a beau s’opposer à l’égalité des droits matrimoniaux et parentaux entre homosexuels et hétérosexuels, il n’a pas à notre connaissance tenu des propos haineux comme ceux de Jean-Paul II, reproduits sur ce site dans la rubrique « Etude de cas » (sous-rubrique : « Homophobies »). Quant à Hani Ramadan, peut-être a-t-il des positions plus violentes sur l’homosexualité, mais il n’est pas signataire de l’Appel des indigènes. Disqualifier un texte politique en invoquant les positions du frère de son 1300ème signataire, cela nous paraît très éloigné du rationalisme dont se réclame la mouvance libertaire…

« Le discours identitaire des « indigènes » rejoint
celui du Bloc identitaire.
Nous sommes selon leur logique avant tout des
« indigènes » ou des « français
de souche » et non plus tous des déscendants
d’immigrés. On cherche à creuser
un fossé héréditaire selon des origines que personne
n’a choisi. Où sont les
solidarités de classe là-dedans ? Ces logiques nient
toute problématique de
luttes sociales et anticapitalistes. Elles font donc
le jeu et le bonheur du
Medef. Cette logique, c’est la mort des solidarités
des salariés. »

Remarque : là encore, nous renvoyons à la lecture de l’Appel des indigènes, suffisante pour mesurer l’abjection de l’amalgame « Indigènes = Bloc identitaire ». Cet Appel ne creuse aucun fossé ; il constate l’existence d’un fossé, et l’indifférence générale que suscite son existence. Il appelle donc à une mobilisation pour le supprimer. Quant aux solidarités de classe, loin de les condamner à « mort », il y appelle dans sa conclusion.

« Derrière les « indigènes », il y a Ramadan (voir le
CMF – collectif des
musulmans de France), leur appel a été diffusé par
Oumma.com (site
pro-Ramadan). La lutte anti-coloniale – nécessaire
et légitime – est ici
instrumentalisée au service d’une idéologie des plus
exécrables – celle des
Frères musulmans – où la vision d’un islam
totalitaire cherche à dominer une
population dont ils s’autoproclament les
« propriétaires ». Les premières
victimes sont les femmes et les « indigènes » font du
voile une de leur
revendication. »

Remarque : tout cela est mensonger. Mensonger par omission pour ce qui concerne Tariq Ramadan (simple signataire) et le CMF (l’un des trente individus ou collectifs initiateurs de l’Appel) ; pure fiction pour ce qui concerne le voile : le port du voile n’est pas « revendiqué » par l’Appel des indigènes. C’est la liberté individuelle – un principe on-ne-peut-plus libertaire – qui est défendue : le droit de porter un foulard si on l’a décidé ainsi, sans risquer d’être stigmatisée, insultée, exclue et déscolarisée. Enfin, nous mettons au défi ce camarade de la FA de trouver dans l’Appel des indigènes la moindre trace d’une velleité d’ « Islam totalitaire ». Une lecture attentive montre au contraire que si l’on peut caractériser les sources idéologiques qui sous-tendent cet Appel, c’est l’anticolonialisme bien entendu, mais également l’idéologie libertaire !

« Comment ne pas voir dans ce voile
l’affichage de la
soumission de la femme à l’ordre patriarcal et
religieux ? »

Remarque : La réponse est évidente : on peut suspendre ce jugement (foulard = affichage d’une soumission à l’ordre patriarcal) tout simplement à partir du moment où une femme qui le porte nous dit le contraire : qu’elle a choisi de le porter pour de tout autres raisons, qu’elle refuse toute soumission à quelque homme que ce soit, et qu’elle combat l’ordre patriarcal. Dès lors, quelles que soient les autres dimensions du foulard, y compris les usages et significations patriarcales et sexistes qui s’y rattachent, les choses deviennent forcément plus complexes. À moins bien entendu de refuser toute valeur à la parole d’une femme portant le foulard. Ce qui n’est à notre sens ni très féministe, ni très libertaire.

« On peut aussi souligner à propos de l’histoire de la
colonisation que la
république n’a pas chercher à « laïciser » les
colonies. Le statut « personnel »
permettait très bien au musulman de vivre sous
juridiction musulmane – du
moins dans certaines colonies (Les Comores et,
jusqu’à récemment, Mayotte).
Dire que la laïcité est « néocoloniale » est donc une
manipulation
inadmissible. »

Remarque : nous sommes là encore dans le pur mensonge : l’Appel des indigènes – que, décidément, nous ne pouvons que conseiller de lire ! – ne prétend à aucun moment que la laïcité est néo-coloniale. Il dit tout autre chose : que le néo-colonialisme s’est manifesté dernièrement en se drapant de manière « frauduleuse » derrière la bannière de « la laïcité ».

L’article du Monde Libertaire (n°1396 – 28/4/2005)
:

« L’Appel… ou la voix des amis de Ramadan »

Par Georges Lecardinet – Groupe Sacco et Vanzetti de la
Fédération anarchiste

« Depuis quelques semaines, « l’Appel des indigènes »
circule. Il provoque de
nombreux remous dans les associations et partis
politiques. Les « intellectuels de solidarité », inévitables et
inconditionnels soutiens, ont
rapidement apposé leurs signatures. La lecture
attentive laisse apparaître
pourtant un texte d’instrumentalisation avec une
logique politico-religieuse. Nous avons affaire à une attaque contre la laïcité
et non à une juste
condamnation du colonialisme. »

Remarque : Nous sommes là encore dans le pur mensonge. La laïcité n’est nulle part attaquée dans l’Appel des indigènes. C’est vérifiable en lisant cet appel.

« De nombreux militants
refusent non seulement
de travailler pour l’UOIF, mais organisent la
riposte. »

Remarque : le mensonge implicite concernant la présence de l’UOIF dans la mouvance des indigènes de la République dénote non seulement une profonde malhonnêteté intellectuelle, mais aussi une ignorance crasse du champ associatif musulman. Car l’UOIF est non seulement absente de l’initiative des indigènes, mais plus que cela : antagoniste. Cette organisation adopte en effet de longue date une posture d’allégeance à l’État républicain. Elle est notamment partie-prenante du Conseil Français du Culte Musulman, monté par Nicolas Sarkozy… que critique l’Appel des indigènes !

« Tout le monde s’
accorde pour affirmer que
l’égalité des droits n’est toujours pas une réalité
malgré les belles
envolées républicaines, mais certains découvrent un
texte pour le moins pensé
et politique dès le départ. Partout les laïques font
face aux adeptes “une
laïcité ouverte aux religions”. Le comité national du
MRAP du 15 mars 2005,
après un débat houleux sur « l’Appel des indigènes
», arrive à déclencher
comme réaction, l’apparition publique (et pour la
première depuis sa
création) d’une tendance. Les laïques lassés des
prises de positions
religieuses de la direction se
regroupent et lancent un site
:http://avenirdumrap.over-blog.com/ Les Verts
se divisent sur la décision de leur direction de
rencontrer les initiateurs
de « l’Appel ». Des responsables du parti, A.
Lipietz, A. Boumediene, et S.
Coronado le signent dès le départ. A. Filippetti
estime
ouvertement que ce texte vise à « ethniciser les
problèmes sociaux » et que
« c’est un pas supplémentaire vers le
communautarisme » ; nombre de
militants alertés demandent que les Verts organisent
vite un débat « de
fond » sur le sujet, ce à quoi s’engage Y.
Wehrlingen faisant rapidement
savoir à l’AFP que les Verts « ne signent pas ce
texte et ne le signeront
certainement pas ». La LCR, de son côté, inquiète que
le parti se laisse
entraîner par les adeptes de combat type « une école
pour tous », réagit par
sa Direction Nationale. Le n° 2106 de Rouge publie
la position majoritaire
de la DN, critique envers « l’Appel ». L’Union
Départementale CGT, comprenant
l’enjeu de « l’Appel pour les assises de
l’anticolonialisme postcolonial »,
refuse de prêter les salles pour ces fameuses
assises qui devaient se tenir
à la Bourse du Travail de Paris, le samedi 16 avril. »

Remarque : il est amusant de voir un libertaire préférer des arguments d’autorité aux arguments sur le fond. Il est plus amusant encore de voir à quelle autorité il fait allégeance pour la circonstance : la minorité réactionnaire du MRAP (dont le site, auquel renvoie cet article, est d’une affligeante pauvreté, et n’a rien trouvé d’autre à opposer à l’Appel des indigènes que la publication en ligne d’un pamphlet national-républicain tiré de l’hebdomadaire Marianne !), les dirigeants de la gauche plurielle et de la LCR (la Commission Immigration et l’organisation de jeunesse de la LCR ayant, pour leur part, pris parti publiquement en faveur de l’Appel des indigènes) et la Direction régionale de la CGT (alors que des militants CGT sont aussi signataires – et même initiateurs – de cet Appel).

[4] L’auteur s’adresse à l’auteur du texte reproduit dans la note 1

[5] Fédération Anarchiste

[6] Les principaux amalgames ou accusations sont relevées et commentées par le collectif Les mots sont importants dans la note 1

[7] L’auteur fait allusion à la liste de discussion « anticolonialisme-france ». Il tient à préciser que tous les contributeurs de cette liste n’ont pas versé dans la diabolisation des indigènes de la république.

[8] Il s’agit du texte « L’indigène discordant » (en ligne sur le site www.lmsi.net), que Karim Ramadan avait adressé sur la liste de discussion « anticolonialisme-france »

lu sur http://lmsi.net

[Ile de france] Le “sourire du banquier”…

Ce que cache le “sourire du banquier” …     

Chronique de la chasse aux pauvres en banlieue nord-est

bankerCette expression, « le sourire du banquier » est le doux nom d’une pub plastifiée que les habitant-e-s de Bagnolet et Montreuil ont pu recevoir dans leurs boites aux lettres le mois dernier.

Et ce n’est même  pas une blague…

Une pub avec des fleurs qui sourient et qui proposent des partenariats avec la banque pour  devenir propriétaire…

La logique est imparable : « devenez propriétaire de votre logement » et donc « plus de problème » ! Sauf que l’ultime majorité des gens qui vivent dans les quartiers populaires de la banlieue parisienne n’ont évidemment pas les moyens d’investir dans la propriété (plus de 70% sont locataires rien que pour Bagnolet par exemple).

L’opération consiste donc à « offrir » un crédit. C’est le grand jeu du « tous proprios » (c’est  à dire « particuliers ») : en clair tous et toutes endettéEs…  Ce qu’il faut comprendre, c’est que cette opération vise à doublement endormir les locataires non-propriétaires. D’une part en leur faisant miroiter la fausse solution de propriété à crédit, et d’autre part en faisant croire aux plus pauvres que « tout le monde » peut « devenir proprio ». Ce qui est bien évidemment faux…

Le prix de la vie ne fait qu’augmenter. Les petits commerces locaux sont remplacés par des enseignes plus chères (souvent de type « bobo »), et dans les supermarchés, les prix augmentent aussi. A Bagnolet comme dans pas mal d’autres villes en banlieue, les propriétaires –de concert avec la mairie- font monter les prix de l’immobilier en faisant jouer la spéculation. Mais ce qu’on appelle la spéculation n’est qu’un rouage dans un processus beaucoup plus vaste. Processus qui va consister notamment à laisser les logements ou d’autres bâtiments vides pendant des années (moins de logement disponibles = rareté = augmentation des prix). Ainsi, dans le même temps, la mairie utilise les bâtiments et terrains qu’elle possède en posant des projets d’infrastructures qui correspondent à la nouvelle population qui s’installe progressivement sur le quartier telle que médiathèque, jardins particuliers, théâtres, etc. Infrastructures dont ne bénéficient évidemment jamais ou presque les quartiers les plus pauvres et dont le contenu marchand ou culturel est clairement à destination des riches.

Ou alors la mairie rachète de nouvelles friches qu’elle laisse vide. La nouvelle population est donc composée quasi-exclusivement de bourgeois qui sont les seuls à pouvoir racheter les nouveaux logements construits ou ceux rénovés après avoir été laissés délibérément vides pendant des années, et parfois même plusieurs dizaines d’années. C’est ce que la mairie appelle « la rénovation » -ou- «restructuration urbaine ». C’est ce que d’autres –comme nous- appellent la gentrification (même si ce terme ne résume pas l’ensemble du processus d’urbanisation et ses implications).

Mais ce phénomène n’est évidemment pas le fait du hasard, et repose aussi sur cette escroquerie qui consiste à faire miroiter aux pauvres l’accès à la propriété qu’ils n’auront jamais, ou pas les moyens de rembourser, du moins sans s’endetter sur des années.

Aussi, la carotte du crédit et l’illusion de la “maison à soi” ne font que participer à cette forme pernicieuse de domestication de classe. D’une pierre deux coups : il permet de dégager les plus pauvres d’un quartier en vue d’une espèce ségrégation sociale et spatiale (en les reléguant à des ghettos) tout en enchainant à un mode de vie “au dessus de leurs moyens” ceux et celles qui sont restés et ont cédé au chantage de l’ascension sociale.

Mais le slogan du “tous propriétaires” est bel et bien un mensonge.

Car en effet, si chacun-e “possédait” réellement son logement, il n’y aurait plus de propriété foncière, c’est-à-dire de propriétaires dont le « métier » est de gérer ses locataires (ou plutôt de percevoir leurs loyers…). Et à partir de là : à quoi servirai la propriété privée ?

Comme les prix ne sont évidemment pas les mêmes partout, les nouvelles populations plus aisées qui s’installent dans le quartier « restructuré » ne pourraient pas être là si elles étaient aussi pauvres que les autres. Souvent, une fois le quartier gentrifié, ce qu’on appelait autre fois « l’aristocratie ouvrière » (ourièr-e-s “cadres”, salarié-e-s un peu « parvenu-e-s », etc) constituent en général la population la moins aisée de ces quartiers « rénovés » une fois le processus achevé.

Car en plus des professions intellectuelles, culturelles et de commerces « huppés » (riches et branchés), beaucoup des nouveaux locataires ou propriétaires sont de jeunes rentiers, ou des « petits propriétaires » qui perçoivent des loyers de gens plus pauvres qu’eux, et qui vivent en marges du centre ville restructuré.  En définitive, sous le mensonge de la « mixité sociale » (qui n’est jamais que temporaire et toujours oppressive) le projet de « restructuration urbaine » (lorsqu’il réussit à atteindre ses fins) se traduit systématiquement par une chasse aux pauvres et leur éloignement vers la périphérie, et la constitution de nouveaux ghettos pour riches.

Car en effet, si la plupart des pauvres s’en vont généralement sous la contrainte de la cherté de la vie  vers des quartiers moins chers, beaucoup restent sur place en attendant les expulsions locatives (lorsque plus d’argent pour payer le loyer) ou même à la rue parce qu’ils ou elles n’ont nulle part où aller, sont hébergé-e-s de manière précaire par des ami-e-s, dans les centres dégueulasses du 115, ou à la rue.

Là aussi, à nouveau, la mairie entre en jeu. Dans certaines villes, on supprime les bancs en les remplaçant par d’épaisses barres de fer où il est impossible de s’allonger.

Ailleurs, on va utiliser des ultrasons ou un répulsif odorant pour chasser les sans-abris d’une cour, ou d’un lieu. A Montreuil, une milice (l’A.S.V.P) semi-spécialisée dans les expulsions a même été mise en place par la Mairie, et est devenue célèbre pour ses frasques, sa violence et ses expulsions improvisées.

En attendant, c’est sur, les proprios, promoteurs et banquiers gardent le sourire :

Ils comptent les billets.

Mais la maison est à celles et ceux qui l’habitent : détruisons la propriété privée !

Le Cri Du Dodo

lu sur http://lecridudodo.noblogs.org/

Spectacle et récupération de Guy Debord

http://juralib.noblogs.org/files/2013/03/1211.jpg

 

Avec une exposition à la Bibliothèque nationale de France, Guy Debord se réduit désormais à une pièce de musée. Le situationnisme, grimé en simple produit de luxe, devient inoffensif.

 

L’exposition Guy Debord à la Bibliothèque nationale de France (BnF) incarne la récupération de Guy Debord et du situationnisme réduit à une idéologie inoffensive. Certes, cet événement peut contribuer à rendre visible ce mouvement minoritaire et marginal qui semble oublié. Mais ce carnaval à grand spectacle permet surtout de fabriquer un produit de luxe pour bobos en mal de sensations fortes.

Ce journal a publié différents articles pour insister sur la dimension révolutionnaire de la démarche de Guy Debord. Mais c’est alors la critique radicale de la vie quotidienne qui est alors mise en évidence. Les situationnistes demeurent indispensables pour critiquer les bureaucraties, mais aussi pour relier la politique à la vie.

 

Dans ce contexte d’embaumement, le témoignage de Patrick Vieilledent permet de rompre le consensus imposé par le situationnisme d’État. « Je suis un philosophe politique, mais sauvage, hors cadre. Je suis aussi un poète : j’ai distribué des poésies dadaïstes à l’anti-G8 de 2011 au Havre », se présente Patrick. Il est également marginalisé des milieux autonomes et libertaires car il perturbe les débats de propagande qui bercent le ronronnement militant. Il porte donc un regard critique sur ce situationnisme officiel.

Alice Debord et Patrick Marcolini collaborent à l’exposition de la BnF. Leur démarche permet d’illustrer ce situationnisme devenu idéologie célébrée par l’État. Cet article ne vise pas à lancer des attaques individuelles ou à participer à un quelconque règlement de compte. Mais ses deux personnes illustrent le phénomène bien plus vaste de la récupération marchande et institutionnelle.

 

Logo Champagne Louis Roederer

Alice Debord représentante de commerce 

« C’est une rencontre qui est catastrophique », lance Patrick pour évoquer une conférence avec Alice Debord. La veuve du situationniste est alors parrainée par des ministères pour présenter des œuvres de son mari. Cette rencontre se déroule à Cracovie, en Pologne, en 2007 dans un centre culturel bobo. Un colloque de deux jours est organisé avec des universitaires. Dans ce cadre étaient projetés des films de Guy Debord avec des sous-titres en polonais, notamment La société du spectacle et Critique de la séparation. Alice Debord présente alors les films de son défunt mari. Au cours de la présentation du colloque, une hôtesse distribue gratuitement des brochures luxueuses, en papier glacé, sur le situationnisme. Patrick refuse de prendre le prospectus.

« J’ai compris que c’était la présentation d’un produit de luxe, sans la moindre critique du capitalisme et de la société. Tout de suite, on le comprend. Je suis intervenu rapidement, au bout de dix minutes. J’ai compris qu’elle était conformiste et représentante de commerce », décrit Patrick. Son intervention perturbe le bon déroulement de la cérémonie. Il présente son point de vue, très critique à l’égard de cette démarche académique et institutionnelle qui vise à désamorcer la charge subversive des films de Guy Debord.

 

« J’ai dit que le situationnisme est alors une espèce de pièce de musée, sans vitalité ni  dynamisme, sans emprise sur la vie quotidienne. J’ai trouvé ça très artificiel, très France Culture, très académique », poursuit Patrick. En colère, Alice Debord quitte la salle. Pendant 5 à 10 minutes, des insultes fusent de part et d’autre. « Un gars, un organisateur, m’a traité de sale con », précise Patrick. De l’héritage situationniste, la pratique du scandale ne semble pas la plus acceptée. Au contraire, une simple intervention critique suffit pour perturber le bon déroulement de l’événement. Les organisateurs réduisent Guy Debord à la routine et l’ennui : pourvu qu’il ne se passe rien. Pourtant, les situationnistes s’opposaient de manière virulente, et bien plus violente, à ce type de cérémonie officielle.

 « Je connaissais un anarcho-syndicaliste polonais, rencontré à la librairie Empic, qui ne m’a pas soutenu », poursuit Patrick. Pourtant, ce militant libertaire a participé aux luttes lycéennes contre la dictature communiste en Pologne. Il a également écrit plusieurs ouvrages.

Peu de personnes semblent goûter à l’intervention impromptue de Patrick. Le situationnisme devient désormais un spectacle qu’il ne faut surtout pas égratigner. D’ailleurs, la démarche de Guy Debord, qui vise à perturber la routine du quotidien, devient une nouvelle routine inoffensive. « Dans La société du spectacle, il y a un écran noir pendant deux minutes. Cela doit permettre de se défouler, mais en fait il ne s’est rien passé », précise Patrick. La critique du spectacle devient elle-même un spectacle.

 

Patrick Marcolini et le situationnisme académique  

Patrick Marcolini, philosophe universitaire, contribue à présenter et à populariser la pensée situationniste. Certes, ses écrits permettent de synthétiser et de raviver la démarche des situationnistes. Ses travaux permettent également de rendre visible ce mouvement tombé en désuétude. Patrick Marcolini semble également proche du milieu libertaire. La mouvance autour de la librairie Quilombo et de l’Offensive libertaire et sociale, un groupuscule libertaire orthodoxe, le sollicite pour des interventions. Bien vu par l’ensemble du milieu militant, ce chercheur n’en participe pas moins à l’embaumement du situationnisme.

En juin 2012, Patrick Marcolini présente son livre à Paris, dans une petite librairie altermondialiste : le Flâneur des deux rives. « Je ne suis pas intervenu parce que j’étais écœuré, fatigué », précise Patrick Vieilledent. Il assiste pourtant à une présentation surprenante qui semble faire l’apologie de l’intégration dans le système universitaire. « Patrick Marcolini dit qu’il reprenait la démarche situationniste pendant ses études. Mais, au cours de ses recherches, il a adopté une posture universitaire, et il insiste sur cet aspect », souligne Patrick Vieilledent.

