5 avril 2014 : manifestation contre les crimes policiers et les violences policières
30 ans après la marche pour l’égalité et contre le racisme, lancée pour répondre à la multiplication des crimes racistes et sécuritaires, il semble que rien n’a changé : la liste des victimes dans les commissariats, à bord de fourgons de police, morts suite à une intervention des forces de l’ordre, s’allonge indéfiniment. Ces dernières années, les morts au cours de courses-poursuite, par clé d’étranglement, par pliage ou encore les personnes mutilées par des tirs d’armes prétendument « non létales », se sont multipliées.
Les « bavures » policières n’existent pas. La police tue et violente depuis des décennies, dans des circonstances souvent similaires, et souvent les mêmes personnes : on est passé des ratonnades d’Algériens dans les bidonvilles de la région parisienne dans les années 1960 à la « neutralisation » de « suspects » dans les « quartiers sensibles » aujourd’hui. Et quand elle n’endeuille pas une famille, des amis, des quartiers entiers, la police laisse derrière elle des blessés de plus en plus nombreux.
Aux mobilisations des familles réclamant Vérité et Justice pour leurs proches morts aux mains de l’état ou mutilés par la police, la justice répond presque invariablement par des non-lieux ou des acquittements, dans les cas où une instruction a été ouverte. A l’inverse, quand des révoltes éclatent suite à un crime policier, la machine judiciaire se met en route immédiatement pour faire tomber des têtes et distribue de lourdes peines de prison. D’un côté les syndicats policiers et l’état cherchent à renforcer l’impunité policière, notamment par l’instauration d’une « présomption de légitime défense » équivalant à un véritable permis de tuer, une peine de mort qui ne dit pas son nom. De l’autre, on assiste à de véritables exécutions judiciaires, les atteintes à des policiers étant de plus en plus sévèrement punies, et la justice cherchant à tout prix à trouver des coupables.
Les familles et proches de victimes doivent le plus souvent attendre des années pour voir une instruction ouverte, quand un non-lieu ne vient pas tout bonnement clore des années de souffrance et d’attente. Quand l’instruction aboutit à une mise en examen des policiers, ceux-ci sont très rarement reconnus coupables. Et quand c’est le cas, ils sont condamnés à des peines de principe. « Que vaut la vie de Youssef ? » demandaient les proches de Youssef Khaïf, abattu d’une balle dans la nuque par un policier à Mantes-la-Jolie en 1991. à cette question, la Justice, qui acquitta son meurtrier dix ans plus tard, répond toujours de la même manière : la vie d’un Noir ou d’un Arabe vaut moins que la liberté d’un policier et que le sacro-saint maintien de l’ordre républicain, quand bien même ce dernier n’était pas menacé.
Depuis des années, les familles et les comités Vérité et Justice réclament une reconnaissance de ces crimes, une manière d’honorer leurs défunts, que les médias et la justice salissent souvent pour légitimer leur mise à mort. Elle réclament la fin des pratiques policières mortelles comme la clé d’étranglement, le pliage ou les courses-poursuite pour de simples infractions au code de la route. La fin aussi des pratiques de chasse de la police qui aboutissent à la multiplication des accidents mortels et des mutilations, notamment par l’usage intensif du flash-ball.
Au-delà des crimes eux-mêmes, c’est la recherche de vérité et le combat des familles, mais aussi de tous ceux qui dénoncent publiquement la violence de l’état et de sa police, qui sont de plus en plus réprimés. Lorsque la police ne tire pas pour tuer les indésirables, elle tire pour blesser ceux qui les soutiennent : flash-ball, LBD et grenades sont de plus en plus souvent utilisés, en banlieue comme lors de manifestations, pour faire taire ceux qui s’organisent.
Il n’est plus rare également de voir le Ministère de la Justice s’en prendre à ceux qui dénoncent ces violences sur internet, comme ça a été le cas pour le site Copwatch en 2012 ou pour Urgence Notre Police Assassine (site animé par Amal Bentounsi, dont le frère Amine a été tué d’une balle dans le dos en 2012) cette année, attaqués en justice pour diffamation et contraints de se justifier d’utiliser leur liberté la plus fondamentale, la liberté d’expression.
L’état, sa police et sa Justice, ont le monopole de la violence. Face à eux, nos forces sont éparses. C’est pourquoi il est plus que temps de s’organiser autour des familles et proches de victimes, pour trouver la manière d’unir nos forces dans un combat si inégal face à la police et la justice.
Rejoignez-nous dans cet effort pour obtenir la vérité et pour dénoncer la vraie nature de la police !
RDV le SAMEDI 05 AVRIL 2014 à 15H à la sortie du METRO ANVERS (PARIS)
P.-S.
En marge de cette manifestation, le collectif Urgence-Notre-Police-Assassine a lancé depuis début mars une campagne d’affichage : des autocollants sont mis à disposition dans villes de France pour dénoncer la police. Les participants sont invités à prendre des photos et à les faire parvenir au collectif UNPA pour faire entendre leur voix et rendre leur campagne plus visible : urgence-notre-police-assassine@live.fr
« Nous trouverons un chemin ou nous en ouvrirons un »
Hannibal
L’idée du communisme musulman : à propos de Mirsaid Sultan Galiev (1892-1940)
Matthieu Renault
À travers la figure du bolchévik tatar, Mirsaid Sultan Galiev, Matthieu Renault s’intéresse ici à une expérience peu connue : celle du « communisme national musulman » tel qu’il s’est développé en Russie soviétique, puis en URSS, de 1917 à la fin des années 1920. Une première version de cette contribution a été présentée à l’occasion du colloque Penser l’émancipation (Nanterre, février 2014).
[Paris] Sous marin policier devant une maison occupée
Suite à la révolte de vendredi 14 février au centre de rétention de Vincennes, un feu d’artifice est tiré devant la prison pour étrangers. Deux détenus sont comdamnés à deux mois fermes, accusés d’avoir jeté une porte sur les flics et l’un d’eux à deux mois de sursis supplémentaires pour avoir refusé de donner son ADN. Deux autres personnes sont écroué-e-s, accusé-e-s d’avoir participé au feu d’artifice, puis d’avoir en garde à vue refusé de donner noms, empreintes, photos et adns aux flics. Mardi 25 février, une audience de remise en liberté s’est tenue pour ces dernier-e-s. Une vingtaine de compagnon-ne-s était présente pour apporter du soutien aux deux incarcéré-e-s. La juge a décidé de les faire sortir après 8 jours de taule et trois de garde à vue et dépôt avec le même contrôle judiciaire que leurs trois co-inculpé-e-s, interdiction d’entrer en contact et de quitter l’Ile-de-France. Dans l’après-midi certain-e-s compagnon-ne-s présent-e-s sont suivi-e-s plus ou moins ostensiblement. Dans le métro, le bus, dans la rue, parfois avec un appareil photo… un flic a même pris le taxi.
Dans la soirée, tandis que les deux fraîchement libéré-e-s sont à Fleury pour prendre leurs affaires, la surveillance est toujours plus visible. Une maison occupée, dans le 19 ème arrondissement de Paris est particulièrement ciblée. Déterminé-e-s, un groupe de personnes solidaires décide de ne pas laisser les flics faire leur sale boulot tranquiles, et poursuit l’un d’eux dans la rue. « Sale flic« , « tu le diras à tes collègues« , « Eh mais d’habitude quand on traite les gens de flics ils se retournent« , « police dégage », « remets jamais plus les pieds dans le quartier t’es grillé« .
Une partie du dispositif était apparente : Alors qu’à quelques rues de là, 5 ou 6 flics complotait, le groupe découvre une camionnette citroen jumpy blanc immatriculée 9420 XC 94, vingt mètres au dessus de la maison. Les vitres arrières sont voilées par une bache noire qui semble bouger, et des signes de présence émanent de la voiture lorsque le joyeux groupe s’approche. S’approchant encore, il entend disctinctement un son électronique en fonctionnement, laissant penser qu’à l’interieur de la voiture se trouve du matos d’écoute et d’enregistrement. Menaces, boucan dans le voisinage, secouage de voiture, le(s) flic(s) dedans a(ont) du avoir un petit coup de stress et deux de ses (leurs) collègues débarquent en courant, l’un monte dans la camionnette, l’autre dans une voiture garée plus haut et tous deux partent sans demander leur reste. Les semaines suivantes la surveillance n’a pas cessé ( filatures, contrôles d’identité impromptus… )
Qu’ils surveillent et répriment celles et ceux qui affichent de ne pas se plier aux lois et aux normes, qui décident d’apporter leur solidarité aux prisonnier-e-s mutin-e-s, qui refusent la résignation et se révoltent n’est pas étonnant.
Cela n’empêchera pas les révolté-e-s de se battre, ici et maintenant, pour la liberté !
Transmis par mail, 21 mars 2014
[Marseille] Verdict des comparutions en justice des carnavalier.e.s.
(…) mardi 18 mars 22 h.
Le verdict vient de tomber pour les deux personnes arrêtés sur la Plaine lors de la charge de police contre les carnavaliers :
L’un a pris 2 mois ferme et 8 mois avec sursis (le procureur avait demandé 15 mois) ;
Le deuxième a pris 2 mois ferme (le procureur avait demandé 24 mois) ;
Un jeune qui a été arrêté en premier rue Pollack dans le quartier Noailles lors du passage du carnaval vers 17h30 a refusé la comparution immédiate et a été placé en détention provisoire. Il dort en prison jusqu’à son procès fixé au 16 avril. Son chef d’inculpation : avoir tâché avec un œuf un policier en civil qui se trouvait dans le carnaval…
Pour les personnes arrêtées lors du rassemblement de solidarité devant le commissariat Noailles :
Trois d’entre elles ont pris 6 mois dont 2 ferme (avec aménagement de peine) ;
L’une a pris 1 mois (avec aménagement de peine également) ;
La cinquième personne a pris 8 mois dont 2 ferme, avec mandat de dépôt.
Au total 4 personnes ont été incarcérées aux Baumettes !
Les familles et les soutiens qui étaient présents devant le palais de justice à l’annonce des verdicts ont décidé de se réunir dès demain pour mettre en place un soutien juridique et financier. (…)
Marseille Infos Autonomes, 18 mars 2014
(…) Une assemblée des carnavaliers aura lieu lundi 24 mars à 19h dans les locaux de Marseille Trop Puissant, au 30, rue des Trois Mages, quartier de la Plaine.
