Villemomble : une femme perd un oeil après le tir de flash-ball d’un policier

Une femme a perdu un oeil après un tir de flash-ball à Villemomble (Seine-Saint-Denis) mardi. 

Une femme a perdu un oeil après un tir de flash-ball à Villemomble (Seine-Saint-Denis) mardi.  |(LP/S.F.)

Une mère de famille a été grièvement blessée à l’oeil mardi soir, après une opération de police qui a dégénéré à Villemomble (Seine-Saint-Denis), dans la cité de la Sablière.

Vers 20 heures, une patrouille de police a été alertée par la conduite acrobatique et dangereuses de pilotes de deux roues. <btn_noimpr>

Tous circulaient sans casque et dans un secteur très fréquenté. A l’arrivée de la police, ils sont parvenus à s’enfuir, sauf l’un d’eux qui a chuté au sol, facilitant son interpellation, rue Decauville.

Mais cette arrestation a été perturbée par l’interposition de jeunes qui ont encerclé lesfonctionnaires. Profitant de la diversion, le motard accidenté a réussi à s’échapper. La police est parvenue malgré tout à arrêter l’un des assaillants. C’est alors que le frère de ce dernier est intervenu à son tour. Une confusion qui a fait monter la fièvre dans la cité. Une cinquantaine de personnes se sont massées autour des policiers qui ont fait usage de leur flash ball et de gaz lacrymogène. L’un des projectiles a atteint une femme au visage. Il s’agirait de la mère des deux frères interpellés. Transportée à l’hôpital parisien des Quinze-Vingts, elle a perdu son oeil.

Les forces de l’ordre débordées

Débordées, les forces de l’ordre ont appellé des renforts. Vingt-cinq équipages (une soixantaine de policiers) ont convergé vers la rue Decauville, où la tension est encore montée. Des jets de pierre ont accueilli les renforts. Trois policiers ont été légèrement blessés et un véhicule endommagé.
Dans le quartier de la Sablière, le calme n’est pas revenu tout de suite. Deux véhicules seront incendiés dans la soirée. La tension ne retombera qu’à 1 heure du matin.

Ce mercredi, l’inspection générale des services (IGS), la police des polices, a été chargée de faire la lumière sur cette nuit de violences. Elle a commencé par entendre les deux frères, dont la garde à vue a été prolongée. Elle devrait poursuivre ses investigations en auditionnant les policiers et les témoins impliqués dans l’émeute. Parmi, eux un conseiller municipal, incommodé par les gaz lacrymogènes.

Patrice Calmejane, député maire UMP de Villemomble, s’est ému de ce lourd bilan : «Il est possible que l’ampleur de l’attroupement ait surpris les forces de police. Leur intervention a peut-être été disproportionnée», concède-t-il. Pour ramener la sérénité, les autorités ont jugé plus prudent de ne pas positionner des forces de police dans le quartier cette nuit.

Nathalie Revenu avec S.T. | Publié le 26.06.2013, 20h58 | Mise à jour : 27.06.2013, 06h22

Villemomble : pris pour un policier, un enseignant se fait agresser
Un enseignant a déposé plainte ce mercredi, après avoir été agressé dans la cité des Marnaudes, à Villemomble. Ce professeur surveillait des épreuves du Brevet des collèges, dans un établissement du secteur. A la pause déjeuner, il est sorti et c’est à son retour au collège qu’il a croisé plusieurs jeunes qui pensaient manifestement qu’il était policier, d’après ce qu’ils lui ont dit. Lui s’en est défendu, assurant être enseignant. Il n’a pas pour autant évité les coups. Il s’est fait dérober de l’argent. Il a pu prévenir les secours.
Cette agression intervient dans le quartier où l’opération de police avait dégénéré la veille.
Carole Sterlé

 

LeParisien.fr

Agen. Deux festivaliers agressés par sept skinheads

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Le site de la prairie du pont-canal, hier matin. L’agression aurait eu lieu non loin de là, avenue du Général-de-Gaulle. / Photo Morad Cherchari

Deux jeunes de 25 ans qui avaient participé en tant que spectateurs au festival rock de la prairie du pont-canal, samedi soir à Agen, ont été passés à tabac par sept individus (dont deux filles) issus de la mouvance d’extrême droite skinhead, ou identifiés comme sympathisants du groupuscule «Troisième Voie» pour certains.

Les agresseurs présumés, en embuscade et alcoolisés, leur seraient tombés dessus avenue du Général-de-Gaulle.

Lorsque les deux jeunes ont quitté la manifestation, vers 3 heures, ils ont été interpellés par un membre du groupe qui leur aurait demandé s’ils sortaient du festival. À partir de là, ils se sont vu infliger des violences en réunion. Des injures racistes auraient également été proférées à l’encontre d’une des victimes, d’origine maghrébine, rappelant les traques et les heures sombres de la fin des années 70.

«Pas de place pour le racisme et la violence»
Le festival de la prairie du pont-canal, une institution, a été fondé par des bénévoles qui appartiennent au cercle d’études libertaires, un courant de pensée qui flirte avec l’extrême gauche et les mouvements «anar». Une sensibilité idéologique devenue, comme en témoigne le drame récent qui s’est conclu par la mort du jeune Clément Méric, une cible de choix pour les mouvances extrémistes. Les organisateurs du festival déploraient, hier matin, le fait que «depuis quatre ans, des agressions sont commises à la fin des concerts. Nous les condamnons. Voilà 40 ans que ce festival existe et il n’y a pas de place pour le racisme et la violence». D’autant que cette année, les faits ont franchi un seuil de gravité, si on se fie à la volonté affichée par les auteurs d’en découdre. Une plainte sera déposée par les membres du festival. Pour les bénévoles, la manifestation a de tout temps été prétexte à une fête populaire rassemblant des mélomanes, «mais avec le contexte actuel et comme en atteste la mort de Clément Méric, certains n’hésitent plus à frapper».

Les victimes ont subi des traumatismes à la face et au niveau des vertèbres, occasionnant jusqu’à 15 jours d’ITT.

Les sept agresseurs présumés, âgés de 22 à 30 ans, ont été interpellés par la police et placés en garde à vue. Gardes à vue prolongées hier soir pour un certain nombre. Selon les témoignages, un poing américain et une matraque auraient été exhibés lors de l’agression. L’heure était aux auditions, hier, pour tenter de connaître les motivations des auteurs. Certains sont «fichés» par la police. Mais la violence gratuite aux relents haineux avec un délit de faciès semblait privilégiée.

C.St-.P.
http://www.ladepeche.fr/

Meurtre de Clément : halte aux mensonges !

antifapCommuniqué de l’Action Antifasciste Paris / Banlieue, 25 juin 2013 :

Depuis ce matin, l’ensemble de la presse en ligne reprend une information de RTL, au sujet d’une vidéo de la mort de notre camarade et ami Clément, sans la vérifier. A l’instar des journalistes qui diffusent ces calomnies nous n’avons pu visionner cette vidéo. Nous rejetons toutefois formellement l’interprétation qui en est faite. Les camarades présents avec Clément le 05 juin maintiennent leur version :

-oui il y a eu des échanges verbaux à l’intérieur du magasin devant les messages ouvertement racistes et tombant sous le coup de la loi arborés par les skinheads

 

-l’agression physique survenue à l’extérieur du magasin est le fait des skinheads qui se sont approchés, ont encerclé nos camarades puis les ont agressés. Les militants néonazis étaient armés de coups de poing américains et ont tué Clément Méric.

Il est donc impossible que des images montrent Clément se précipiter vers son agresseur pour lui porter un coup dans le dos. C’est au contraire Esteban qui a quitté le centre de la rue pour se diriger vers Clément. Les militants d’extrême-droite eux-mêmes n’ont jamais prétendu que Clément se soit précipité vers eux pour les frapper par derrière.

Les mensonges relayés dans la presse ne font qu’ajouter à la douleur de ses proches.

Paris, le 25/06/13

Avis de tempête

blog fascismeVoici un article publié par un site internet (dont nous ne partageons pas la ligne politique) qui décortique assez bien le discours de JP Morgan Chase, une énorme holding financière américaine, théorisant une contre-révolution préventive pour mettre en place des régimes autoritaires (notamment en Europe) dans un contexte de crise économique. Le point de vue de l’ennemi, exprimé avec un culot révélateur.

Dans un document publié à la fin du mois de mai, le géant des banques d’investissement américain JP Morgan Chase réclame l’abrogation des constitutions démocratiques bourgeoises établies après la Seconde Guerre mondiale dans une série de pays européens et la mise en place de régimes autoritaires.

Le document de 16 pages a été réalisé par le groupe Europe Economic Research de JPMorgan et est intitulé « L’ajustement de la zone euro – bilan à mi-parcours. » Le document commence par faire remarquer que la crise de la zone euro a deux dimensions.

Pour commencer, il affirme que des mesures financières sont nécessaires pour garantir que les principales institutions d’investissement comme JPMorgan puissent continuer à engranger d’énormes bénéfices de leurs activités spéculatives en Europe. Ensuite, les auteurs soutiennent qu’il est nécessaire d’imposer des « réformes politiques » destinées à supprimer l’opposition aux mesures d’austérité massivement impopulaires qui sont appliquées au nom des banques.