De fait l’approche de l’auteur devient très conformiste et largement déconnectée de la démarche initiale des situationnistes. Finalement Patrick Marcolini a présenté son livre comme un historien classique, ni plus ni moins. « La discussion était très intellectualiste, très France Culture. Seule la partie historique du mouvement situationniste était évoquée, sans le moindre lien avec les luttes actuelles et la réactualisation de la démarche situationniste », décrit Patrick Vieilledent.

 

La discussion a perduré 45 minutes après le départ de l’auteur au sujet du positionnement de Guy Debord. Le fondateur du mouvement situationniste semble avoir permis sa récupération. Une personne estime que Guy Debord se protège par l’ironie et ne semble pas dupe de cette récupération. Une autre personne considère que Guy Debord s’est enfermé dans son propre piège, pour finalement se donner en spectacle.

La présentation de Patrick Marcolini semble peu convaincante et s’assimile facilement à la grand-messe organisée à la BnF et à la muséification du situationnisme. Ce chercheur incarne d’ailleurs la séparation entre la politique et la vie. Il se veut libertaire mais inscrit pourtant sa réflexion dans le cadre du carcan universitaire et académique. « De nouveau, nous avons une dépolitisation extrême du contexte. La démarche de Guy Debord est déconnectée de la vie quotidienne. Guy Debord n’est plus rattaché à un contexte historique mais appartient à un musée », analyse Patrick Vieilledent.

 

La récupération du situationnisme

« Ses deux expériences là m’ont dégoûté et ont renforcé un sentiment d’extrême misérabilisme. Il y a une coupure entre les idées et la vie intime, la vie personnelle et la vie en général. Il y a un enfermement académique et théorique », déplore Patrick Vieilledent. Ainsi, loin de faire découvrir les idées et les pratiques situationnistes, la célébration de Guy Debord peut déboucher vers une forme de lassitude et de résignation. Même la critique la plus radicale de l’ordre social peut être récupérée par le capitalisme. « Pour Alice Debord, c’est même un produit d’exportation, un produit de luxe à la française. C’est un peu décourageant tout ça et ne donne pas envie d’approfondir, d’être avec les autres, de débattre, de lutter », souligne Patrick.

Mais il tente également de comprendre ce phénomène. Dans la société marchande, toute forme de mouvement devient un simple produit interchangeable. « Le capitalisme récupère tous les  phénomènes de mode importants. Le libéralisme peut relativiser, très artificiellement, la vie. Ce peut être une espèce de postmodernisme », estime Patrick. Ensuite, la pensée situationniste peut ne plus correspondre à la période actuelle. Leur critique de la société des Trente glorieuses, durant les années 1960, semble presque acceptée.

« Les situationnistes désirent se libérer de l’emprise de la hiérarchie et du conformisme industriel. A cette époque, la vie était axée sur le travail et la réussite. Aujourd’hui, le travail est remis en question par son inutilité et par le chômage. A l’époque tout le monde était inséré et avait une foi dans le productivisme ». La critique situationniste ne doit pas être célébrée et muséifié. Au contraire, il semble indispensable de reprendre la démarche de ce mouvement pour l’appliquer à la société actuelle.

 

Il semble important de revenir sur le traitement médiatique de l’exposition Guy Debord à la BnF, qui révèle le ton médiocre de la modernité marchande. De nombreux articles ont raillé l’exposition Guy Debord à la BnF. Ils s’attachent à souligner la ruse de l’histoire sur un ton moqueur et ridicule. Pire, dans la veine d’unMichel Clouscard, des journalistes estiment que l’esprit des situationnistes a préparé la barbarie libérale actuelle. Ce genre de délire reprend la thèse de la CGT et des bolcheviques en Mai 68. Ce gentil chahut étudiant ne serait qu’une rébellion d’enfants gâtés. La critique de la répression des désirs préparerait l’avènement de la société de consommation. Mais ses élucubrations rejettent surtout l’esprit libertaire de Mai 68, autant le désir de révolution sexuelle que l’insubordination des ouvriers qui rejettent les bureaucraties syndicales. Les Clouscard, Michéa et autres de Benoist véhiculent, de manière plus ou moins subtile, l’idéologie petite bourgeoise du retour à l’ordre.

Contre ses débris staliniens et nationalistes, il faut faire revivre la démarche des situationnistes. Il faut attaquer l’aliénation marchande qui colonise tous les aspects de la vie. Il faut lutter contre la répression, mais aussi contre le contrôle et l’orientation des désirs par le conformisme marchand. Il faut détruire l’État et le capitalisme pour enfin vivre pleinement.

 

Source :

Patrick Vieilledent dit Finfin : finfin@gmail.com

N’hésitez pas à réagir et à lui écrire, il sera ravi de répondre

 

Articles liés :

Les situationnistes dans la lutte des classes

Critiquer l’art pour passionner la vie

Michèle Bernstein et la vie des situationnistes

Le marxisme critique de Karl Korsch

 

Pour aller plus loin :

Entretien avec Patrick Marcolini le 12/07/2012 à Canal Sud autour de son livre sur l’histoire du mouvement situationniste, publié sur le site Sons en lutte

Vidéo de la conférence de Patrick Marcolini sur La société du spectacle, organisée le 13 avril 2013 à la Bibliothèque nationale de France

Entretien avec Patrick Marcolini dans l’émission Libertés sur paroles du 11 juin 2012, publié sur le blog de Kraken-art

Rubrique « Récupération spectaculaire marchande », sur le site Couto entre les dents

« Guy Debord est vivant et nous sommes morts », tract publié par Critique sociale le 29 mars 2009

« La révolution n’a pas eu lieu ! Pour une critique du concept de « libéralisme libertaire » chez Michel Clouscard », publié par Vosstanie le 3 octobre 2011

Patrick Vieilledent, « Les Processions antifascistes« , publié sur le site de la revueTemps Critiques en février 2003

vu sur http://zones-subversives.over-blog.com/

A propos du meurtre d’un jeune antifasciste parisien

Considérations sur l’assassinat de Clément Méric

“La lutte contre le fascisme ne peut être menée de façon efficace qu’en frappant les institutions politiques et économiques, dont il émane et dont il tire sa source. Les révolutionnaires, du reste, qui visent à la chute du capitalisme et de l’Etat, s’ils se laissaient attirer par le fascisme, comme un éclair par le paratonnerre, s’ils consacraient leurs forces et s’ils s’épuisaient à le combattre seul, rendraient un service aux institutions; institutions qu’ils souhaiteraient pourtant démolir”.

Luigi Fabbri, anarchiste italien,

in “La contre-révolution préventive”, 1922

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1370811384.jpgL’assassinat de Clément Meric, jeune antifasciste parisien, par ailleurs décrit comme anarchiste et vegan, n’est pas -comme on a pu le lire un peu partout- uniquement le fait de la “violence” des “groupes d’extrême-droite” ou le résultat d’une “rixe”, et moins encore un “fait divers”. C’est un meurtre avec une motivation politique, fruit d’un climat et d’une dynamique amorcée il y a déjà un moment. Climat qui est conforté par l’actuel gouvernement (et les précédents) qui premièrement laisse la part belle à des mouvements réactionnaires, hétéro-patriarcaux et fascisants du type “printemps français” ou de la “manif pour tous”, mais d’autre part cultive depuis des années une répression féroce contre toute initiative révolutionnaire, et un violence oppressive simplement “trop commune” contre les pauvres en général ou encore contre les immigré-e-s.

Mais qu’on ne s’y trompe pas : les mouvements du type “Manif pour tous”, “Printemps français”, et autres agitations réacs, catholiques intégristes et néo-fascistes ne sont pas le terreau sur lequel prospère la violence politique de type fasciste, mais bien un autre symptôme de ses symptômes. Symptôme de la nouvelle contre-insurrection préventive (puisque c’est bien en ces termes là que parlent les Etats et leurs institutions) amorcée en France au moins depuis les émeutes de 2005 et le mouvement du printemps 2006 (dit “Anti-CPE”), et un peu partout dans le monde ces dernières années, contre les efforts révolutionnaires et contre toute révolte contre les conditions de vie qui nous sont faites.

La mort tragique de ce camarade non seulement en appel malheureusement d’autres (puisqu’il n’y aucune raison – sinon temporaire – pour que les fascistes continuent d’agir comme ils l’ont toujours fait, et pire encore), mais doit emporter avec elles quelques illusions sur l’antifascisme : il ne peut pas, et ne pourra jamais se concevoir comme une lutte spécifique et séparée, ou menée par des spécialistes. Il doit s’inscrire dans la lutte contre toutes les formes de domination, contre le capitaliste, et contre l’Etat. Luttes et révoltes diverses auxquel-le-s certain-e-s antifascistes, comme Clément, ont pris part jusqu’à maintenant.

Sans quoi on se condamne à laisser intactes les racines de ce qu’on prétend combattre.

En effet, ce qu’on appelle le fascisme, ou toute autre forme de “contre-révolution préventive” (pour reprendre le nom de l’ouvrage de Luigi Fabri), ne s’incarne pas seulement, ni essentiellement dans les groupuscules nationalistes, nazis ou fascistes qui n’en sont que la queue de pan, ou le sommet de l’Iceberg (au choix).

Il s’incarne bien plutôt dans la violence du système étatico-capitaliste au quotidien, et la nécessité pour ce dernier de renforcer en permanence ses fondations, tout en produisant et laissant croître toutes formes de “violences illégales” et autres “initiatives citoyennes” qui le protègent et assurent sa pérennité, en particulier dans les moments de troubles.

Il s’agit, en dernier lieu et à tout prix, de préserver un certain type de rapport social.

Qu’on ne s’illusionne donc pas à ce sujet : la dissolution des Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires (si elle a bien lieu…) ou d’autres groupes nationalistes et fascistes non seulement ne changera rien au problème, mais n’est certainement pas une “victoire”. Car au delà de l’absurdité qui consiste à se reposer sur les décisions du ministère de l’intérieur, le terreau sur lequel prospère la violence autoritaire, oppressive et réactionnaire de ces groupes trouve ses fondements dans la réalité quotidienne de l’exploitation, de la domination, et de la violence du capitalisme et de l’Etat.

Autant les rafles de sans-papiers que les “veillées citoyennes” dans les halls d’immeuble, et l’intégration parfaite du Front National dans le jeu de la politique. Autant les cordons de CRS que les organisations “révolutionnaires” qui appellent au clame pendant les émeutes, autant les agressions et le bashing hétéro-sexistes revendiqués (ou pas) que l’assimilationnisme social-démocrate et ses mensonges, autant les “travailleurs sociaux” qui poucavent que les lois racistes, autant la psychiatrisation des soit-disant “déviants” qu’une population toute entière sous antidépresseurs, autant les milices privées utilisées dans les expulsions locatives que les vigiles d’entreprise, autant les briseurs de grève bénévoles que la police et les syndicats jaunes, autant le mépris de la vie animale que la cruauté envers les humains, autant les groupes catholiques intégristes que les journalistes aux ordres, etc.

Concernant, justement, le traitement médiatique et politique de cette “affaire” : elle s’est faite en plusieurs phases. D’abord, la première récupération social-démocrate du Parti de Gauche et du Front de Gauche qui se sont empressés de venir faire les charognards sur le cadavre encore chaud du camarade (et ce n’est malheureusement pas une image puisque le communiqué du P.d.G a été pondu dans l’heure suivant son décès) qui sera ensuite décrit par les médias comme “proche du front de gauche” (direct matin du 7 Juin), alors que rien n’est moins faux. Un parti qui ose venir nous parler de “république” et de “non-violence”, et se demandent pourquoi ils se font huer et insulter. Ensuite, la seconde récupération sociale-démocrate, celle du Parti Socialiste au gouvernement qui en même temps que ses ouailles se pavanent au rassemblement à Paris (même si ils s’en sont heureusement faits chassés), envoie sa police faire une rafle massive de sans-papiers dans le quartier de Barbès (voir communiqué ci-dessous).

Le traitement médiatique enfin, qui offre une tribune inespérée au dirigeant des J.N.R, le désormais tristement célèbre Serge Ayoub, qui en profite lui aussi pour “condamner la violence de l’extrême gauche” en jouant les victimes sur toutes les chaines qui lui tendent un micro et une caméra. On retiendra quand même (pour la rigolade) sa tirade sur “la grève générale et la non-violence” quand les journaleux lui demandent quelles sont ses armes.

Certains médias, type TF1BFM Tv, l’Express, le Figaro ou le Parisien (pour ne citer que les plus fameux), n’hésitent pas quant à eux à mettre sur le même plan les fascistes et leurs adversaires, renvoyant dos à dos les deux parties : qu’ils ne s’étonnent pas ensuite de faire des cibles remarquables.

Car, en effet, médias, gouvernement, sociaux-démocrates de toute engeance, et Serge Ayoub (et donc les J.N.R), tous sans exception -avec plus ou moins de nuances- se retrouvent dans la condamnation morale de la violence révolutionnaire (ou même défensive d’ailleurs) lors même qu’il ne s’agit pas de ça à priori. Même et surtout quand les fascistes tuent, on s’empresse de rappeler dans une urgence paniquée qu’il faut s’en remettre “à la République et à la Démocratie” et ne surtout pas céder aux passions révolutionnaires…

Nous savons donc désormais mieux que jamais ce qu’il nous faudra, entre autres, assumer.

Action directe contre l’Etat et le capitalisme, contre la récupération et les discours moralisateurs. Contre la république, la social-démocratie et le fascisme.

Le Cri Du Dodo

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[Quelques communiqués et tracts avec lesquels nous sommes à peu près d’accord]

Les assassins de Clément Méric

Source : Panthères Enragées

Le gang fasciste qui a assassiné Clément Méric,  un camarade antifasciste, vegan et anarchiste, est composé d’Esteban Morillo et de sa copine Katia Veloso. Ces ordures avaient voulu créer un groupe de “Section défense animale” et étaient présents lors d’une marche anti-fourrure.

Nous avions dénoncé cette présence fasciste. Les organisateurs,  soutenus par la fondation brigitte bardot, n’avaient pas trouvé opportun d’exclure ces individus de cette marche. Pour nous, ces organisations ont du sang sur les mains et ils ont permis à ces assassins de venir faire du repérage des militants veganEs antifascistes. Une proche de ces assassins étaient venus provoquer les veganEs antifascistes à la marche d’Emagny contre la fourrure et les prendre en photo Info ici.

Nous publions les informations sur ces personnes que nous avons trouvé sur le net ;

Katia Veloso :

Membre de troisième voie et à l’initiative de la section défense animale.

Les membres de troisième voie à la marche contre la fourrure :

Le tueur Esteban sur la droite à coté de la militante Nath Animaliste (pseudo facebook) :

Katia Veloso à la même marche :

Serge Ayoub dénonçant les veganEs antifascites :

veganantifa

Nous, veganEs antifascistes demandons à chaque personne de la protection animale ou de la libération animale de prendre ses responsabilités face à ces individus. Ils doivent être chassés de tout nos rassemblements.

Nous avons dénoncé dans les rassemblements la présence de ces fascistes, nous savions que des personnalités de la protection animale connaissaient les opinions politiques de ces individus et qu’ils ont fermé les yeux.

NI OUBLI, NI PARDON !

Nous, veganEs Antifascistes, sommes opposéEs à ces individus et la libération animale comme lutte révolutionnaire antispéciste d’émancipation n’a rien à voir avec le fascisme !

——

L’état et la démocratie ne seront jamais des remparts face au fascisme

vendredi 7 juin 2013

Source : Indymedia Paris

Jeudi soir, Clément Méric, militant syndicaliste et antifasciste a été assassiné par des néo-nazis à Paris. Nombreux sont celles et ceux qui, se reconnaissant dans son engagement, ont été saisi d’effroi par cette tragédie d’une vie brisée en quelques secondes. L’expression de la colère et de la douleur suscitée par sa mort ont du mal à se frayer un chemin au milieu du vacarme médiatique et des commentaires autorisés de toutes les crapules politiciennes. Les charognards sont de sortie qui se ruent sur le cadavre pour promouvoir la défense de leur sainte trinité : l’Etat, la République, la Démocratie.

Pour autant, la gauche de pouvoir est dans son rôle quand elle s’appuie sur une vision purement morale de l’antifascisme. Pour donner en exemple les temps bénis du présent, rien de mieux que d’agiter la menace du retour à un passé obscur et barbare. En désignant le fascisme comme ennemi principal, on aboutit logiquement à une conséquence : regrouper contre lui toutes les bonnes volontés à partir du plus petit dénominateur commun, sa contradiction fantasmée, la démocratie. On peut donc, comme Jean-Luc Mélenchon, faire de l’antifascisme tout en soutenant un programme social-patriote. On peut aussi, par exemple, vouloir comme Manuel Valls « éradiquer la violence d’extrême droite » le matin et faire rafler 150 sans-papiers à Barbès l’après-midi…

Alors bien sûr la mort de Clément Méric s’inscrit dans un contexte marqué par la résurgence de l’agitation des groupuscules nationalistes, par la campagne homophobe conduite ces derniers mois par les catholiques intégristes, par la stabilisation électorale du FN à un niveau élevé. Faits d’actualité face auxquels le « mouvement social » (feu la lutte des classes) s’est montré impuissant. Pour autant, le fascisme demeure en France une idéologie ultra minoritaire sans véritable impact. Il lui manque pour devenir une véritable force politique deux choses essentielles : une capacité à mobiliser autour de son projet par la violence et l’encadrement social et une fragilisation du consensus telle qu’il apparaisse à l’état et au capital comme le dernier recours pour leur sauvegarde. Le fascisme n’a jamais vaincu la démocratie dans une lutte à mort, il a toujours prospéré sur son épuisement.

La réaction unanime de la classe politique pour condamner le meurtre illustre d’ailleurs la marginalité de leurs auteurs. Arrêtés très vite, il y a fort à parier qu’ils seront condamnés de manière « exemplaire » et que quelques organisations de l’ultra droite seront dissoutes dans la foulée. Du point de vue de la riposte, nous n’avons rien à attendre de la justice et du ministère de l’intérieur. La demande pathologique formulée par les partis et syndicats d’une réponse ferme du pouvoir témoigne de leur faillite sur le terrain social à l’heure où partout en Europe l’état et le capitalisme approfondissent la guerre aux prolétaires.

Il y a en France des fascistes qui tuent au nom de leur idéologie fanatique. Face à eux, nous devons rendre coup pour coup et les empêcher de parader dans les rues afin de ne plus avoir à pleurer la mort d’un camarade de 19 ans. Mais n’oublions pas que ce que redoutent les immigrés, d’avantage que quelques crânes rasés, c’est la police républicaine. Que les roms ces derniers temps ont plus à craindre de leurs voisins citoyens à peine moins pauvres qu’eux et gagnés à l’idéologie sécuritaire et raciste que des partisans d’Adolf Hitler. Que même sans néo-nazis cette société révèle quotidiennement son visage de domination et d’exploitation.

L’état et la démocratie ne seront jamais des remparts face au fascisme

Pas de quartiers pour les nazis, pas de quartiers pour l’état, pas de quartiers pour le capitalisme

Contre la barbarie de ce monde-ci, et pour que le meurtre de Clément Méric ne trouve pas son ultime dénouement dans un tribunal, ranimons dans les luttes et dans la rue la lueur vacillante d’un futur révolutionnaire.

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Contre tous les fachos

vendredi 7 juin 2013

Source : Indymedia Paris

Contre les nazillons de service, les identitaires, les France aux français, les Soral, Ayoub, Gabriac, Dieudonné, et tous les adeptes du bras levé. Contre les racistes patentés, contre ceux qui ont la haine des reubeus, des renois, et contre l’antisémitisme bien installé, contre l’« islamophobie » galopante. Contre les patriotes et les apologistes de la Nation, contre toutes celles et ceux qui sont à la recherche de bonnes vieilles valeurs en ce temps de crise, du genre : le travail et la méritocratie, la famille et le mariage, la patrie et la France des terroirs. Contre le poujadiste « produire français » (qu’est-ce qu’on en a à foutre ?!). Contre la franchouillardise crasseuse et les populistes de gauche comme de droite. Contre tout ceux qui flattent ces bas instincts pour leur petit pouvoir…

Contre les chantres de l’ordre moral, qui voudraient nous dire avec qui, quand et comment on baise. Contre ceux qui nous disent qu’il faut pas être pédé car « c’est sale », car « la nature c’est papa dans maman », car « les homos au bûcher ». Contre tous ceux qui nous sermonnent, à coups de religion, de prières, de « y a écrit dans le bouquin », de « bidule l’a dit il y a X siècles », de « c’est péché, c’est mal »… et qui nous disent plus généralement d’accepter notre pauvre sort sans broncher.

Contre les fâcheux qui s’ignorent car ils sont de « gauche » : tout comme leurs voisins de « droite », ils n’aiment pas les rroms, ni trop les pauvres d’ailleurs, ni trop les gens ivres le soir dans la rue d’ailleurs, ni trop les racailles d’ailleurs, ni trop les prolos d’ailleurs… par contre ils aiment, sans trop l’avouer quand même, l’ordre et la sécurité, et bénissent ceux qui installent de la vidéosurveillance de partout, des flics à chaque coin de rue et de la sécurité aseptisante dans les moindres recoins. Contre tous les petits fachos à cheveux longs, contre tous les petits fachos bobos bien intégrés bien nourris bien démocrates bien branchés.