Infozone, 20 mars 2014
Séance du dimanche : Makhno, paysan d’Ukraine
À l’heure où Vladimir Poutine, ex-colonel du KGB, ressuscite la bonne vieille Sainte Russie impériale en annexant (pour l’instant) la péninsule de Crimée, ses gisements de gaz naturel et ses bases militaires sur la Mer Noire, un petit rappel en images sur la situation de l’Ukraine au XXème siècle. Ce n’est pas la première fois que l’Ukraine se retrouve prise entre deux feux, entre l’Europe de l’Ouest et la Russie mais l’alternative n’a pas toujours été entre l’ultralibéralisme de l’Union Européenne et l’impérialisme « eurasiatique » inspiré à Poutine par l’idéologue d’extrême droite Alexandre Douguine.
Dans la Révolution russe initiée en février 1917, les bolcheviques ont pris une part active, mais ils étaient très loin d’être les seuls et très loin également d’avoir été les plus actifs. Seule leur prise du pouvoir en octobre 1917, leur installation à la tête d’un État ultra-centralisé et autoritaire, la répression de toutes les composantes du mouvement révolutionnaire ne rentrant pas dans le rang et une politique de propagande particulièrement efficace a pu installer et matraquer une vision bolchevisée de la Révolution.
En Ukraine, les forces révolutionnaires, celles qui ont organisé les soviets et lutté contre les colonnes des Russes Blancs contre-révolutionnaires armés et financés par les pays capitalistes n’étaient pas bolcheviques. Elles étaient anarchistes, communistes-libertaires et organisée dans un mouvement à la fois urbain et rural, à l’image de l’Ukraine de l’époque. Ce mouvement, « l’armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne », plus connu sous le nom deMakhnovtschina, s’est constitué d’abord contre l’abandon aux forces Austro-allemandes de l’Ukraine par la paix de Brest-Litovsk de mars 1918 (paix signée entre le pouvoir bolchevique et le Reich allemand) et pour la poursuite de la révolution. Son leader, Nestor Makhno, qui avait lutté contre le pouvoir tsariste auparavant en participant aux activités illégalistes de redistribution au sein de l’« Union des laboureurs pauvres » organise les soviets –des conseils ouvriers et paysans– à partir de sa région d’origine, Houiliaïpole, au sud-est de l’Ukraine, avec une forte implantation en Crimée. Dans un premier temps allié à l’Armée Rouge pour chasser les colonnes blanches du maréchal tsariste Denikine puis de Wrangel en 1919-1920, le mouvement makhnoviste finit logiquement par s’attirer l’hostilité du pouvoir soviétique russe. Trotski –qui était encore très en cour à Moscou et dirigeait l’Armée Rouge- ordonna les opérations militaires pour écraser le mouvement populaire ukrainien, de même qu’il supervisa la répression sanglante des marins de Kronstadt, autre faction essentielle des forces révolutionnaires en 1917, qui contestait l’autoritarisme bolchevique.
Dès 1921, Makhno, défait, doit s’exiler. Il passe les dernières année de sa vie à Paris, travaillant comme ouvrier chez Renault à Boulogne-Billancourt et participe aux principaux débats du mouvement ouvrier en marquant le courant communiste-libertaire jusqu’à sa mort en 1934. Comme pour bien d’autres révolutionnaires, Makhno fut la cible de campagnes de calomnies venues des relais communistes français des normalisateurs staliniens : bandit de grand chemin, aventuriste et, surtout, antisémite. Une accusation qui a la vie dure, puisqu’on l’entend encore aujourd’hui jusque dans les rangs libertaires. Sur ce point, on renverra à ce qu’en dit Voline, dans La Révolution inconnue. Compagnon de route de Makhno, organisateur de la Confédération d’Organisations Anarchistes d’Ukraine (Nabat), qui avait rejoint laMakhnovtschina et ne peut être soupçonné de complaisance vis-à-vis des organisateurs de pogroms de l’époque.
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=JS255bOrckA
VU SUR http://quartierslibres.wordpress.com/
La profanation, c’est la basilique du Sacré-Cœur, pas les tags
Qu’est-ce que j’apprends ce mercredi soir à la radio ? Des graffitis anarchistes à l’entrée de la basilique du Sacré-Cœur à Paris ?
- « Ni Dieu ni maître ni Etat » ;
- « Feu aux chapelles » ;
- « A bas toute autorité » ;
- « Fuck tourism ».
Qu’est-ce que j’entends dans les commentaires ? TOUS les candidats à la mairie (ainsi que le ministre de l’Intérieur, grand tartuffe des religions dans ce pays) condamnent cette « profanation » (« odieuse » selon Jean-François Copé) ?
Nous ne saurons sans doute jamais qui sont les auteurs de ces actes, sauf si la police se donne des moyens en disproportion du délit incriminé. Je ne le souhaite pas, car j’imagine par avance la sévérité « exemplaire » et hypocrite des sanctions pénales.
Et à quoi bon critiquer « là-bas » les pays qui mettent en prison des chanteuses punks « blasphématoires » si c’est pour faire pareil ici ?
« Profanation » dans toutes les bouches
Par contre, si je rencontre ces « anarchistes », je les engueule, parce que leur acte est contre-productif par rapport… mais par rapport à quoi en fait ? On ne vous l’a pas dit ? Je vais y revenir.
En fait, ce qui me pousse à réagir, ce ne sont pas les graffitis, car à quoi bon rappeler que les actes de personnes qui se pensent irresponsables de ce monde ne peuvent être qu’irresponsables dans ce monde ? Ce qui me donne envie de réagir, ce sont les réactions des responsables politiques.
« Profanation ». Tous utilisent ce mot. Pas délit, pas vandalisme, pas dégradation : profanation. Soit un rapport au sacré. Aucun recul, aucune neutralité dans l’exercice d’une fonction publique. Le fait religieux est posé comme une évidence, et pas question de rappeler que si l’action publique organise la libre expression religieuse, elle ne reconnaît rien.
Des communards tués à cet endroit
Maintenant, venons-en au cœur de cette affaire du Sacré-Cœur, celui qu’aucun politique n’a relevé : pourquoi commettre pareil acte à cette date et à cet endroit ?
Le 18 mars 1871, le peuple parisien, assiégé et affamé, se soulève contre l’Assemblée versaillaise, réactionnaire, monarchiste et cléricale. Les Parisiens montent au sommet de la colline de Montmartre, à l’époque dépourvue de cette fameuse basilique, simple vignoble urbain, sur laquelle se trouvent des canons de l’armée. Le peuple s’empare des armes, proclame la Commune, et en appelle au pays pour défendre la « vraie République ».
Nul n’ignore la fin de l’épisode : lors de « la semaine sanglante » (21-28 mai 1871), l’armée de Thiers reprend la ville au prix de 20 000 à 30 000 morts (vous vous rendez compte ? Quasiment le bilan de l’insurrection du ghetto de Varsovie), exécutés à la chaîne et enterrés sous les rues (on retrouvera plusieurs charniers pendant les travaux de percement du métro dans les années 1897-1902).
L’humiliation par l’édification d’un basilique
lire la suite sur rue89.nouvelobs.com
Contre le racisme et contre le fascisme toutes et tous dans la rue le 22 mars
Le 22 mars 2014, l’Union nationale des sans papiers appelle à une manifestation contre le racisme et le fascisme place de la République à 14 heure. Cela fait suite à un appel international venu de camarades grecs. Suite à cet appel, différents collectifs parisiens se sont mobilisés :
l’appel unitaire
l’appel du Mili (mouvement inter lycéen) à la manif et le déploiement d’une banderole l’annonçant
départ du 18e arrondissement pour rejoindre le cortège à république, à l’appel de collectifs locaux antifascistes.
Des tags sur la basilique du Sacré-Coeur: les politiques de tous bords s’indignent d’une « profanation »
La basilique du sacré coeur a été construite avec le sang des communards. Ils ont appelé cela « Ordre moral » ! Quelle morale ?! Quel ordre ? 20 000 fusillés, 10 137 condamnations dont 93 à mort, 251 aux travaux forcés, 4 586 à la déportation… Merci aux camarades d’avoir rappelé l’anniversaire de la commune par cet acte politique !
Vive la Commune !
MUNICIPALES – « Profanation », « haine anti-chrétienne », « dégradations inacceptables »… Un acte de vandalisme visant la basilique du Sacré-Coeur, un des monuments les plus visités de Paris, n’a laissé aucun responsable politique indifférent à quelques jours du premier tour des élections municipales.
Alors que la campagne vit ses derniers jours, plusieurs élus et candidats parisiens, socialistes, UMP et Front national, ont condamné mercredi des inscriptions insultantes portées à l’entrée de la basilique. « Ni Dieu, ni maître, ni Etat », « A bas toute autorité », « Feu aux chapelles » pouvait-on notamment lire sur la porte et le parvis de la basilique. De source policière, les inscriptions, faites avec une bombe de peinture rouge, dateraient de la nuit de lundi à mardi. On pouvait aussi lire « fuck le touriste », d’après cette source.
Une plainte a été déposée mercredi au commissariat du 18e arrondissement, selon le diocèse de Paris qui ne souhaite pas communiquer davantage « pour ne pas attiser la haine ».
Les deux favorites dans la course à la mairie de Paris, Anne Hidalgo (PS) et Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP), ont condamné dans les mêmes termes cette « profanation » de la basilique.
« Au même titre que je me suis toujours indigné des actes islamophobes ou antisémites, j’ai été profondément choqué d’apprendre l’odieuse profanation du Sacré-Coeur de Montmartre (…) », s’est également indigné le président de l’UMP Jean-François Copé, pour qui « la multiplication de ces violences antireligieuses et de ces appels à la haine est absolument inacceptable dans notre République ».
« Une offense aux fidèles catholiques et une atteinte grave à l’un monuments emblématique du patrimoine architectural parisien », a déploré dans un communiqué le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls.
« Je condamne avec la plus grande fermeté les inscriptions posées la nuit dernière sur la porte et le parvis de la Basilique de Montmartre. Ces dégradations, et ce ne sont pas les premières, sont inacceptables », a écrit de son côté le maire PS de Paris Bertrand Delanoë.
La faute aux Femen et aux « anti-chrétiens »
Plusieurs candidats aux élections municipales parisiennes ont néanmoins vu dans cet incident une preuve du laxisme de la municipalité, voire du gouvernement.
