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Qu'est-ce que la Lézarde, et pourquoi ce nom ?
La Lézarde c’est une bouquinerie parisienne : c’est-à-dire qu’on a 4 grosses boîtes vertes en extérieur sur les quais de Seine, sur un trottoir super passant. Dedans y’a plein de livres, des brochures, de stickers, d’affiches et de fanzines ambiance turbo-gauchiste à paillettes ainsi qu’une demie douzaine de chaises de camping pour pouvoir se mettre bien.
On a une boîte plutôt dédiée aux fanzines et aux stickers, deux autres livres politiques souvent de petites maisons d’édition indépendantes mais aussi des trucs anciens ou juste vraiment bien, et la dernière boîte c’est la boîte « Prix libre » où y a un peu toute sorte de livres et plein de brochures et d’affiches. On a fêté nos 1 an en juillet ! Ça s’appelle la Lézarde parce que sur le blason des bouquinistes il y a un lézard, qu’on est féministes et qu’on aime bien cette image de la fissure – déjà celles de nos boîtes rafistolées un peu à l’arrache – et puis surtout ça correspond bien à ce qu’on essaye de faire : quelque chose entre faire craqueler le vernis du centre ville et trouver la faille là ou la vie peu s’immiscer et fleurir.
Pourquoi tenir une librairie/infokiosk ?
Pour faire exister d’autres imaginaires, faire entendre d’autres voix que celles des vieux types qui nous ont bourré le mou assez longtemps. Je me suis beaucoup politisée avec les brochures au début, et j’y trouve souvent des réponses que je cherche, que ça soit à des questions pratiques ou existentielles, donc je me sens utile en faisant ce travail de diffusion. A part ça la Lézarde c’est aussi un endroit de sociabilité, on dispose les chaises pour que les gens puissent se poser, que ce soit pour bouquiner, shlagger, ou discuter avec nous, de politique mais pas que. C’est une façon de créer du lien, de regagner du terrain même si c’est rien qu’un bout de trottoir, et puis aussi de se rendre la vie plus belle.
Quel est l'intérêt principal de cette pratique à vos yeux, et est-ce que vous y cherchez toustes la même chose ?
T : Tu veux dire dans le fait de tenir une bouquinerie sur les quais spécifiquement ? C’est un kiff de pouvoir prendre cette place au milieu du trottoir, y a notamment les affiches et les stickers qu’on met beaucoup en avant et qui permettent de balancer des slogans percutants au milieu de ce flux de gens, et celles et ceux qui veulent peuvent fouiller un peu plus. Après avoir longtemps tenu des stands dans des évènements militants, ça fait du sens pour moi d’avoir trouvé un espace pour faire ça en dehors.
A : Pour ma part, j’y aurais jamais pensé sans T. C’est elle qui m’a balancé un jour, quelques heures après qu’on se soit connues: « ce serait trop bien de reprendre des boîtes de bouquinistes sur les quais de Seine avec une ekip de gens deter », moi ça m’a parlé direct ! – Puis plus de nouvelles pendant 3 ans, jusqu’au jour où elle m’a dit que c’était bon, elle avait réussi à choper l’emplacement et les boîtes, qu’il lui manquait juste une ekip quoi. J’ai checké mon agenda, on a fixé une date d’ouverture et avec l’aide des potes en 10 jours on a réussi à tenir le truc. Moi l’idée de zoner sur les quais, parfois solo – ça permet des rencontres cools, des discussions intéressantes (pas toujours vous imaginez bien) et aussi finalement de bouquiner tranquille, chose que j’ai du mal a faire dans le lieu où j’habite – et souvent avec les potes qui passent, bah on se ré approprie la zone, on squat le quai, on discute intime et politique – on raconte des conneries aussi bien sur, on boit des coups et on se marre bien ! C’est toujours des bons moments. On a fait aussi des petits événements : le dernier en date c’était la présentation de livre » du taudis au airBNB : petite histoire des luttes urbaines à Marseille » avec Victor Collet, avant ça y’a eut l’apéro de ré ouverture estivale en featuring avec « Communes Brochures », une mini expo de la collagiste et photographe Alice de Montparnasse ou encore un apéro dédicace avec Alex Ratcharge qui faisait des punk-portraits des gens !