Contre la police. Contre la police sarkoziste. Contre la police socialiste. Contre les flics, les vigiles, les militaires.

Contre le réflexe fasciste et réac, malheureusement si facile à activer en temps de « crise », car on sait que ça toujours été l’instrument favori de ceux qui sont au pouvoir pour nous diviser (et pour mieux régner), nous autres les exploités, les galériens, les pauvres.

(A)

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Violences d’extrême droite, violences d’état [relayé pour info]

vendredi 7 juin 2013

Source : Indymedia Paris

Mercredi 5 juin 2013, un jeune camarade de notre union syndicale a été battu à mort par un fasciste. Le lendemain, à l’heure même où nous étions réuni-e-s en silence à l’endroit où Clément avait été tué, nous recevions des sms nous informant que le ministre de l’intérieur organisait une rafle massive de sans-papiers à quelques stations de métro de là, à Barbès.

Ceci n’est pas possible, nous vivons cela comme une insulte à la mémoire de Clément, de ses engagements. Le fascisme c’est un ensemble. Un gouvernement PS ne peut appeler à participer à un rassemblement contre la violence fasciste et dans le même temps organiser une rafle. Une époque ne se définit pas comme fasciste uniquement lorsque quelques individus extrémistes se sentant tout puissants tuent en plein cœur de la ville.

Quand un gouvernement rafle des personnes par centaines dans un quartier bouclé, cela participe d’un ensemble. La chasse aux rroms qui ont des papiers européens et aux africain-e-s qui n’en ont pas participe du même contexte politique que les manifs et discours homophobes et que les violences de rue des skinheads et groupes nationalistes fascistes. Le fascisme c’est un ensemble.

Face à la montée du fascisme, chacun-e se retrouve placé-e face à sa responsabilité. Appeler à des manifs ne suffira pas à dédouaner ceux qui ont fait le choix de la discrimination vis-à-vis des étrangers. Clément Méric (nous citons son prénom et son nom, car c’est ainsi qu’on parle d’un militant adulte et responsable) ne restreignait certainement pas son combat antifasciste aux seuls extrémistes au crâne rasé. Ce soir nous sommes en colère, nous sommes écœuré-e-s, et nous pensons devoir à sa mémoire de ne rien concéder ni sur les violences d’extrême droite, ni sur les violences d’état : les rafles organisées doivent cesser ! Liberté de circulation pour tou-te-s ! Le fascisme est une gangrène, soit on l’élimine soit on en crève !

Isabelle et Olivier, instits et syndicalistes

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Communiqué suite à la manifestation en hommage à Clément à Poitiers

Source : L’Epine Noire.

Le jeudi 6 juin à 18 h 30 a eu lieu à Poitiers comme dans de nombreuses autres villes une manifestation organisée à l’appel du groupe unitaire contre l’extrême droite de la Vienne à la suite de la mort de Clément Méric à Paris. Nous avons été agréablement surpris de l’ampleur de la manifestation organisée dans la journée même (entre 250 et 300 personnes), mais nous avons cependant quelques critiques à émettre et besoin de rappeler certains faits.

Nous nous étonnons que des cadres du Parti socialiste de la mairie de Poitiers soient venus sans honte se montrer en mémoire de quelqu’un qui les combattait politiquement. En effet, rappelons que Clément était certes un militant antifasciste mais qu’on ne saurait le réduire à cela. Il était révolutionnaire, et impliqué dans les luttes contre le capital et fatalement contre le gouvernement socialo-écologiste actuel. Antifasciste convaincu, il militait aussi contre toutes les formes d’exploitation et de domination : le sexisme, le racisme et l’homophobie…

Revenons à la manifestation poitevine, non déclarée comme le veut la tradition ici, et regroupant des individus (libertaires ou proches), encartés de gauche et d’extrême gauche et autres membres d’associations. Voilà bien longtemps que tout ce beau monde n’avait pas été réuni. En effet, le bras de fer entre la mairie socialiste et les associations, les anarchistes et surtout dernièrement le DAL 86 dure depuis plusieurs années, et la gouvernance de M. Claeys nous montre le véritable visage de la social-démocratie depuis.

Nous avons donc pu voir nos braves cadres locaux se retirer du cortège au niveau de la mairie alors que ce dernier évoluait vers la préfecture. Très bien, nous dirons-nous, mais cette manœuvre semble aussi avoir été tactique. Car, plus d’une heure après la fin de la manifestation, deux personnes ont été arrêtées et emmenées au poste pour « manifestation illégale » et « outrage aux forces de l’ordre » (des « Flics porcs assassins » s’étant glissés dans les slogans scandés). Ces deux personnes seront relâchées le lendemain et passeront en Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Devant le procureur, donc. Mais le fait intéressant à noter ici est cette phrase lâchée par un conseiller municipal et conseiller de Grand Poitiers bien connu comme bureaucrate de la lutte (notamment au sein des MJS lors du mouvement anti-CPE) : « Ce n’est pas une manifestation, mais un rassemblement silencieux contre les violences de l’extrême droite ». Voilà, tout est dit. Vous vous êtes fait attraper ? Vous ne pouvez que vous en prendre à vous-mêmes. Il ne fallait pas faire de manif (ou du moins pas jusqu’au bout)… puisqu’il existe une pression de la préfecture vis-à-vis des manifestations non déclarées depuis environ un an, et relayée par son chien de garde édenté : la mairie.

Ici donc, les socialistes poitevins suivent la ligne dictée par l’Elysée et le taulier de la place Beauvau : s’émouvoir de manière hypocrite sur la violence et la dangerosité idéologiques des groupes fascistes bien connus. Alors que ce sont ces mêmes socialistes qui, de par leur politique, ne contribuent point à faire reculer les pratiques et idées de l’extrême droite ; bien au contraire, celle-ci s’en est servie à plusieurs reprises afin de gagner des élections, de promouvoir des politiques sécuritaires de la République (n’oublions pas que les centres de rétention, ces prisons démocratiques pour étrangers, datent de l’ère mitterrandienne). Par ailleurs, le jour même où Clément a été agressé, la police de Manuel Valls procédait à une grande rafle de sans-papiers dans le quartier populaire de Barbès à Paris. République, sacro-sainte République! Tel un chant incantatoire, ce terme sonnait creux pour Clément et ses camarades ! Alors, fichez-nous la paix avec cet appel à un front républicain chimérique.

La République n’est qu’un champ de bataille symbolique pour les aspirants au pouvoir, ça fait bien longtemps que son caractère attractif et magique n’opère plus ! Bref, nous nous opposons fermement à cette tentative de récupération étatique de la mort de Clément.

De plus, nous pensons que la dissolution de groupes fascistes ne changera pas la donne. Hormis leur caractère symbolique orchestré par le pouvoir et une partie de la gauche, l’Histoire nous a montré à plusieurs reprises que la dissolution de ces groupes est un leurre (des Ligues des années 1930 à Unité radicale des années 2000, en passant par Ordre nouveau des années 1970) : ils se sont toujours reformés, ils ont juste eu besoin de changer de nom. Mais nous n’appelons pas non plus à une « justice pour Clément ». Cette justice qui nous condamne aussi bien et que nous combattons tous les jours.

Soulignons que depuis plusieurs années les fascistes et autres nazillons ressortent dans la rue et souhaitent la reprendre, galvanisés par les scores de leurs homologues dans de nombreux pays en Europe (Grèce, Hongrie…) sur fond de crise économique. Nous ne découvrons rien, dans plusieurs villes les fascistes sont très actifs, et s’adonnent à des actions violentes et/ou symboliques : Lyon, Toulouse, Tours, Besançon, etc. Mais les dernières manifs contre le mariage homosexuel leur ont permis de se rencontrer, de recruter, bref d’avoir un nouveau souffle, avec la complicité des médias ayant offert leurs micros sur des plateaux d’argent à des mouvements réactionnaires de toutes sortes disséminant leurs discours haineux.

Par exemple, nous avons remarqué qu’ils sont de plus en plus présents sur Poitiers, du moins par leurs affiches et autocollants. Qu’ils soient à Méridien Zéro, au Mouvement Action Sociale, au Parti de France, à l’Œuvre Française ou au plus traditionnel Front National, les militants fascistes tentent de s’implanter localement et durablement. Ils se sentent même pousser des ailes. Pour preuve, début mai ont été découvertes des affiches, collées dans les rues de Poitiers, comprenant les photos de deux militants du NPA avec comme surtitre « Wanted » et cette légende : « Tags dégueulasses, gribouillis partout, panneaux sales, portes tatouées ? Assez ! La police s’en occupe pas on va s’en occuper ! ».

En mémoire de notre camarade Clément, nous souhaiterions que les bureaucrates politiques, membres du gouvernement et autres charognards de la presse fassent profil bas sur le sujet. Pour vous, fascistes, belek : une attaque contre un est une attaque contre tous.

 Dieu pardonne, pas le prolétariat !

 L’Épine noire

tiré du http://lecridudodo.noblogs.org/

Critique d’E&R et Farida Belghoul par Houria Bouteldja

belghoul

« Notre génération donc, de même que la génération précédente, a voulu donner à ses enfants tout ce qu’elle n’avait pas pu avoir. Ce faisant, nous avons parfois oublié que – je cite de nouveau Andy – « la bataille que nos aînés ont menée avec les ‘limites’ leur a insufflé la force de nous élever comme des hommes et des femmes ». Cette force est notre véritable héritage. Elle ne doit pas être trahie pour le plat de lentilles yankee-occidental. » James Baldwin[1]

Des sentiers de l’autonomie aux chemins de la perdition : une responsabilité collective

De foi d’immigrés, nous n’aurions jamais imaginé que Farida Belghoul, figure majeure du « mouvement beur » des années 1980 et de Convergence 84, allait se constituer en butin de guerre et se livrer au peu ragoûtant Alain Soral, transfuge du Front National. Quelques petites attentions auront suffi à un Soral au mieux de sa forme, semble t-il, pour approcher et ferrer  la belle endormie, et la ramener dans le giron national du Peuple de France. Le retour sur scène de l’égérie de Convergence 84 ne pouvait se faire que de manière fracassante mais aucun d’entre nous n’aurait songé un jour, assister au pitoyable naufrage d’une leadeuse du Mouvement beur, échouée sur les rives peu recommandables d’Egalité & Réconciliation (E&R).[2]Ironie du sort, cette rencontre a lieu quelques jours avant une série d’agressions islamophobes par des militants d’extrême droite proches de Serge Ayoub[3], célèbre pour ses chasses à l’Arabe dans les années 1980 et accessoirement, ami d’A. Soral avec qui il monte la « Société des Égaux » ainsi que « Le Local »  en 2007. L’expérience est grisante semble-t-il et va même provoquer la tenue d’une conférence publique qui aura lieu quelques semaines plus tard avec F.Belghoul, A. Soral et M. Cardet.[4]

Nous nous inclinons humblement et saluons la prise du chantre de la réconciliation nationale-chauvine.

Les faits : le 19 mai 2013, F. Belghoul accorde un entretien au site internet E&R. À la veille de la commémoration des trente ans de la « Marche pour l’égalité et contre le racisme », dite « Marche des Beurs », la question du bilan de cette Marche est au cœur de son intervention.

Cet entretien est présenté comme un rempart contre la censure par F. Belghoul qui présente E&R comme le seul groupe à lui donner la parole depuis 28 ans. Elle a la mémoire ingrate.[5] Figure centrale de la période ayant marqué l’émergence des descendants d’immigrés sur la scène politique, il nous a semblé primordial de nous attarder sur l’analyse de la principale actrice de Convergence 84.

F. Belghoul est une personne qui a compté. Elle a marqué la mémoire de nombre de militants des années 80 par son charisme, et sa volonté radicale de servir les intérêts de l’immigration. Il y a un peu d’elle en nous. C’est ce peu qui nous pousse aujourd’hui à réagir. Notre histoire et nos luttes sont notre bien commun. À ce titre, elles ne peuvent servir de caution à quelque officine d’extrême droite que ce soit et ce quelle que soit notre profonde aversion pour le parti socialiste que nous partageons avec elle dans les grandes largeurs. Légitimer A. Soral et son site E&R aux yeux de l’immigration et de ses héritiers constitue à la fois une faute morale et politique. F. Belghoul est inexcusable.

Cependant, une interrogation s’impose : Comment une enfant de la guerre d’Algérie et militante de l’immigration peut-elle converger trente ans plus tard dans le camp des héritiers de l’OAS ? Elle n’est pas la première. On retrouve également ces effets chez d’autres soutiens indigènes à E&R, comme par exemple Kemi Seba ou encore Dieudonné. Au PIR, il nous semble assez clair que ces dérives sont à la fois une conséquence des effets du champ politique blanc et de l’incapacité des mouvements de l’immigration à formuler un projet politique au service des quartiers et des immigrations (nous y reviendrons dans nos prochaines publications). Devant ces errements, il est urgent de revenir sur trente ans de lutte de l’immigration et d’en tirer les leçons politiques. L’interprétation que F. Belghoul livre à E&R est à la fois une invitation au décryptage et une opportunité pour tenter une analyse du bilan de trois décennies de luttes. Alors que l’anniversaire de la Marche s’annonce comme une superposition de célébrations pieuses, il est important de poser la question de ses survivances auprès des héritiers de l’immigration et leur interprétation qui souvent se réduisent au traumatisme de la récupération par le PS, SOS Racisme et l’UEJF et qui, de fait, freinent l’élaboration d’une analyse politique au service des luttes actuelles.

Dépolitisation de la Marche et négation de la question raciale

Dès le début de la vidéo, F. Belghoul entend dire la « vérité » sur la Marche avec cette irrésistible tendance à se placer au centre de son récit et d’occuper la totalité de la scène au prix d’une mystification éhontée de l’histoire des luttes de l’immigration et ce, dans un déchaînement où la divagation le dispute au pathétique (Farida à Lyon,  Farida à Paris, Farida à Dijon, Farida au Caire…). Dans une logique à laquelle est habitué E&R, elle entend arracher le voile d’ignorance qui masque la vision qu’auraient les naïfs qui analysent cette marche comme un combat anti-raciste. Son analyse prône une pseudo-vérité qui arrache la Marche à son historicité et à ses conditions d’existence. F. Belghoul nous apprend ainsi que la Marche serait le fruit d’une machination socialiste. La « légende de la Marche » explique la genèse du mouvement par le contexte des crimes racistes et des rodéos des Minguettes.  Faux ! rétorque Belghoul. Le véritable contexte, c’est le tournant de la rigueur impulsé par Mitterrand qui trahi ses promesses, impose l’Europe à la France et sacrifie les acquis du « peuple de France ». La marche des beurs n’aurait pas eu pour motifs les discriminations « prétendues ou réelles » et la violence policière mais aurait joué le même rôle que le mariage gay aujourd’hui, à savoir « endormir le peuple de France » sur les réalités économiques et sociales pour « l’entraîner sur les questions œcuméniques, sur les questions sociétales posées par l’identité de la deuxième génération ». Bigre !

La Marche de 83 devient quasiment un appareil d’État, dont le pouvoir socialiste avait besoin, au lieu d’être analysée comme la naissance d’un nouveau champ politique immigré, autonome des combats classiques de la gauche blanche. Tous les observateurs et acteurs attentifs de l’époque s’accordent à dire que si, indéniablement, il y a eu instrumentalisation et manipulation par le PS, celles-ci sontpostérieures à la Marche. De nombreux écrits ont été publiés à ce sujet dont ceux de Said Bouamama[6]. Une lecture attentive des faits montre en effet que la main de SOS Racisme n’apparaît qu’à l’arrivée de Convergence, en 84. Quant à la présence opportuniste de Jack Lang à une étape de la Marche, le discours de Georgina Dufoix à l’arrivée et l’accueil des marcheurs à l’Elysée n’expriment qu’une seule et unique chose : le manque d’autonomie de l’initiative et l’inexpérience des marcheurs. Mais cela ne peut en aucun cas remettre en cause l’authenticité de la marche et ses  véritables conditions d’émergence.

Ainsi, la dépolitisation de la Marche entraîne logiquement une négation de la question raciale. Si la Marche est uniquement une diversion pour masquer la cure d’austérité du gouvernement socialiste alors il devient nécessaire d’occulter les discriminations et les crimes racistes qui pourtant ont bien déclenché la Marche et qui ont marqué la réalité des immigrés pendant les trente glorieuses indépendamment des crises économiques.  Comme il convient d’oublier opportunément que c’est l’assassinat raciste d’Habib Grimzi par trois légionnaires (qui n’étaient à notre connaissance ni socialistes, ni sionistes) qui a donné un écho national à la Marche et participé à son succès. Ainsi, il ne faut pas s’étonner si jamais au cours de l’entretien F. Belghoul n’utilise l’appellation « Marche pour l’égalité et contre le racisme ».

Réhabiliter les « manipulateurs » et les « pigeons »

La thèse du complot ne serait pas crédible si manquaient à l’appel les affreux machiavels et les simples d’esprit. Feu sur la diablerie antiraciste et autres conjurés qui ont œuvré dans l’ombre pour, nous citons « m’enterrer vivante, moi la porte-parole, moi la dirigeante, moi la responsable ». Toumi Djaïdja – à l’origine de la Marche – aurait été totalement manipulé par Christian Delorme, curé machiavélique, de mèche avec le pouvoir socialiste de l’époque. Toute sincérité est retirée aux intentions de C. Delorme et Jean Costil. Cette thèse est hautement problématique puisqu’elle nie l’engagement et l’apport de certaines consciences antiracistes, non dénuées d’ambivalences, à qui il convient pourtant de rendre hommage[7].

Ainsi, les reproches que l’on peut légitimement faire à C. Delorme perdent de leur substance dans la bouche de F. Belghoul, puisque celui-ci est figé dans un rôle strict de marionnettiste. Curé blanc, admirateur de Gandhi, de Luther King et des luttes de libération pacifiques, humaniste dans la plus pure tradition chrétienne, ses intentions étaient sûrement sincères mais sa démarche qui a donné ses couleurs à la mobilisation a effectivement péché par excès d’irénisme. Si son humanisme l’a poussé à réagir face à une situation intenable, celui-ci n’a pas été jusqu’à laisser le contrôle aux indigènes. Il sera celui qui donnera le ton de la marche et qui en définira le contenu. Ce qui était primordial pour C. Delorme c’était de proposer une alternative à la violence qu’il sentait inévitable et peut-être empêcher toute forme de radicalisation perçue comme dommageable au mouvement social. Ainsi afin de s’émanciper dans la paix, l’émancipation passe par un contrôle (à différencier de la manipulation) blanc sur le mouvement « beur ». C’est ainsi le manque d’autonomie du mouvement qu’il est important de pointer ici. D’ailleurs quelques années plus tard, après de nouvelles victimes de la police, les banlieusards s’émanciperont de la figure du gentil beur (à travers notamment les émeutes de Vaulx-en-Velin).

Devant le mépris affiché par F. Belghoul face aux marcheurs de 1983, il importe aussi de réhabiliter les « pigeons ». Comme l’écrit justement Sadri Khiari – à propos de la marche de 1983 – « Nombreux, souvent acteurs ou témoins directs des mobilisations des années 1980, en font la critique au regard de ses prolongements ultérieurs qu’ils appréhendent, du reste, avec une sévérité imméritée. Plutôt que de saisir cet événement du point de vue de la dynamique historique – nécessairement longue et contradictoire – dans laquelle il s’est inscrit, ils l’interprètent  de biais, à travers leurs propres espoirs déçus, les défaites subies, l’échec – relatif à mon avis – des projets  politiques et organisationnels qu’ils ont eux-mêmes portés ou dans lesquels ils ont cru. »[8]. Au delà des divergences idéologiques que l’on peut avoir rétrospectivement avec la Marche des « beurs » et ses suites, il importe d’appréhender la Marche comme une sorte d’acte de naissance de l’existence indigène à travers la création d’un champ politique non-blanc. Même si la Marche se voulait multiculturelle et non communautaire, il importe de saisir ce qu’elle représente du point de vue des immigrés. Ces derniers deviennent, par la Marche, des sujets politiques. Cependant dans le discours de F. Belghoul, les marcheurs restent de simples objets réduits à une manipulation du pouvoir PS.  Ainsi, elle affiche un dédain explicite pour Mogniss Abdallah, autre figure majeure de cette période, décrit  comme faisant partie « du secteur police/justice », Egypto-danois de la petite bourgeoisie qui n’avait pas grand-chose à voir avec les quartiers populaires sauf que lui comme tout le secteur police/justice ne s’intéressait qu’à nous montrer comme des délinquants ».

Pourtant, Mogniss H. Abdallah [9], étudiant à Nanterre, organise fin des années 1970  avec son  frère Samir, des concerts « Rock against police », ce qui leur vaudra  une mesure ministérielle d’expulsion en 1979 par Christian Bonnet,  ministre de l’Intérieur. Journaliste indépendant, il collabore à la première radio « immigrée » Radio Soleil Goutte d’or et au premier hebdomadaire « immigré » Sans frontière, puis a cofondé en 1983 l’agence IM’média avec son frère Samir avec pour but de «  documenter les luttes de l’immigration ». L’œuvre des frères Abdallah est estimée de tous et les critiques de F. Belghoul incompréhensibles et malhonnêtes.