Le rapport exprime sa satisfaction vis à vis de l’application par l’Union européenne d’un certain nombre de mécanismes financiers visant à garantir les intérêts bancaires. A cet égard, l’étude souligne que la réforme de la zone euro en est pratiquement à mi-chemin. Mais le rapport réclame aussi davantage d’action de la part de la Banque centrale européenne (BCE).

Depuis l’éruption de la crise financière mondiale de 2008, la BCE débloque des milliers de milliards d’euros en faveur des banques pour leur permettre d’effacer leurs créances douteuses et de redémarrer une nouvelle série de spéculations. En dépit d’une pression grandissante venant des marchés financiers, le chef de la BCE, Mario Draghi a déclaré l’été dernier qu’il ferait le nécessaire pour consolider les banques.

En ce qui concerne les analystes de JPMorgan, ceci n’est cependant pas suffisant. Ils exigent de la part de la BCE une « réponse plus spectaculaire » à la crise.

Les critiques les plus dures du document sont cependant formulées à l’égard des gouvernements nationaux qui ont mis bien trop de temps à appliquer le genre de mesures autoritaires nécessaires à l’imposition de l’austérité. Le processus d’une telle « réforme politique » précise l’étude, a « même à peine commencé. »

Vers la fin du document, les auteurs expliquent ce qu’ils entendent par « réforme politique. » Ils écrivent : « Au début de la crise l’on avait pensé que ces problèmes nationaux hérités du passé étaient en grande partie d’ordre économique, » mais « il est devenu manifeste qu’il y a des problèmes politiques profondément enracinés dans la périphérie qui, à notre avis, doivent être changés si l’Union monétaire européenne (UME) est censée fonctionner à long terme. »

Le document détaille ensuite les problèmes existant dans les systèmes politiques des pays de la périphérie de l’Union européenne – la Grèce, l’Espagne, le Portugal et l’Italie – qui sont au centre de la crise de l’endettement en Europe.

Les auteurs écrivent: « Les systèmes politiques de la périphérie ont été établis après une dictature et ont été définis par cette expérience-là. Les constitutions ont tendance à montrer une forte influence socialiste, reflétant la force politique que les partis de gauche ont acquise après la défaite du fascisme. »

« Les systèmes politiques autour de la périphérie affichent de manière typique les caractéristiques suivantes : des dirigeants faibles ; des Etats centraux faibles par rapport aux régions ; une protection constitutionnelle des droits des travailleurs ; des systèmes recherchant le consensus et qui encouragent le clientélisme politique ; et le droit de protester si des modifications peu appréciées sont apportées au statu quo politique. Les lacunes de cet héritage politique ont été révélées par la crise. » Quelles que soient les inexactitudes historiques contenues dans leur analyse, il ne peut y avoir l’ombre d’un doute que les auteurs du rapport de JPMorgan plaident pour que les gouvernements adoptent des pouvoirs de type dictatorial afin de mener à bien le processus de contre-révolution sociale qui est déjà bien avancé à travers toute l’Europe.

En réalité, il n’y avait rien de véritablement socialiste dans les constitutions établies durant la période d’après-guerre partout en Europe. De telles constitutions visaient à garantir le régime bourgeois dans une situation où le système capitaliste et ses agents politiques avaient été totalement compromis par les crimes des régimes fascistes et dictatoriaux.

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La gauche au pouvoir au service du capital

           

 

 

Jean-Pierre Garnier et Louis Janover  proposent une analyse critique du Parti socialiste. Les gouvernements de gauche adaptent la société au capitalisme moderne pour défendre les intérêts de la nouvelle petite bourgeoisie.

 

Il existe peu d’analyses critiques sur la gestion du pouvoir par la gauche. Depuis mai 2012, François Hollande et le Parti socialiste (PS) dirigent la France. Pour éclairer ce phénomène, les éditions Agone republient un ancien livre de Jean-Pierre Garnier et Louis Janover daté de 1986. Pour ses auteurs, la gauche n’a pas trahie lorsqu’elle est arrivée au pouvoir. Au contraire, les mutations du capitalisme exigent une gestion politique différente, par la gauche de la bourgeoisie. Leurs analyses, inspirées par Karl Marx, rejetent la critique moralisante de la gauche pour privilégier une analyse de classe.

Le PS n’est plus un parti social-démocrate avec une base de prolétaires. Au contraire, c’est un appareil de bureaucrates et de professionnels de la politique. François Hollande ne se présente même pas comme un socialiste réformiste, mais comme le meilleur gestionnaire du capital face aux excès de la droite de Nicolas Sarkozy.

 

 

 

deuxieme droite

 

Une nouvelle gestion de gauche du capitalisme

 

Jean-Pierre Garnier et Louis Janover, avec René Loureau et Alain Bihr, ont écrit une tribune dès 1981. Dans un contexte d’enthousiasme pour le retour de la gauche au pouvoir, ils dénoncent une fausse alternance qui ne modifie pas les structures du capitalisme. Au contraire, le PS s’attache à « associer à la gestion du système les nouvelles couches moyennes intellectuelles et techniciennes qu’il avait sécrétées », soulignent les auteurs. La bourgeoisie évolue et une petite bourgeoisie intellectuelle émerge. Les dirigeants du pays doivent être à l’image de ses nouvelles classes sociales. Des gestionnaires responsables doivent donc assurer la paix sociale. Les idées utopistes et révolutionnaires sont désormais congédiées pour se plier au réalisme froid de la gestion du capital. Le socialisme de la médiocrité incarne la voie médiane qui doit convaincre les classes moyennes. « Il fait de la reproduction du capital l’horizon indépassable de notre temps », observent les auteurs.

 

Le socialisme moderne provient du PSU, le parti de Michel Rocard proche de la CFDT. Dans l’après Mai 68, ce parti défend la grève générale et le socialisme autogestionnaire. Mais ses idées débouchent surtout vers une nouvelle forme de gestion du capitalisme, plus décentralisée et moins autoritaire. La critique de l’État par le PSU ne débouche pas vers le communisme libertaire mais vers un socialisme qui laisse davantage de place au marché. A défaut de gestion directe des travailleurs, les salariés peuvent participer aux délocalisations, aux fermetures et aux licenciements.

Ce socialisme moderne s’attache au juste milieu, au « ni, ni » et valorise l’économie mixte entre l’État et le marché. Les idées de cette « deuxième gauche », opposée à la planification étatique, irriguent le PS.

 

Les conservateurs s’attachent à ce que tout change pour que rien ne change. Dans ce sens, les socialistes apparaissent comme des parfaits conservateurs. Ils font l’apologie de la « modernisation » du capitalisme. Jean-Pierre Garnier et Louis Janover énumèrent les expressions de la novlangue socialiste : « restructurations économiques, innovations technologiques, réaménagements institutionnels, recompositions sociales, réajustements politico-idéologiques, rénovations culturelles… ». Tous les changements apparents visent surtout à sauver le système capitaliste.

Les dominés doivent désormais autogérer leur propre domination. Le capitalisme colonise tous les aspects de l’existence. Mais ses tendances ne sont pas nouvelles. « L’inclusion des loisirs, de la sociabilité ou même des sentiments intimes dans le champ du profit » est observée par les marxistes hétérodoxes qui critiquentl’aliénation. Karl Marx souligne déjà la capacité de la bourgeoisie à « révolutionner constamment les instruments de production » pour permettre d’élever ou de maintenir le taux de profit.

Ensuite, cette idéologie du socialisme moderne vise à éradiquer tout projet de société alternative. La rupture avec l’État et le capitalisme est désormais assimilée au totalitarisme, un concept creux devenu à la mode. Surtout, l’ordre social n’est plus qualifié de capitaliste. Dès lors, ceux qui s’en prennent à la modernité sont taxés d’archaïsme. « C’est qu’à défaut de transformer les monde, on peut toujours transformer les idées qui courent à son sujet ! », ironisent Jean-Pierre Garnier et Louis Janover. La gauche masque sa politique d’austérité en invoquant l’euphémisme de la rigueur.

Mais le PS s’attache à revaloriser les idées des capitalistes. Profit, argent, entreprise, compétitivité deviennent les nouvelles idoles de la gauche moderne. La pensée politique sur laquelle s’appuie le prolétariat est laminée.

 

 

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La politique de gauche pour adapter la société au capitalisme moderne

 

Le nouveau socialisme n’est pas vraiment moderne puisqu’il reprend la politique et le discours du vieux libéralisme. Mais la véritable nouveauté réside dans la communication. Les publicitaires diffusent les messages du gouvernement. Une intense propagande, désormais appelée pédagogie, doit faire accepter la politique d’austérité. « Pour évaluer la capacité à diriger un pays, les talents médiatiques importent plus que les aptitudes politiques », observent Jean-Pierre Garnier et Louis Janover.