On essaie de mettre en avant des trucs qui nous parlent, des gens qui sortent des trucs qu’on trouve cools et qui ont pas forcément des espaces pour en parler en pleins centre de paname. Je m’égare un peu, mais pour moi c’est ça l’intérêt principale de tenir ces boîtes, tout ça autour de bouquins, de zines, de brochures, d’affiches qui parlent de ce qui animent nos luttes et nos vies de tous les jours.
Comment est-ce que vous approvisionnez les boîtes ?
On crée pas mal d’affiches et de stickers nous même. On imprime, on plie et on agrafe nos brochures avec amour (et l’aide de nos potes!) et pour les livres et fanzines c’est un peu la quête perpétuelle : tantôt on achète directement aux gens qui fabriquent ou éditent, tantôt c’est elleux qui en apporte. On fait des festivals d’édition, on tombe au hasard sur des trucs qu’on trouve super, et la page Instagram nous fait aussi découvrir des choses qu’on aurait pas su trouver autrement. Y’a aussi les potes qui font du tri dans leurs biblis bien sur. Et puis l’industrie du livre est foutue de telle façon qu’énormément de livres qui sont produit finissent directement au pilon, alors on cherche toujours des stratagèmes pour en récupérer: les défraîchis (dès qu’un livre est un tout petit peu abimé ou tâché), les services-presse (les livres qui sont envoyé à la presse dans l’espoir d’y être chroniqués), une caisse de livre qui a pris l’eau chez un éditeur… Y a aussi des personnes qui font partie de l’univers des bouquinistes et qu’on appelle des « courtiers ». C’est des gens qui parcourent les quais, en général avec des cabas ou une valise à roulette et qui vont de bouquiniste en bouquiniste pour vendre des vieux livres. Des fois y’a des trucs biens !
Est ce que c'est un gagne-pain ou vous l'envisagez différemment?
Pour avoir les boites il faut être auto-entrepreneur, déclarer des revenus tous les mois etc… mais sous la surface on gère ça sur le modèle d’une asso. On se défraie et on essaye de payer convenablement les auteurices de fanzines et les petites maisons d’éditions à qui on achète parce que ça nous parait important de les soutenir, tout en vendant les trucs le moins cher possible derrière parce que le but c’est quand même de diffuser un max. Ce qui est super c’est qu’on paye pas de loyer pour les boites ! Du coup c’est un petit business mais ça reste rentable. On utilise les benef pour racheter des livres et réimprimer des stickers et des affiches dont on en distribue une partie gratos à des collectifs. Parfois même on imprime des trucs à leur demande d’autant qu’on a acquis des compétences et un reseau de bon plan dans la matière. On aime bien cette idée qu’on vend des imprimés de lutte pour financer les impressions de la lutte même si on se limite pas forcement qu’à ça. D’ailleurs c’est l’occaz’ de dire que si on est essentiellement 2 à faire tourner la boutique pour l’instant, ça serait pas la même si il y avait pas tout le réseaux squat qui nous permet de crouter et d’avoir un toit en Ile-de-France sans devoir chercher à générer des thunes coute que coute. Ça représente une quantité énorme de ‘travail gratuit’ sans lequel La Lézarde pourrait pas fonctionner pareil.
Est ce que les implications changent selon l'endroit ou tu amènes ton infokiosk ?
Clairement ! Comme la plupart des gens qui passent sur les quais ont jamais vu d’infokiosk, c’est assez rare les gens qui vont vers les brochures plutôt que vers les autres trucs qu’on propose. On essaye de mettre les titres les plus accrocheurs en avant, de suivre l’actu (genre en ce moment on a surtout mis en avant des trucs en soutien à la Palestine et contre le racisme et les JO). Mais j’ai l’impression qu’on pourrait faire mieux, peut être axer notre sélection plus sur les guides pratiques, la santé mentale, et enlever un peu des trucs de niche pour turbo-anar… On aimerait bien aussi trouver la technique pour imprimer les couvertures sur des papiers de couleurs parce qu’un infokiosques ça s’abime hyper vite et des vielles brochures froissées tout en noir et blanc ça donne pas très envie quand on connait pas. Si quelqu’un a une technique pas trop chronophage pour faire ça, écrivez-nous ! Pour ce qui est des livres, au début on avait pas mal de livres neufs mais on a vite compris que sur les quais les gens cherchent surtout des livres pas cher donc même si on a super envie d’avoir les dernière sortie des éditions des Communs ou Hors d’Atteinte, on prend notre mal en patience et on fait ce qu’il faut pour trouver des livres à moins de 10€. Dans notre boite prix libre y a de tout par contre (enfin… pas des trucs de droite), Victor Hugo, Galimard… ça permet de rencontrer des gens qui sont peut-être intimidéEs par tout ces trucs de maisons d’édition indépendantes.