Convergence 84 sur les rails de l’autonomie

Les sentiers de l’autonomie sont sinueux. Dans l’espace borné de la banlieue émergent des formes de contestation originales portées par la deuxième génération  et porteuses de problématiques novatrices. Rock against police en est. Mogniss Abdallah la définit comme « expérience de coordination nationale intercités des jeunes immigrés et prolétaires » et se fait sans aucune aide extérieure. Après la Marche, l’impératif de l’autonomie deviendra une question centrale. Si F. Belghoul a laissé des traces dans la mémoire de l’immigration, c’est aussi et surtout parce que, dans la foulée des expériences précédentes, elle a franchi une étape vers le renforcement de cette autonomie. Convergence 84 est l’expression de cette tentative qui s’envisageait comme l’autonomie d’un mouvement social des banlieues. « Il s’agit, écrit S. Bouamama d’engager simultanément et complémentairement deux axes stratégiques : le premier s’adressant à la société civile afin d’éviter l’isolement et de mettre en évidence les intérêts sociaux communs ; le second s’adressant aux populations de l’immigration et agissant avec le premier afin d’éviter l’oubli des revendications spécifiques concrètes »[10]. F. Belghoul comprend très vite, même si elle ne le dit pas dans ces termes, qu’il faut se débarrasser des antiracistes blancs. Elle pressent leur mainmise et redoute leur capacité à contrôler le mouvement beur. L’appel de Convergence 84 se fait sans la présence des partis, syndicats, structure de l’État. La direction de convergence est clairement séparée du collectif de soutien à la deuxième marche. C’est ainsi toute la gauche qui est exclue et on ne peut que la féliciter pour ce formidable pas en avant vers l’autonomie. Hélas, l’expérience est stoppée court à cause de la faiblesse organisationnelle et politique du mouvement et par la formidable capacité de récupération du PS et de sa fameuse main jaune. Il n’est pas exagéré d’affirmer que le traumatisme de cette instrumentalisation va laisser des traces indélébiles dans les milieux militants de l’immigration et que F. Belghoul en porte encore les stigmates.

Et si le « rien » n’était pas vide ?

A E&R elle dit en parlant du présent : « le mouvement beur est inexistant. On a sur le terrain quelques associations qui donnent plutôt dans le rien qui sont toutes moribondes qui essaient dans les quartiers populaires de faire des actions culturelles ou sociales mais l’expression politique de la 2ème génération que nous avions été, la formidable énergie qui est sortie de nous et à partir de laquelle si nous  l’avions transformée en collaboration avec la France aurait pu donner quelque chose d’incroyable et notamment cette remise en cause du PS, n’a pas eu lieu. Vingt huit ans plus tard, on en est au même point ». Tout n’est pas faux dans ce constat amer mais c’est un sacré gloubiboulga assaisonné d’une bonne dose de mépris pour deux générations qui ont, pendant la longue retraite de la militante, transformé la France de manière irrémédiable. Les polémiques obsessionnelles et autres offensives politiques contre les quartiers qui défraient la chronique depuis trente ans attestent à la fois d’un ancrage solide des populations issues de l’empire colonial et du traumatisme identitaire que cela engendre tant chez les élites qu’au sein du peuple de France tant chéri par F. Belghoul. Sa haine de soi l’empêche de voir l’œuvre des siens. Pendant que la belle endormie attendait le baiser salvateur de son Prince Soral, l’immigration a lutté et résisté. En très bref et non exhaustif, rappelons la création en 1985 des JALB (Jeunes Arabes de Lyon et Banlieues principalement animé par des… kabyles), réaction à la beuritude qui dessinait déjà les contours d’une résistance culturelle dont le prolongement sera l’émergence de l’islam comme marqueur identitaire, la mise en place en 1989 des premières listes électorales autonomes dans quatre villes de France (Bron, Aulnay sous-bois, St Chamont et Lille), en 1991, du comité national contre la double peine, les nombreux procès des crimes sécuritaires, qui ont réussi à décomplexer les familles devant l’intimidation de l’institution policière, du MIB en 95 dont les membres n’ont jamais quitté la scène de la militance des quartiers jusqu’à nos jours, la lutte héroïque des sans-papiers de St Bernard de 1996 dirigée par la charismatique Madjiguène Cissé[11], la marche historique de mai 1998 fêtant le 150ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage, les formidables mobilisations pour la Palestine qui ont jalonné la vie militante des immigrés maghrébins et de leurs enfants et en particulier celles de 1988 (la Nakba a 40 ans), de 1998 (la Nakba a 50 ans), de 2001 (2ème intifada) et de 2008/2009 (bombardements de Gaza), le formidable mouvement de grève lancé par le LKP en 2009, les multiples associations et collectifs luttant contre l’islamophobie et en particulier le CCIF en 2003 et, plus rares, les organisations explicitement politiques comme le Parti des Indigènes de la république… Nous ne parlerons pas ici de la matérialisation de la présence des post-coloniaux à travers les institutions de l’État comme le CFCM ou la construction de centaines de mosquées et autres lieux de culte sur l’ensemble du territoire national ou encore la création de carrés musulmans dans les cimetières. Nous ne parlerons pas non plus de ces conquêtes juridiques parfois arrachées par le sang : la loi Sapin qui instaure le droit d’être assisté par un avocat pendant la garde à vue, les lois qui instaurent la vidéosurveillance dans les commissariats de police… Autant d’avancées redevables au « secteur Police/Justice » qui fait tant honte à la passionaria…

Une indigène en mal d’intégration

Dans son roman Georgette, le personnage du père met en garde sa petite fille contre le mirage de l’intégration : « ‘arbi, ‘arbi wa hatta louken el colonel Bendaoued »[12]. Par cette réplique prémonitoire, F. Belghoul était ainsi prévenue. Pourtant, trois décennies plus tard, et défiant la sagesse paternelle, elle ira se jeter dans les bras d’E&R, cette officine du national-chauvinisme, prêter allégeance au peuple de France, ce brave peuple innocent coupable de s’être laissé  envoûter par la bête socialiste. Une belle perversité indigène que voilà !

La triste réalité, c’est que F. Belghoul est tétanisée par le racisme. Mieux que cela : sans lui, elle n’existerait pas. Mais la violence du phénomène est telle, qu’elle cède comme beaucoup à la facilité de brûler les étapes, se réconcilier abstraitement par les mots avec ce peuple de France dont le statut tout entier repose sur l’oppression de la « race » de F. Belghoul. De manière tout à fait stupéfiante, elle poursuit sa démonstration : « La Marche disait en gros : nous sommes des délinquants ». En porte-à-faux avec ce sous-texte prétendument véhiculé par les marcheurs, elle oppose sa démarche : « La différence avec l’idéologie « police/justice » et le contenu de mes films est fondamentale dans la mesure où dans mes films, on est des êtres humains qui ressemblons aux familles qui existaient en France et dans la problématique police/justice on est en rupture avec la France, on est en conflit avec la France, on est en guerre avec la France et on est des délinquants ». On devine aisément la supplique muette et pathétique qui se cache en filigrane : « France aime moi comme moi je t’aime ». À aucun moment ne l’effleure l’idée que c’est peut-être la France qui est en guerre contre nous…

S’opposant avec une fierté naïve non dissimulée au mot d’ordre de la Marche « Vivons ensemble avec nos différences », F. Belghoul prétend révolutionner cette logique en mettant le mot d’ordre suivant en avant : « vivons ensemble avec nos ressemblances quelles que soient nos différences », ce qui revient exactement au même que la phrase à laquelle elle semblait s’opposer. Elle trouve ainsi le terme « différences » problématique. Selon, elle, celui-ci signifie « faisons-nous la guerre ». En réalité, ce n’est pas le fait de reconnaître quelqu’un comme différent qui l’infériorise, mais plutôt le fait de reconnaître cette différence comme inférieure. Ainsi, le slogan que propose F. Belghoul est totalement calqué sur la logique de l’antiracisme moral et abstrait, qui donnera plus tard naissance à la petite main jaune de « Touche pas à mon pote » et à l’association S.O.S Racisme. Harlem Désir ne se serait sûrement pas opposé à une telle formule. Quant à Malcolm X qu’elle découvre à cette époque, il doit se retourner dans sa tombe.

Nageant dans la pure abstraction, F. Belghoul n’explicite jamais ce qu’elle entend par « peuple de France ». Le mystère est savamment entretenu. S’agit-il des Blancs, des pauvres (indigènes compris), des électeurs du Front National ? On ne le saura pas vraiment tant le flou sur les mots règne. « Contre qui se constitue le peuple ? ». Sadri Khiari pose ici une question essentielle, y compris pour appréhender des mobilisations comme la Marche des « beurs » ou Convergence 84. Il écrit ainsi qu’un peuple n’est jamais donné et ne tombe pas du ciel sur la terre : « si les éléments qui constituent en quelque sorte l’infrastructure du peuple ne sont ni contingents ni arbitraires, ils ne suffisent pas en eux-mêmes à constituer le peuple. Ces éléments constituent seulement la condition de possibilité de l’émergence de l’entité peuple. Pour que celle-ci se cristallise effectivement, il faut qu’existe cet extérieur hostile, qu’il s’agisse de l’aristocratie féodale, du peuple d’à côté, du peuple qui opprime ou d’une fraction du peuple considérée comme nocive. Le peuple, ce sont des rapports de forces, c’est une histoire, c’est une histoire de rapports de force »[13]. A la question de S. Khiari, on pourrait postuler l’hypothèse suivante compte tenu de l’ampleur de la fracture raciale : le peuple de France se constitue contre les indigènes. Les rapports de force dont parle S. Khiari sont totalement absents des propos de F. Belghoul et l’on peut ainsi se demander comment il est possible de s’intéresser à des mobilisations comme la Marche ou Convergence en niant l’existence de tels rapports de force, qui servent pourtant de colonne vertébrale au racisme. Cette dépolitisation de la Marche et de Convergence 84 par F. Belghoul, donc la négation d’un « tiers peuple », est à la base de la négation du racisme qui ne peut que faire le bonheur d’E&R.

Et puisque tout est complot et que « le peuple de France », masse inerte et innocente, n’a pas d’intérêt propre à défendre, pourquoi s’arrêter en si bon chemin et ne pas poursuivre l’opération de blanchiment de cette partie du peuple qui vote FN ? En effet, elle explique qu’à l’époque, « elle croyait à mort » que le FN « était un ennemi ». Le racisme du Front National aurait ainsi simplement été la conséquence d’une manipulation, alors que les mouvements « beurs » auraient – toujours selon F. Belghoul – pu « discuter avec ce parti ».

30 ans plus tard, c’est chose faite ! Elle « discute »…

…d’égal à égal ? Rien n’est moins sûr. Si E&R célèbre aujourd’hui une indigène en lui déroulant le tapis rouge, l’association d’A. Soral ne fait pas dans l’originalité. Nicolas Sarkozy avait rendu ces mêmes honneurs à Fadela Amara, Rachida Dati et Rama Yade quelques années plus tôt. Quant au Parti socialiste, il avait été précurseur lorsqu’il a propulsé Harlem Désir au devant de la scène. Les adorateurs d’E&R répondront que le FN est « anti-système », qu’il n’a jamais eu le pouvoir et qu’à ce titre il ne peut pas être tenu pour responsable de nos impasses politiques, conséquences d’un bipartisme trentenaire. Certes, il n’est pas responsable car il n’a pas gouverné mais, ce système, il en est la pointe la plus avancée et la plus explicitement contre nous. Il existe de nombreuses et profondes contradictions entre l’extrême droite, la droite et le PS mais tous font parti du champ politique blanc et tous agissent de manière plus ou moins frontale contre l’intérêt des descendants d’immigrés et des habitants des quartiers. Lorsque nous collaborons avec eux, au mieux nous sommes des cautions, au pire des goumiers. Mais ceci n’est pas une fatalité. Nous pouvons y échapper en poursuivant nos efforts pour une autonomie plus substantielle, en d’autres termes en poursuivant l’œuvre inachevée et abandonnée depuis longtemps par F. Belghoul.

Houria Bouteldja


[1] James Baldwin, Meurtres à Alabama, Stock, 1985, p.38

[3] Très actif durant les années 1980 avec sa bande de skinheads appelée « le Klan », il se distingue particulièrement dans les ratonnades. Il fonde ainsi en 1987 les JNR, mouvement nationaliste révolutionnaire français composé principalement de skinheads. Les JNR furent médiatisées dans les années 1980-1990, notamment du fait de la violence de leur engagement, et Serge Ayoub fit plusieurs apparitions télévisées lors de débats ou de reportages. La même année, le 19 janvier, il est condamné avec Joël Giraud et Éric Rossi à 8 mois de prison avec sursis après l’attaque d’un groupe de jeunes arabes le 22 avril 1990, ainsi que pour l’agression de Karim Diallo à Paris en 1990 sous l’œil des caméras de la Cinq. Il participe les 8 et 9 septembre 2007 à l’université d’été du mouvement Égalité et Réconciliation, présidé par Alain Soral

[5] Rappelons pour l’anecdote que F. Belghoul a été invitée, avec le rappeur Médine, par les Indigènes de la république à célébrer les 25 ans de la Marche au Cabaret Sauvage, en décembre 2008.

[6] Dix ans de marche des beurs, chronique d’un mouvement avorté, Paris, Desclée de Brouwer, 1994. Said Bouamama

[7] Rappelons que de 1979 à 81, Jean Costil (Cimade Lyon) et Christian Delorme  obtiennent la suspension des expulsions de jeunes à Vénissieux Les Minguettes, ciblés par des mesures d’éloignement du territoire. Initiateur de la Marche pour l’égalité des droits et contre le racisme (Marche des beurs – 1983),  Delorme quant à lui interpellera publiquement les autorités sur la multiplication des meurtres de jeunes dans tout le pays. À ses côtés, Jean Costil aura la lucidité et l’intelligence pratique d’intégrer dans les doléances des Marcheurs, la création d’un titre de séjour de 10 ans renouvelable de plein droit,  inexistant jusqu’alors et d’inspirer Toumi Djaija, celui-ci évoquant la dite carte sur les marches du perron de l’Élysée à l’issue de l’entrevue avec François Mitterrand. À ce propos pour répondre au dédain de F.Belghoul, ce titre a définitivement inscrit dans la durée la présence des immigrés en France, ces derniers n’étant perçus jusqu’alors que comme une simple force provisoire de travail et non comme une force de peuplement appelée à rester. Le titre de 10 ans est un véritable progrès qui a permis une stabilité à l’immigration et la sécurisation du  séjour. Il a permis de ne plus se rendre chaque année dans des conditions d’accueil et d’attentes humiliantes parfois épouvantables auprès de fonctionnaires de police recrutés sur la base de pseudo connaissances des mœurs indigènes acquises pendant leur service en Algérie avant et pendant la guerre d’indépendance (cf ;  à savoir, les préfectures ne disposaient pas encore de bureaux des étrangers dignes de ce nom, aussi le renouvellement des titres se faisait auprès des guichets de la Police des étrangers  mis en place dans les commissariats désignés à cet effet). Des millions de ressortissants étrangers ont bénéficié du titre de 10 ans. Nous ne ferons pas mention ici de l’ensemble de l’œuvre militante de Costil en faveur de l’immigration mais citons au moins le Collectif d’avocats, les manuels et formations juridiques pour les militants, les permanences juridiques d’accueil, l’assistance dans les centres de rétention, l’accompagnement judiciaire et administratif,…)

[9] Il a également travaillé sur les questions de discrimination, de violences policières et la situation des sans-papiers. Depuis plus de 30 années, il aura le souci de collecter et d’archiver des informations et des données liées à l’Histoire des Luttes de l’immigration ces 40 dernières années et qui ont toujours fait défaut jusqu’ici ; en outre, il sera un des premiers à établir des échanges entre des mouvements de luttes d’autres pays , confrontés notamment aux violences policières et dont les luttes sont des viviers d’expériences comme celles des mouvements black ou indiens en  Angleterre (cf les émeutes de Brixton 1985 – Race today organisation) ; Leur slogan sera repris en France dans les concerts « Rock against police », Pas de Justice Pas de Paix

[10] Dix ans de marche des beurs, chronique d’un mouvement avorté, Paris, Desclée de Brouwer, 1994. Said Bouamama, p97

[11] Le 19 novembre 1996, au journal Libération, elle déclarera : « Une autre originalité de notre mouvement, c’est d’avoir réussi à arracher notre autonomie et à nous dégager de l’emprise des associations qui, dans un vieux réflexe paternaliste, avaient l’habitude de tout faire à notre place. Notre situation pose le problème des rapports Nord-Sud, et de cette relation multiséculaire qui unit dominé à dominant. D’autant que nos pays d’Afrique ne sont toujours pas indépendants et que la France tire toujours les ficelles. Le gouvernement ne comprenait pas que des petits nègres lui tiennent tête, quand des chefs d’État africains n’osent même pas leur résister. »

[12] « Arabe tu es, Arabe tu resteras même si tu étais le colonel Bendaoued »

[13] Ouvrage collectif, Qu’est-ce qu’un peuple ?Paris, la Fabrique, 2013, p. 116, 117, Badiou, Bourdieu, Butler, Didi-Huberman, Khiari, Rancière

tiré de http://indigenes-republique.fr

Guy Debord, poète et révolutionnaire

Guy Debord et les situationnistes articulent un marxisme critique, qui actualise le communisme de conseils, avec une critique de la vie quotidienne inspirée des avant-gardes artistiques.

 

La pensée de Guy Debord semble particulièrement originale. Le fondateur dumouvement situationiste articule critique sociale et critique de la vie quotidienne. Unouvrage collectif présente l’exposition sur Guy Debord à la Bibliothèque nationale de France (BnF). Des universitaires présentent la pensée du révolutionnaire. Certes le ton impertinent, humoristique et ludique des situationnistes laisse place à un propos beaucoup plus sérieux et compassé. Mais l’originalité de la pensée situationniste semble bien restituée dans ce catalogue de présentation.

 

Le parcours d’un révolutionnaire

 

Guy Debord est devenu une figure incontournable. Son influence s’impose dans le monde intellectuel comme dans les milieux artistiques. Emmanuel Guy et Laurence Le Bras donnent le ton de l’ouvrage. La dimension révolutionnaire et la révolte de Guy Debord sont occultés. « Guy Debord, c’est comme une révolution jamais véritablement advenue, et qui ne pourra jamais advenir, et que personne ne pourra jamais poursuivre », osent écrire les deux larbins de la BnF. Certes, singer la posture situationniste semble ridicule. Mais poursuivre la démarche d’un désir de transformer le monde pour changer la vie demeure indispensable.

En 1951 Guy Debord rencontre le mouvement lettriste, une avant-garde artistique qui résiste au conformisme. « Il ne faut pas admettre les choses. Il faut faire des révolutions », écrit Guy Debord. Le mouvement lettriste exprime son désir de « repassionner la vie ». En 1952, le film Hurlements en faveur de Sade alterne écrans blancs sur bande son et écrans noirs sur silences. Il critique le cinéma et le spectacle comme loisir qui impose la passivité.

Mais seule l’action collective peut permettre d’expérimenter une vie passionnante. Guy Debord fonde l’Internationale lettriste en 1952 et l’Internationale situationniste en 1957. La réflexion, à travers des revues, s’accompagne de la provocation et de l’appel à la révolte. Cette démarche s’inscrit dans le sillage du mouvement dada mais aussi des surréalistes. « Guy Debord et ses compagnons reprennent à leur compte les perspectives de modifications d’un rapport au monde que ses mouvements avaient initié », soulignent Emmanuel Guy et Laurence Le Bras.

 

Cette contestation artistique s’accompagne alors d’une réflexion politique. Les situationnistes observent une vie dénuée de sens, à travers l’aliénation dans le travail mais aussi la consommation et les loisirs. Ils développent une critique radicale de la vie quotidienne et de la société industrielle. « Potlach est la publication la plus engagée du monde : nous travaillons à l’établissement conscient et collectif d’une nouvelle civilisation », proclame la revue de l’Internationale lettriste. Ce mouvement refuse la séparation entre l’art, la philosophie et la vie. Le spectacle et la marchandise colonisent tous les aspects du quotidien. Guy Debord aspire donc à détruire ce monde qui impose une artificialisation et une dépossession de l’existence. La révolte situationniste s’exprime pleinement en Mai 68.

L’art et la créativité irrigue les pratiques politiques des situationnistes. Après Mai 68, la vie de Guy Debord sombre dans l’échec le plus ridicule. Il s’attache à construire son propre mythe pour devenir une icône institutionnelle désormais exposé comme Trésor national. Il devient alors le principal artisan de sa propre récupération. Pourtant, l’insurrection situationniste alimente aussi la contre-culture des années 1970.

 

 

 

 

 

Une pensée politique originale

 

Patrick Marcolini évoque la réflexion politique de Guy Debord. Pour le penseur situationniste la théorie demeure « d’abord un jeu, un conflit, un voyage ». Il critique l’idéologie et l’Université qui imposent une théorie séparée de la pratique. Le détournement introduit un rapport ludique au savoir et aux œuvres classiques. Cette pratique consiste à se réapproprier une citation en modifiant quelques mots. Guy Debord lit divers auteurs consciencieusement, écrit des fiches de lectures et note les phrases qui peuvent faire l’objet d’un détournement.