La politique se réduit désormais à une « politique de communication ». Le divertissement et les débats télévisés rythment la vie politique. La démocratie représentative se réduit effectivement à une simple représentation. Le débat politique devient particulièrement médiocre et se focalise sur le dérisoire. Le projet socialiste disparaît au profit d’un produit marketing.

 

Les socialistes deviennent des bons gestionnaires du capitalisme. Les nationalisations permettent de relancer des secteurs industriels mal gérés par les patrons. Les entreprises nationalisées peuvent alors bénéficier d’importants investissements. Mais la structure hiérarchique des entreprises n’est jamais modifiée. « Placé bien en vue pour attiré l’œil, l’objectif social se trouvait en réalité subordonné à l’objectif économique », résument Jean-Pierre Garnier et Louis Janover. Les entreprises gérées par l’État doivent devenir rentables et compétitives. Le capitalisme d’État ne se distingue pas du capitalisme privé.

La décentralisation ne vise pas à affaiblir l’État central mais uniquement l’administration. Le PS s’attache surtout à faire évoluer la gestion étatique de la société. Cette réforme « tendait précisément à moderniser la gestion de l’espace hexagonal pour l’adapter aux besoins du capital », analysent Jean-Pierre Garnier et Louis Janover. La bureaucratie centrale laisse place en partie à l’autocratie municipale. La hiérarchie entre dirigeants et dirigés perdure à l’échelon local et la décentralisation se distingue fortement de l’autogestion de la vie quotidienne. « En somme, dans la démocratie locale comme dans la démocratie sociale, l’autogestion, c’est l’affaire des technocratie municipales ou des bureaucraties syndicales », observent Jean-Pierre Garnier et Louis Janover. Ses réformes permettent surtout la promotion politique d’une classe de cadres issue de la petite bourgeoisie intellectuelle. Cette nouvelle élite de gestionnaires intermédiaires s’interpose entre les gouvernés et les gouvernants.

Les lois Auroux visent à adapter l’entreprise au capitalisme moderne. La gestion centralisée et hiérarchique semble révolue. Les salariés doivent devenir autonomes pour davantage s’impliquer dans l’entreprise, devenir rentables et performants. Sur fond de christianisme social, de nouvelles formes de management peuvent émerger. L’humanisme catholique modernise l’exploitation. Toute forme de conflit social doit être éradiquée par le contrat et la concertation.

L’école et l’université doivent également se conformer aux besoins des entreprises. Des salariés dociles et adaptables doivent sortir du moule scolaire.

 

Sur le plan international, le pouvoir socialiste se range du côté des États impérialistes. Mitterrand défend l’Occident aux côtés des États-Unis de Ronald Reagan. Le président socialiste soutient les dictateurs africains et abandonne toute idée de pacifisme et de solidarité internationale. Mieux, les socialistes réhabilitent l’armée et valorisent le commerce d’armes.

Les intellectuels de gauche ne dénoncent pas les barbouzeries du pouvoir socialiste, notamment le torpillage du Rainbow Warrior, le bateau des écologistes de Greenpeace. Les intellectuels dénoncent surtout le totalitarisme, associé à la pensée de Marx. En Pologne, il soutiennent le syndicat Solidarnosc qui s’oppose à l’URSS mais qui s’attache surtout à contenir la colère ouvrière.

 

 

 

                   

 

La gauche et la nouvelle petite bourgeoisie

 

Les premières réformes des socialistes, avant le tournant de la rigueur, visent à rassurer les électeurs et à affaiblir le Parti communiste (PC). Mais les socialistes font rapidement l’apologie de la rentabilité, de la compétitivité et du profit. Les entreprises ne sont pas considérées comme des adversaires mais comme des partenaires. Seule la gauche peut mener une politique d’austérité sans susciter l’hostilité des syndicats et de la population. Le socialisme français n’a pas échoué ou trahi. Il s’inscrit dans sa logique de classe qui doit permettre le développement du capitalisme.

 

Le socialisme moderne correspond à l’émergence d’une nouvelle classe sociale : la petite bourgeoisie intellectuelle. Cette classe joue les intermédiaires entre dirigeants et dirigés. Les activités socio-éducative, culturelles, d’information permettent d’encadrer le prolétariat pour réguler le système social. La classe dirigeante délègue des fonctions de direction à cette nouvelle petite bourgeoisie.

L’importance numérique et surtout le poids culturel de cette classe intermédiaire ne cesse d’augmenter. Pourtant, la nouvelle petite bourgeoisie reste marginalisée dans le domaine politique. « Préposée par la division du travail aux tâches de conception, d’organisation, de contrôle et d’inculcation, elle entendait bien voir sa vocation médiatrice également reconnue et utilisée dans le champ politique », analysent Jean-Pierre Garnier et Louis Janover. L’opposition de la petite bourgeoisie se radicalise jusqu’à contester le capitalisme en Mai 68.

Dans les années 1980, l’ambition de ses travailleurs intellectuels devient plus modeste mais plus conforme à leur classe sociale. Ils ne veulent plus changer le monde mais adapter la société française aux mutations du capitalisme moderne. La bourgeoisie doit renouveler les formes de la domination et fait donc appel à la petite bourgeoisie intellectuelle. Cette classe sociale demeure « l’agent subalterne de la reproduction du système », observent Jean-Pierre Garnier et Louis Janover.

Mais l’intellectuel petit bourgeois refuse de paraître pour ce qu’il est. Il se distingue par la dénégation de sa propre classe sociale. « Il est aveugle, ou feint de l’être, sur le rapport entre son action ou sa réflexion et ses conditions concrètes d’existence », observent Jean-Pierre Garnier et Louis Janover. La nouvelle petite bourgeoisie se consacre à la mystification de l’ordre social. L’éducation et la culture, dont elle est l’agent, est censée permettre l’épanouissement individuel et non l’aliénation ou l’encadrement. Pour bien tromper le prolétariat, la petite bourgeoisie doit elle-même être aliénée et ne pas avoir conscience de son rôle social.

La petite bourgeoisie change alors d’idéologie. Les anciens gauchistes Roland Castro, Régis Debray ou Henri Weber deviennent les fidèles laquais du nouveau pouvoir. Ils abandonnent leurs idées révolutionnaires pour faire l’apologie de la modernité marchande. « Les affreux exploiteurs, vils profiteurs et autres extorqueurs de plus-value se sont transmués en animateurs, en créateurs de richesses, jeunes créateurs sympas », raillent Jean-Pierre Garnier et Louis Janover.

 

La petite bourgeoise semble fascinée par les révolutions dans les pays du tiers-monde. Elle s’identifie aux intellectuels qui dirigent le peuple, marquent leur empreinte dans l’histoire et accèdent à des postes de pouvoir.

Les cadres et professions intellectuelles n’aspirent pas à la rupture avec le capitalisme qui débouche vers l’abolition de leur classe d’intermédiaire. En revanche, cette catégorie sociale s’attache à une « voie moyenne » à travers un capitalisme étatisé. « La petite bourgeoisie intellectuelle, qui tire de l’État son existence, ses pouvoirs, ses ressources, ses privilèges fait de son père nourricier un deus ex machina », analysent Jean-Pierre Garnier et Louis Janover. Cette classe sociale aspire à moderniser le capitalisme, à travers l’intervention de l’État, et non à s’en débarrasser. La fétichisation du secteur public demeure l’une de ses caractéristiques. Michel Rocard, au PSU ou au PS, incarne cette petite bourgeoisie moderniste et son idéal. « En finir, non plus avec le capitalisme, mais avec l’irrationalité de son fonctionnement et l’immoralité de ses excès », résument Jean-Pierre Garnier et Louis Janover. La société marchande doit être régulée, aménagée et encadrée, mais surtout pas supprimée.

 

 

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Une critique radicale de la gauche

 

La petite bourgeoisie impose également une idéologie postmoderne. Contre « les grands récits émancipateurs », ce discours valorise la petitesse avec les micro expériences et les révolutions minuscules. Les minorités deviennent le nouveau sujet de révolutions qui ne peuvent être que moléculaires. L’immédiateté et l’action concrète priment sur les utopies lointaines. Le mondial est délaissé au profit d’une exaltation du local, de l’ici et maintenant. Évidemment, cet horizon limité refuse la perspective d’un au-delà du capitalisme.

Le rapprochement entre la gauche et la droite alimente la vacuité de la politique. La communication et le marketing priment sur l’élaboration des programmes. « Nul projet à l’horizon, sinon la reproduction perpétuelle de ce qui est », résument Jean-Pierre Garnier et Louis Janover. La politique se réduit toujours plus à la gestion. La compétence et l’efficacité à faire tourner la boutique France sont valorisées. Mais la politique devient vide de sens.

 

Ce livre peut faire l’objet de deux lectures. Une lecture rapide rejoint les thèses du Front de gauche, de la gauche de gauche et des lecteurs du Monde diplomatique. Selon ce courant, la gauche a trahi les espérances du peuple. Les socialistes ont dérégulé l’économie, bradé les services publics et ont imposé un néolibéralisme version française. Surtout, le PS est considéré comme une « fausse gauche », comme une « deuxième droite » pour reprendre ce mauvais terme. Cette lecture est évidemment favorisée par le titre de l’ouvrage qui alimente la confusion et l’imprécision.