La tête de liste du Front National dans le 18e arrondissement, Philippe Martel, n‘a pas hésité à relier les auteurs de ce vandalisme à la majorité socialiste. « Faut il s’étonner que l’on en arrive là dans un pays où les Femen, qui s’attaquent régulièrement à des édifices religieux, trouvent l’asile politique; où le Maire de Paris et sa Première adjointe célèbrent à l’Hôtel de Ville la fin du Ramadan et où le leader des communistes au Conseil de Paris, Ian Brossat, souhaitait récemment le remplacement du Sacré-Coeur par un ‘espace de solidarité’? », s’interroge ce proche de Marine Le Pen.
Le candidat FN à la mairie de Paris, Wallerand de Saint-Just, a appelé de son côté à un rassemblement ce jeudi « contre cette dégradation et contre la complicité du pouvoir socilaliste ».
D’autres têtes de liste et candidats à la mairie de Paris se sont également emparés de l’affaire pour dénoncer un « climat anti-chrétien », à l’image de l’ex-UMP Charles Beigbeder, fervent catholique et très proche de la Manif pour tous.
Comme lui, Rachida Dati, candidate à sa réélection comme maire du 7e arrondissement, a elle aussi rappelé une action militante très controversée des Femen à l’intérieur de l’église de la Madeleine , pour estimer que la foi catholique était de nouveau visée par « une attaque grave ».
« Après la profanation de l’Église de la Madeleine par une Femen, celle de l’Église Sainte Odile dans le 17ème arrondissement, et désormais celle de la Basilique du Sacré-Cœur, quand le gouvernement va-t-il enfin prendre des mesures pour lutter contre la christianophobie rampante qui est en train de s’installer en France? », s’est indignée l’ancienne ministre de la Justice.
Permanence d’entraide retraités et futurs retraités
Crise et enquête
Asad Haider revient ici sur deux traditions théoriques et militantes, l’opéraïsme et le conseillisme, qu’il propose de faire dialoguer autour des thèmes de la crise et de la composition de la classe ouvrière. Il milite en faveur d’un réinvestissement de la pratique opéraïste de l’enquête, seule susceptible de dégager les conditions d’une recomposition antagonique du prolétariat.
Lorsqu’en 1968, les futurs membres de la « League of Revolutionary Black Workers » prirent le contrôle du journal étudiant de Wayne State, ils ajoutèrent à l’en-tête le slogan suivant : « Un ouvrier conscient vaut cent étudiants. »1 Ce genre d’arithmétique politique est aujourd’hui devenu beaucoup plus difficile. Non pas qu’il ne soit pas tenté ; on peut imaginer entendre « une infirmière syndiquée vaut cent serveuses. » Mais le calcul ne tient pas debout. La formule originelle a étéavancée dans le Detroit industriel, dont l’industrie automobile représentait l’avant-garde du développement capitaliste mondial. Detroit est désormais en faillite, et la gauche marxiste semble osciller entre la répétition des vieilles formules et leur démenti apocalyptique.
Il nous faut donc revenir au problème que cette formule était censéerésoudre : celui de la manière dont les catégories de classe se situent dans le développement capitaliste et dont elles peuvent être transformées en un sujet politique. La pratique de l’enquête ouvrière a toujours représenté une tentative de résolution de ce problème, et pour l’operaïsme italien, c’est le concept de composition de classe qui devait orienter ces recherches.
Dans Ouvriers et capital, Mario Tronti fonde la composition de classe sur la théorie de la valeur de Marx. Il commence par rappeler la thèse de Marx dans le livre II du Capital, selon laquelle le rapport de classe n’apparaît pas dans l’atelier, mais est déjà contenu dans l’échange central entre l’argent et la force de travail. Cet échange présuppose qu’un prolétaire dépossédé des conditions de travail rencontre le propriétaire d’argent sur le marché2.
Mais l’achat et la vente de la force de travail déclenchent une dynamique de recomposition. Le capitaliste individuel doit en effet rassembler une multiplicité de forces individuelles de travail pour constituer un force productive coopérative. Les prolétaires atomisés sont ainsi recomposés enclasse ouvrière collective. Or, dès que cette force productive est incorporée au capital, comme le ferment actif de la valorisation de la valeur, elle devient un agent antagoniste. La classe ouvrière résiste à sa réduction au statut de force de travail, même si cette résistance prend des formes totalement passives. Quand elle prend la forme d’une résistance à la journée de travail, les capitalistes sont forcés d’agir collectivement en tant que classe, pour protéger les conditions d’accumulation que leur concurrence pourrait par ailleurs saper. Ainsi, en limitant légalement la journée de travail, l’Etat capitaliste empêche l’exploitation, qui tend à écraser les corps de la classe ouvrière, de détruire ses propres conditions de possibilité. Mais cette dynamique force également les capitalistes à s’engager dans un bond technologique en avant de manière à renouveler l’accumulation; et cette revolutionarisation du procès de production est identiquement recomposition de la force productive de la force de travail à un niveau technologique plus élevé. Les enquêtes ouvrières menées, entre autres, par Romano Alquati, représentent une tentative d’analyse de la nature de cette force de travail technologiquement recomposée et de ses refus politiques.
La dynamique précédemment décrite correspond à la composition de classe sur le plan de laconstitution sociale. Elle est logiquement suivie par la composition de classe sur le plan de l’organisation. C’est cette question des formes organisationnelles qu’en 1967, Bologna met au cœur de ce qui est sans doute le texte le plus célèbre sur le concept de composition de classe, « composition de classe et théorie du parti aux origines du mouvement des conseils ouvriers ».
Dans ce texte, le rapport entre la constitution de la force de travail et son refus antagoniste est exprimé par le rapport entre les compositions « technique » et « politique » de la classe ouvrière. Bologna se concentre sur une composition technique spécifique à l’Allemagne du début du vingtième siècle: celle de « l’ouvrier professionnalisé », l’ouvrier qualifié opérant sur des machine-outils et attaché à son métier. Il cherche à montrer que malgré son caractère conservateur (protection d’une aristocratie ouvrière contre l’innovation technique, revendication de la position et de la fonction de producteur) le projet autogestionnaire avait néanmoins un caractère révolutionnaire dans la conjoncture au sein de laquelle il intervenait. En bloquant la tentative des employeurs d’augmenter la composition organique du capital, les conseils ouvriers ont représenté un obstacle fondamental à l’accumulation. Il a donc non seulement fallu les briser par la force politique, mais le capital a en outre été contraint de décomposer l’ouvrier professionnalisé. Le Taylorisme a ainsi été introduit en Allemagne après le deuxième guerre mondiale pour répondre au défi des conseils, en cassant l’ouvrier professionnalisé et en recomposant la classe ouvrière sous la forme du « travailleur à la chaîne déqualifié, déraciné, très mobile, et interchangeable. » Cet « ouvrier-masse » pouvait être soumis à un niveau plus élevé d’automation, mais il pouvait aussi avancer de nouvelles formes politiques organisées autour des luttes salariales, lesquelles définissent le cadre de la période étudiée par Bologna3.
Or, il y a au moins deux façons d’interpréter cette dynamique. Une première décrit les formes d’organisation comme autant de réponses stratégiques de la classe ouvrière à des moments déterminés du développement capitaliste. Elle reconduit corrélativement les réactions du capital à la perturbation que représente l’antagonisme ouvrier organisé. Quoique fluctuants, ces processus sont constitutifs l’un de l’autre, ils s’entre-limitent et ouvrent de nouvelles trajectoires pour leur développement respectif4.
Pour la seconde interprétation, en revanche, ces processus peuvent être compris comme autant d’étapes vers la réalisation d’un but historique, soumis à une « periodisation. » L’ouvrier professionnalisé aurait ainsi été dépassé par l’ouvrier-masse afin de réaliser l’abstraction complète du travail – autrement dit, afin d’assurer le plein développement du capital et de la subjectivité de la classe ouvrière. L’hégémonie du secteur avancé de la classe ouvrière sert de garantie au déroulement de ce processus historique. La composition de classe se transforme alors en théorie téléologique del’expression de la composition technique en composition politique.
Cette lecture n’est pas sans précédent chez Marx. Comme le souligne Toni Negri, on trouve un aperçu de ce déroulement historique de l’abstraction dans les Grundrisse, mais il passe à l’arrière-plan dans l’exposition scientifique et empirique du Capital. Bologna, qui semble préférer l’exposition scientifique et empirique, devait plus tard sévèrement critiquer cette deuxième interprétation, à la fois comme lecture de son propre travail et comme cadre d’analyse des nouvelles figures hégémoniques. Mais son texte ne propose pas d’alternative théorique, et la periodisation qu’il propose ne permet pas d’expliquer certains secteurs de la classe ouvrière allemande, qui, à l’instar des mineurs de la Ruhr, ne sauraient être assimilés à la composition de l’ouvrier professionnalisé5.
Il est à cet égard frappant de constater qu’alors même qu’il souligne le« pouvoir ouvrier de provoquer la crise et de geler le développement capitaliste » qu’ont exercé les conseils, Bologna ne mentionne pas le débat sur la théorie de l’effondrement mené au sein du mouvement conseilliste allemand. Pour la majorité des communistes de conseils qui se sont séparés du Parti communiste pour fonder le KAPD en 1920, l’imminence de la crise terminale conférait aux luttes économiques spontanées un caractère directement révolutionnaire. Mais les implications politiques de cette théorie ne furent pas discutées en profondeur avant 1929, quand Wall Street s’est écroulé alors qu’ Henryk Grossman venait de présenter une nouvelle théorie de la crise fondée sur « la loi de la baisse tendancielle du taux de profit. »
Cinq ans plus tôt, l’économiste allemand Erich Preiser avait affirmé que :
les parallèles avec la philosophie hégélienne de l’histoire ne sont nulle part plus clairs que dans la loi de la baisse tendancielle du taux de profit6.
Il revient à Paul Mattick, un participant de la Révolution allemande transplanté aux États-unis à partir des années 1920, d’avoir intégré cette philosophie de l’histoire au communisme des conseils. Mattick s’est appuyé sur la thèse avancée par Grossman d’une accéleration des crises cycliques pour prévoir « la crise permanente, ou crise mortelle du capitalisme », au cours de laquelle le capital, dans une ultime tentative de récupérer ses profits, engagerait un assaut frontal contre la classe ouvrière. Il écrit :
C’est seulement lorsque le prolétariat connaît un processus nécessaire de paupérisation absolue que les conditions objectives sont mûres pour un mouvement authentiquement révolutionnaire7.
À vrai dire, pour Mattick, cette stricte condition de l’action révolutionnaire remettait en question la signification politique des conseils allemands. Leur défaite aurait finalement démontré que :
la lutte du prolétariat allemand de 1912 à 1923 est apparue comme un ensemble de frictions mineures accompagnant le processus de réorganisation capitaliste8.