Guy Debord se réfère à un Marx libertaire. Il puise sa réflexion dans le communisme de conseils et son marxisme critique. Il dénonce tous les régimes politiques et s’oppose au marxisme d’État. Il s’intéresse surtout au jeune Marx qui analyse l’aliénation. Guy Debord s’inscrit dans le sillage de la pensée du sociologue Henri Lefebvre, fin connaisseur de Marx. La revue Arguments redécouvre un marxisme hétérodoxe avec l’école de Francfort et le freudo-marxisme. Mais Guy Debord semble surtout proche de Socialisme ou barbarie. Cette revue et groupe politique critique le capitalisme bureaucratique de l’URSS et s’appuie sur les conseils ouvriers qui permettent l’auto-organisation des luttes et de la société. Mais Guy Debord propose une lecture critique de ses revues pour construire sa propre pensée révolutionnaire.

Les situationnistes critiquent également la société industrielle qui impose une standardisation et une artificialisation de la vie. La science et la technique participent à l’aliénation moderne.

 

Vanessa Théodoropoulos se penche sur la réflexion des jeunes lettristes. Ce mouvement privilégie la construction de situations, des expérimentations éphémères, pour rendre la vie passionnante.

« L’aventurier est celui qui fait arriver des aventures, plus que celui à qui les aventures arrivent », estime Guy Debord. La pratique de la dérive consiste à déambuler dans la ville pour découvrir des ambiances nouvelles et faire des rencontres inattendues. Les jeunes lettristes arpentent les bars parisiens à la recherche de l’ivresse et du jeu.

Les évènements de la vie quotidienne doivent être transformés, tout comme son décor. Ivan Chtcheglov rédige un « Formulaire pour un urbanisme nouveau ». L’art et l’architecture doivent réinventer le milieu urbain. L’espace, mais aussi les ambiances sensorielles, doivent être transformés par cet « urbanisme unitaire ». Ivan Chtcheglov évoque même une architecture modifiable selon les désirs des individus. L’expérimentation des situationnistes vise à satisfaire tous les désirs et à en inventer de nouveaux.

La grande fête orgiaque devient le symbole de la révolte situationniste. En 1966, la brochure De la misère en milieu étudiant résume cette démarche. « Les révolutions prolétariennes seront des fêtes ou ne seront pas, car la vie qu’elles annoncent sera elle-même créée sous le signe de la fête. Le jeu est la rationalité ultime de cette fête, vivre sans temps mort et jouir sans entraves seront les seules règles qu’il pourra reconnaître », indique la brochure.

 

 

 

 

 

Pratiques artistiques et révolution du quotidien

 

Zvonimir Novak évoque la dimension artistique de la démarche situationniste. Dans le sillage des avant-gardes, comme le mouvement dada, Guy Debord, s’attache au dépassement de l’art.

Certes, la pratique artistique doit alors s’inscrire dans une perspective révolutionnaire. Pourtant, loin de parvenir à détruire l’art, les situationnistes semblent créer une nouvelle esthétique. Les différents groupes gauchistes singent le réalisme socialiste et ne proposent qu’une même sinistre imagerie à base de drapeaux au vent et de poings levés.

Au contraire, Guy Debord glane des images qui reflètent l’air du temps dans la publicité, le photojournalisme, les bandes dessinées ou les revues érotiques. Même l’Internationale situationniste, la revue théorique, propose des couvertures dorées ou métallisées qui évoquent davantage un objet d’art qu’un journal révolutionnaire.

Même les simples tracts font l’objet d’une recherche esthétique. Le militantisme devient alors le moment d’une intense créativité. Les textes d’un mouvement pour la destruction de l’art se transforment alors en œuvres d’art.

 

Emmanuel Guy et Laurence Le Bras décrivent les diverses pratiques, artistiques et politiques, des jeunes situationnistes.

Le jeu permanent s’apparente à une manière de vivre, en rupture avec les conformismes et les conventions sociales. Contre l’aliénation marchande et les loisirs, le jeu et le plaisir doivent subvertir le quotidien. « Il s’agit de reprendre au spectacle ce qu’il a lui-même figé sur les écrans de cinéma, le papier glacé des magazines, ou dans les lunaires : le jeu, l’aventure, la joie », résument Emmanuel Guy et Laurence Le Bras.

Le détournement consiste à reprendre librement et à se réapproprier des éléments de la culture comme les images, les films, les publicités ou les bandes dessinées. Cette pratique s’oppose à la propriété intellectuelle et à la marchandisation. Elle dessine donc un communisme littéraire.

La dérive permet de se réapproprier l’espace urbain. Guy Debord définit cette pratique comme « le passage hâtif à travers des ambiances variées ». La flânerie et la déambulation urbaine doivent permettre de découvrir des ambiances nouvelles. La dérive s’oppose à l’urbanisme qui vise à contrôler et orienter les flux humains.

L’urbanisme unitaire refuse la séparation entre l’art et la ville. Mais toutes les formes de séparation doivent être abolies : entre les différentes disciplines artistiques ou entre travail et loisir. Ce projet doit construire un mode de vie ludique libéré des contraintes du travail.

 

Fanny Schulmann évoque le paradoxe d’une exposition sur Guy Debord dans une institution d’État comme la BnF. Les actions de l’IS attaquent l’art et la culture comme institutions séparées. Le dépassement de l’art demeure un des mots d’ordre centraux des situationnistes. Mais aujourd’hui, Guy Debord fait l’objet d’une exposition artistique, avec des mécènes capitalistes et bureaucratiques.

Mais Guy Debord s’est également attaché à construire son propre mythe. Il a sélectionné et conservé des documents pour construire sa propre histoire des mouvements lettristes et situationnistes, à laquelle il se réserve évidemment la place centrale.

 

 

Critique radicale et pratiques de lutte

 

Éric Brun, sociologue, évoque les analyses des situationnistes sur la société. Il qualifie même Guy Debord de sociologue, malgré son rapport conflictuel avec le milieu universitaire. Pourtant les situationnistes rejettent le cloisonnement des différentes branches académiques. « Debord insiste sur un refus – d’inspiration marxienne – des disciplines, considérées comme autant de formes de pensées parcellaires, séparées de la vie », précise Éric Brun. Les situationnistes critiquent surtout les sociologues, assimilés aux experts et aux technocrates qui gèrent l’ordre social. Guy Debord raille la « magie fondamentale de la pensée planificatrice du capitalisme moderne, sa pseudo-rationalité et sa fonction d’exorcisme ». Durant cette période, la sociologie et les sciences sociales deviennent plus légitimes et s’institutionnalisent. Guy Debord semble également influencé par le groupe Socialisme ou barbarie qui critique les analysent des sociologues sur la classe ouvrière.

Les situationnistes reprennent également les réflexions de Marx qui critique les critères de scientificité et d’objectivité. Guy Debord estime que c’est par l’action, et l’expérimentation de nouveaux styles de vie, qu’il est possible d’accéder à la connaissance. Les sociologues semblent mal connaître la vie quotidienne concrète des ouvriers. Pour les situationnistes, ce n’est pas la quantité d’informations qui fournit la vérité. La conscience révolutionnaire et la dimension qualitative de la pensée  prédominent.

 

Les situationnistes ne se contentent pas d’être un simple groupe de théoriciens. La critique sociale doit s’articuler avec une pratique politique. Les situationnistes participent activement à la révolte de Mai 68. A Strasbourg, en 1967, des étudiants libertaires diffusent une brochure qui synthétise la critique situationniste appliquée au milieu étudiant. Cette pensée originale devient particulièrement influente, notamment auprès des jeunes libertaires. Guy Debord publie également La société du spectacle en 1967. Raoul Vaneigem publie son Traité de savoir vivre à l’usage des jeunes générations qui insiste sur la subjectivité radicale et la créativité.

 

Les Enragés, proches des idées situationnistes, participent à l’agitation qui déclenche la révolte à Nanterre. Les situationnistes participent à l’occupation de la Sorbonne avant de créer le Comité pour le maintien des occupations (CMDO). Cette organisation conseilliste vise à coordonner et à radicaliser les luttes ouvrières dans la perspective d’une démocratie directe. Les situationnistes critiquent les appareils bureaucratiques et diffusent leurs affiches détournées. « Ce soir tout change. Des camarades du Comité pour le maintien des occupations vont venir me baiser violemment. Vu leur pratique, leurs théories doivent être vachement radicales », lance une pin-up de publicité.

 

Guy Debord ne se réduit pas à une pièce de musée. La démarche des situationnistes doit demeurer vivante. Ce mouvement se distingue des groupuscules gauchistes voire anarchistes qui se contentent d’asséner une idéologie poussiéreuse.

Les situationnistes ne se contentent pas de dénoncer les dérives économiques du capitalisme. Ils critiquent l’emprise du capital sur tous les aspects de la vie. La révolution sociale doit alors déboucher vers un changement qualitatif de l’existence.

Ensuite, les situationnistes refusent de se conformer à la routine militante, avec son esprit de sacrifice et son esthétique formatée. Guy Debord propose un rapport ludique à la politique révolutionnaire. Le détournement, la dérive, la créativité demeurent des armes révolutionnaires. Cette démarche permet d’expérimenter une vie passionante pour construire un monde qui repose sur le jeu et le plaisir. 

 

Source : Emmanuel Guy et Laurence Le Bras (dir.), Guy Debord. Un art de la guerre, Bibliothèque nationale de France / Gallimard, 2013

 

 

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Contre l’ennui militant

 

Pour aller plus loin :

Éric Brun, « L’avant-garde totale. La forme d’engagement de l’Internationale situationiste », Actes de la recherche en sciences sociales, 2009

Eric Brun, « L’internationalisation des avant-gardes littéraires et artistiques. Le cas de « l’Internationale situationniste » », Regards Sociologiques, n°37-38, 2009

Patrick Marcolini, « Héritiers situationnistes », Le Tigre, mars-avril 2009

Patrick Marcolini, « Le groupe Spur et le nouage esthético-politique aux origines de la révolte des étudiants allemands », Groupe de recherches matérialistes (GRM), 2009

Jean-Christophe Angaut, « Les situationnistes entre avant-garde artistique et avant-garde politique : art, politique et stratégie », Colloque international « Imaginer l’avant-garde », UQAM, laboratoire Figura, Montréal, Québec : Canada (2010)

tiré de http://zones-subversives.over-blog.com

« Ils croient que nous sommes faibles parce que nous sommes des femmes (…) Je suis un instrument de vengeance »

À Ciudad Juarez, « Diana », vengeresse anonyme, tue des chauffeurs d’autocar pour faire justice aux femmes violées

HuffPost Maghreb/AFP  |  Publication: 04/09/2013 10h36 CEST

ciudad juarez diana

MEXIQUE – Elle a signé « Diana, chasseuse de chauffeurs », et toute la police de la ville de Ciudad Juarez au Mexique est à ses trousses. « Diana » a revendiqué le meurtre de deux conducteurs d’autocar dans une note envoyée aux médias.

Les deux conducteurs ont été abattus d’une balle dans la tête la semaine dernière à Ciudad Juarez, ville connue pour avoir été le théâtre d’une vague de crimes sans précédent contre des femmes ces dernières décennies. Dans les deux cas, des témoins ont identifié le tueur comme étant une femme.

Les autorités judiciaires du Chihuahua avaient dans un premier temps suivi la piste d’une « vengeance ou d’un crime passionnel », a indiqué à l’AFP son porte-parole Arturo Sandoval.

Un message anonyme signé Diana

Mais samedi, plusieurs organes de presse de l’Etat ont reçu un message anonyme revendiquant ces deux assassinats signé par « Diana, chasseuse de chauffeurs ». Les conducteurs d’autocar ont souvent été visés par des accusations d’agressions sexuelles, notamment de femmes faisant des horaires de nuit dans les « maquiladoras », les manufactures américaines installées le long de la frontière.

« Mes camarades et moi avons souffert en silence, mais nous ne pouvons plus nous taire, nous avons été victimes des violences sexuelles de conducteurs qui assuraient les liaisons nocturnes des « maquilas » ici à Juarez, mais même si les gens connaissent notre souffrance, personne ne nous défend ni ne fait rien pour nous protéger », explique cette lettre.

« Ils croient que nous sommes faibles parce que nous sommes des femmes (…) Je suis un instrument de vengeance », ajoute le texte, prévenant de nouveaux assassinats à venir.

« Capitale mondiale du meurtre »

Selon Arturo Sandoval, les autorités ont dressé un portrait-robot de cette femme, qui selon des témoins serait une brune d’une cinquantaine d’années, mesurant environ 1,65 m et utilisant une perruque blonde. Des policiers en civil ont également été déployés sur les lignes d’autocar concernées et 12 cas de viols perpétrés par des conducteurs d’autobus sont actuellement étudiés par la police pour tenter d’établir si la suspecte fait partie des victimes.

A Ciudad Juarez, ville qui se trouve à la frontière avec les Etats-Unis, quelque 200.000 ouvrières travaillent jour et nuit, par roulement, dans les usines d’assemblage de produits manufacturés ensuite exportés vers les Etats-Unis ou le Canada.

Dans les années 1990 et au début des années 2000, cette municipalité voisine d’El Paso (Texas) avait été le théâtre d’une vague sans précédent de meurtres de femmes accompagnés de violences sexuelles. Cette situation, mêlée à la violence liée au trafic de drogue, avait valu à la ville le titre peu envié de capitale mondiale du meurtre. Entre 1993 et 2013 il y a eu plus de 700 meurtres de femmes, souvent précédés d’agressions sexuelles.

Depuis peu, dans la foulée du déploiement de l’armée dans la région, Cuidad Juarez a vu son taux d’homicide diminuer après un pic de plus de 3.000 meurtres en 2010.

Littérature et libération de la vie quotidienne

 

 
 
Une tradition de la littérature française, de réflexion ou de fiction, se penche sur la vie quotidienne pour en explorer les limites et les potentialités. 

 

La critique radicale de la vie quotidienne semble aujourd’hui délaissée. Pourtant, en France, il existe une longue tradition littéraire et intellectuelle d’exploration du quotidien. Le roman, la biographie, le journal, le récit et l’essai s’appuient sur l’expérience concrète. Le théâtre, le cinéma, la photographie et le reportage incorporent une subjectivité personnelle.

Michael Sheringham, universitaire britannique, se penche sur la réflexion de plusieurs écrivains français qui développent une critique de la vie quotidienne initiée par les avant-gardes artistiques. Ses écrivains observent les mutations de la société des années 1960-1970.

 

Maurice Blanchot écrit le texte « La parole quotidienne » en 1962. Il s’attache à « l’homme de la rue » imprévisible, avec ses réserves d’anarchie. L’écrivain évoque même « la secrète capacité destructrice » de l’individu du quotidien. La radicalité et le potentiel de destruction de l’ordre établi caractérisent la vie quotidienne. Surtout, cette expérience du vécu « manifeste le rapport que nous entretenons avec l’indétermination fondamentale des possibilités humaines », résume Michael Sheringham.

La routine du quotidien, qui s’oppose à l’imaginaire, semble péjorative et renvoie au vide d’une existence qui mérite à peine d’être vécue. « La quotidienneté est plus ou moins exclusivement associée à l’ennui, l’habitude, le commun, le banal, le trivial, le monotone, le routinier, l’inauthentique et l’ingrat », observe Michael Sheringham. Le jeune Marx dénonce également l’aliénation dans la vie quotidienne. La civilisation et le travail débouchent vers un appauvrissement de l’expérience humaine. La logique marchande débouche vers une artificialisation de la vie et le travail, avec son rythme routinier, fait du quotidien un synonyme d’ennui. L’industrie et la technique imposent une vie mécanique.

Mais Agnes Heller, intellectuelle hongroise, estime que c’est aussi dans le quotidien que peut s’affirmer un être authentique. La pratique et l’expérience vécue peuvent également alimenter la théorie. La vie quotidienne ne doit pas être dévalorisée car elle peut aussi permettre une véritable réalisation de soi.

 

Le roman réaliste, incarné par Balzac ou Dickens, décrit le quotidien avec précision. « La vie de tous les jours est minutieusement examinée, située, classée et évaluée », décrit Michael Sheringham. Mais cette démarche semble presque scientifique et extérieure aux romanciers et aux lecteurs. Walter Benjamin oppose le roman au conte. Le roman organise un univers qui semble extérieur à la réalité vécue. Le roman sépare « sens et vie » tandis que le conte repose souvent sur une astuce pratique.

L’essai articule la réflexion philosophique avec la description de l’expérience vécue. Pour Adorno, l’essai s’appuie sur l’expérimentation et la liberté. Perec estime que l’essai valorise le plaisir de la pensée et la recherche du bonheur.

 

 

 

 

Les surréalistes pour ré-enchanter la vie

Les surréalistes incarnent la critique de la vie quotidienne. Leurs textes s’attachent à une ouverture des possibilités d’existence pour permettre une libération du désir.

« Plutôt la vie », un poème de Breton, propose une vie réellement vécue. Comme Rimbaud, les surréalistes dénoncent l’artificialisation des relations humaines pour rechercher la « vraie vie ». Ses poètes rejettent tous les cloisonnements disciplinaires pour s’appuyer sur l’expérience du quotidien. « La pratique surréaliste, qui au départ n’est ni littéraire ni politique, opère au sein du quotidien, celui de la rue, du café, du salon de coiffure ; elle se joue dans la parole, le désir et le hasard », observe Michael Sheringham.

Les nouvelles possibilités d’existence doivent s’inventer à partir du quotidien actuel. Les surréalistes tentent de se libérer des contraintes et des conditionnements. L’amour, la vie, la rue permettent l’expérimentation. Le surréalisme ne prétend pas transcender la réalité. Au contraire, il apparaît comme « une volonté d’approfondissement du réel, de prise de conscience toujours plus nette en même temps que plus passionnée du monde sensible », décrit Breton. La flânerie, dans la rue, permet de se libérer des contraintes du temps et du travail pour expérimenter d’autres possibilités d’existence.

L’expérience sensorielle doit dévoiler le réel contre l’emprise de la logique et de la rationalité.

 

Pour les surréalistes, la photographie permet de révéler l’inconscient du désir contre l’étroitesse de la réalité. Breton décrit même l’écriture automatique comme « une véritable photographie de la pensée ». Max Ernst incarne cette démarche artistique. Mais, dans la revue La révolution surréaliste, les clichés d’Atget se contentent de reproduire des décors urbains et quotidiens. Le spectateur doit alors développer une autre perception du quotidien. Pour Walter Benjamin, « le spectateur ressent le besoin irrésistible de rechercher dans une telle image la plus petite étincelle de hasard, d’ici et maintenant ». La photographie envisage alors le quotidien non pas comme une routine étriquée mais comme un espace des possibles.

Les surréalistes insistent sur l’importance de ré-enchanter la vie quotidienne. Breton valorise la flânerie urbaine qui permet de s’ouvrir aux rencontres. Les romans comme Nadja ou L’amour fou décrivent des rencontres amoureuses au cours d‘une déambulation urbaine. « L’« errance », la « disponibilité », l’« attente » – ainsi qu’un sens du mystère et de l’évènement, de « ce qui arrive » – demeurent au cœur deL’amour fou comme de l’héritage légué par les surréalistes aux situationnistes et autres futurs explorateurs du quotidien », analyse Michael Sheringham. Larencontre amoureuse bouleverse le quotidien pour révéler la magie de l’existence.

 

 

 

 

 

Henri Lefebvre et les situationnistes

 

Henri Lefebvre renouvelle la critique de la vie quotidienne. Il rejette la littérature classique qui déprécie ou enchante le quotidien. Il se réfère plutôt à Marx. Il analyse l’aliénation avec la coupure de l’individu par rapport au concret. L’être humain est dépossédé de son existence, comme à travers le travail. Henri Lefebvre, en bon sociologue, observe les mœurs de la société moderne. Mais il ne réduit pas le quotidien à la grisaille et à une routine immuable condamnée à perdurer. La vie quotidienne fait aussi l’objet de transformations qualitatives. « Face à une approche purement quantitative, Lefebvre en appelle à une transformation dans la manière dont les hommes se considèrent eux-mêmes », résume Michael Sheringham.

Henri Lefebvre observe l’aliénation à travers les loisirs, qui semblent prolonger le travail. Le sociologue refuse le cloisonnement des multiples objets d’étude qui contribuent à morceler la réalité sociale. Il refuse la séparation entre les différentes activités humaines pour renouer avec Marx et son aspiration à l’homme total. Le quotidien devient donc un espace de réflexion et de transformation. « Et c’est dans la vie quotidienne que prend forme et se constitue l’ensemble de rapports qui fait l’humain – et de chaque être humain – un tout », souligne Henri Lefebvre.

 

Le sociologue s’inspirent des situationnistes qui considèrent que le désir s’oppose au conditionnement de la société de consommation. Le désir se distingue du besoin et peut donc échapper au consumérisme. Le quotidien apparaît comme un espace d’appropriation, entre contrainte et liberté. Le quotidien révèle l’aliénation mais peut aussi devenir un espace de créativité et de résistance. La spontanéité et le jeu doivent permettre de vivre pleinement.

Les situationnistes et Guy Debord se rapprochent d’Henri Lefebvre. La critique de la vie quotidienne devient le principal axe d’intervention de ce mouvement politique. Le dialogue avec les jeunes révolutionnaires alimente la pensée de l’universitaire. La ville devient un sujet de réflexion commun. Henri Lefebvre analyse l’espace urbain et son emprise sur le quotidien. Les situationnistes actualisent l’errance urbaine des surréalistes à travers la dérive. Michael Sheringham observe que « ce sont ces activités, qui appréhendent la ville comme un espace concret et non comme un objet abstrait, qui ont fournit le véritable socle permettant le rapprochement entre Lefebvre et Debord ».