Cette analyse basique est fausse. Le PS, loin d’avoir trahi le peuple de gauche, s’attache à défendre les intérêts de la nouvelle petite bourgeoisie. Dans ce sens, il s’attache à adapter la société au capitalisme moderne. Une vraie gauche, du type de celle de Mélenchon, conduirait la même politique une fois au pouvoir. Le Front de gauche et l’extrême gauche défendent les intérêts d’une fraction déclassée de la petite bourgeoisie. La défense de l’État rejoint les intérêts de classe des fonctionnaires et des salariés du secteur public.

Mais le Front de gauche ne défend pas les intérêts de la majorité des exploités. Ce cartel électoral refuse tout mouvement de rupture avec l’État et le capitalisme. Dans le livre de Garnier et Janover, ce n’est donc pas le jugement moral contre la « deuxième gauche » qui semble intéressant. Mais l’analyse de classe du socialisme français qui pourrais s’appliquer à l’extrême gauche étatiste et citoyenniste. Ce serait effectivement un moyen d’actualiser cette réflexion critique, mais avec des conclusions politiques moins consensuelles.

 

D’ailleurs cette extrême gauche n’hésite pas à s’associer au PS pour défendre ses intérêts de classe. Dernier exemple en date, les bureaucrates du Front de gauche ont dénoncé le « sectarisme » des antifascistes et des libertaires qui dénoncent larécupération politicienne  de la mort de Clément Méric. Ses politiciens nient la nature de classe du PS car, malgré une communication différente, ils défendent les mêmes intérêts et la même politique. Dans les luttes sociales, les libertaires doivent se tourner vers la majorité des exploités et non vers les organisations du mouvement social. Les syndicats, les partis, les associations défendent les intérêts de cette nouvelle petite bourgeoisie. D’ailleurs leur programme reste conforme au réformisme de la social-démocratie historique. Au contraire, seule l’auto-organisation des prolétaires ouvre la perspective d’une société sans classes.

 

Source : Jean-Pierre Garnier et Louis Janover, La Deuxième Droite, Agone, 2013 (Première édition : Robert Laffont, 1986)

 

 

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Pour aller plus loin :

« La deuxième droite » avec Jean-Pierre Garnier (entretien vidéo), publié sur le site des Mutins de Pangée en mai 2013

La deuxième droite : comment le PS au pouvoir conforte le capitalisme mieux que ses prédécesseurs, entretien avec Jean-Pierre Garnier, émission Libertés sur paroles du 6 mai 2013

La « gauche » n’est pas une deuxième droite… c’est la gauche du capital, publié sur le site Voostanie le 29 mai 2013

Textes de Louis Janover sur le site du collectif Smolny

La chronique de Jean-Pierre Garnier sur le blog des éditions Agone

Textes de Jean-Pierre Garnier sur le site « Nouveau millénaire, Défis libertaires »

Articles de Jean-Pierre Garnier sur la revue en ligne Divergences

Articles de Jean-Pierre Garnier publiés dans Le Monde libertaire

http://zones-subversives.over-blog.com/

L’anticapitalisme d’Égalité & Réconciliation (ou comment dénoncer la finance sans toucher aux banques)

On connaît le valeureux combat mené par Alain Soral contre l’Empire talmudo-thalassocratique de la haute-finance, avec les risques énormes que cela comprend : en effet, on a tous bien conscience qu’il faut être sacrément viril pour dénoncer comme il le fait la lutte à mort de l’abstraction mathématique et du logos helleno-chrétien depuis au moins Clovis II.

Et, bien entendu, on en profite pour saluer l’infatigable travail de pédagogie qu’assure le Maître auprès de ses disciples, non seulement en les initiant chaque mois aux livres interdits par le système, mais en les leur vendant directement sur son site Kontre-Kulture (par chèque ou via Paypal).

(D’ailleurs, à ce propos, petit conseil aux soraliens fauchés qui trouveraient que la dissidence finit par coûter cher: Drumont, Bernanos, Toussenel et bien d’autres auteurs impitoyablement censurés que Soral vous vend déjà ou va bientôt vous vendre, se trouvent en fait gratos sur gallica.fr, l’interface numérique de la Bibliothèque Nationale. Plus malin la subversion !)

Par contre il reste visiblement pas mal de boulot à faire, et c’est en tout cas ce qu’on s’est dit en tombant sur la page d’E&R consacrée à « la manifestation antifasciste qui dégénère ».

Y est reproduit un article de la Croix – pas celle de 1900, « journal le plus antijuif de France », mais bien celle d’aujourd’hui avec toutes les pénétrations maçonniques que l’on sait ! –, article dans lequel le ministre Valls dénonce avec une indignation toute républicaine la dégradation de « nombreuses vitrines, notamment d’établissements bancaires ».

Or, on trouve également sur cette page près de soixante commentaires de soraliens, tous bizarrement unanimes à joindre leurs plaintes à celle du ministre de l’Intérieur. Par exemple :

…comprenne en effet qui pourra comment Valls est devenu tout d’un coup si pertinent et les « Vitrines de Banque » si précieuses !

En fait, on aura surtout compris ce qu’est l’anticapitalisme selon E&R, avec son gourou qui aime tant les tenues de flic et de maton : « Ami dissident, combats sans relâche la Haute-Banque judéo-martienne mais surtout touche pas au distributeur ».

http://quartierslibres.wordpress.com/

Protectionnisme

billets eurosVoici un article de nos camarades du collectif Tantquil, décortiquant les arnaques protectionnistes, fausses solutions simplistes que certains à droite comme à gauche aiment ressortir en ces temps de crise. Il faudra encore le rappeler: le patriotisme économique des imbéciles et la mondialisation débridée ne sont que les deux faces de la même pièce. Face aux différentes formes de capitalisme, l’alternative est uniquement internationaliste et révolutionnaire. La suite de l’article est en lien.

Les idées nationalistes resurgissent en Europe. C’est qu’en temps de crise, le passé fait recette. Et on ne parle pas ici de mettre en avant la danse folklorique dans le Poitou et les plus belles chansons de Patrick Sébastien : Nos nouveaux Saint Louis et Jeanne d’Arc (ou Mireille, on sait plus) s’attaquent à l’économie. Alors voici un petit Kit de démontage de ces discours, qui font l’objet d’un quasi consensus sur l’échiquier politique, depuis l’extrême-droite version Soral, jusqu’à la gauche du PS.

De nos jours, un ouvrier tout jaune coûte moins cher qu’un ouvrier « made in France » (même s’il est tout jaune d’ailleurs… à vous dégoûter d’employer des français). Et comme dans la pub Duracell, un ouvrier chinois travaille carrément plus longtemps. Du coup, les patrons tendent à s’installer à Pékin plutôt qu’à Maubeuge.

Alors, depuis quelques années des discours protectionnistes se développent. Pour contrer les délocalisations, il faudrait « produire et acheter français ». Et si les gens préfèrent acheter chinois quand même : qu’a cela ne tienne, on taxe fortement les produits en provenance de Chine, et bing, ils valent super cher, et ne sont donc plus si compétitifs que ça.

Avec un bon coup d’intervention de l’État, un peu de stratégie industrielle de derrière les fagots, on se retrousse les manches, et au boulot les prolos !

En commençant la lecture, on pourrait se dire « mais ils sont tarés, si on intervient pas pour sauver l’emploi, alors les prolos du coin n’ont plus qu’a se faire virer sans rien dire» ?

Bien entendu que non. Simplement, le discours nationaliste qui tend à mettre en cause les pauvres bougres qui bossent à l’autre bout du monde, est une farce sinistre.

 RAPPEL : il n’y a pas de « fin de l’industrie ». En revanche une grande partie de la production industrielle est partie des pays du centre, ou le capitalisme est né, pour aller vers les pays de la périphérie. ( Par exemple la Chine, mais aussi l’Inde, le Vietnam…)

Si on parle de centre et de périphérie, c’est que ce sont des termes qui nous semblent plus clairs, moins confus que « pays riches» ou « émergents ».

Centre et périphérie renvoie ainsi a la manière même dont le capitalisme s’est développé : partant de certaines régions du monde (le centre) pour investir progressivement les pays alentours, puis l’ensemble du monde ( la périphérie). De plus, ces termes renvoient directement aux relations de puissances entre ces différentes régions du monde, relations issues du développement du capitalisme.

 Ainsi, si pendant toutes ces années (en particulier les dites « 30 glorieuses ») on a pu avoir un capitalisme qui bon an mal an, assurait un emploi plus ou moins pour tous ici, c’est parce qu’on fabriquaient et refourguaient des cercueils au reste du monde et avec leurs propres arbres en plus. A ce sujet, voir notre article sur l’industrialisation.