Cependant, au sein du mouvement international des conseils, tous ne souscrivaient pas à cette eschatologie pour laquelle les luttes de classe précédant l’effondrement sont autant de chaises longues sur le Titanic. Karl Korsch remarque ainsi que :
la théorie d’une tendance économique de développement objectivement donnée, dont le but peut être saisi en avance, emploie des images au lieu de concepts scientifiques explicitement déterminés9
Anton Pannekoek a quant à lui critiqué la théorie de l’effondrement en profondeur. Ayant présenté une réfutation mathématique de l’argument de Grossman, il s’est concentré sur le rapport théorique entre l’opération objective des lois économique et l’action subjective de la classe ouvrière. La conception de Grossman selon laquelle la révolution s’imposerait par une catastrophe économique ne laisse guère de place au développement de la « maturité révolutionnaire » de la classe ouvrière, maturité qui, si elle est généralement acquise au cours des luttes salariales, exige en fin de compte de « nouvelles formes de lutte. » La théorie de Grossman n’exprimerait ainsi que la vision des intellectuels, prêts à se présenter comme un « nouveau pouvoir gouvernant » lorsque le vieux monde se sera écroulé10.
Bref, le mouvement des conseils a bel et bien posé la question du rapport entre crise et révolution. Mais dans la théorie avancée par Grossman et Mattick, il a également réduit cette relation incertaine à la nécessité historique de l’effondrement. Il n’est dès lors pas surprenant que la théorie de la crise n’est pas été intégrée à l’analyse du caractère concret de la classe ouvrière. En fait, pour Grossman et Mattick, le développement technologique exprime simplement la relation transhistorique des être humains à leurs outils11. Sans une conception historiquement déterminée de la marchandise force de travail ou de l’impératif spécifiquement capitaliste de développement technologique, il est impossible de rendre compte de la manière dont le changement technique transforme l’existence concrète de la force de travail.
De l’autre côté, bien que Korsch et Pannekoek aient avancé une critique perspicace des présupposés téléologiques de la théorie de l’effondrement, ils furent incapables de proposer une analyse alternative du rapport entre les catégories économiques objectives et l’organisation révolutionnaire. Pour Pannekoek, la subjectivité politique peut en effet être réduite à un processus de « développement spirituel12. » Dans cette perspective, la forme-conseil, plutôt qu’une réponse politique à un niveau spécifique de développement capitaliste, ne représenterait rien d’autre que le « destin » d’une classe ouvrière appelée à gérer la production.
Notons que ces débats sur l’effondrement eurent lieu juste avant le plus long boom dans l’histoire du capitalisme. Mattick maintint tout au long de ce boom que les contradictions internes du capitalisme le propulsaient encore et toujours vers l’effondrement. La réponse de l’operaïsme, quant à elle, s’est développée dans une toute autre direction. Tronti rejete en effet explicitement toute théorie de l’effondrement, et insiste sur les moments de stabilisation cyclique qui suivent les crises économiques. Soutenant fermement que les luttes salariales ne sauraient mener à une crise catastrophique de profitabilité, il souligne néanmoins que ces luttes, dans la mesure où elles représentent le refus de la classe ouvrière d’être constituée en force de travail, peuvent provoquer une crise politique :
le maillon de la chaîne où se produira la rupture ne sera pas celui où le capital est le plus faible mais celui où la classe ouvrière est la plus forte13.
La révolution émergerait ainsi au point où la classe ouvrière pourrait contraindre le capital à un plus haut niveau de développement, et où son parti pourrait entraîner un rupture avec ce développement : Lénine en Angleterre. Le développement politique le plus avancé de la classe ouvrière est alors l’ouvrier-masse, dont Bologna a retracé les origines dans la réponse capitaliste aux conseils14.
Vinrent alors les années 1970 ; le développement capitaliste fonça tête baissée dans une nouvelle crise économique, et l’usine perdit de sa centralité dans les conflits sociaux. C’est dans ce contexte que des figures comme Bologna et Negri réactivèrent l’orthodoxe « baisse tendancielle du taux de profit. » Mais il s’agissait là d’une tentative réelle d’interprétation de la crise politique sur le base d’une conception dynamique de la force de travail15. Mettons donc entre parenthèse les détails techniques de ces débats renouvelés sur la théorie de la crise, ainsi que ceux qui concernent les mécanismes causaux à l’oeuvre derrière le déclin du boom d’après guerre, et concentrons-nous sur le rapport entre crise et composition de classe.
Dans un contexte marqué par l’augmentation du chômage et l’émergence des nouveaux mouvements sociaux, Negri a ambitieusement tenté de repenser le sujet révolutionnaire en proposant une nouvelle figure hégémonique: l’ouvrier socialisé. Les détails précis de cette théorie ont été largement critiqué par, entre autres, les operaïstes, mais la critique doit porter à un niveau conceptuel plus fondamental : ce qui est resté ininterrogé, c’est en effet la prémisse même d’une figure hégémonique de la classe ouvrière, d’une avant-garde ouvrière coincidant avec le « secteur avancé » de la production capitaliste.
Bologna et les contributeurs de son journal Primo Maggio ont quant à eux exploré une approche alternative, en revenant à l’enquête ouvrière. Leurs enquêtes sur la restructuration dans l’industrie automobile, surtout celles menées par Marco Revelli chez FIAT, se concentrent sur la stratégie de crise mise en place par le capital pendant les années 1970. On rencontre ici tous les termes qui nous sont devenus familiers: diversification, financiarisation, décentralisation, et délocalisation. Il s’agissait en même temps d’un processus de recomposition de la classe ouvrière, représenté par l’automation, la tertiarisation, et l’embauche d’une jeune génération d’ouvriers. Les licenciements massifs furent suivis par la robotisation accélérée du procès de production, non seulement comme facteur d’augmentation de la productivité, mais aussi comme mesure disciplinaire16.
Cette recomposition a également été marquée par une féminisation de la main-d’œuvre, encouragée par de nouvelles lois promouvant l’embauche des femmes. Comme le souligne Alisa Del Re, l’entrée des femmes sur le marché du travail salarié a été motivée par la « précarité d’accès aux moyens de survie. » L’inflation avait directement touché les femmes, qui géraient la consommation des ménages, et elle les a contrainte à occuper le « double poste de travail » du travail salarié et du travail domestique de reproduction17.
En octobre 1980, cette décennie de lutte de classe et de restructuration culmine dans une grève de cinq semaines contre les licenciements, rapportée par Revelli dans l’article « Les ouvriers de FIAT et les autres. » L’échec de la grève est dû à l’expression sans précédent d’un fort sentiment anti-ouvrier : les 10-15 000 travailleurs en grève durent en effet faire face à 20-40 000 cadres moyens, chefs d’équipe, et employés de bureau défendant, lors d’une contre-manifestation, leur « droit de travailler ». Pour Revelli, il s’agit là d’une « décomposition extrême de la classe » provoquée par « l’insécurité planifiée promue par le capital » ayant mené les « couches moyennes » à « offrir leur loyauté en échange de la sécurité. »
C’est pourquoi il était temps, selon Revelli, de réviser l’analyse « schématique » des compositions de classe unitaires pouvant faire l’objet d’une périodisation par étapes nettement délimitées. En fait, c’est l’hétérogénéité qui caractérise l’histoire globale du mouvement ouvrier. Les expériences de luttes passées se communiquent aux secteurs émergents, construisant ainsi des réseaux qui permettent de nouvelles luttes. L’ouvrier-masse n’a pas été dépassé par les mouvements des étudiants et de la jeunesse; les deux figures de classe étaient articulées de manières complexes, irréductibles à l’hégémonie de l’une ou l’autre. Comme l’écrit Revelli :
Le jeune prolétariat métropolitain peut aller « au-delà » du travail précisément parce que […] la région qui s’étend derrière la ligne de front est défendue par une puissance ouvrière qui a été moulé et formé par le travail.
Mais maintenant que cette défense a été détruite par l’offensive des employeurs contre le front ouvrier, de quelle théorie de la composition de classe avons-nous besoin ? Il faut commencer par souligner que cette décomposition dépasse la stratégie capitaliste initialement décrite par l’operaïsme, qui consistait à briser le contrôle ouvrier pour introduire des machines économisant le travail. Revelli avait prévu que malgré l’informatisation de l’usine, le capital ralentirait son investissement en capital fixe et opterait à la place pour la surexploitation de la main-d’œuvre. Or, comme l’a récemment montré Kim Moody, c’est exactement là ce qui s’est passé aux États-unis pendant les années quatre-vingt : le « maillon brisé » entre l’augmentation du rendement de travail et le salaire est une des ruptures opérées par le néolibéralisme. La trajectoire typique du développement capitaliste implique certes la constitution de la force de travail au sein de formes de production techniquement de plus en plus avancées. Mais – conséquence paradoxale de l’énorme succès rencontré par le capital dans la lutte de classe qu’il a mené ces dernières décennies – lorsque « l’incitation à de grandes percées technologiques est émoussée par le déclin des coûts relatifs au travail » un aspect classique du développement capitaliste se trouve miné18.
Il faut néanmoins insister sur le fait qu’on est très loin d’un effondrement de type conseilliste, caractérisé par l’émergence de luttes spontannées « riches d’implications révolutionnaire19. » Nous sommes au contraire toujours confrontés à cette classe ouvrière défaite que décrivait Revelli. Elle n’est pas spontanément unifiée, et son potentiel antagonique est soumis à un nouveau régime disciplinaire. Ses comportements et ses identités n’expriment pas une composition de classe avancée, mais plutôt les divisions fondamentales de la précarité. La recherche d’une figure hégémonique de la classe ouvrière représente un obstacle à la compréhension de ces changements. Il nous faut bien plutôt poser une question qui ne pouvait pas l’être dans les débats classiques sur l’effondrement, et qui n’a jamais été clairement articulée dans l’operaïsme : si la composition de classe est interne aux rapports d’échange et au développement capitaliste, que signifie le fait que les crises du capitalisme décomposent le rapport de classe ? La réponse à cette question implique un retour à l’enquête – à une enquête militante sur la constitution inégale de la force de travail et les formes d’organisation susceptibles de répondre à la décomposition et la crise.