Les situationnistes s’attachent à créer de nouvelles pratiques pour passionner la vie. Mais l’Internationale situationniste se cantonne ensuite, de manière moins originale, à la théorie révolutionnaire pour analyser les nouvelles formes d’aliénation et de contraintes sociales. Cette réflexion « n’accorde que peut d’importance à l’idée selon laquelle la vie quotidienne renfermerait en elle-même des énergies positives », souligne Michael Sheringham.

 

Avant de fonder l’Internationale situationniste, Debord et les jeunes lettristes estiment que la poésie réside « dans le pouvoir des êtres humains sur leurs aventures » pour permettre d’élaboration de « conduites absolument neuves ». Les jeunes situationnistes estiment que l’expérimentation créative et le jeu permettent d’inventer une nouvelle manière de vivre. « Nous avons à trouver des techniques concrètes pour bouleverser les ambiances de la vie quotidienne », résume alors Guy Debord. Le « Rapport sur la construction des situations » devient un texte de transition entre une avant-garde ludique et un groupe de théoriciens révolutionnaires.

La dérive s’appuie sur le jeu et le désir. Circuler dans la ville doit permettre de découvrir des ambiances nouvelles. Les situationnistes décrivent la dérive comme « un emploi unitaire de tous les moyens de bouleversement de la vie quotidienne ». La critique de la séparation doit supprimer les hiérarchies et les divisions pour sortir le spectateur de sa passivité. Debord dénonce également la colonisation du quotidien par la logique marchande, dans le travail comme dans les loisirs. « Il n’y a pas de liberté dans l’emploi du temps sans la possession des instruments modernes de construction de la vie quotidienne », tranche Debord. La révolution sociale doit s’accompagner d’une expérimentation de nouvelles possibilités d’existence. Les situationnistes dénoncent l’aliénation et le conditionnement d’ensemble qui doivent être combattus par la libération des désirs.

En 1961, Lefebvre invite Debord à intervenir dans son Groupe de recherche sur la vie quotidienne rattaché au CNRS. Debord refuse la notion de « groupe d’étude » car son objectif n’est pas d’étudier le quotidien mais de le changer. Les chercheurs abordent la vie quotidienne dans sa partialité, avec différents sujets d’étude, plutôt que dans sa globalité. « La vie quotidienne est mesure de tout ; de l’accomplissement ou plutôt du non-accomplissement des relations humaines ; de l’emploi du temps vécu ; des recherches de l’art ; de la politique révolutionnaire », écrit l’Internationale situationniste. La transformation de la vie quotidienne suppose donc de s’attaquer au capitalisme. L’Internationale situationniste propose une politique révolutionnaire à travers de « nouvelles pratiques quotidiennes ».

 

 

 

 

 

L’expérimentation du quotidien dans la modernité

 

Roland Barthes, inspiré par Lefebvre, insiste sur l’importance du quotidien. Pour lui, « la marque de l’utopie, c’est le quotidien ; ou encore, tout ce qui est quotidien est utopique : horaires, programmes de nourriture, projets de vêtements, installations mobilières, préceptes de conversation ou de communication ». L’auteur deMythologies ne se contente pas d’observer l’aliénation consumériste mais s’intéresse également aux possibilités du quotidien.

Roland Barthes apparaît comme l’écrivain du détail, du banal, de l’insignifiant, de l’objet, du fétiche. Il évoque le vêtement qui permet de développer sa singularité pour investir sa propre vie. « Réfléchir sur la mode consiste à s’interroger sur la manière dont nous pouvons passer d’une configuration de notre existence quotidienne à une autre », observe Michael Sheringham. Pour Lefebvre, la mode renvoie à la routine et à l’existence standardisée. La mode, loin d’être immuable, ne cesse d’évoluer pour se démarquer des générations antérieures estime au contraire Walter Benjamin. La mode peut renforcer le conformisme mais peut aussi être une source de plaisir ludique et de libération selon Barthes.

L’écrivain s’oppose à une approche fonctionnelle du quotidien qui insiste sur les contraintes et les déterminismes. Barthes évoque la ville et insiste sur le discours urbain. Il observe une dimension érotique de la ville qui échappe à l’emprise fonctionnelle de la planification des quartiers.

Roland Barthes s’intéresse à l’art de vivre. Comme les surréalistes, il estime que l’écriture ne se limite pas à l’écrit mais doit embrasser toute l’existence. Pour lui, « il y a des écritures de vie, et nous pouvons faire de certains moments de notre vie de véritables textes ».

Roland Barthes évoque le vivre ensemble et critique le mode de vie communautaire qui réprime les désirs individuels. « Le couple ou la famille bourgeoise comme la communauté monastique sont considérés par lui comme des tentatives de régulation et de contrôle », précise Michael Sheringham.

 

Michel de Certeau, dans L’invention du quotidien, développe une nouvelle approche. Il observe le consommateur qui, loin d’être passif et manipulé, manifeste une distance avec les objets consommés. Certeau insiste sur les pratiques qui échappent au déterminisme social pour créer des espaces de liberté. Il évoque les mécanismes de ruse qui permettent des interventions subversives dans l’appareil du contrôle disciplinaire.

La marche, la parole ou la lecture permettent de sortir de la passivité pour déboucher vers une créativité quotidienne. Certeau insiste donc sur les micro-résistances du quotidien.

Mais cette approche du quotidien peut dériver vers le postmodernisme. Maffesoli, sociologue minable qui incarne ce courant, fait l’apologie de la banalité du quotidien contre la continuité historique. Surtout, les petits plaisirs du quotidien permettent d’accepter l’ordre social. Le quotidien devient un refuge, un échappatoire pour mieux favoriser la résignation et la soumission. « La vision du quotidien chez Maffesoli est conservatrice, statique et an-historique, comme en atteste son intérêt pour le mythe, l’archétype, le rituel et le sacré », observe Michael Sheringham. Maffesoli refuse toute forme de changement social. Au contraire, Certeau estime que les résistances du quotidien peuvent déboucher vers de nouveaux horizons. « Tandis que, chez Certeau, le jeu sert à contester et à contourner l’ordre établi, il sert chez Maffesoli à le rendre vivable », résume Michael Sheringham.

 

L’écrivain Georges Perec s’inspire des réflexions de Roland Barthes et Henri Lefebvre pour explorer le quotidien. Dans le roman Les Choses, il s’appuie sur les magazines féminins pour décrire la société de consommation des années 1960. Les modes préfabriquées dictent les conduites des individus et façonnent leur manière de vivre.

Le livre Je me souviens renvoie à l’individuel et au collectif, au passé et au présent. Ce texte regroupe des souvenirs intimes et des descriptions impersonnelles pour décrire une expérience vécue, à la fois privée et partagée.

Perec observe également, parfois pendant plusieurs jours, un même lieu. Il note l’activité des passants, la circulation et tous les détails qui semblent insignifiants. Sa description révèle l’immersion des individus dans le quotidien.

Dans La vie mode d’emploi, Perec s’attache toujours à décrire la banalité du quotidien. Il évoque également le conflit entre les individus et les institutions, dont le rôle est toujours néfaste. La rationalité bureaucratique impose l’indifférence et la standardisation.

 

 

 

Face à la création actuelle

 

Avec le postmodernisme, le quotidien renvoie aux micro-résistances et aux révolutions minuscules. Au contraire, pour Henri Lefebvre, l’appropriation de la vie quotidienne passe par une transformation de la société. Mais, avec le postmodernisme, « l’invention du quotidien » doit permettre d’accepter la mascarade marchande. L’évocation de la vie quotidienne ne devient plus un enjeu de lutte et de réflexion critique. « La reconnaissance du quotidien constitua alors un aspect fondamental d’une transformation culturelle plus vaste, qui fit passer du primat des systèmes de structures à celui des pratiques et des manières d’être », analyse Michael Sheringham. L’universitaire se penche alors sur l’évocation du quotidien dans la littérature actuelle.

Des écrivains et chercheurs insistent sur la banalité et le rituel. Le quotidien permet d’intérioriser des normes sociales. L’anthropologue Marc Augé étudie le métro comme « un fait social total » pour observer le quotidien. Mais il occulte la subjectivité individuelle pour privilégier l’étude des règles sociales plus générales. « L’idée centrale seraient que les contraintes, limitations et régulations de la vie sociale n’annulent pas la liberté et l’individualité mais constituent un cadre où celles-ci évoluent », résume Michael Sheringham. Augé observe comment les usagers ordinaires peuvent résister à l’uniformité.

Annie Ernaux évoque le quotidien et la vie privée à travers les classes sociales et la culture populaire. Cet écrivain recherche également des signes littéraires dans le quotidien.

En dehors de la littérature, d’autres pratiques artistiques évoquent le quotidien. Le cinéma de Jean-Luc Godard s’attache à évoquer le cadre urbain. Le théâtre de Michel Vinaver explore la vie dans l’entreprise. Sophie Calle utilise des objets du quotidien dans ses créations plastiques.

« La question du bonheur, de la bonne conduite de la vie, a toujours été au cœur des écrits sur le quotidien – dans la mesure ou le discours sur le quotidien nous enjoint d’ordinaire à prêter attention à une dimension négligée de l’existence », observe Michael Sheringham. La vie quotidienne peut se construire comme une œuvre d’art et comprendre une dimension esthétique et sensualiste.

 

Cette étude universitaire de Michael Sheringham peut permettre de renouveller la pensée critique. Les gauchistes semblent désormais délaisser la critique de la vie quotidienne. Englués dans une routine militante, leur réflexion politique demeure idéologique. Au contraire, il semble important de relier la politique et la vie pour ne plus se contenter d’ânonner de vagues discours sur les dérives du capitalisme. La révolte politique peut également s’appuyer sur le désir de se réapproprier la vie quotidienne.

Ensuite, la critique radicale de la vie quotidienne se révèle également limitée. Il semble important de dénoncer la colonisation de la logique marchande sur tous les aspects de la vie. Les individus doivent se conformer à un mode de vie insipide et standardisé, rythmé par l’ennui. Mais, au-delà de ce constat, il semble important d’ouvrir également d’autres possibilités d’existence. Des espaces d’expérimentations ludiques doivent permettre de briser la routine du quotidien.

En revanche, la dérive alternativiste doit également être critiquée. Il ne faut pas se contenter d’un petit nid douillet gentillement aménagé par le capital. Surtout, les marges et les alternatives sombrent rapidemment dans la même routine et ne semblent pas permettre de vivre pleinement.

L’expérimentation de nouvelles possibilités d’existence doit donc affirmer une conflictualité avec le monde marchand. Les normes et les contraintes sociales doivent être directement attaquées. Comme l’affirment déjà les situationnistes et les surréalistes, il faut transformer le monde pour changer la vie. Seule une révolution sociale peut permettre de créer une nouvelle société qui repose sur le jeu et le plaisir pour rendre la vie passionnante.

 

Source : Michael Sheringham, Traversées du quotidien. Des surréalistes aux postmodernes (Traduction par Maryline Heck et Jeanne-Marie Hostiou), Presses universitaires de France (PUF), 2013

 

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Walter Benjamin, l’art et l’émancipation

Emancipation et sensibilité artistique

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Pour aller plus loin :

Michael Sheringham, « Trajets quotidiens et récits délinquants« , revue Temps zéro n°1, 2007

Radio : François Noudelman, Le journal de la philosophie du 27 mai 2013 avec Michael Sheringham

Elisabeth Franck-Dumas, « Des saisons et des jours« , publié dans Libération le 25 avril 2013

Jean-Marie Durand, « Philosophes et écrivains nous aident à penser la banalité du quotidien« , publié dans Les Inrocks le 30 mai 2013

Yael, « Traversées du quotidien : Michael Sheringham revient sur la tradition de pensée de la vie quotidienne« , publié sur le site Toutelaculture.com le 30 juillet 2013

Philippe Simay, « Une autre ville pour une autre vie. Henri Lefebvre et les situationnistes« , revue Métropoles, 2008

tiré de http://zones-subversives.over-blog.com

Si on ne veut pas « mourir à trente ans »…

so-en-marche-webUn article du site de la commission antifasciste du NPA (et oui…), qui revient sur la spectaculaire manifestation antifasciste du 21 juin 1973 qui a débouché sur une centaine de flics blessés, un meeting fasciste assiégé, puis la dissolution de la Ligue Communiste et d’Ordre Nouveau. Parce qu’à l’époque, ils savaient y faire! Cet évènement majeur des années 70 avait déjà été évoqué ici; un récit « de l’intérieur » est donc toujours intéressant pour compléter. Et puis, si ça peut faire réfléchir les modérés…

Raymond Marcellin, le ministre de l’intérieur, dit Raymond la matraque était à l’offensive contre tout le mouvement social issu de mai 1968. Répression tout azimuth, lois anti casseurs, lois anti immigrés, il mettait en place un dispositif juridique répressif pour contenir les mobilisations. Et il encourageait sans vergogne les forces d’extrêmes droites, le GUD, Ordre Nouveau. En 68, le pouvoir avait eu une grande peur , il cognait pour se prémunir d’une nouvelle irruption de la jeunesse, de la classe ouvrière.

Il s’était déjà tenu un meeting de l’extrême droite à la porte de Versailles en 1971 qui avait donné lieu à une contre manifestation spectaculaire. La police avait déjà protégé le meeting qui, sans cela, n’aurait pu se tenir.

L’annonce de ce meeting de l’extrême droite, à la Mutualité, en plein Paris, en plein quartier latin, « contre l’immigration sauvage », a été perçu largement comme insupportable et la décision de la contre manifestation a été vite prise.

Nous avions amené le matériel sur les lieux de la manifestation dans la semaine qui a précédé. Des caisses de chantier avaient été confectionnées, en bois, peintes en gris, 1,5×0,5×0,5 m, avec des logos d’entreprises du bâtiment. Remplies de barres de fer et de cocks, cadenassées, elles ont été déposées aux carrefours de regroupement de la manifestation, qui étaient entre les Gobelins et Censier-Daubenton. La livraison en camionnette de location, s’est faite dans les jours précédents (3 ou 4 jours), en milieu de journée. Nous étions en tenue de travail. Les groupes de service d’ordre sont donc venus les mains vides sur place, avec seulement les casques. Pour l’anecdote une caisse n’a pas été utilisée lors du regroupement (je ne me souviens plus pourquoi). Nous ne l’avons jamais récupérée mais on l’a surveillée pendant un ou deux mois ensuite jusqu’à ce qu’elle disparaisse…

Tant qu’il le faudra! – Suite en lien

[Égypte] L’armée n’a jamais quitté le pouvoir et les Frères ont collaboré avec l’armée, qui aujourd’hui les rappelle à l’ordre…

ÉGYPTE (un dernier point nécessaire) – L’ARMÉE N’A JAMAIS QUITTÉ LE POUVOIR ET LES FRÈRES ONT COLLABORÉ AVEC L’ARMÉE, QUI AUJOURD’HUI LES RAPPELLENT À L’ORDRE, MEME SI CELA FAIT DU MAL À CERTAINS – ÉDITO CHRONIQUE – (…) La Chronique remet les points sur les I en 7 choses à se rappeler !

1) L’armée n’a pas cédé le pouvoir en juin 2012. Le Conseil Suprême des Forces Armées (SCAF en anglais) ne s’est jamais dissous et est ainsi devenue une institution parallèle toujours ausi puissante et dominante.

2) Les généraux n’ont jamais perdu le pouvoir en juin 2012 : le départ à la retraite du maréchal Tantawi était prévu de longue date. Mohamed Morsi (et l’armée) ont fait une mise en scène sur son possible départ forcé… Que la Chronique n’a jamais cru. Les autres généraux sont toujours et ont toujours été les maîtres du pays, via le Conseil.

3) Les Frères Musulmans ont collaboré avec l’armée dès l’époque de Moubarak, quand celui-ci a débuté un desserrage de boulon dans les années 2000, permettant l’entrée des Frères au parlement (ne pas l’oublier… même s’il y a eu la reprise de la répression à la fin des années 2000, période durant laquelle les Frères continuaient à siéger…). Ne pas oublier les accolades et rires entre Mohamed Badie des Frères Musulmans, qui siégeait alors, et les cadres du PND de Moubarak…

4) Les Frères Musulmans ont appelé l’armée en janvier 2011 : fait oublié, ce sont les Frères Musulmans… qui ont appelé l’armée à prendre de facto le pouvoir le 31 janvier 2011 dans une déclaration officielle ! Plus important, c’est Mohamed Morsi qui menait les négociations entre les cadres des Frères et… les cadres du régime d’Hosni Moubarak, dont Omar Suleiman !

5) Les Frères Musulmans ont soutenu la sanglante répression par le Conseil des Armées d’octobre-novembre 2011 contre les salafis, les laïcs et les indépendants de l’Islam politique.

6) Les généraux ont obtenu de Mohamed Morsi et des cadres des Frères Musulmans une Constitution où leurs pouvoirs ont été… RENFORCÉS ! Ne jamais l’oublier : les généraux, en plus de leur Conseil tout puissant, ont vu leurs pouvoirs agrandis avec la nouvelle Constitution de 2013 (arrestations arbitraires, détentions, etc…).

7) Les généraux se sont vu offrir par Mohamed Morsi et les Frères Musulmans la domination sur la politique étrangère, la défense et même le ministère de l’Intérieur. De même qu’ils conservent le contrôle de 60 % de l’économie du pays. Chose non remise en cause par les cadres des Frères Musulmans !

L’armée ne fait donc pas de coup d’État, puisqu’elle est au pouvoir ! Les Frères Musulmans n’étant que leurs supplétifs temporaires. Les généraux veulent juste une évolution des choses : non pour l’Égypte, non pour les laïcs, mais pour, encore une fois, sauvegarder leur pouvoir ! Un pouvoir si bien défendu, préservé et même renforcé… par les Frères Musulmans !

Chronique du printemps arabe sur Facebook, 2 juillet 2013

Antisionisme : quand l’extrême-gauche se fait (encore) piéger par l’extrême-droite.

Drapeau d'IsraelCet article traite de ce que certains qualifieraient de détail, mais qui reflète une situation devenue tristement courante. Car force est de constater que la mouvance dite conspirationistegagne du terrain depuis des années notamment chez la gauche, usant de subterfuges parfois bien ficelés pour parvenir à ses fins. Aujourd’hui c’est une simple petite photographie partagée sur les réseaux sociaux qui a mis le feu aux poudres chez moi, reflet d’un constat amer ancien et encore bien vivace. Ou quand l’illustration d’un exemple d’une dure réalité saute aux yeux, où mes plus proches camarades alternatifs et antifascistes servent (malgré eux) la soupe à l’extrême-droite.

Hier soir, je tombe sur une énième photographie partagée par de nombreux contacts y compris chez mes camarades les plus progressistes et éclairés. Tout le monde acclame unanimement en légende et commentaires ces Juifs antisionistes, et moi-même à première vue j’en suis heureux. Sauf que personne ne se demande pourquoi cette position et qui sont finalement ces gens, et c’est à partir de ces interrogations que le panneau pris dans la gueule apparait. Ces manifestants font très distinctement partie de la communauté ultra-orthodoxe, c’est-à-dire des intégristes. Ceux-là même qui par exemple se rassemblaient et crachaient (au sens propre) sur les petites filles israéliennes car elles osaient aller à l’école primaire en « tenue incorrecte » (c’est-à-dire en jupes) et ce devant les établissements [le Figarole MondeFrance 24…, 28 décembre 2011], ou caillassent de temps en temps les voitures qui roulent pendant le Shabbat en plein Jérusalem – pour les extrémistes il est interdit d’utiliser un véhicule ce jour là – [le Figaro, 20 août 2007] et font parler d’eux à de nombreuses autres occasions. Ce sont aussi la plupart de ces idiots qui se retrouvent en France dans les spectacles de Dieudonné à l’acclamer dans son rejet antisémite, un amour réciproque surprenant mais qui prend racine dans une lutte commune.

Antisionistes Juifs

La photographie en question, vraisemblablement aux États-Unis (contexte et date exactes inconnus).

Car ils vomissent le sionismepuisque pour eux tant que le Messie n’est pas revenu, reprendre la Terre sacrée est blasphème ; une idéologie parmi un dogme complet, mais dont les autres points sont d’un obscurantisme délirant les poussant aux atrocités susmentionnées. Un pseudo-amour de Dieu et de la liturgie la plus effrénée si forts que les bouffonneries de l’humoriste tragique et autressoraleries deviennent donc un fer de lance, servant également l’autre côté sur un plateau d’argent pouvant ainsi se dédouaner en apparence de ses démons car s’illustrant désormais avec des fidèles [Michel Briganti, la galaxie Dieudonné]. Traquenard qui fonctionne potentiellement, car une fois l’amitié gagnée sur ces ultra-orthodoxes contre Israël, de fil en aiguille les accointances de ceux-ci avec le milieu conspi sonne pour certains comme la preuve d’une moralité irréprochable. Bien que la réalité soit donc toute autre, la dérive est pourtant déjà constatée chez une part non-négligeable des (anciens) adhérents de la gauche devenus ce que l’on nomme des « rouges-bruns. »

Alors chouette, des gens à la kippa défilent contre la politique actuellement menée ayant en effet comme base ce nationalisme religieux à la sauce meurtrière (qui n’est au passage bien sur pas soutenu par l’ensemble des israéliens, des Juifs, et même des sionistes), mais pour prôner à la place une société parmi les pires fondamentalismes main dans la main avec les cryptofafs les plus ignobles. Ce que l’on croit gagner avec cette photographie, on le perd d’autant plus cruellement quand on prend la peine d’y réfléchir vraiment. Il faut en effet faire attention, un simple cliché orienté ne suffira jamais à tirer des enseignements et peut au contraire nous piéger en beauté ; c’est pour cela qu’il faut se fier à son seul instinct pour l’analyse de faits mêmes présentés (dans ce cas naïvement) par des amis antifascistes. Et oui, il y’a tout cela dans une diffusion à priori banale. Les masques tombés, ce que certains ont cru être des alliés solides trouvant grâce par un machiavélisme sordide, se transforment en une des formes de fascisme qu’ils ont toujours objecté mais n’apparaissant pas comme tel. Lumière est désormais à présent faite, j’espère que chacun en tirera les conclusions qui s’imposent.