Arnaque N°1«  Il faut relocaliser la production »

(Entendre : il faut diviser par deux les salaires. »)

Comme on le disait donc, jusqu’au années 70, l’industrie dans les pays de la périphérie, c’était quasi que dalle. Maintenant les prolos des pays périphériques fabriquent eux-mêmes leurs cercueils (et les nôtres), et le chômage explose ici… Ça s’appelle faire jouer la concurrence entre les ouvriers.

Et la deuxième étape, c’est le chantage : OK on revient vous faire bosser, mais faut être moins gourmand les cocos. Bah oui, pour inciter les patrons à relocaliser, il faudrait encore que les prolos français soient rentables… Ce qui veut dire beaucoup moins payés.

C’est déjà le principe des « aides à l’embauche » ou des « aides à la préservation de l’emploi » : en général, il s’agit d’autoriser les patrons à ne pas payer « les charges », c’est à dire les salaires indirects. En somme, c’est donner aux patrons une partie de nos salaires pour qu’ils restent ! Et pourquoi pas des ONG « SOS Patrons » tant qu’on y est ?

 Car ne nous leurrons pas, pour être compétitifs dans la concurrence internationale, faut trinquer : sans même chercher hors d’Europe, le salaire minimum en Bulgarie, c’est moins de 200 euros. Et en Grèce, avec toutes les mesures qu’ils se sont pris dans la tronche, c’est 570 euros : y a de la marge !

C’est tout l’enjeu des accords-chantage à l’emploi qui fleurissent en Europe, de l’Espagne à l’Allemagne en passant par Dunlop en France : nous faire accepter la baisse des salaires, et avec le sourire en prime, c’est pour la Patrie!

Pourtant, et c’est là ou on voit que ces discours sont clairement de l’arnaque, même avec une baisse importante des salaires, les ouvriers, en France ou en Allemagne, ne sont pas prêt de se retrouver au niveau des Chinois.

Et c’est pas nous qui le disons, c’est Phillipe d’Arvisenet, chef économiste pour BNP Paribas:

« Le coût du travail en Chine est très inférieur à ce qu’il est dans les pays de l’OCDE. Si l’on prend comme référence des pays comme l’Allemagne, la France, les Etats-Unis d’un côté et la Chine de l’autre, on a un écart au niveau des salaires qui va de 1 à 20.

Pour dire les choses autrement, 10 euros de salaire horaire ici c’est ½ euro de salaire horaire en Chine. Cela n’épuise pas le sujet du coût du travail puisqu’il y a bien d’autres choses qui rentrent dans le coût d’un produit qu’on fabrique à partir du travail, notamment les gains de productivité.
Le niveau de productivité en Chine est très inférieur à ce qu’il est dans des pays comme la France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne. Il y a un écart de 1 à 3, grosso modo, entre ces niveaux de productivité, ce qui vient relativiser énormément le coût du travail, et là on passe d’un écart de 1 à 20, selon la manière dont on voit les choses, à un écart qui est plutôt de 1 à 6 ou 1 à 7. »

En somme, même une fois calculé la productivité horaire, qui est trois fois plus importante en France ou en Allemagne à celle de la Chine (« écart de 1 à 3″), pour que les capitalistes puissent produire aussi peu cher ici qu’en Chine,  il faudrait encore couper les salaires en 8…

D’autant que là bas, les capitalistes sont déjà en train de penser que les ouvriers chinois coûtent trop cher, et veulent délocaliser…. On est pas sorti de l’auberge. Ainsi, en Chine, on parle depuis déjà plusieurs années de délocalisation dans l’intérieur du pays, ou vers l’étranger, ou les salaires sont encore plus bas.

En résumé, les patrons n’ont rien contre relocaliser la production : mais avec des salaires de galériensIls n’ont pas le choix, s’ils veulent maintenir leurs profit ! Ce n’est donc en rien une « solution » pour nous. Juste un mytho de plus pour justifier les attaques contre les prolos.

 Mais on entend déjà les partisans du protectionnisme avec leurs solutions miracle : si les gens du coin n’achetaient que les produits du coin, y aurait plus de problème de compétition avec les Chinois, non ? Et paf, plus de problèmes de pressions sur les salaires ? C’est ce qu’on va voir.

Collectif « Tant qu’il y aura de l’argent » – Article complet en lien

[Flics, porcs, assassins] Vérité et justice pour Youcef Mahdi

Melun : la police visée par une plainte après la noyade d’un jeune homme

Il y a un an, Youcef Mahdi se noyait dans la Seine en tentant d’échapper à un contrôle d’identité. Ce mardi, sa mère a annoncé avoir porté plainte contre la police.

http://juralib.noblogs.org/files/2013/03/33.jpgTÉLÉCHARGER L’AFFICHE

Il s’est noyé sous les yeux de la police. La mère d’un jeune homme de 24 ans, qui s’était noyé dans la Seine à Melun il y a un an en voulant échapper à un contrôle d’identité, a indiqué mardi avoir déposé une plainte avec constitution de partie civile visant la police, après une procédure classée sans suite.

Yamina Mahdi a porté plainte contre X pour “omission de porter secours” à son fils Youcef. Selon elle, les policiers ont tardé à appeler les pompiers, demandant d’abord des renforts, et ils ont empêché ses amis de plonger pour le secourir. Youcef “a sauté parce qu’il avait très peur de retourner en prison” s’il était mis en cause pour sa consommation de cannabis [Comme dab’, la presse et la police rendent coupable la victime et la discréditent devant l’opinion publique… – Liste de discussion du réseau Résistons Ensemble, 12 juin 2013 à 15h43], a-t-elle raconté.

Recherché pour violences conjugales

“Les policiers se sont moqués de lui” lorsqu’il était dans l’eau au lieu de lui porter secours, et ses amis ont dû pousser l’un des agents dans l’eau pour qu’il tente de le secourir, a-t-elle ajouté.

http://juralib.noblogs.org/files/2013/06/0611.jpgMelun (Seine-et-Marne), le 6 juin 2012. Des amis de Youcef étaient venus lui rendre hommage le lendemain du drame.

Une enquête confiée à l’époque à la brigade criminelle de la police judiciaire de Versailles, pour vérifier notamment “si les conditions du contrôle (d’identité) et de l’intervention du service de police (…) étaient régulières” a démontré “que la victime s’était jetée volontairement dans la Seine”, a expliqué de son côté le procureur de la République de Melun, Bruno Dalles.

Le jeune homme était recherché [Faux et mensonge… – Liste de discussion du réseau Résistons Ensemble, 12 juin 2013 à 15h43] dans une procédure de violences conjugales, et pouvait craindre que les policiers “ne fassent le rapprochement” s’il était emmené au commissariat, selon lui.

Délai d’intervention des pompiers

Selon l’enquête, le policier qui a tenté de sauver Youcef dans la Seine s’y est “jeté volontairement”, mais les conditions dans l’eau et le courant le mettaient “lui-même en danger”, a poursuivi M. Dalles, ajoutant que le délai d’intervention des pompiers avait aussi été “vérifié”.

Plusieurs témoins, dont un jeune faisant partie du groupe contrôlé, ont déclaré que c’était le frère de Youcef, qui n’a pas été inquiété à l’époque, qui avait “incité” Youcef à fuir à la nage alors qu’il aurait encore pu regagner la berge, a relevé le magistrat.

Aujourd’hui, ce frère “doit se sentir lui-même responsable en partie de ce qui est arrivé”, a ajouté le procureur. À l’époque des faits, ce frère avait refusé de répondre à la police, faisant “obstruction à l’enquête”, selon le procureur. De son côté, Mme Mahdi explique que le frère de Youcef, très choqué, n’était alors pas en état de témoigner, et elle juge l’enquête insuffisante.

Publié par des larbins de la maison Poulaga (LExpress.fr, 11 juin 2013)

Ruairí Ó Brádaigh, présent!

beir buaTrès beau texte d’hommage de nos camarades de Libération Irlande à un grand révolutionnaire irlandais.

Nous apprenons ce soir [le 5 juin] le décès de Ruairí Ó Brádaigh, survenu hier à l’hôpital de Galway. Il y a peu de temps, nous avions publié une photo de ce grand sage et grand révolutionnaire à l’occasion de son 80è anniversaire. Nous aimions et respections énormément cet homme. Nous ne voulons pas résumer ici son oeuvre au service de la libération de l’Irlande et de son peuple, et au service de l’émancipation humaine en général, mais elle a été immense, courageuse, sincère, ininterrompue pendant 60 ans.

Nous qui écrivons ces lignes avions eu l’occasion de le rencontrer lors de la conférence annuelle de Républican Sinn Féin en automne 2010, nous avions échangé quelques mots et l’avions aidé à écrire le mot « Québec » avec l’accent qu’il ne savait pas placer, alors qu’il dédicaçait son livre Dílseacht sur Tom Maguire pour des camarades québécois. Nous avons été charmé par son sourire et sa bonhommie. Il est et reste pour nous un modèle d’engagement, d’humanité et de vertu.