Est ce que les personnes qui s’arrêtent et montrent de l'intérêt se ressemblent, ou au contraire les profils sont divers ?
C’est divers ! C’est sur que quand des jeunes personnes queer passent par là par hasard, on a souvent des réactions hyper enthousiastes. Mais y a aussi pas mal de gens de la génération de nos parents qui s’enjaillent pour ce qu’iels voient, et y a même des touristes qui sont refaitEs de tomber sur nous.
Vous avez des habitué.e.s ?
T : Un peu et c’est vraiment chouette ! Y a quelques personnes à qui on a vendu un livre un jour et puis ça ouvre une conversation sur un sujet (l’antinucléaire par exemple) qu’on continue d’une fois sur l’autre. Y a aussi des gens qui nous suivent sur les réseaux et qui du coup viennent quand on annonce une ouverture, pour faire des achats ou bien avec un pack de bière pour nous tenir compagnie. Mais ça serait bien si on arrivait à ouvrir plus assidument, pour ça on essaye d’agrandir l’équipe (d’ailleurs si ça vous insprire, venez trainer avec nous et si le courant passe ….). Une fois j’ai ouvert 7 jours d’affilé, pour voir, et j’ai pu constater que ça créer vraiment une autre dynamique que quand la météo ou nos emplois du temps (ou les JO de ses morts) font qu’on ouvre qu’un jour par ci par là. Y a des personnes qui repassaient d’un jour sur l’autre ambiance « cette fois j’ai amené ma maman! », je me suis fais pote avec des gens qui bossent dans le coin, et y a Frank, SDF et trop sympa , qui s’est posé avec moi tous les jours – mais depuis les JO (de merde) je l’ai perdu de vue…
Si je suis devenue bouquiniste c’est grâce à mon prédécesseur, Pierre, qui m’a cédé ses boites. Je passais le voir chaque fois que je venais à Paris. Il était toujours avec une cohorte de gens super dépareillés qui venait pour discuter, se raconter. Il m’a beaucoup appris sur cet aspect là du métier. Y a même pas de porte à franchir pour entrer dans ta boutique, donc ça te met vraiment dans une position chouette pour rencontrer des gens. J’aimerais bien réussir à recréer un peu de ça à La Lézarde.
Comment se passe la cohabitation avec d'autres bouquinistes, notamment du point de vue de la couleur politique qui se dégage des boites mais aussi de pratiquer le prix libre et donc remettre en cause les rapports marchands ?
Déjà faut voir qu’on est sur le Quai de L’Hôtel de Ville et qu’il est un peu particulier, chez les bouquinistes son surnom c’est « le Purgatoire » parce que c’est le quai où on vend le moins. Ya pas mal de bouquinistes sur mon trottoir qui viennent pas plus d’une fois par semaine dans le meilleur des cas et puis aussi des boites abandonnées, c’est à dire dont on a pas revu les propriétaires depuis plusieurs années, c’est d’ailleurs le cas pour mes deux voisinEs. Des fois c’est un peu la solitude mais j’avoue que ça nous permet de pouvoir faire les trucs à notre sauce sans marcher sur les plate bande de qui que ce soit. C’est aussi un quai plutôt de gauche, et ça c’est pas rien parce que les bouquinistes de droite sont souvent pas juste un peu de droite. Par ailleurs, y a aussi toute une brochette de jeunes bouquinistes qui sont un peu plus loin sur le quai et qui sont vraiment des meufs en or, elle nous ont fait un merveilleux accueil, sans elles ça aurait pas été pareil. Parait que y’a des quais où l’ambiance est pourrie entre les gens, mais pour l’instant on a surtout vu beaucoup de solidarité.On nous a quand même fait comprendre que y’avait quelques règles à respecter, genre si tu vends « Les fleurs du mal » le prix c’est 5€. Mais comme notre sélection de livre est ultra-atypique c’est quand même pas souvent que la question se pose !