Bien que je sois moi aussi un fervent opposant au sionisme, je n’approuverais jamais ni les intégristes ni les antisémites quels qu’ils soient. Les ennemis de nos ennemis ne sont en effet pas forcément nos amis. Car si ce combat d’apparence noble se retrouve dans leurs programmes, il ne faut toutefois pas oublier que derrière se cache également tout un délire de haine incompatible avec nos idéaux d’amour et de liberté que nous nous acharnons à semer dans ce monde déjà gangrainé par tant de vermines. Encore combien de temps des personnages comme Alain Soral avec Égalité et Réconciliation, Thierry Meyssan avec le Réseau voltaire, François d’Asselineau avec l’Union populaire républicaine, Jacques Cheminade avec Solidarité et Progrès, Etienne Chouard, Michel Collon, le Cercle des Volontaires, le projet Apache, et j’en passe pas mal, ou de pages déclarant lutter contre les Illuminatis, le Nouvel ordre mondial, la désinformation, ou soutenant feux Mouammar Kadhafi et Hugo Chavez, ainsi que Bachar El-Hassad et Mahmoud Ahmadinejad, d’ailleurs relais des premiers pseudos-théoriciens, continueront eux aussi leurs petits jeux obscures pour rallier à leur cause nauséabonde des gens de chez nous qui n’ont toujours pas ouvert les yeux ? Un exemple parmi tant d’autres des effets insidieux de la nébuleuse d’extrême-droite et de la simplicité militante de quelques collègues aux effets dévastateurs, qui doit accentuer plus que jamais notre devoir de vigilance.

http://www.toufik-de-planoise.net

« Amour libre » vraiment ? Et après ?

  anarchylove « Le couple et la cohabitation sont aussi aliénants pour les hommes que pour les femmes mais  [les hommes] ne le savent pas encore parce que leur aliénation est celle du maître dont la survie – en tout cas le confort quotidien – est liée à l’esclave […] On leur a appris depuis l’enfance que si le couple et le foyer sont la place naturelle des femmes, leurs véritables territoires sont ailleurs, au travail, au parti, à la guerre. En partant accomplir les tâches nobles qui leur sont attribuées, ils croient fuir l’aliénation du foyer mais ils ne font que quitter une aliénation pour une autre et les deux se renforcent mutuellement, l’existence du couple et celle de l’entreprise sont indissolublement liées et la réforme de l’un s’appuie sur la libéralisation de l’autre. […] Ce n’est peut-être que lorsque les femmes seront parties, (…) lorsqu’ils perdront leur base de repli, leur résidence secondaire où ils refont leur force de travail, que les hommes prendront profondément conscience, dans leur corps et pas seulement en théorie, de leur aliénation globale et qu’ils remettront concrètement en cause la notion de travail forcé ”

Evelyne Le Garrec, « Un lit à soi », 1979.

« Ce n’est pas la situation actuelle de la famille qui est inacceptable, c’est son existence même. […]   Il n’y a pas à transformer la structure parentale, car l’égalité vécue […] ne pourra exister et engendrer un bouleversement total des rapports sociaux que dans une société sans classes, décentralisée, techniquement autogérée […]. Il va sans dire que ce type de société ne peut que se fonder sur un renversement total des rapports entre les sexes et sur la disparition de la cellule familiale. 

[…]Pour résumer : la famille est la courroie de transmission entre le Pouvoir, quel qu’il soit, et le futur citoyen, prolo, cadre, patron, enfant. C’est la famille et l’école qui font d’un enfant un “ adulte ” par la violence. Mais le Pouvoir exerce également sa contrainte sur les parents (surtout la mère par l’intermédiaire de l’enfant ; l’enfant est son otage, son chantage). Toute personne qui n’a à vendre que sa force de travail – 99% des gens -, sitôt qu’il devient père ou mère est obligé de se soumettre. Il doit travailler, et travailler à n’importe quoi, pour n’importe quel prix. »

François d’Eaubonne, « L’hiver du patriarcat »,

Article, in Revue “ Autrement ” n. 3, Automne 1975.

Au fil des rencontres, des discussions et des lectures et autres réflexions sur « L’amour libre » ou le « polyamour » dans les milieux anarchistes, anti-autoritaires ou dit « autonomes », avec un peu de recul on en vient assez vite à se demander si ces termes ont encore un sens. Et surtout s’ils ne sont pas aujourd’hui très galvaudés.  Ce sont des termes parfois vus comme un peu prétentieux. Parce qu’il y a dans certains milieux (« radicaux » ou pas) un prestige à dire qu’on est « en amour libre ». Ces termes « d’amour libre », d’amour pluriel ou de « poly-amour » produisent un effet. Termes qui sous entendent aussi implicitement qu’on est tellement plus libéré-e-s que les autres et qu’en plus on s’aime (ou pas). Mais quel que soit le mot qu’on utilise, il semble recouvrir un ensemble d’agencements et d’arrangements amoureux, amicaux, sentimentaux ou sexuels (ou un peu tout cela à la fois) qui n’ont souvent rien en commun les uns avec les autres sinon de ne « pas être un couple »… et encore.

Dans une partie des milieux révolutionnaires ou dit « anti-autoritaires », ces termes (ou d’autres synonymes) sont un peu à la mode ou font simplement force de « tradition ».

Mais force serait plutôt de constater qu’il existe un vide cosmique au niveau de la réflexion et de la critique concernant nos pratiques et les questionnements qui sont liés à cette question, ou presque.

Soit que ce n’est pas « subversif en soi », soit que c’est « l’affaire de chacun-e », soit que ce n’est pas « une pratique de lutte ». Bref, une bonne dose de libéralisme et de mauvaise foi pour cacher la misère et renvoyer les questions qui touchent à l’intime à la place que lui avait déjà assignée la société dans laquelle nous vivons : celle du « privé ».  Ou encore (autre solution cybernétique) en faisant de la question un problème de mauvaise gestion.  Le couple n’étant pas apte à « gérer les sentiments », on « collectivise » en présentant ainsi la question comme devant simplement être mutée de la « sphère privée » à la « sphère publique » sans questionner ni le pouvoir, ni la gestion, ni ces fausses séparations. Dans tous les cas, on est face soit à un refus d’aborder le problème de face, soit à une volonté d’y imposer des solutions toutes faites. Deux versants d’une même manière d’ignorer l’éléphant qui est dans le salon.

 

L’Unique et son intimité.

« La liberté intellectuelle dépend des choses matérielles. La poésie dépend de la liberté intellectuelle. Et les femmes ont toujours été pauvres, depuis le commencement des temps. Les femmes ont eu moins de liberté intellectuelle que les fils des esclaves athéniens. Les femmes n’ont pas eu la moindre chance de pouvoir écrire des poèmes. Voilà pourquoi j’ai tant insisté sur l’argent et sur une chambre à soi. »

Virginia Wolf, in « Une chambre à soi »

« Être dans la solitude, c’est là le difficile. Continuer à être, à garder le sentiment de sa propre existence — être, et non pas cesser d’être, quand l’autre n’est pas là — et conserver le sentiment d’identité — être soi, et pas les autres. Il est des gens pour qui la chose paraît simple. Ils sont convaincus que leur existence vraie ne cesse pas, mais peut-être même ne commence qu’à l’écart des autres. Ce retrait, ils le nomment, c’est selon, la vie privée, la table d’écriture, la chambre à soi. Pourtant, pour beaucoup, l’être se défait, s’altère quand l’autre manque. (Mais cet autre qui ne peut faire défaut sans que je sombre dans le néant, est-ce bien un autre ?) Ils ne sont que quand ils ne sont pas seuls (la promiscuité tient lieu de proximité). »

Michel Schneider, in « Glenn Gould piano Solo ».

3066894789_fc7dd8152a_oDans toutes les nouvelles sectes gauchistes new-age, comme dans toutes les tentatives désespérées de réanimer les cadavres encore chauds des vieilles idéologies révolutionnaires (post-situ et marxistes, etc…) -concernant les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui dans nos vies- se révèlent non seulement inopérantes pour expliquer le monde qui nous entoure, et formuler leurs perspectives révolutionnaires, mais ont toutes en commun la négation pure et simple de l’individu.

Plus précisément, c’est cette fable de « l’individu immédiatement social » (le communisme ?) décliné à toutes les sauces qui revient régulièrement (ou sous d’autres formes), et raisonne comme une douce promesse. La solution est forcément collective, forcément une question de « luttes des classes » et de « rapports de production », et en bref ne laisse aucune place non seulement à l’individualité mais aussi aux questions qui touchent à l’intime et au domaine du sensible. Comme si d’ailleurs ces champs étaient exclus de tout rapport de force et de toute domination…

Or, dans cette vision l’individu n’est im-médiatement social (c’est-à-dire sans médiations) que dans le « monde idéal»,  une fois achevée l’abolition des classes, de « la valeur », de toutes les formes d’oppressions et de dominations…  et d’ici là, bon courage camarades !

Car de fait cette fable ne vaut pas dans la société dans laquelle nous vivons puisque l’individualité n’est conçue par ceux qui la « nient » que comme le produit finit d’un processus d’atomisation (ce qu’il est aussi en négatif) et comme un concept « bourgeois » ou libéral, ou comme simple produit de rapport de production ou d’échanges.  Ironie du sort, libéralisme existentiel et communisme littéraire se passent très bien du concept d’individualité ou d’individu.

Dans la perspective « communisante » précisément, comme dans la perspective qu’on pourrait qualifier de « tiqqunienne » (ou dans bien d’autres théories) le grand mouvement qui est à la fois sa perspective, sa méthode et son propre but, communise donc tout sur son passage : les chaussettes, les radiateurs, le pain et les affects.  Du moins il croit le faire. Ça c’est sur le papier évidemment.  Le problème c’est bien sur que les « affects », ou plus généralement les sentiments (et moins encore les individu-e-s) ne peuvent se résumer à des « produits du procès de production» (entre autres tautologie) ou à des marchandises interchangeables qu’on peut voler, auto-réduire et « se faire passer ».

Le problème c’est précisément que la rationalité capitaliste et autoritaire a imprimé cette idée sur son passage. Et qu’à défaut de penser la question, c’est la même rationalité de supermarché qui range au même rayon les boites de conserves, le papier toilette, la copine, le copain, « mes ex et mes futurs ». A tel point qu’on pourrait presque écrire sur la liste de courses et de choses à faire « trouver une autre relation ». C’est en général ce qui se fait sur les « réseaux sociaux », sur internet, par exemple.

Evidemment, en plus de témoigner d’une misère affective désarmante (et ce n’est pas rien de le dire),  cet « amour libre » là (sous ses diverses facettes) est le plus souvent un petit théâtre dérobé de la reproduction des formes de dominations hétéro-sexistes et patriarcales, souvent même de manière paroxysmique et caricaturale.

La plupart des « amour-libristes » revendiqués sont bien entendu des hommes hétérosexuels. On se demande entre hommes « comment convaincre sa copine de s’y mettre » sans se demander si on va vraiment le supporter (ou mieux, on lui interdit en se permettant toutes les libertés dans son dos). Et quand la « copine » trouve la clef des champs,  on se transforme en une espèce de Tartuffe machiste désabusé, la traitant de tous les noms, et on invente des mensonges incroyables pour se faire passer pour la victime auprès de tout le monde. On affiche son tableau de chasse devant ses potes et on explique qu’on est « blessé » ou qu’on se sent « abandonné » dès que la « copine » fait preuve d’un soupçon d’autonomie sentimentale ou sexuelle.  Ou pire donc : on cloitre, on isole.

« A elle le couvent, à moi la liberté ». On « fait le canard » devant « sa » copine attitrée, le fier devant ses potes et le malin avec les autres, pour montrer combien on est pas jaloux.

Evidemment, ces situations sont toujours transposables d’un sexe à l’autre ou dans des relations non-hétéro-normées qui se calquent sur le modèle et le style de vie du couple dominant. Ces attitudes (qui ne sont pas l’exclusive propriété des hommes) donnent simplement parfois l’impression d’être juste la norme : à la fois dans les couples traditionnels, dans les couples « réformés », et dans le cloaque « amour-libriste » (dans toute sa diversité) qui ne dit pas son nom mais est quand même très fier de ce qu’il prétend être.

Dans tout ça, il y a l’aspect irrémédiablement « précaire » de la vie collective, qu’elle soit le fait de collocations, de logements sociaux où on s’entasse ou de squats. Encore que ces derniers offrent au moins en puissance –et même temporairement- plus de potentialité : parce que plus d’espace.

Mais dans tous les cas, soit c’est le désert où l’intimité a été « abolie » ou « collectivisée » de force (ce qui dans l’esprit de secte de nombreuses personnes, signifie la même chose), soit c’est le couple comme refuge (et de ce point de vue là, on a pas toujours envie de lui en vouloir). Mais encore une fois, c’est de territoire partagé sous la contrainte qu’il s’agit. Une maison, un espace, une chambre, un lit. De toute évidence, il y a là toutes les raisons de ne pas s’interroger sur l’autonomie individuelle et même le consentement tant ces questions impliquent des réponses « dangereuses ».

Dangereuses pour la société en général, mais aussi pour un ensemble de milieux où le crime suprême dans la vie collective n’est pas de vouloir forcer les limites corporelles et intimes des autres mais bien plutôt de mettre un verrou à sa chambre. Là où il ne viendrait étrangement à personne l’idée de démonter celui des chiottes ou de la cave par exemple.

Et puisqu’on en parle : un ensemble de milieux qui a enterrée l’idée même d’une chambre à soi, voir même d’un lit à soi en même temps que toute possibilité d’autonomie individuelle -et donc d’individualité comme principe et comme tension – ne porte résolument pas grand choses.

Et il faut bien des renoncements pour y parvenir. Et d’abord celui à l’intimité.  C’est-à-dire à la possibilité –même ponctuelle- de s’isoler, d’être parfaitement seul lorsqu’on en a envie, de garder certaines choses pour soi, de ne pas partager toutes nos expériences avec la terre entière.

Du reste, la volonté manifeste et systématique de « collectiviser l’intime » (c’est-à-dire en fait de le détruire) s’apparente plus qu’autre chose à une volonté de pouvoir et d’emprise collective (souvent par un petit groupe ou quelques individu-e-s) sur les relations inter-individuelles. Bien entendu, le « privé » est politique. Mais l’intime n’est pas nécessairement « privé ». Il est une tension entre soi et les autres. Il est ce mince fil qui permet d’exister par soi-même avec les autres.

On peut disserter sur l’idéal que représenterai le fait de vivre –comme certains anarchistes naturistes de la belle époque par exemple- en communauté totale dans un Eden retrouvé, qu’on en ferait pas disparaitre pour autant l’irrépressible besoin d’intimité. L’intime est en fait bien plus que le besoin d’être seul ou le « lien particulier qu’on partage avec d’autres », il est aussi la distance raisonnable dans laquelle on les maintient. Il est cette bienveillance avec laquelle on rappelle à l’autre qu’on n’est pas lui ou elle. Il est aussi la force avec laquelle on repousse nos propres fantasmes de fusion, dans tout ce que ceux-ci comportent d’autoritarisme, de vampirisme affectif, d’appropriation du corps de l’autre, et donc aussi d’hétéro-sexisme, et même de cannibalisme social (au moins dans l’étrange légèreté avec laquelle on considère les corps comme simples aliments de nos « besoins »). En lieu et place de la liberté ou de l’émancipation, c’est bien un libéralisme qui ne dit pas son nom qui domine la plupart du temps. Celui du « j’fais c’que j’veux et j’t’emmerde ».

Là encore –évidemment- le ressac patriarcal, et le ressac libéral et non anarchiste, comme projet contre-révolutionnaire s’exprime avec une aisance et une complaisancedésarmantes.

Sous toutes bonnes intentions, les volontés de faire disparaitre cette tension qu’est l’intime – à travers la généralisation du ragot ou la mise à disposition des corps- sont simplement d’excellentes méthodes de pacification et de contrôle, et bien entendu le retour à des formes ancestrales de privation, de contrainte et d’exploitation : tout particulièrement pour les femmes.

Evidemment, la tendance au ragot, ou le fait d’exposer en permanence les autres sans leur consentement ne doit pas être compris comme une critique de la solidarité nécessaire dans les  situations de violences ou d’abus, mais comme la norme qui consiste à se vanter de « ses relations », comme une autre forme de « capital social ».  Norme omniprésente dans les relations de couples et hétéro-normées. Ou plutôt du couple hétéro traditionnel comme modèle relationnel unique et de référence.

Ouvrir la boite de pandore, et laisser nos illusions s’envoler.

« nous savons bien que malgré nos conceptions nous sommes encore jaloux, menteurs, propriétaires, autoritaires. Et comment, du jour au lendemain, ces tares que nous nous reconnaissons pourraient-elles s’effacer chez tous? (…) Constatons simplement l’effet certain d’améliorations que peuvent amener en les individus l’application des idées anarchistes, mais soyons assez lucides pour ne pas espérer supprimer instantanément les tares et en particulier les souffrances de la jalousie »

Anna Mahe, in « Jalousie »,                                                                                                   l’anarchie, 21 février 1907, n° 98

comicsCe « communisme » d’opérette-là (celui cité plus haut), sous toutes ses facettes, ne fait que singer les pires fantasmes « biopolitiques » de caserne et de panoptique en termes de relations sentimentales comme dans la vie quotidienne. Il s’apparente d’une certaine manière à la « maladie communautaire » décrite par Bonnano dans son texte du même nom. Une véritable politique à lui tout seul justement.  S’il y a une analyse critique à porter sur ce qu’il est encore convenu d’appeler « l’économie »,  c’est aussi contre nos propres pratiques oppressives et autoritaires qu’elle doit s’orienter. Car une des bases du capitalisme (et par extension de toute oppression et domination) n’est pas juste l’accumulation, ou même le processus de valorisation mais bien l’appropriation, et conséquemment la force et la contrainte qu’elles supposent.

En réalité, la seule philosophie qu’on puisse réaliser dans ces conditions sans s’attaquer au problème de l’autorité et des diverses formes de pouvoir, institutionnelles comme celles dans la vie quotidienne, reste un « communisme de la survie ». Et c’est un principe qui se vérifie aisément : la survie ne pousse pas les gens à se révolter, à s’auto-organiser ou à lutter. Elle pousse au mieux à se replier sur soi, et plus généralement à s’entredévorer et à se familiariser avec une sociabilité de charognards.

On peut donc d’autant moins se payer le luxe d’ignorer la question de la liberté dans les relations amoureuses, sentimentales ou amicales (et de comment éviter de trop séparer tout cela) que la situation actuelle dit quelque chose du désastre ambiant : du ressac patriarcal et des comportements de prédateurs, du racisme rampant et institutionnel, de la dégradation généralisée des conditions de la survie, des relations de pouvoir et de la violence dans les relations amoureuses, affectives ou « de couple ». Et au milieu de tout cela, de la possibilité d’établir des relations sociales libérées. La situation dit aussi quelque chose de notre incapacité à lier notre éthique et nos pratiques dans la vie quotidienne à celles que nous prônons dans nos luttes. Si nous n’en parlons pas, si nous ne nous regardons pas en face : alors les mêmes causes produiront les mêmes effets.

De la même manière qu’on ne peut pas tout réduire au lieu de travail, on ne peut pas tout réduire à « l’économie », et on ne peut pas d’un côté parler à qui veut l’entendre de « commun » en enterrant systématiquement tout ce qui sort du champ du « social » et de ses « mouvements » au sens le plus restreint des termes.

Ironie du sort, la seule chose qui fasse encore consensus à propos de « l’amour libre » c’est que ce n’est même pas un sujet de débat. Après tout, c’est Emma Goldmann qui demandait « Comment l’amour pourrait-il être autre chose que libre ? ».  On devrait se demander aujourd’hui : comment pourrait-il l’être vraiment ?

Les discours convenus sur « l’amour qui est à réinventer » ou « à détruire »  ne nous apportent rien ou pas grand-chose. Les gens continuent de tomber amoureux/ses en prétendant que ce n’est pas le cas et se font toujours aussi mal voir plus.  Comment pourrait-il en être autrement ? L’amour est-il un problème en soi ou est-ce seulement la manière de l’envisager ? Ou n’est-ce pas plutôt un problème plus général où les sentiments et les affects continuent de pâtir soit de leur exclusion du champ d’analyse critique, soit de leur soumission à des modèles « révolutionnaires » préconçus.

Toutes ces questions restent en suspens.

Autonomie sentimentale et clandestinité amoureuse.