C’était un patriote ardent, un démocrate conséquent et un internationaliste sincère, un citoyen et un soldat de la Irish Republic qui n’a jamais abandonné ses principes et qui a toujours visé sa victoire. Le genre de révolutionnaire très ancré dans sa réalité nationale, celui qu’on appelle une vieille lune et qui est coincé dans les marges, mais qui persévère à contre-courant et qui irradie comme une torche dans la confusion et le manque d’espoir. Le mouvement de libération national irlandais lui doit énormément, car il incarnait sa continuité.

Il était le garant de la pensée républicaine irlandaise traditionnelle : celle de l’école démocratique-révolutionnaire, celle de l’orthodoxie impeccable, celle des républicains anti-traités des années 1920, celle de ceux qui sont fidèles à la ligne, contre vents et marées. Pour notre groupe, Libération Irlande, il représentait un point d’ancrage à la fois théorique et « affectif » dans notre rapport à distance à cette idéologie révolutionnaire. Il faut que dans les esprits des francophones, le républicanisme irlandais soit symbolisé par son nom qui n’est pas si connu, et plus par celui des renégats qui l’est trop. Nous adressons nos condoléances à son épouse Patsy et à toute sa famille.

Au camarade bien aimé et infiniment respecté, Ruairí Ó Brádaigh, un salut fervent
An Phoblacht Abú!

Georges, pour Libération Irlande.

Réinventer la politique face à la gauche

Crédit photo: mag14.com

 

Dans le contexte de la faillite de la gauche au pouvoir, des intellectuels présentent leur conception de la politique.

 

Des intellectuels critiques s’expriment dans le numéro 41 de la revue Lignes. Ils livrent leur analyse et leur sentiment sur la situation politique, notamment de la France. En mai 2013, la gauche est au pouvoir depuis un an. Mais François Hollande mène la même politique que la droite, avec la chasse aux immigrés et la servilité au patronat. C’est surtout un contexte qui se caractérise par des politiques d’austérité, partout en Europe. En France, le droit du travail est à nouveau attaqué pour renforcer le pouvoir des patrons dans les entreprises. Mais l’Accord national interprofessionnel (ANI) et les autres mesures d’austérité peuvent facilement s’imposer face à l’apathie du mouvement social.

Face à ce sinistre bilan, la revue Lignes interroge des intellectuels proches de la gauche radicale pour leur demander ce qu’il reste de la politique : de sa parole, de sa promesse, de son action.

 

 

                       couverture de CE QU'IL RESTE DE LA POLITIQUE

 

Le gouvernement de gauche : un désastre annoncé

 

Des contributions se penchent sur le gouvernement socialiste. François Hollande n’a pas véritablement suscité d’enthousiasme et n’a pas déchaîné les espérances de changement. Il se contente aujourd’hui de mener une politique d’austérité.

 

« Je ne suis ni déçu ni surpris par les accomplissements ou les manquements de François Hollande depuis son élection en mai 2012, car tous ses faits et gestes étaient inscrits […] dans l’ADN du parti socialiste », admet Jean-Loup Amselle. Loin de trahir des espérances, la gauche se contente toujours de gérer la capitalisme. Léon Blum assumait déjà que les socialistes s’apparentent à des « gérants loyaux du capitalisme ». Mais cette gestion n’est pas plus douce que sous la droite. Les socialistes mènent la politique du Medef et déroulent leur politique d’austérité. « Le gouvernement entend ainsi abaisser le niveau de vie du peuple en alourdissant les impôts de façon à alléger les charges des entreprises et restaurer leur compétitivité », résume Jean-Loup Amselle.

 

Philippe Hauser estime que l’arrivée de la gauche au pouvoir ne change rien. Le PS demeure un parti d’État, surtout composé de bureaucrates. « Faire tomber un gouvernement, gagner une élection, n’entament en rien l’existence de l’État, sa vie régulière été ordonnée », analyse Philippe Hauser. Guerre au Mali, répressionantiterroriste, expulsions de sans papiers : le gouvernement de gauche s’attache au contraire à affirmer la puissance de l’État.

 

Plinio Prado n’éprouve aucune déception face au gouvernement de gauche. Cette élection ne suscitait pour lui aucun espoir. Ceux qui sont au postes de commandement se ressemblent tous, à travers leur milieu social et à travers les politiques qu’ils mènent. « Ce sont réellement des fondés du pouvoir du capital, comme l’eût dit Marx », observe Plinio Prado. Seul le discours évolue, mais pour habiller les mêmes pratiques. La politique se réduit à une gestion technique du système capitaliste. Toute perspective de rupture révolutionnaire semble désormais disparaître. Aucun projet d’émancipation ou de société alternative ne se dessine.

 

Au-delà du gouvernement actuel, c’est toute la société moderne qui semble agoniser. La civilisation marchande et la gestion bureaucratique vident la politique de tout véritable sens.

 

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Gestion de la marchandise et vide politique

 

Gérard Briche observe la domination de l’économie. Pour lui, le capitalisme consiste à réduire la production au calcul économique et à la quantification. « Réduire le producteur à n’être qu’un producteur, réduire la chose produite à n’être qu’un produit proposé sur un marché, et plus généralement tout réduire à n’être qu’une marchandise, c’est-à-dire quelque chose qui a un prix, qui peut se vendre et s’acheter, c’est une originalité du capitalisme », analyse Gérard Briche. La croissance, travailler, produire, vendre, et la valeur ne créent pas de richesses mais uniquement un monde d’inégalités et de pauvreté.

 

Olivier Jacquemond observe que la politique s’apparente à un carnaval. Les discours enflammés et le renversement momentané des valeurs permettent surtout de conforter l’ordre établi. Pendant les campagnes électorales, tout le monde semble pouvoir accéder au trône. Mais après cette récréation rituelle vient l’inévitable retour à l’ordre. La communication et le marketing politique révèlent la dimension non subversive des campagnes électorales. Les élections ne peuvent alors déboucher que vers la frustration.

 

Jean-Paul Curnier observe que la politique se réduit à une routine bureaucratique et électoraliste. L’action et la réflexion collective disparaissent pour laisser place aux seuls enjeux de pouvoir institutionnel. « Ce qui a disparu des mœurs, c’est cette forme collective d’emploi de l’intelligence humaine qui seule peut qualifier un peuple comme assemblée démocratique, c’est la possibilité d’un peuple penseur de sa propre condition, de son devenir et des moyens de la construire », observe Jean-Paul Curnier. La politique se limite à un aménagement de l’exercice du pouvoir et à un simple maintien de l’ordre.

La société marchande fabrique un peuple de consommateurs passifs et infantiles. C’est l’indignation qui prédomine dans un contexte de vacuité intellectuelle et d’assèchement de toute réflexion critique. « L’indignation c’est la révolte sans pensée et sans politique, c’est l’insurrection à la portée des peluches », ironise Jean-Paul Curnier. Seule la désobéissance permet de rompre avec l’assujettissement au pouvoir. Désobéir permet de « rompre le pacte silencieux qui voit la passivité, l’immaturité et l’indifférence s’échanger contre les soi-disant bienfaits protecteurs du système », analyse Jean-Paul Curnier.

 

Face à ce constat accablant, la posture intellectuelle de contempteur du désastre ne suffit pas. L’action politique demeure indispensable pour transformer l’existant.

 

 

Hollande et Mélenchon, affiches électorales Sipa

 

La politique institutionnelle et ses limites

Le philosophe Etienne Balibar ressort le vieux refrain social-démocrate etcitoyenniste, incarné aujourd’hui par le Front de gauche. Il prétend aspirer à une « expropriation des expropriateurs » pour permettre une réappropriation de la chose publique par les citoyens. Mais, selon Etienne Balibar, ce projet passe par les institutions pour mettre en œuvre des réformes successives. Contrairement à ce discours à la mode, les mouvements de transformation sociale ne peuvent passer que par des mouvements de rupture, en conflictualité avec les institutions.

 

Dans la même veine, Véronique Bergen alimente les illusions réformistes. Dans un élan de naïveté, la philosophe estime que François Hollande a trahi ses électeurs, Le discours douteux de la philosophe l’amène à défendre les élections et les institutions contre le supposé règne de la finance. Véronique Bergen ignore que ce sont les États, les gouvernements et les institutions qui ont mené des politiques de dérégulation et de financiarisation de l’économie.

 

René Schérer rentre dans le rang, comme tous les intellectuels qui incarnent l’esprit de Mai 68. Cet ancien militant du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) défend désormais le mariage pour tous. Ce fouriériste, partisan de la révolution sexuelle, attaquait toutes les normes et les contraintes sociales. Il fait désormais l’apologie de la famille, du mariage et du petit couple bourgeois. Le mariage homosexuel apparaît donc pour lui une avancée permise par le gouvernement socialiste. Mais c’est évidemment une imposture qui ne fait qu’intégrer encore un peu plus les homosexuels au conformisme bourgeois.

 

Le sociologue Eric Fassin observe l’évolution du débat politique. Cet intellectuel de centre-gauche est désormais assimilé à un ultra gauchiste. Il reste un électeur docile et discipliné, mais observe les limites de la gauche institutionnelle et d’un changement par les urnes.