- Voir Dan Georgakas, “Revolutionary struggles of Black workers in the 1960s,”http://isreview.org/issues/22/black_workers.shtml [↩]
- Je résume Mario Tronti, « Marx, force de travail, classe ouvrière » in Ouvriers et Capital, Paris, Christian Bourgeois, 1977. Pour une explication détaillée qui situe cette analyse dans l’histoire de l’enquête ouvrière, voir Asad Haider et Salar Mohandesi, “Workers’ Inquiry: A Genealogy,” Viewpoint 3 (2013), http://viewpointmag.com/2013/09/27/workers-inquiry-a-genealogy/ [↩]
- Sergio Bologna, “Class Composition and the Theory of the Party at the Origins of the Workers’ Council Movement,” disponible sur http://libcom.org/library/class-composition-sergio-bologna[↩]
- On trouve cet argument dans les textes de Negri qui vont de « La crise de l’État-plan » à Marx au-delà de Marx. Pour des réponses critique a cette approche, voir Riccardo Bellofiore et Massimiliano Tomba, “On Italian Workerism” http://libcom.org/library/italian-workerism, et Michael Heinrich, “The ‘Fragment on Machines’: A Marxian Misconception in the Grundrisse and its Overcoming in Capital” in Riccardo Bellofiore, Guido Starosta, et Peter D. Thomas (dir.), In Marx’s Laboratory, Leiden, Brill, 2013. [↩]
- Pour les commentaires de Bologna lui-même, voir “The Factory-Society Relationship as an Historical Category,” http://libcom.org/library/factory-society-relationship-historical-category ; “Eight Theses On Militant Historiography,” http://libcom.org/library/eight-theses-militant-historiography et “Negri’s Proletarians and the State: A Review” in Timothy S. Murphy and Abdul-Karim Mustapha (dir.) The Philosophy of Antonio Negri, Londres, Pluto Press, 2005. On trouve une explication utile des thèses de Bologna au chapitre 8 de Steve Wright, A l’assaut du ciel. Composition de classe et lutte de classe dans le marxisme autonome italien, EditionsSenonevero, 2007. L’historien de la Ruhr Franz Brüggemeier critique Bologna pour son inattention à la manière dont l’auto-organisation autonome des mineurs était enracinée dans les formes de vie autour du travail, notamment dans le soutien mutuel entre les familles des mineurs et ses locataires immigrés ; voir Franz Brüggemeier “Ruhr Miners and their Historians” in Raphael Samuel (dir.), People’s History and Socialist Theory, Londres, Routledge, 1981, p. 328. [↩]
- E. Preiser, « Das Wesen der Marxschen Krisentheorie », 1924, cité dans M.C. Howard et J.E. King, A History of Marxian Economics, tome 2, Londres, Macmillan, 1992, p. 132. [↩]
- Paul Mattick, “The Permanent Crisis – Henryk Grossman’s Interpretation of Marx’s Theory Of Capitalist Accumulation,” 1934. https://www.marxists.org/archive/mattick-paul/1934/permanent-crisis.htm. En français, voir Paul Mattick, Crises et théories des crises,Paris, Champ Libre, 1976. On trouve des analyses utiles des débats allemands sur la crise élaborée dans une perspective convergeante avec l’opéraïsme dans Giacomo Marramao, “The Theories of Collapse and Organized Capitalism in the Debates of ‘Historical Extremism,’” “Theory of Crisis and the Problem of Constitution,” et “Political Economy and Critical Theory”; Guido De Masi and Giacomo Marramao, “Councils and State in Weimar Germany”; et Gabriella M. Bonacchi, “The Council Communists between the New Deal and Fascism.” Tous ces textes sont disponibles sur www.libcom.org. Malgré des références intermittentes à « la composition de classe », ces textes son trop fondés dans la problématique Grossman-Mattick pour donner lieu à une approche satisfaisante. On peut adresser la même critique à Russell Jacoby “The Politics of the Crisis Theory: Toward the Critique of Automatic Marxism II,” Telos 23, 1975. [↩]
- Paul Mattick, “Anti-Bolshevist Communism in Germany,” 1947http://www.marxists.org/archive/mattick-paul/1947/germany.htm Cette position devait se révéler quelque peu instable. Les écrit tardifs de Mattick suggèrent en effet que les conditions révolutionnaires ont cours pendant les crises en général et pas seulement durant la crise terminale. On lit ainsi dans “Marxism Yesterday, Today, and Tomorrow,” 1978http://www.marxists.org/archive/mattick-paul/1978/marxism.htm : « En principe, toute crise prolongée et profonde peut donner lieu à une situation révolutionnaire susceptible d’intensifier la lutte de classe jusqu’au point de renversement du capitalisme – à condition, bien sûr, que les conditions objectives engendrent une disposition subjective à changer les rapport sociaux de production » . Ici, la subordination du subjectif à l’objectif prend une tournure dialectique, mais elle reflette néanmoins un profond pessimisme quant aux chances de rencontre entre les conditions objectivement révolutionnaires de la crise et la conscience subjectivement révolutionnaire de la classe ouvrière. Pour Mattick, la receptivité des ouvriers à l’idéologie réformiste et bourgeoise est un fait objectif ; elle représente l’obstacle principal à la révolution, et l’on ne comprend pas vraiment comment cet obstacle peut être vaincu. Puisque le conseil n’est pas seulement le moyen de l’action socialiste, mais aussi la forme concrète de la société socialiste, aucune mécanisme en dehors du conseil ne peut être la source de la conscience révolutionnaire ; pourtant le cas allemand a démontré que le conseil a historiquement permis la capitulation devant l’idéologie de la démocratie bourgeoise. [↩]
- Karl Korsch, “Some Fundamental Presuppositions for a Materialist Discussion of Crisis Theory,” 1933 https://www.marxists.org/archive/korsch/1933/crisis-theory.htm [↩]
- Anton Pannekoek, « La théorie de l’écroulement du capitalisme », 1934.http://www.marxists.org/francais/pannekoek/works/1934/00/pannekoek_19340001.htm La question des lois objectives et de la subjectivité politique est abordée avec une grande clarté dans Lucio Colletti, “The Theory of the Crash,” Telos 13, 1972. [↩]
- « Depuis le début de l’histoire humaine, c’est la capacité qu’a l’ouvrier individuel avec sa force de travail T de mettre en marche un plus grande masse des moyens de production M qui a orienté le progrès technologique et économique. L’avance technologique et le développement de la productivité humaine sont directement exprimés dans la croissance de M par rapport à T. Comme toute forme d’économie, le socialisme sera également caractérisé par l’avance technologique dans sa forme immédiatement naturelle M : T. » Henryk Grossman, The Law of Accumulation and the Breakdown of the Capitalist System, trad. Jairus Banaji, Londres, Pluto Press, 1992, p. 31. Voir aussi Mattick, “Permanent Crisis.” [↩]
- Anton Pannekoek, “Party and Working Class,” 1936,http://www.marxists.org/archive/pannekoe/1936/party-working-class.htm. En français, voir « Au sujet du Parti communiste » in K. Korsch, P. Mattick, A. Pannekoek, O. Ruhle, H. Wagner,La contre-révolution bureaucratique, Paris, UGE, 10/18, 1973. [↩]
- Mario Tronti « Une vieille tactique au service d’une nouvelle stratégie » in Ouvriers et Capital,op. cit. [↩]
- Voir Mario Tronti, Ouvriers et Capital, op. cit. p. 105-113 et 289-311 où on lit : « Tel est le nouveau concept de crise du capitalisme qu’il faut introduire : non plus la crise économique, l’écroulement catastrophique, le Zusammenbruch même purement temporaire, en raison d’une impossibilité objective pour le système de fonctionner ; mais la crise politique, dictée par les mouvements subjectifs des ouvriers organisés, à travers un enchaînement de phases critiques de la conjoncture provoquées délibérément avec pour seule stratégie : le refus ouvrier de résoudre les contradictions du capitalisme au moyen d’une tactique organisationnelle à l’intérieur des structures productives du capital, mais en dehors de ses initiatives politiques et libre vis-à-vis d’elles. » [↩]
- Sergio Bologna, « Money and Crisis: Marx as Correspondent of the New York Daily Tribune, 1856-57 » http://libcom.org/history/money-crisis-marx-correspondent-new-york-daily-tribune-1856-57-sergio-bologna ; Negri a anticipé ces thèmes dans plusieurs articles réunis dans La classe ouvrière contre l’Etat, Paris, Galilée, 1978. Steve Wright présente les débats de Primo Maggio sur la théorie monétaire dans « Revolution from Above? Money and Class-Composition in Italian Operaismo » in Karl Heinz-Roth et Marcel van der Linden (dir.), Beyond Marx, Leiden, Brill, 2014. [↩]
- Marco Revelli, Gli operai di Torino e gli ‘altri’ » Primo Maggio n°14 (hiver 1980/81). En anglais, voir « Defeat at Fiat » http://libcom.org/history/1980-defeat-fiat-marco-revelli. En français, on consultera http://multitudes.samizdat.net/Fiat-apres-Fiat . Bologna synthétise certaines des données empiriques utilisées dans ces articles dans « The Theory and History of the Mass Worker in Italy » http://libcom.org/library/theory-history-mass-worker-italy-sergio-bologna et on trouvera un récit historique de ces évènements dans dans Steve Wright, A l’assaut du ciel,op. cit., ch. 9. [↩]
- Alisa Del Re, “Women and Welfare: Where is Jocasta?” in Radical Thought in Italy et “Workers’ Inquiry and Reproductive Labor,” Viewpoint 3, 2013,http://viewpointmag.com/2013/09/25/workers-inquiry-and-reproductive-labor/. L’argumentation sur l’inflation a été avancée assez tôt par Mariarosa Dalla Costa dans Women and the Subversion of Community, 1972. http://www.commoner.org.uk/wp-content/uploads/2012/02/02-dallacosta.pdf [↩]
- Kim Moody, “Contextualising Organised Labour in Expansion and Crisis: The Case of the US,”Historical Materialism 20:1, 2012, p. 23-24. [↩]
- Paul Mattick “Marxism Yesterday, Today, and Tomorrow », art. cit. [↩]
Rockin’Squat ! On reste sérieux dans nos affaires.
Quand une personne n’assume pas ses responsabilités parce qu’elle est empêtrée dans ses contradictions, son premier réflexe est d’accuser de tout ce qui lui est possible celles et ceux qui font remarquer que quelque chose cloche. C’est ce qui arrive à Rockin’Squat.
Rockin’Squat et Soral
Fin décembre 2013, Rockin’Squat relaie une vidéo d’Alain Soral en expliquant que ce dernier dit des « vérités ».