Est ce qu'il y a déjà eu des réactions hostiles ou une volonté de vous dissuader de la part de passants en désaccord politique ou de flics ?
T. Bah les flics ils passent pas trop sur ce trottoir là, même si l’aspect le plus chiant du metier c’est leurs foutues sirènes à la con parce qu’on est entre la prefecture et 2 comico alors y’en a qui passent en voiture sans arrêt. Pour ce qui est des passants, j’adore observer les petites moues dédaigneuses des bourgeoisEs choquées par ce qu’on propose, ça me ferait chier qu’iels passent devant les boites sans se sentir un peu éclabousséEs, et j’avoue avoir quelques fois kiffé qu’iels me donnent l’occasion de leur dire de la fermer et de dégager de mon trottoir, mais ça arrive presque jamais. Avant de commencer je pensais vraiment que tous les jours j’allais devoir me prendre la tête avec des gens, et je pensais graduellement augmenter la visibilité de notre positionnement politique. Mais en fait on a ouvert pour la première fois juste après l’assassinat de Nahel, donc forcément on a mis tous les trucs ambiance ACAB en avant des le début. Et c’est passé super crème, on a eu que des réactions positives. A croire que tout le monde déteste la police… Depuis qu’on affiche notre soutien à la Palestine, on a beaucoup de très très belles interactions mais aussi un peu plus de prises de tête. J’ai eu une discussion intense et houleuse avec une meuf je pense Anti-Deutch qui s’est avérée plutôt constructive, à la fin elle m’a dit qu’elle avait compris plein de trucs et qu’elle me remerciait. Pendant une seconde j’ai pensé que je pourrais changer le monde une personne à la fois, et puis dans les semaines qui ont suivi je me suis tapé 3 engueulades avec des vieilles bourges pro-Isaël qui allaient de un peu teubé (« vous verrez quand vous aurez des tunnels du Hamas sous Paris! ») à franchement sanguinaires (et là je mettrais pas de citations parce que ça fout la gerbe). Mais c’est 3 fois rien par rapport à la quantité de gens qui nous lâchent des « merci » et des « bravo » et toutes les petites et grosses interactions qui donnent chaud au cœur.
Que conseillerez vous à des gens qui veulent lancer des projets similaires ?
Mais venez ! c’est un super métier ! En pratico-pratique, je pense que vendre des stickers et des affiches riso à prix libre, ça permet vraiment de toucher plus de gens mais aussi de faire de la moula pour pouvoir vendre les livres le moins cher possible. Par rapport au fait d’etre bouquiniste parisienNEs spécifiquement je dirai renseignez vous bien sur ce milieu, c’est une profession ultra particulière, avec son histoire et ses fonctionnements propres et plein de gens passionnantEs. Il s’agit de trouver sa place dans cet écosystème tout en proposant quelques choses de révolutionnaire – c’est possible de trouver l’équilibre ! Et puis contactez nous surtout quoi ! On serait super curieuses de discuter avec des gens qui font les marchés ou qui se sont trouvéEs d’autres créneaux du genre.
un grand merci à l’équipe de la lézarde pour cet échange de questions-réponses réalisé en 2024 !
extrait du numéro 1 de l’apériodique coutoentrelesdents dispo gratuitement ici
Si les catégories permettent de rendre intelligible la réalité, elles séparent et distinguent bien souvent des formes et processus bien plus liés qu’on ne fini par le croire. Il en est de même pour les catégories musicales, qui émergent au gré des fantaisies humaines et dont bien des expériences sonores floutent systématiquement les contours. C’est le cas du punk et du hip-hop qui paraissent aujourd’hui appartenir à deux univers bien distinct,et qui pourtant partagent de nombreux points communs et connexions depuis leurs origines.