« L’émancipation de la femme est, selon moi, très mal posée chez les anarchistes. La femme n’est guère envisagée que comme épouse ou amante, que comme complément de l’homme et incapable de vivre sa vie pour et par elle-même. (…) La femme est donc prédestinée à l’amour, légalisé chez les gens comme il faut, « libre » chez les anarchistes »

Sophia Zaïkowskain « Feminisme » ,

La Vie anarchiste, 1er mai 1913

 

On peut se raconter des berceuses ou prétendre que tout n’est qu’une question de « conditions matérielles » (sur lesquelles on a donc peu de prise, c’est donc « la faute à personne ») ou même de « bonne volonté » (c’est donc « la faute à tout le monde ») et on en perdrait presque de vue la puissance de l’idéologie. Du fait que nous avons été conditionné-e-s à penser que « l’amour c’est papa et maman ». Que c’est pour la vie. Que c’est une romance et une histoire à deux uniquement. Ou bien que c’est « moi et mon cheptel » (version « prince proxénète »). Même lorsque ce n’est pas ce qu’on a vécu dans son enfance et moins encore ce qu’on voudrait vraiment pouvoir désirer.

Les désirs en disent d’ailleurs généralement plus sur  ce que nous avons été conditionné-e-s à penser que sur ce qui nous rend véritablement heureuses/eux.

Mais une chose est sure, sans chambre à soi, sans lit à soi, sans intimité : quelle type de relation libre est encore possible ?

La misère sentimentale et la vulnérabilité affective rendent possibles les pires actes et attitudes autoritaires et hétéro-sexistes en matière de rapports sociaux sentimentaux. Pire, elles en sont une conséquence inévitable. Cessons de faire comme si la violence –même psychologique- dans les rapports amoureux ou sentimentaux n’était qu’un accident de parcours ou seulement « la faute au couple ». Car cette misère et cette vulnérabilité, cette exposition rendent aussi possible le couple comme refuge et comme mouroir. Et tout cela est profondément lié à l’absence d’intimité (ou son contrôle strict, par un individu ou le collectif) et au fait de ne pas pouvoir se retourner sur soi, de réfléchir et se questionner, pour se reposer, ou pour toucher son propre corps et jouir enfin seul. Ce n’est pas  un hasard si ceux et surtout celles qui en ont été privées sont pris-e-s d’insomnies chroniques ou atteint-e-s de procrastination et d’apathie. Précisément, ce n’est aussi pas un hasard si cette condition d’absence d’intimité (ou d’intimité contrôlée) est déjà –à divers degrès- celle de la plupart des femmes dans les sociétés dans lesquelles nous vivons.

Ironie du sort : l’injonction « immédiate » à la société contenue dans la conception dominante « d’amour libre » (ou de « camaraderie amoureuse » – pour reprendre un autre concept douteux) ne fait en fin de compte qu’étendre l’exigence marchande et patriarcale de mise à disposition des corps.

Il n’y a donc pas qu’une manière, mais une infinité de façons de rompre avec cette condition. De s’y attaquer. Qui correspondent aux désirs, aux problèmes, et aux spécificités oppressives de chacun-e-s.

Et que nous devrions le voir comme une aubaine et non une contrainte.

En effet, il y a quelque chose de puissant dans cette tension qui lie la nécessité première d’être « unE » aux désirs et aux besoins d’être « plusieurEs ». Et l’unE ne peut pas aller sans l’autre. L’analogie est aussi bien transposable aux sentiments, à la lutte des classes ou aux rapports sociaux de sexe qu’à la question de l’auto-organisation. Et toutes ces questions ne font que se recouper en permanence.

Sans en faire l’alpha et l’oméga de toute théorie -et quoi qu’on en dise-, l’élément de base, celui qui n’est pas compressible, qui ne peut pas être « dissout », qui se révolte, qui respire, qui ressent et qui se débat de toute ses forces contre tout assujettissement (d’autres disent de « subjectivation ») n’est ni le groupe, ni la secte, ni le parti politique, ni le milieu, ni la fédération : c’est d’abord l’individu-e.  Concept qui n’est ni intrinsèquement marchand, ni forcément libéral, ni même essentiellement « bourgeois » ou même contradictoire avec une analyse de classes.

Parce qu’il est le sujet sensible de tout pouvoir : parce que c’est le X de l’équation.

D’où la nécessité pour toute autorité ou tout esprit de secte de le transformer en citoyen, en « produit fini», en sujet d’analyse ou en quoi que ce soit d’autre, ou tout simplement de le nier : de faire comme si il n’existait pas.

L’idée d’autonomie sentimentale prise uniquement d’un point de vue « collectif » est une pure abstraction. Le sentiment de jalousie en dit d’ailleurs plus sur l’image qu’elle nous renvoie de nous-même que sur les autres. Elle dit quelque chose de notre besoin de contrôle et du soi-disant « instinct de propriété » – et de la peur de l’abandon qui les construisent socialement. Même si cette peur est parfois légitime : il faut apprendre à vivre avec, et à l’apprivoiser. Car elle dit aussi quelque chose de notre incapacité à éprouver de la joie à l’idée de savoir l’autre heureuse/eux sans nous. C’est-à-dire à éprouver l’exact contraire de la jalousie.

Mais tout ça n’est pas une mince à faire. Et si tout n’est pas non plus qu’une question de « volonté », alors il faut s’interroger sur les conditions qui rendent cette liberté possible. Et d’abord d’une absence de condition oppressive et autoritaire (de lois, de traditions, de classes, patriarcale, raciste, etc…). Ce qui nous mène inéluctablement sur le terrain de l’attaque et de la conflictualité avec cette même condition.

Et aussi sur celui d’une sorte de clandestinité amoureuse. Parce qu’en effet, dans un monde où la violence de la domination est omniprésente, toute intimité réelle est forcément un peu clandestine. Le stade suprême du soit disant “processus d’individuation” capitaliste et étatique en matière de relations sociales se traduit en réalité par un état où l’individu n’a plus ni “vie privée”, ni vie tout court.

C’est précisément pour ça que la communauté de vie ou de luttes sans intimités ne subvertie rien en termes affectifs. Pour le redire à nouveau, d’une autre manière : elle ne fait qu’étendre l’exigence policière de renseignement et celle de la disponibilité et de l’interchangeabilité marchande des corps à la sexualité dans un simulacre “d’économie sexuelle libérée” (triple oxymore ?) qui ne se maintient qu’au travers de sa perpétuelle mise en scène.

Ainsi, même si il s’agit parfois de quelque chose de « symbolique », dans un environnement hostile où « sexualité »  rime avec violence et prédation : savoir rester secret pour soi est un gage d’autonomie et pas nécessairement de possession, de jalousie ou « d’esprit petit bourgeois ». Ou simplement parce que : tout le monde n’a pas besoin de tout savoir sur tout.

C’est là toute la contradiction dynamique que portent en elles les réponses à la question de savoir si et comment nous pouvons vivre nos amours librement dans un monde qui ne l’est pas : et après ?

Le Cri Du Dodo

Quelques lectures, comme pistes de réflexion, en plus de celles citées dans le texte :

– “A propos d’autonomie, d’amitié sexuelle et d’hétérosexualité”, de Corinne Monnet.

– “Sous le tapis le pavé : Les violences sexistes dans les milieux militants qui se revendiquent anti-sexistes et anti-autoritaires”, Récit collectif et anonyme.

– “Amour libre, jusqu’où ?”, de Martine-lisa RIESELFELD

– “L’utopie de l’amour libre” , de José Maria Carvalho Ferreira, revue Réfractions.

– “Les milieux libres, vivre en anarchistes à la Belle époque”, Céline Baudet, éditions l’Echapée.

– Je t’aime… oui mais non, l’amour c’est mal … on en est où, là ?” anonyme

– “Complicated relationships : conversations on polyamory and anarchy”,Ardent Press edition (en anglais).

http://lecridudodo.noblogs.org/

PAGERETE TUTTI,ILS PAIERONT TOUS!

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– ni Oubli ni Pardon –

 

Clément restera à jamais dans nos cœurs, dans notre mémoire…la simple évocation de son nom nous serre encore le bide, celle des conditions de sa disparition nous plonge tout bonnement les viscères dans un bain d’acide. Si perdre un frère, un ami ou un camarade est toujours un épreuve. Apprendre qu’il s’est fait assassiné par ceux contre qui nous luttons  , par ce contre quoi nous avons toujours lutté ( la violence fasciste et l’idéologie qu’elle sert) nous renvoit face contre terre, percuté la réalité de ce monde dans lequel on vit…de cette société dans laquelle on crève…

 » Le béton est armé pourquoi pas nous? »

Nous avons respecté le temps de recueillement souhaité par sa famille et ses plus proches ami-e-s. Nous pensons bien fort à eux dans un tel moment …conscient qu’ aucun mot ne saurait calmer l’indescriptible douleur dans laquelle ils ont été plongé par l’arrachage violent à la vie d’un être cher.

L’émotion est vive, au de là même du cercle d’amis qui le côtoyaient régulièrement,  il est bien claire dans la tête de chacun, qu’il aurait pu s’agir de n’importe lequel d’entre nous, de nos proches,  des nos frères et sœurs, de sang, de vie et de combats et qu’il n’est pas besoin d’attendre que cela n’arrive pour que nous nous sentions nous même touché dans notre cher. Si personne n’est libre tant que tout le monde ne l’est pas. Il y a toujours ce sentiment que face à la répression réactionnaire et à la violence fasciste – négation même de cette liberté chérie par-dessus tout – lorsque on touche à n’importe lequel d’entre nous– ces « fanatiques amoureux de la liberté » comme dirait Bakounine –  c’est comme si on s’en prenait à chacun d’entre nous.

Lorsque Carlo ou Alexis tombèrent sous les balles de la police, aucune frontière ne nous empêché de ressentir que c’était aussi une part de nous qu’ils avaient assassiné…Il en va de même pour tous les anonymes tombés en Tunisie, en Egypte, en Turquie ou au Brésil et partout sur la planète car il s’agît bien d’une guerre civile mondiale…Nous sommes tous un peu mort à Gênes en 2001, en Grèce en 2008 ou à Paris en ce début de moi.

Aussi il ne fait aucun doute que le meilleur hommage que nous puissions rendre à quelqu’un qui avait pris fait et cause contre les forces réactionnaires qui gangrènent notre existence passe justement par notre détermination à ne rien lâcher dans cette lutte, et bien au contraire d’y insuffler toute la haine et la rage que nous ressentons en ce jour de colère pour que notre détermination n’en soit que décuplé et toujours plus incisive.

Qu’on nous traite d’ Ultra…aucune tolérance n’est possible. Tolérer ? Accepter l’inacceptable ? Devant quelle atrocité encore devrions nous rester des spectateurs impassibles le cul bien enfoncé dans leurs canapés le cerveau guimauve modelé sur mesure par les desseins du soi-disant bon sens démocratique. Cette insipide diarrhée verbale que nous ressert sans vergogne les hauts parleurs de la société spectaculaire marchande qu’ils soient hommes (marionnettes) politiques ou mass média. Ce même bon sens démocratique qui voudra renvoyer dos à dos « les extrêmes » , oui ceux qui luttent pour une société sans classe (donc libre et égalitaire pour tous et toutes) et ceux  qui rêvent de centre de rétention, de prison ou d’ HP pour ces voisins pallier selon si il estime que ces derniers sont soit  de dangereux envahisseurs migrants  ou  de monstrueux gauchistes traîtres à leurs nations.

 

« Notre deuil ce sera le fusil et le poignard »

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Nous n’avons rien à attendre de la parodie de justice que la Republique Bourgeoise nous tend comme un hochet sur lequel baver et s’exciter pour faire passer le temps, que la tension redescende au lieu que les esprits s’échauffent … tant qu’aux média on les aura vu nous servir avant l’heure leur propre parodie de cette parodie de justice. Ce monde de l’info ou tout doit aller  vite et si possible sentir le sperme, le sang ou le scoop pourvu que l’audimat suive, nous aura en tout cas confirmer dans toute son ignominie la gargantuesque boulimie du spectacle médiatique et sa monstrueuse capacité à tout ingéré, digéré. A intégré l’information tout en retirant sa « substantifique moëlle » pour n’en garder que cette forme scabreuse. Juste de quoi contenter la curiosité malsaine du badaud, tout en ayant tout fait auparavant pour motiver au maximum sa quête de perversion formaté.

Rien n’arrête les pantins de la société spectaculaire marchande. Ainsi on a pu voire  chacun d’entre eux tenter de tirer son bout de couverture de ce qui était devenu pour eux un évènement médiatique. Jusqu’à l’ignominie la plus crasse. Des portes paroles du front de gauche venu immédiatement faire leurs pub, la pointe des pieds sur le cadavre encore chaud de clément, dont le nom ne servait bientôt que de marche pied dans leur  quête d’ apparition sur la scène médiatique alors même que ceux qui le côtoyaient vraiment tentaient vainement de rappeler qu’il était justement critique avec nombre d’idée du front de gauche, on les entendait déjà le présenter comme « un proche de Jean luc Mélanchon » avec l’aide non dissimulé de journalistes prés à tous les raccourcis – l’idée étant de simplifier au maximum la réalité des évènements pour que ceux-ci n’apparaissent bientôt que comme l’expression du spectacle politique dans le réel. Le spectacle politico-médiatique ne fonctionnant que comme l’énonciation d’un  récit spectaculaire, un travestissement des faits consistant en quelques images tape à l’œil saupoudré de commentaire simplistes, l’assassinat de clément ne devenait bientôt pour eux que la transposition du duel théatral que nous joue Marine lepen et Mélenchon depuis quelques temps. Le course d’obstacle à l’indécence n’allait pas tardé à se trouvé d’autres champions élus UMP et PS osant ramené leur sales trognes alors qu’eux aussi faisaient partis intégrante du système contre lequel Clément Méric avait choisis de lutter. L’apothéose étant bien entendu atteind par l’invitation sur les plateaux de l’inénarable Batskin venu nous servir ses meilleurs imitations du Duce à coups de poses bustes en avant et menton levé pour salir la mémoire de notre camarade de tirade ordurière où comme d’habitude il s’agit de discrédité le  camps d’en face par des moqueries servis par un humour potache qui n’a plus rien de drôle quand il  de faire passer le meurtre d’un jeune de 19 ans pour une malencontreuse glissade.

Nous n’oublierons pas. Nous ne pardonnerons pas. Ni les assassins et le camps qu’ils défendent et représentent. Ni l’idéologie raciste et fascistoïde qui a armé le poing qu’ils ont dressé face à nos camarades. Ni les acteurs de ce système spectaculaire marchand qui n’ont vu dans cet évènement qu’un moyen de faire du buzz qu’ils s’agissent de faire parler d’eux, de faire monter l’audimat ou de guetté l’électorat. Batards, crevures et charognards…La place de vos gueules est bien sous nos semelles car vous ne valez pas plus que la merde qu’elles cotoient…

 

 ET CREVE LA VICTIMOLOGIE …

 

Et pour ceux qui cherchent à savoir qui en premier est venu chercher les autres…qu’ils ne s’y trompent pas. Face à ce genre de raclure, honneur à ceux qui ne lâche rien. Qui ne baissent pas les yeux. Qui appelle un chat un chat et un porc un porc, er qui le trâite comme tel lorsqu’il le croise. Qu’il s’appelle Esteban ou qu’il porte l’uniforme des forces de l’ordre réactionnaires. Qu’ils nous rêvent en centre de concentration ou qu’ils envoient nos frères dans des centres de rétention. La salope fasciste et policière a mille visage, il doit en être de même pour la résistance active qu’il faut lui opposer.

  COURAGE FORCE ET DETERMINATION

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Nous ne gagnerons rien durablement si on se contente d’accompagner les cortèges funéraires, d’envoyer des mandats au frères et sœurs au schtards…si il est indispensable d’afficher cette solidarité, il ne s’agit que du minimum que nous puissions faire. Et il faudra bien plus que le « minimum syndicale » pour contrer des ennemis qui  ne comptent ni leurs temps, ni leur énergie, ni leurs moyens.

Le meilleur hommage que nous pouvons rendre à Clément, comme à tous les anonymes qui tombent chaque jour dans cette guerre qui ne veut pas dire son nom c’est non seulement de faire preuve de la plus puissante  des déterminations mais aussi de leur opposer  la plus féroce des résistances armées de tous ce que nous pouvons lui apporté. De tous ce qui peut la rendre efficiente.

Et finalement c’est aussi ne pas seulement se contenter de résister, de garder les quelques acquis que nous devons à des siècles de lutte mais c’est aussi et tout d’abord trouver ou re-trouver le goût et l’énergie de l’offensive.

On trouvera ça et là, des donneurs de leçons, tueur de lutte, qui voudront nous renvoyer dos à dos avec ceux que nous combattons, qui nous opposeront que rien ne mérite qu’on meurt à 19 ans. Hors justement il faudrait déjà pouvoir vivre dans un monde ou personne ne meurent si jeune de manière si violente pour de telle raisons  pour qu’il en soit ainsi. Oh oui on aurait aimé que personne ne puisse crever à 19 ans sauf que le monde n’a pas attendu la mort de Clément pour connaître quotidiennement son lot de morts injustes…et rien ne semble ne nous détourner de cette voie dans un monde où rien ne semble pouvoir échapper à la sphère spectaculaire et marchande, et à la violence fasciste et policière qui l’a de tout temps accompagné – et ce, pour des raisons évidentesDes raisons évidentes dans un monde ou tout se calcule en terme de plus-value , enintérêts, que celui-ci prenne la forme de monnaie sonnante et trébuchante ou d’une « notoriété » synonyme de« pouvoir » dans une société où rien n’arrête l’expansion de l’importance du paraître… Plus nous ressentons la réalité morbide de ce système cannibale et plus nous avons des raisons de nous révolter, et plus les nervis de l’Etat ou ceux qui idéologiquement rêvent de nous voire en cendre pulluleront excité par un système qui les poussera toujours plus à passer à l’acte…

Si tant de monde s’époumone à nous rappeler que la vie n’a pas de prix c’est bien que chacun constate que tout semble prouver le contraire…et ça jusqu’à la nausée…

Pour nous c’est claire. Nous sommes en guerre. Nous n’avons rien à vendre. Rien à brader. Rien à acheter et tout à prendre. Aucun pardon n’est à monneyer. Nous n’avons rien à négocier. Pour l’instant on sert les dents et on hurle en silence…en murmurant qu’il faudra bien qu’il paye…

Conscient ceux qui pensent pouvoir tout acheter ne connaisse pas le prix du sang…

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Pour tous les notres qu’ils enferment

Pour tous les notres qui sont morts

 

 

RADIO KLANDESTINE PERMANENTE #28

 

idees-noires.gifEN CE JOUR DE DECEMBRE

 

FREE STYLE DECEMBRE 2011- PAROLES ENEDEKA MASKA -INSTRU ENOKAES

a l’intention de ces porcs de batards fascistes avec ou sans uiforme

En ce jour de décembre / Ici pas trop de galanterie, c’est plus Potere Operaio / depuis qu’le beat a ralenti n’importe quel pelo peut rapper yo/ Crise du isque ferment les labels ho…/les rappeurs mettent du labello / lèvres gersés / à force de sucer d’user des codes du New Jersey /t’es plutôt Jay-Z ou Jesse Jame, James et jessy / tu crois bander sur les bandits / le son d’la bande FM n’en est pas le produit / DOA ( dead on arrival) depuis la naissance / DIY ( Do it Yourself) j’draine comme une odeur d’essence…

Le matin j’ai des grosses cernes / matte mon reflet dans la seine / noircis jaunis par la pisse et l’ vomis / l’amboance malsaine des soirées parisiennes / Paris, j’aime quan ça saigne sur l’asphalte voil c’qu’il nous enseignent / Paris gêne, Les entend tu qui geignent? / Matte la galère sur notre enseigne…/ Ils en peuvent plus: reportages de peustu / sur le 93 ils donnent la parole aux teupus ./Loin des Koufahrs et des coups foireux / j’ai sentis le coups fourré / pas n de ces canassons qu’on ferre sans mettre un coups d’talon / un coups d’sabot bien ferme / de quoi faire taire donc la ferme! / Sans célébrité, célèbre l’idée de foncer au galop débridé / Pas besoin de lever les briquets on est des lanceurs de brique et / de pavés sur les brutes épaisses de la BAC et des CRS-SS / Est ce la peine de le préciser?/ Brise Lepen et ses idées pas qu’en temps de crise et prés à leur dire de fermer leurs bouches c’est anti-fascistes! /pas juste facile comme de dire que tu niquais Bush!

Moi j’nique l’arnouch c’est du sans retouche / demande à mon nouchma marlou mes p’tits garlouchas craignent le passage de l’arnoucha/ si tu parais louche ça / finit en gardav, en garre-ba grave grave gars / pas fait de cravmagga mais tu is grave de manga? / Gavé de Ken le survivant depuis la naissance…

Depuis que je suis vivant je draine avec moi comme une odeur d’essence

J’AIMERAI UN ACCEUIL DESCENT POUR LEUR PROCHAINES DESCENTES / QUITTE A LES DESCENDRE A LAISSER PARIS EN CENDRE

A FEU ET A SANG EN CE JOUR DE DECEMBRE

pour les fafs, pour les porcs

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J’AIMERAI UN ACCEUIL DESCENT POUR LEUR PROCHAINE DESCENTE / QUITTE A LES DESCENDRE A LAISSER PARIS EN CENDRE

en ce jour de décembre…