Le fait mérite d’être relevé, parce qu’il confirme le changement de cap significatif de la part de Rockin’Squat dans ses références politiques.
Second fait méritant d’être souligné : les liens entre le SKS Crew et Rockin’Squat. Au-delà du partenariat artistique, on y voit une similitude dans la grille de lecture du monde. Pour ces artistes, il y a des élites d’une nature « satanique et infâme » qui font tourner le monde de travers.
Rockin’Squat s’est toujours présenté comme un artiste engagé. Son début de carrière a fait sa renommée et créé une image : du hip hop engagé politiquement et la création d’un label indépendant.
Squat schizophrène ou retournement de veste?
Beaucoup de gens pensent que Rockin’Squat a déraillé, d’autres personnes espèrent qu’il a enfin rejoint le camp des nationalistes.
En effet, il est contradictoire de participer au morceau 11’30 contre les lois racistes, de faire des titres engagés contre les violences policières ou l’exploitation économique du monde et de clamer qu’un porte-voix du FN, hostile aux sans-papiers et défendant systématiquement la police face aux « islamo-racailles », puisse dire des « vérités ».
Si on s’en tient à la logique purement politique, c’est un contresens absolu : retournement de veste et/ou schizophrénie ?
Squat girouette politique
On doit cependant prendre en considération que tout cela a une cohérence pour Rockin Squat. Toutes ces déclarations et prises de positions ont un point commun : elles prétendent être une marque de radicalité affichée qui défie les figures de l’ordre établi.
En somme, une simple posture. Le fond de l’engagement passe au second plan, ce qui prime c’est la forme du message et sa compréhension par le public visé : jeune et révolté.
C’est ce qui explique la longévité de la carrière de Rockin’Squat : il a changé de message tout en conservant la même image.
Ses premiers textes reposent sur une critique sociale et économique, puis il dérive peu à peu sur les sociétés secrètes qui domineraient le monde et aujourd’hui il s’égare dans un soutien à la nébuleuse « Dieudonné/Soral ».
Son évolution reflète le basculement de l’hégémonie culturelle à droite de notre société plus que le fond de sa pensée propre. Telle une girouette, il indique le sens du vent.
Certains de ses textes dénonçaient le FN, aujourd’hui, afin de garder une image de rebelle, il lui est préférable d’aborder une posture bienveillante aux thèses de Soral et des nationalistes afin de soigner une image « politiquement incorrecte ».
Tenir une ligne politique, ce n’est pas séduire mais avoir des analyses, des convictions et des projets.
Une carrière d’artiste n’est pas facilement compatible avec le militantisme. Elle implique une constance et aussi la capacité à se couper d’une partie du public en raison d’un engagement.
Militer c’est assumer ses actes. Rockin Squat n’est clairement pas un militant. S’il assumait ses paroles de soutien à Soral ou Dieudonné, il aurait compris et pris acte que des organisateurs de festival n’aient pas eu envie de le voir figurer à l’affiche de leur évènement culturel.
Contrairement au grand public, les organisateurs de festivals connaissent les coulisses et le comportement des artistes et donc leur véritable degré d’engagement.
Rockin’Squat mythomane
Lorsque que Rockin’Squat affirme que des groupes « antifas » mettent la pression sur des militants associatifs pour interdire ses concerts, il ment.
Il n’a aucune preuve, il répète ce que dit Soral. Pour cacher ses errances, rien de tel qu’un coupable imaginaire.
Quartiers Libres (puisqu’il cite le collectif) n’a pas mis en route une opération de type BDS concernant Rockin’Squat. Si tel était le cas, nous l’aurions revendiquéclairement.
Le simple fait de relever ses contradictions montre qu’il n’est pas l’artiste engagé qu’il prétend être. Il est compréhensible que cela l’ennuie ou le vexe, et que tout comme Dieudonné, il grince des dents à l’idée de perdre des sous. Si son train de vie diminue, nous n’y sommes pour rien. Si son image d’icône rebelle en prend un coup, nous n’y sommes pour rien non plus. Il est responsable de ses actes, il doit donc apprendre à en assumer les conséquences.
Lorsqu’il clame que des organisateurs « se chient dessus », c’est lui qui est méprisant. Il n’arrive pas à concevoir que pour beaucoup de personnes, Assassin a été un groupe important, mais qu’il ne représente plus la même chose aujourd’hui. Il ne comprend pas que des personnes refusent un artiste qui fait de la promotion à un ennemi politique des quartiers populaires et de la Palestinecomme Soral.
Ce qui compte ce sont les actes et les engagements
Il y a ce qu’on prétend faire et ce qu’on fait vraiment. Quand on cite une personne, ou que l’on expose ses actes, et que cela devient dérangeant pour elle au point qu’elle invente des choses pour se disculper et qu’elle lance des menaces pour sauver la face, cela en dit long sur la faiblesse de ses arguments et le peu de légitimité de son action.
Si jamais Rockin’Squat veut lutter concrètement contre les injustices sociales et économiques, contre l’impérialisme français et l’exploitation du monde par les puissances occidentales, contre les violences policières, contre le racisme et les discriminations, contre l’islamophobie et soutenir le peuple palestinien ou les Amérindiens, nous nous retrouverons. Mais cela implique des sacrifices, on n’a pas un rond et on prend souvent cher lors des répressions.S’il a juste une posture de rebelle pour épater la galerie afin de vendre des mugs, de la sape et des disques : il y a les nationalistes français pour ça. Ils sont champions pour encaisser de l’argent et expliquer qu’ils combattent le « système ».crédit : *h pour bboykonsian.com
On reste sérieux dans ses affaires, dans la façon dont on parle à nos sœurs et frères.
LU SUR http://quartierslibres.wordpress.com/
[Flics, Porcs, Assassins] 50 ans de morts par la police
Open data citoyenne
Homicides, accidents, « malaises », légitime défense : 50 ans de morts par la police
Il n’existe pas, en France, de décompte officiel des interventions des forces de l’ordre ayant entraîné la mort. Combien de décès liés à une opération de police en 2013 ? Les années précédentes ? Dans quelles circonstances policiers ou gendarmes font-ils usage de la force, au risque d’entraîner la mort ? Les bavures avérées sont-elles marginales ? Impossible de le savoir autrement qu’en recensant soi-même le nombre de cas où un simple contrôle, une interpellation ou une poursuite de suspects se sont conclus par la mort des personnes ciblées. Basta ! s’est attelé à cette tâche. Et publie une base de données inédite, collectant ces informations sur près d’un demi-siècle. Dans le but d’ouvrir le débat sur ce qui semble être un tabou.
La violence exercée par les forces de l’ordre, lorsqu’elle provoque la mort, est-elle tabou en France ? Dans combien d’affaires, la question de la légitimité du recours à cette violence mortelle se pose-t-elle ? Des décès étaient-ils évitables ? Aucune base de données, aucun rapport, aucune statistique officielle n’existe sur le sujet. Ni au ministère de l’Intérieur pourtant si prompt à classifier la délinquance. Ni au ministère de la Justice qui comptabilise les condamnations inscrites au casier judiciaire selon la nature des délits – « violence à agent de l’autorité publique » par exemple. On nous renvoie de service en service tout en assurant qu’aucune procédure impliquant des policiers ou des gendarmes ne dort dans les tiroirs. Pas de fichier secret comptabilisant un « chiffre noir », certifiait la Direction générale de la police nationale, en juin 2012 [Voir Mediapart].
Le sociologue Fabien Jobard évoque dans son livre Bavures policières ? [Éd. La Découverte, avril 2002] la publication d’études de l’Inspection générale des services (IGS) dans les années 90 mentionnant, sous l’effet d’une pression médiatique, le nombre de morts liés aux interventions policières. Mais le chercheur y pointe des lacunes et des contradictions. Ces études sont, de toute manière, demeurées temporaires. De son côté, feu la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) mentionne bien les « violences illégitimes » et les « décès à la suite d’interpellation » pour lesquels elle est saisie, mais n’en a pas dressé d’inventaire. Son successeur, le Défenseur des droits, ne fait pas mieux. Seules, les fiches répertoriées pour n’importe quelle affaire judiciaire gardent une trace des homicides commis par des policiers, précise Sophie Combes, magistrate et vice-présidente du Syndicat de la magistrature. Bref, il n’existe rien de spécifique sur les modalités d’usage de cette violence mortelle.
Une exception française ?
Pas sûr que le formulaire en ligne, lancé par l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN) pour permettre à tout citoyen de dénoncer « un comportement susceptible de mettre en cause des agents affectés dans un service de la police nationale », vienne combler cette lacune (voir le signalement IGPN). Cette initiative, prévue par la réforme 2013 de la « police des polices » voulue par le ministère de l’Intérieur, vise à rapprocher la police des citoyens. Une avancée timide au vu du quasi désert d’informations sur les bavures policières.
Ce type de recensement existe pourtant dans d’autres pays. Aux États-Unis, la Cour suprême tient une liste des « justifiable homicides by officers » (« homicides justifiables commis par des officiers ») relevés par le FBI (587 homicides en 2012, 309 en 2013). Des activistes publient également leur propre inventaire des violences mortelles « extrajudiciaires » perpétrées par les forces de sécurité, publiques ou privées. Au Canada, les médias québécois jouent un rôle « plus important qu’en France pour réclamer des réponses en pareilles circonstances, ce qui fait que les incidents sont plus difficiles à ignorer et que le système est moins dysfonctionnel », estime le chercheur en criminologie Benoît Dupont. C’est d’ailleurs au Canada qu’une « journée internationale contre les violences policières » a été initiée. Elle se déroule le 15 mars. Plusieurs collectifs français y participent (voir les rendez-vous). En Allemagne, « la conférence des ministères de l’Intérieur » des différents Länder a publié en septembre 2013 des statistiques sur l’utilisation de leurs armes de service par les policiers allemands. Huit personnes ont été tuées par balles par des policiers allemands en 2012, et vingt blessées [Les policiers allemands ont tiré sur des personnes dans 36 cas et ont raté leur cible dans les 8 cas restants. Source : Der Spiegel. La plupart de ces utilisations d’armes à feu sont enregistrées comme des tirs de légitime défense.].