 

La contribution de Gérard Mauger reflète la plupart des analyses des intellectuels de gauche. Le sociologue dénonce le PS qui mène une politique de droite, avec une idéologie social-libérale. Pour lui, il faut construire une gauche de gauche qui s’oppose à la gauche de droite du gouvernement. Mais cette gauche de gauche se distingue surtout à une gauche plus radicale et libertaire attachée à l’intensification des luttes sociales et à un renversement de société.

Pierre Sauvêtre annone le discours du Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon. Cette prétendue « vraie gauche » doit conduire les révoltes sociales vers le chemin balisé des élections et de la politique institutionnelle. Il s’agit d’une impasse qui réhabilite la vieille social-démocratie, remaquillée avec une couche verdâtre.

 

Mais la politique ne doit pas se réduire aux sphères institutionnelles et bureaucratiques. C’est dans les luttes sociales que de nouvelles pratiques émergent pour dessiner une autre société.

 

 

 

De nouvelles perspectives politiques

 

Au-delà su PS, Philippe Corcuff souligne l’apathie intellectuelle d’une gauche radicale recroquevillée dans ses vielles revendications étatistes et réformistes. Contre les avant-gardes, les experts et les politiciens, les opprimés doivent s’émanciper eux-mêmes. Contre le repli national, incarné par Mélenchon, un internationalisme de résistance peut émerger.

 

Mathilde Girard refuse la conception dominante de la politique, réduite à la gestion institutionnelle. Au contraire, la politique doit se réinventer dans les marges du pouvoir et des gouvernements. « Politique est alors le nom de ce qui s’exprime dans l’instant, dans la révolte, dans les expériences collectives, dans les singularités, les minorités – dans la souveraineté », précise Mathilde Girard.

 

Michael Löwy distingue deux formes de politiques. La politique institutionnelle se réduit à la gestion du capital et au maintien de l’ordre. Cette politique règne, gouverne et exerce le pouvoir d’État. Mais une autre conception de la politique vise à créer une communauté libre et égalitaire.

Les mouvements de révoltes à travers le monde réinventent la politique. « La force de ses mouvements vient tout d’abord de cette négativité radicale, inspirée par une profonde et irréductible indignation », observe Michael Löwy. Les luttes expriment une conflictualité avec l’ordre existant. Les révoltes traduisent une insoumission au pouvoir.

L’utopie renvoie à une autre forme de politique. Karl Mannheim évoque la « fonction subversive » du désir de rupture avec l’ordre établi. L’utopie ne renvoie plus à la simple rêverie mais au projet de bouleversement de l’existant. « Sans indignation, sans utopies, sans révolte et sans ce qu’ Ernst Bloch appelait  » paysage de désir « , sans image d’un monde autre, d’une nouvelle société, plus juste et plus solidaire, la politique devient mesquine, vide de sens, creuse », souligne joliment Michael Löwy.

 

Cette démarche utopique doit aussi alimenter une critique radicale de la vie quotidienne. Dans un contexte de désert existentiel, la démarche des avant-gardes artistiques peut s’actualiser pour ré-enchanter la vie.

 

                          

 

L’expérience de la revue Contre-Attaque

 

Michel Surya revient sur l’expérience de la revue Contre-Attaque. Union des intellectuels révolutionnaires, diffusée en 1935-1936. Ce mouvement réunit l’écrivain George Bataille et André Breton, figure du surréalismeContre-Attaque s’attache au marxisme révolutionnaire : lutte des classes, socialisation des moyens de production, internationalisme. La revue se distingue par une exaltation de la violence révolutionnaire et du peuple en armes pour s’opposer au fascisme. La théorie de Hegel sur la dialectique du maître et de l’esclave est retraduite. « Le temps est venu de nous conduire tous en maîtres et de détruire physiquement les esclaves du capitalisme », indique l’adresse inaugurale de la revue.

 

Contre-Attaque dénonce également l’ordre moral qui maintien l’ordre politique. La famille et la répression sexuelle sont vivement critiquées. « Seule cette morale turbulente et heureuse […] peut servir de principe à des rapports sociaux libérées des misères du système de production actuelle », souligne le texte  » La vie de famille « . La révolution sociale doit s’accompagner d’une révolution sexuelle pour permettre une véritable libération humaine. Pourtant les révolutionnaires ne cessent d’ignorer les questions sexuelles, considérées comme décisives par Contre-Attaque.

 

Mais la revue, qui se place sous la figure tutélaire du marquis de Sade, connaît aussi ses limites. Les analyses politiques ne sont pas toujours très fines. Par exemple la démocratie est assimilée au fascisme. Surtout, Contre-Attaque se caractérise par une exaltation de la violence la plus déchaînée. Seules la force, la violence et l’autorité doivent permettre un soulèvement des masses.

 

La rue, l’émotion, l’exaltation doivent guider l’insurrection. Certes, la révolution n’est pas un simple processus rationnel et renvoie au désir et à la passion. Mais les foules irrationnelles peuvent également alimenter la barbarie et la violence la plus arbitraire. Surtout, la révolution ne doit pas déboucher d’une démarche autoritaire mais doit surtout s’appuyer sur la spontanéité.

 

 

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Réinventer la révolution

 

Contre-Attaque s’attache à une critique radicale de la vie quotidienne. La politique révolutionnaire ne doit pas se limiter à la routine militante. Les individus se conforment à un vide existentiel et au confort de la passivité. « L’opium du peuple dans le monde actuel n’est peut-être pas tant la religion que l’ennui accepté », souligne la revue. La détresse et la résignation doivent être bousculées pour déboucher vers l’action révolutionnaire.

 

La revue dénonce la morale bourgeoise qui permet le développement du fascisme. « Père, Patrie, Patron, telle est la trilogie qui sert de base à la vieille société patriarcale et, aujourd’hui, à la chiennerie fasciste », indique la revue.

 

La critique radicale de la vie quotidienne semble indispensable pour réinventer la révolution. La lutte des classes doit permettre d’abolir le mode de production capitaliste. Mais une révolution poétique, esthétique, érotique doit également bouleverser tous les aspects de la vie.

Source : Revue Lignes n°41, « Ce qu’il reste de la politique. Enquête, Mai 2012-Mai 2013 », Mai 2013

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Le fer-à-cheval et les ânes médiatiques. Petites réflexions sur la « violence » et « les extrêmes »

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Depuis le 6 juin et la mort de Clément Méric, la machine à braire s’est remise en route dans les médias. Il ne se passe pas une journée sans que dans les journaux, à la télé ou à la radio on ne dénonce les extrêmes-qui-se-rejoignent et la violence qui caractérise l’extrême gauche et l’extrême droite, renvoyées dos-à-dos. Au besoin, on convoque un sociologue à gage –comme Jean-Yves Camus dans le Figaro du 6 juin– pour apporter sa caution scientifique et expliquer que ce drame n’est pas du tout politique, qu’il est juste la conséquence malheureuse d’une culture de la violence atavique, qui fait partie du folklore commun aux nazillons et aux antifas, là aussi placés sur le même plan. Un «malheureux  fait divers » (Libération du 9 juin) en somme, pour reprendre les termes d’Alexandre Gabriac, tête de gondole de la boutique concurrente des JNR, les Jeunesses Nationalistes, qui s’y connait en matière de tabassage.

Pas un jour où ces bonnes âmes ne réclament non seulement la dissolution des JNR et de Troisième Voie, mais également celle des groupes « violents » de l’autre bord, pour faire bonne mesure. On n’en sort pas : c’est toujours « 15 mn pour les Juifs, 15 mn pour Hitler ». Et quand il y a un mort, c’est la faute à l’ « extrémisme ». Clément n’est pas mort sous les coups d’un nervi fascistoide, il a été victime d’une calamité naturelle (ou culturelle), l’« extrémisme ».

Outre qu’il est lamentable de devoir rappeler en France en 2013 que l’antifascisme n’est pas un extrémisme –il fut un temps où c’était même un reflexe normal et généralement partagé–, deux petites remarques s’imposent sur cette manière mécanique et imbécile de présenter « la violence ». On ne peut en aucun cas mettre sur le même plan les attaques de l’extrême-droite et la réaction –même radicale– contre ces attaques. Les agressions racistes, les profanations de tombes, les mesures d’intimidations physiques ou verbales contre les populations immigrées, les tabassages d’homosexuels menées par le genre d’individus qui ont tué Clément sont une attaque contre la société en général. Mettre sur le même plan les actions menées contre leurs auteurs est une manière de banaliser leurs pratiques et de les présenter eux aussi, comme de potentielles victimes d’un mal dépolitisé : l’« extrémisme » et la « violence ».

Cette explication, qui relève dans le meilleur des cas de la paresse intellectuelle et, dans le pire, d’un pétainisme diffus, est la même que celle qu’on a vue à l’œuvre dans l’explication de la violence d’Etat dans certains pays d’Amérique Latine. En Argentine, la « théorie des deux démons » a tenu lieu par exemple d’explication de la dernière dictature : c’est la violence des groupes de gauche qui aurait entraîné –là encore mécaniquement– le coup d’Etat militaire et la répression sanglante qui l’a suivi (30 000 disparus quand même). Le mécanisme est le même que pour le fer-à-cheval des opineurs professionnels français : on met les victimes sur le même plan que les massacreurs, puisqu’ils seraient égaux dans leurs pratiques violentes.