Une base de données inédite
Et en France ? Constatant l’absence de données officielles, Basta ! a décidé d’y remédier. Nous nous sommes donc attelés à ce décompte. Grâce, notamment, à la fastidieuse veille entreprise depuis 1968 par l’historien Maurice Rajsfus, rescapé de la rafle du Vel d’Hiv et animateur de l’Observatoire des libertés publiques (et de sa lettre Que fait la police ?) ; grâce aux informations fournies par le site À toutes les victimes des États policiers qui tente de recenser « les personnes tuées par la police » depuis 1971. Et grâce au travail lancé plus récemment par Ramatta Dieng, membre du collectif Vies volées, et sœur de Lamine Dieng, mort par étouffement dans un fourgon de police en 2007 à Paris. Une base d’informations que nous avons croisées, vérifiées, complétées.
Ce décompte n’est bien sûr pas exhaustif (voir notre méthodologie en fin d’article). Il prend en compte l’intégralité des actions ayant entraîné la mort et des homicides commis par des policiers ou des gendarmes, que ces actes soient volontaires ou non (accidents), relèvent ou pas de la légitime défense, qu’ils soient perpétrés dans des circonstances troubles (comme lors de bavures) ou lorsque l’agent n’est pas en service. Idem pour le profil des victimes, quels que soient la nature et la gravité du délit dont elles sont suspectées. Du présumé innocent au truand ou meurtrier avéré, en passant par le petit délinquant pris en flagrant délit, le respect du droit s’applique à chacun.
Il ne nous appartient pas de dire si, dans telle affaire, l’usage de la violence ayant entraîné la mort est « légitime » ou non. Si tuer ou faire usage de la force constitue, au vu des circonstances, une réponse disproportionnée ou pas. S’il y avait intention ou non de tuer. C’est à la Justice de trancher, lorsqu’elle est saisie [D’après l’article 122-5 du Code pénal : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte. »]. Relevons simplement que nombre de procédures ont été abandonnées et bien des « non-lieux » ont été prononcés, un entre-deux inadapté aux demandes des familles des victimes. « Le ministère de l’Intérieur s’engage à ce que les Français connaissent la réalité des chiffres. C’est un principe fondamental de notre démocratie. Ce qui le préoccupe, c’est de lutter efficacement contre la délinquance et contre toutes les formes de violences, dans la durée », déclarait Manuel Valls, quelques mois après l’élection de François Hollande. Pourquoi cet engagement ne vaudrait-il pas pour cette forme de violence ? Notre « frise » chronologique, qui recense les morts liées à une intervention policière, permettra – nous l’espérons – d’ouvrir le débat sur ce sujet. Pour que ces morts puissent être évitées.
Comment naviguer sur la frise ?
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– Pour remonter au fil des années : clic gauche maintenu pour faire défiler la chronologie
– Pour consulter une fiche : cliquer sur le nom
– Zoomer : pour voir le détail d’une année (symbole loupe + à gauche) ou voir plusieurs années à la fois (symbole loupe – à gauche)
Voir aussi notre méthodologie en fin d’article. Tout complément d’informations ou signalement d’erreurs sont les bienvenus.
Nous avons décidé d’entamer ce décompte à partir du 17 octobre 1961 : en pleine guerre d’Algérie, l’exécution, par les forces de l’ordre sous la responsabilité du Préfet Maurice Papon, de plusieurs dizaines d’Algériens manifestant pour le droit à l’indépendance, symbolise encore aujourd’hui l’opacité – et dans ce cas l’impunité – qui peut régner sur l’action de l’institution policière. Un demi-siècle plus tard, ce qui s’est alors passé dans les rues de la capitale est encore tabou. Il « est intolérable de mettre en cause la police républicaine et avec elle la République toute entière », déclarait ainsi, le 17 octobre 2012, Christian Jacob, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, après la reconnaissance par le Président François Hollande de « la sanglante répression ». Reste que nous ne disposons d’informations plus complètes que depuis la fin des années 70.
Des violences policières plutôt de droite ou de gauche ?
Résultats ? Déjà 4 morts en 2014. 10 morts en 2013, 19 en 2012, 9 en 2011… 320 morts recensés en un demi-siècle, si l’on exclut le massacre du 17 octobre 1961 et la répression, un an plus tard, d’une manifestation contre la guerre d’Algérie et contre l’OAS, qui fera neuf morts aux abords du métro Charonne. Depuis la fin des années 70, huit décès liés à une intervention policière surviennent par an, en moyenne. L’année la plus meurtrière ? 1988 et ses 26 morts, qui est une année à part : celle où 19 militants indépendantistes kanaks sont tués lors de l’assaut de la grotte d’Ouvéa, après avoir pris des gendarmes en otage. Hors évènements exceptionnels, 1986 reste ainsi l’année la plus tragique, avec 20 personnes tuées par la police, dont six dans les semaines qui suivent l’arrivée de Charles Pasqua (RPR) place Beauvau, d’où il lance son « Je vous couvre ». Ce « pic » se reproduira en mai 1993 – au moins 5 morts en dix jours (sur un total de 11) – alors que Charles Pasqua est de retour place Beauvau.
« Il n’y a pas de règles », précise cependant Maurice Rajsfus, qui a analysé les différentes périodes de répression d’État. Si l’année 2006 n’enregistre « que » 5 morts – Nicolas Sarkozy est alors ministre de l’Intérieur –, la suivante, année d’élection présidentielle, en compte 16, dont plusieurs cas troubles. Les deux dernières années de scrutin présidentiel – 2007 et 2012 (19 morts) – ont été particulièrement meurtrières. Ce qui n’est pas le cas pour les deux précédentes – 1995 et 2002 – avec respectivement 4 et 5 morts. À gauche, 1984 demeure une année noire, avec 14 décès.
De 7 à 77 ans : portrait-type des personnes tuées par la police
L’éventail des 320 personnes tuées par un agent des forces de l’ordre ou suite à leur intervention est large : de 7 ans – Ibrahim Diakité, tué accidentellement à Paris le 26 juin 2004 par un policier stagiaire qui manipule son arme de service – à 77 ans – Joseph Petithuguenin, un ouvrier à la retraite qui meurt dans le département du Doubs le 22 juin 2010 pendant sa garde-à-vue. Mais un profil-type se dessine. C’est un homme noir ou d’origine arabe, habitant un quartier populaire de l’agglomération francilienne ou lyonnaise, âgé de 25 à 30 ans [La moyenne d’âge des 119 personnes tuées depuis 2000 est de 28 ans.]. Idem pour les circonstances qui leur ont été fatales : course-poursuite en voiture, garde-à-vue ou placement en cellule de dégrisement, contrôle d’identité ou interpellation qui tourne mal, tentative de fuite…
Dans une majorité des cas, policiers et gendarmes concernés ont fait usage de leur arme à feu. La majorité des tirs touche des régions du corps peu propices à une neutralisation tentant d’éviter la mort. Sur un échantillon de 200 personnes tuées par balles, une cinquantaine sont atteintes à la tête, 25 dans la poitrine, 25 dans le dos, une dizaine dans l’abdomen, une dizaine dans la nuque, une dizaine dans le cœur, 6 dans le cou. Une soixantaine de morts par balles n’est pas renseignée. Pourtant, dans ces cas précis, les situations où les agents se font tirer dessus, et sont donc contraints de riposter, demeurent exceptionnelles.
Des « morts naturelles » au commissariat
Autre cause révélée par les autopsies ou avancée préalablement par les autorités : le malaise cardiaque. Plus de vingt personnes ont ainsi péri lors de leur interpellation ou de leur garde-à-vue. La plupart de ces « malaises » sont consécutifs à une arrestation musclée ou à une immobilisation par la technique du « pliage » et par « asphyxie posturale », pratiquée notamment lors de tentatives d’expulsion de sans papiers. C’est le cas aussi pourWissam-el-Yamni, qui meurt le 9 janvier 2012, à Clermont-Ferrand, quelques jours après son interpellation. Quand ces malaises se produisent au commissariat, les manquements aux soins, l’erreur de diagnostic médical, la non-assistance à personne en danger sont souvent pointés du doigt par les proches des victimes, voire par les enquêtes et expertises qui suivent le décès. « Le fonctionnaire de police ayant la garde d’une personne dont l’état nécessite des soins doit faire appel au personnel médical et, le cas échéant, prendre des mesures pour protéger la vie et la santé de cette personne », stipule le Code de déontologie de la police.
Ces décès au commissariat sont souvent entourés de circonstances troubles : traces d’ecchymoses ou de blessures, versions contradictoires des agents en poste, rétention d’information… Illustration ? Cet homme interpellé mi-juillet 2007 en état d’ébriété sur la voie publique à Rouen et placé en cellule. Sa mort, considérée comme naturelle suite à une crise cardiaque, est tenue secrète pendant deux semaines. Autre affaire emblématique du voile opaque qui peut recouvrir ces « malaises » mortels : le cas Abou Bakari Tandia, retrouvé dans le coma dans une cellule du commissariat de Courbevoie (Hauts-de-Seine) le 5 décembre 2004, et qui décède un mois et demi plus tard à l’hôpital. Sa famille porte plainte pour « actes de torture et de barbarie ayant entraîné la mort ». Il faudra huit ans de procédures pour aboutir à un « non-lieu », qui n’est ni une relaxe, ni une condamnation. Entre versions contradictoires et expertises médicales, les causes réelles du décès de cet homme de 38 ans restent toujours inconnues. La Cour européenne des Droits de l’Homme a été saisie.
Des accidents prémédités ?
Justifications embrouillées également autour de plusieurs « accidents » routiers. Des accidents étrangement similaires depuis trois décennies au cours desquels une vingtaine de jeunes ont trouvé la mort. Scénario classique : un ou plusieurs adolescents circulant en moto ou en voiture sont pris en chasse par une patrouille de police. Les visages de Thomas Claudio à Vaulx-en-Velin (Rhône), Yakou Sanogo à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), Tina Sebaa et Raouf Taïtaï à Saint-Fons (Rhône), Lakhamy Samoura et Moushin Sehhouli à Villiers-le-Bel (Val-d’Oise), Mohamed Ben Mâamar à Nanterre (Hauts-de-Seine), incarnent ces interventions problématiques. Perte de contrôle du véhicule par les suspects en fuite ou accidents provoqués par les poursuivants, les versions des forces de l’ordre diffèrent régulièrement de celles des témoins. La technique du « parechocage » est aussi critiquée. Elle « consiste à tenter d’immobiliser les véhicules, le plus souvent des deux roues, au moyen de la voiture de police, soit en les serrant contre le bord de la route, soit en les percutant », écrit le collectif Angles Morts.
Pourtant, en France les consignes sont d’éviter les courses-poursuites étant donné leurs conséquences disproportionnées par rapport à l’infraction constatée. Le 21 février 2013, ce sont deux policiers de la BAC, dont la voiture est percutée volontairement par un 4×4 en fuite sur le périphérique, qui trouvent la mort dans ce type d’intervention. « Le ministre de l’Intérieur va-t-il se décider à interdire officiellement cette pratique ? », interroge le bulletin de mars 2013 de Que fait la police ?.
La BAC particulièrement impliquée
Quelles sont les unités les plus impliquées ? La gendarmerie est concernée dans 45 décès, dont plus des trois-quarts sont causés par l’usage de leur arme. Des éléments qui peuvent expliquer cette tendance : les militaires sont en première ligne dans la mise en œuvre de barrages routiers sur tout le territoire et bénéficient aussi d’une « présomption de légitime défense », ce que réclament également plusieurs syndicats de police. Mais au regard des effectifs, l’unité de la Police nationale dont les interventions causent le plus de morts sont les Brigades anti-criminalité (BAC). 33 affaires impliquent ainsi des policiers de la BAC, alors qu’ils ne sont que quelques centaines (comparé aux 98’000 gendarmes). Les CRS – au nombre de 14’000 – apparaissent dans une quinzaine de décès, dont trois grévistes – deux ouvriers et un lycéen – tués lors de l’évacuation de l’usine Peugeot de Sochaux, en juin 1968. Pour les fonctionnaires de police ou les gendarmes mis en examen après un homicide, un profil type se dessine également : il est de sexe masculin, plutôt jeune et donc en début de carrière.
Quelles suites judiciaires ?
Toute la lumière est-elle faite pour connaître les circonstances de la mort ? Et savoir si ouvrir le feu sur un suspect ou l’immobiliser de manière musclée était justifié ou pas ? Dans environ 130 affaires impliquant les forces de l’ordre (soit 40% des tués), nous n’avons pas connaissance d’éventuelles suites judiciaires, bien que des enquêtes internes à la police ont pu être dilligentées ou que des plaintes contre X ont pu être déposées. Mais sans que l’on sache si la Justice a été saisie et, dans le cas contraire, pourquoi elle ne l’a pas été (vous pouvez bien sûr nous aider à compléter cette base de données). À cette absence de suites judiciaires connues, s’ajoutent une quarantaine de non-lieux, qui constitue une réponse très insatisfaisante pour les familles des victimes. Dans plus de 60% des cas où l’usage de la force est mortelle, le comportement des policiers impliqués demeure donc potentiellement contestable. 10% des procédures se sont traduites par un acquittement ou une relaxe. Dans le tiers restant, les agents des forces de l’ordre impliqués ont été reconnus coupables, en fonction des circonstances, de non-assistance à personne en danger, d’homicides involontaires ou d’homicides volontaires : la majorité d’entre eux est condamnée à des peines de prison avec sursis. Seize fonctionnaires de police et gendarmes ont été condamnés à de la prison ferme, soit dans 5% des affaires que nous avons recensées (lire également notre précédente enquête).
« Damnés intérieurs »
Une relative opacité continue donc de planer. Comme si découvrir la vérité n’était finalement pas indispensable. Cette lenteur des autorités à éclaircir ces affaires tient-elle au profil type des personnes décédées ? Sur un échantillon de 61 morts entre 1977 et 2011, 39 étaient Algériens. L’historien Maurice Rasjfus y voit une réminiscence de la guerre d’Algérie. Plus largement, notre base de données confirme – et ce n’est pas une surprise – que ce sont les catégories populaires, en particulier d’origine immigrée, qui sont les plus touchées par les violences policières. Ce sont elles qui vivent à la périphérie des grands centres urbains, là où les problèmes de logements et de chômage sont les plus criants. Là aussi où se déploie la politique sécuritaire, doublée d’une politique du chiffre.
Contrôles récurrents, délits de faciès, recherche à outrance de flagrant délits génèrent chez les populations ciblées la crainte de se faire interpeller, elles-mêmes productrices de « comportement suspects » aux yeux des agents. Un climat illustré par la mort, à Clichy-sous-Bois, de Bouna Traoré et Zyed Benna (15 et 17 ans). Alors qu’ils rentrent d’un match de foot, les deux ados fuient une tentative d’interpellation pour ne pas être en retard et par crainte des réprimandes parentales. Le drame déclenchera trois semaines de révoltes dans toute la France. Que la politique sécuritaire prenne pour cible les plus défavorisés « vise à la fois à occulter les inégalités et à sanctionner une seconde fois ceux qui en sont les victimes », explique l’anthropologue Didier Fassin qui a enquêté un an auprès d’une BAC. Pour Omar Slaouti, du Comité de soutien à Ali Ziri, un retraité de 69 ans décédé au commissariat d’Argenteuil, la « bavure » ne se résume pas « à certains policiers qui feraient mal leur boulot », mais relèverait plutôt d’une volonté de l’État. Thèse que défend Mathieu Rigouste, chercheur en sciences sociales, dans son dernier livre La Domination policière. Une violence industrielle [La Fabrique, 2012]. « La violence policière n’a rien d’accidentel. La violence politique, étant le produit d’une mécanique régulée et de protocoles techniques, l’État prémédite institutionnellement le meurtre des damnés intérieurs », écrit-il. Ce qui expliquerait que, pour l’instant, trop peu d’actions ne soient menées pour l’endiguer.
Méthodologie
Quelles informations figurent dans la frise ?
– Date, département, ville et lieu de la mort
– Nom, prénom et âge de la personne décédée, sauf lorsqu’ils nous sont inconnus, dans ce cas seule la mention « homme » ou « femme » apparaît.
– Cause de la mort : elle est soit directement liée à l’action des forces de l’ordre (tir entraînant la mort par exemple), soit une conséquence indirecte (malaise cardiaque au cours d’une interpellation par exemple, course-poursuite entraînant un accident mortel, non assistance à personne en danger…).
– Circonstances de la mort : contexte, descriptif de l’événement et des différentes versions le cas échéant, les éventuelles suites judiciaires en fonction des informations que nous avons pu recueillir, essentiellement dans la presse. Ces éléments peuvent donc être incomplets. Merci de nous signaler toute erreur.
– Type de police concernée : le type d’unité impliquée (Bac, gendarmerie, CRS, police municipale…).
– Suite judiciaire : quand une enquête est en cours ou quand la Justice s’est prononcée. Le suivi judiciaire d’une procédure n’étant pas forcément assurée par les médias, tout complément d’informations est le bienvenu.
– Procédure : le type de procédure ouverte (enquête interne, information judiciaire, mise en examen…).
– Durée de la procédure : délai entre le décès et le résultat (éventuel) d’une procédure ou le jugement d’un tribunal.
– Sources de l’information.
N’hésitez pas à nous signaler d’éventuelles erreurs, omissions ou incohérences en postant un commentaire et en précisant la source de vos informations, en particulier pour les cas les plus anciens où les informations disponibles en ligne se raréfient.
Rappel : Ces données prennent en compte l’intégralité des actions des force de l’ordre ayant entraîné la mort et des homicides commis par des policiers ou des gendarmes, que ces actes soient volontaires ou non (accidents), relèvent ou pas de la légitime défense, qu’ils soient perpétrés dans des circonstances troubles (bavures) ou lorsque l’agent n’est pas en service. Idem pour le profil des victimes, quels que soient la nature et la gravité du délit dont elles sont suspectées. Du présumé innocent au truand ou meurtrier avéré, en passant par le petit délinquant pris en flagrant délit, le respect du droit s’applique à chacun.
Ivan du Roy & Ludo Simbille, Basta !, 13 mars 2014
La logique du barbare vol.1 Replik2Parias
Un squat à Pantin lutte contre la gentrification
Le 2 rue Lakanal, côté cour
Pantin – Seine Saint-Denis (93) Sur l’imposant portail bleu du 2 rue Lakanal, une affichette placardée côté cour indique aux habitants la procédure à suivre en cas de visite d’un huissier :
« On ne lui ouvre surtout pas la porte, on lui dit qu’il faut s’adresser à l’association Cheri Coco et que le responsable n’est pas là pour le moment. »
Depuis le mois de juin 2013, le bâtiment de l’ancienne gendarmerie de Pantin est occupé par un collectif de 12 squatteurs. Les habitants de l’immeuble abandonné se préparent à l’évacuation prononcée en décembre dernier par le tribunal administratif de Montreuil. Mais à quelques semaines des municipales, les squatteurs veulent « faire de l’agitation autour de leur expulsion ». Leur cible : le maire sortant et candidat à sa réélection Bertrand Kern (PS), qu’ils accusent de gentrifier la ville.
GÉNÉRATION PRÉCAIRE Dans l’arrière-cour de l’ex-gendarmerie, des poules ont remplacé les poulets. Plusieurs ruches ont été aménagées mais elles ne produisent pas encore de miel. Juliette*, 24 ans et occupante du bâtiment, est amère :
« Quand on parle de logement à Pantin, on ne lit que des articles hagiographiques sur le maire Bertrand Kern qui brooklynise la ville. Nous, on veut montrer le revers de la médaille. »
Depuis 8 mois, 12 squatteurs réunis dans l’association loi 1901 Chéri Coco occupent l’ancienne gendarmerie de la ville. En plus des membres du collectif, l’immeuble accueille des résidents de passage. Âgés de 24 à 47 ans, tous se présentent comme des précaires qui n’ont pas accès au marché locatif local. Parce qu’ils ne peuvent pas présenter de garantie, qu’ils sont au chômage ou qu’ils sont en CDD. L’immense bâtisse, propriété du Conseil Général de Seine-Saint Denis, leur offre une soupape. « Il y a même un Dalo parmi nous », souligne Juliette, qui vit une de ses premières expériences en squat dans cet immeuble abandonné en 2011.
MIAMI SUR OURCQ Au croisement de la rue Lakanal et des berges du canal de l’Ourcq, la vue est imprenable sur « New Port », le gigantesque projet d’urbanisme qui doit transformer Pantin. Initié en 2011 à l’initiative de la municipalité, « New Port » est un ensemble d’une dizaine de bâtiments de standing qui va accueillir 370 logements, des restaurants et des entreprises. Parmi elles, la multinationale de la com’ BETC en train de prendre ses quartiers dans l’ancien bâtiment des douanes. Cerise sur le ghetto, « New Port » disposera aussi … d’un port de plaisance ! A l’automne, c’est Chanel qui s’était déjà installé à quelques blocs de ce grand ensemble über bling-bling, construit par le promoteur Nexity et inauguré courant 2017. De quoi donner à Pantin des airs de Brooklyn – le borough le plus hype de New-York.
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