Alors rappelons-le : l’agression est toujours du même côté, et heureusement qu’il reste des gens pour ne pas tolérer sans broncher qu’on se promène dans les rues avec des vêtements siglés « White Power » ou « Blood and Honour », comme c’était le cas des skins croisés par Clément et ses camarades la semaine dernière, ou qu’on accepte la présence du discours et des pratiques de l’extrême droite dans l’espace public. La complaisance de la droite, très visible lors des manifs des derniers mois a largement banalisé cette présence, ce qui appelle une réaction politique. Elle peut légitimement être radicale.

http://quartierslibres.wordpress.com

Témoignages de sans papiers arrêtés lors de la rafle au faciès d’hier à Barbès (Paris)

endant les rassemblements contre les groupes d’extrème droite qui ont tué Clément .
Les sans papiers arrêtés passeront demain mardi 11 juin à 10 h. au TGI de Paris, métro Cité – entrée par la Sainte Chapelle.

Article mis en ligne le lundi 10 juin 2013

Un nouveau témoignage d’une personne sans papiers raflée jeudi 6 juin à Barbès.
Pour celles et ceux qui sont loin et ne peuvent pas se mobiliser concrètement avec nous, sous le témoignage je vous mets l’appel à fax et mail pour protester contre cette rafle auprès de la préfecture de police de Paris. Je vous remets également le lien sur la pétition qui il y a 1 an et demi avait été faite par le resf paris nord ouest (comprenant le quartier barbès) et qui appelait à se mobiliser contre les rafles et les contrôles au faciès.

Pour se rendre au JLD de Paris
Bd du Palais, entrée Ste Chapelle mais prendre l’entrée spéciale où on n’attend pas beaucoup, dans la cour avancer entre le préfa et la Ste Chapelle, prendre la porte Y (3 marches au fond à gauche) suivre le couloir, prendre sur la gauche l’escalier un peu caché à droite des grandes marches (T ?), 1 étage raide, travarser la galerie, escalier en face jusqu’au 3e étage.

Témoignage n°2, lundi 10 juin 2013

« Je descendais du métro Barbès avec mon cousin vers 15h30. La police m’a demandé un titre de transport, je le leur ai donné, et ensuite ils ont demandé les papiers. J’ai dit que je n’en avais pas. Ils m’ont mis les menottes et m’ont amené dans un car. Dans le commissariat [rue de Clignancourt] il devait y avoir 80 personnes arrêtées. On a passé 3 ou 4 heures dans une cellule à 20. il y avait une personne très malade qui se plaignait auprès des policiers mais ils s’en fichaient. Et puis quelqu’un a demandé d’aller aux toilettes et les policiers ont dit non. Les gens n’étaient pas contents. Alors des flics sont entrés dans la cellule et ils ont frappés 3 personnes avec les mains et les pieds. Dans la cellule, on avait ni ceinture ni lacets puis, 3 ou 4 flics sont arrivés et ils nous ont demandé de nous mettre tout nu, d’enlever les vêtements, d’enlever les slips ! On ne voulait pas, on a refusé ! Alors le chef est intervenu et a dit à ses collègues de laisser tomber.
Pour l’instant, à ma connaissance, personne de Barbès n’a été expulsé. Mais il y a des gens qui ne sont pas bien, ils ne veulent pas manger et ils ne veulent pas rester enfermés. »
Karim, sans papiers arrêté lors de la rafle et enfermé au CRA de Vincennes.

Proposition de texte à faxer et mailer auprès de la préfecture et du ministère  ;

« Nous protestons contre la rafle organisée dans le quartier de Barbès jeudi 6 juin 2013 : pendant plus de deux heures, les rues ont été bloquées par les forces de l’ordre empêchant passants et riverains de sortir. D’après les témoignages receuillis, les policiers en uniformant et en civil ont réalisé des contrôles au faciès, ce qui est formellement illégal. Les personnes interpellées, pour le seul fait qu’elles étaient dépourvues de pièces d’identité ou de titre de séjour, ont été violemment menottées et conduites ainsi à travers les rues du quartier jusqu’à des bus de police. La Cour européenne de justice a récemment rappelée à la France que le défaut de titre de séjour n’était pas un délit !
Nous exigeons la libération de toutes les personnes arrêtées et actuellement enfermées au Centre de rétention de Vincennes et l’arrêt des rafles ! »

Préfecture de police de Paris
Fax cabinet du préfet : 01 53 71 67 23
Fax direction de la police générale : 01 53 71 57 10
prefpol.dpg-etrangers-secretariat@interieur.gouv.fr

Cabinet du ministre de l’Intérieur :
fax : 01.40.07.13.90
manuel.valls@interieur.gouv.fr

Ayoub, Les skinheads et l’extrême-droite de gouvernement

Avec le meurtre d’un jeune militant, la presse redécouvre les skinheads et s’horrifie de leur violence. Il n’y a pourtant rien de vraiment nouveau sous le soleil des crânes rasés : même égérie –empâtée– Serge Ayoub, connue dans ses folles années de jeunesse sous le nom de Batskin, même idéologie, mêmes modes d’actions.

Ce qui est plus nouveau, ce sont les contacts presque organiques noués entre la nébuleuse FN et les groupuscules que dirige ce même Ayoub, d’où viendraient ceux qui ont lâchement tué Clément dans une rue parisienne : Troisième Voie et son appendice les JNR.
La cinquantaine venant, Ayoub s’est établi comme limonadier et son bar, Le Local, s’est transformé en véritable buvette de l’extrême droite de gouvernement.

On connaissait le cas du délicieux Paul-Marie Côuteaux, ex-chevénementiste et désormais fidèle lieutenant de Marine Le Pen : invité presque permanent à la table d’Ayoub, il retourne fort aimablement l’invitation en ouvrant les ondes de Radio Courtoisie à son hôte.

Coûteaux-Local

C’était au tour du sémillant Robert Ménard, candidat à la mairie de Béziers avec le soutien du FN, d’égayer la soirée du chef des skins le 15 mai dernier. Ménard aime bien les électeurs du FN, qui ne sont « pas tous fachos », dit-il.
Visiblement, la compagnie du chef des assassins ne lui coupe pas l’appétit : il en redemandait même le lendemain de son passage au Local en invitant le même Ayoub à s’exprimer sur son propre site.

ménard_local

A ce niveau-là, il ne s’agit plus de porosité entre l’extrême droite radicale et le FN ripoliné, il s’agit de relations consanguines.
Pendant les législatives, Marine Le Pen jurait ses grands Dieux qu’elle ne connaissait pas « ce monsieur » Ayoub.
Elle connaît tellement peu Ayoub et sa bande de crânes d’os qu’elle avait engagé l’un d’entre eux pour assurer sa propre sécurité, ainsi que l’a rappelé La Horde il y a quelques jours, en citant des informations de REFLEXes.

Niort : Provocation néo-nazie lors de l’hommage à Clément

La Nouvelle République, 10 juin 2013 :

Un militant d’extrême droite est venu provoquer les 150 personnes rassemblées samedi matin en mémoire de l’étudiant de Sciences Po tué à Paris.

Une provocation isolée qui a profondément choqué les cent cinquante participants à la manifestation en mémoire de Clément Méric, samedi matin. A l’appel d’une quinzaine d’organisations, associations, syndicats et partis politiques, le rassemblement en hommage à l’étudiant de Science Po, jeune militant d’extrême gauche décédé, après avoir été frappé par des skinheads, mercredi à Paris, venait à peine de se former place de la Brèche.

 

La manifestation allait emprunter la rue Ricard lorsqu’un militant d’extrême droite, affichant ostensiblement son appartenance, a remonté le défilé sur un côté. Tenant à la main un exemplaire de « Mein Kampf », le bréviaire du nazisme, le jeune homme a provoqué la réaction immédiate de manifestants qui l’ont aussitôt pris à partie avant que le provocateur ne prenne la fuite.

La scène, fugitive, n’a retenu le défilé que quelques secondes. Mais profondément heurté tous les participants qui ont rapidement compris ce qui venait de se passer, renforçant leur détermination à dénoncer un comportement aussi odieux en scandant des slogans antifascistes aux oreilles du public qui ignorait tout de ce qu’il venait de se produire. A la hauteur de la mairie, Claude Juin, membre du manifeste Deux-Sèvres contre les idées d’extrême droite, l’un des initiateurs de cette action, après avoir entonné le « Chant des partisans », a lu une lettre, remise ensuite à la préfecture, appelant le ministre de l’Intérieur et la Justice à « la plus grande fermeté à l’encontre des groupes d’extrême droite et en premier lieu de leurs dirigeants […] ».

Louise, jeune étudiante à Science Po Paris, a lu un texte rédigé par sa promotion en mémoire de Clément Méric.