Le capitalisme occidental d’après la seconde guerre mondiale devient celui de la société de loisirs et de consommation. Loin de disparaître, les rapports d’exploitation sont difficilement masqués par la mise sur le marché de mille promesses de plaisirs qui remplissent à peine leurs fonction de divertissement. Au contraire elles ouvrent de vastes brèches de frustration dans les existences, tel un supplice de tantale moderne… Des processus entamés bien avant le début du siècle s’accélèrent, et à mesure que la culture bourgeoise s’étend, les phénomènes contre-culturels dérivent lentement des avants-gardes politico-artistiques à des mouvements massifs irrigués par des pratiques et désirs de subversion, de refus des contraintes, de jeu, de partage, d’invention, et notamment de détournement comme l’entendaient les situationnistes. De 1957 à 1972 l’internationale situationniste posa les bases de ses analyses et stratégies révolutionnaires pour changer le monde et bouleverser la vie quotidienne. Son action a irrémédiablement marqué cette organisation de la vie qu’elle avait nommé la sociétéspectaculaire marchande.
Les années 70 voient l’émergence du punk et du hip-hop aux confluences d’une multiplicité de facteurs, notamment l’arrivée dans les foyers de technologies musicales massivement diffusées. Dans le sillage et en opposition avec les mouvements contre-culturels précédents (mods, hippie, rasta, etc), de nouvelles pratiques sonores accompagnent de nouvelles manières de vivre, exprimant un désir de distinction et de réalisation individuelle et collective à contre courant des injonctions et propositions dominantes. A contre-courant certes, mais n’hésitant pas s’approprier les codes et les outils imposés ! Si il est compliqué de dater précisément la naissance de ces mouvements sociaux, ils se caractérisent par des usages particuliers dont le détournement sauce situ s’avère être une pierre angulaire. Dans le n°1 de la revue Internationale situationniste paru en juin 1958, le détournement est défini ainsi : « S’emploie par abréviation de la formule : détournement d’éléments esthétiques préfabriqués. Intégration de productions actuelles ou passées des arts dans une construction supérieure du milieu. Dans ce sens il ne peut y avoir de peinture ou de musique situationniste, mais un usage situationniste de ces moyens.» . Utiliser une production pré-existante dans le but d’exprimer sa subjectivité radicale, de faire la critique en acte d’un monde mortifère pour jouir sans entrave, voilà en quoi le punk et le hip-hop ont pu être situationniste !
L’arrivée des instruments rock dans les foyers permet de rejouer les chansons des stars, mais aussi d’ouvrir la brèche annonçant leur dépassement. « Apprend 3 accords et forme un groupe » sera l’une des idées punk mise en pratique par des millions de gens jusqu’à aujourd’hui, tordant les classiques du rock’n’roll en poussant la distorsion, frappant rageusement les fûts, beuglant des paroles existentialistes, loin des musiques et attitudes dominantes. Une pléthore de hits célèbres sont passés à la moulinette keupon, et à mesure qu’il se fait intégré au monde de la marchandise le mouvement s’autonomise et se radicalise. Le son est poussé dans ses extrémités, et le détournement des technologies sert de nouvelles interactions tournées vers l’émancipation.
Combien de fanzines édités en faisant la perruque, la photocopieuse patronale servant à imprimer de séditieuse paroles en catimini, et combien de cassettes copiées et échangées, traversant le monde pour former un vaste réseau basé sur l’entraide et l’échange ? Si l’esthétique musicale puise dans les classiques du rock pour les détourner, on retrouve aussi la technique sur le plan visuel avec les collages qui se répandent et consistent à découper des images et les associer pour en produire d’autres. La société capitaliste idéalisée dans les magazines finit malmenée et critiquée à travers de chimériques assemblages tirés de reportages et de publicités. Des vignettes de comics dont les situationnistes ont changé le texte en passant par les collages punk, jusqu’aux memes qui nous amusent en ligne, le xxème siècle a été le théâtre de plusieurs tentatives de réappropriation de la culture visuelle dominante à des fins subversives… mais c’est une autre histoire!
Combien de fanzines édités en faisant la perruque, la photocopieuse patronale servant à imprimer de séditieuse paroles en catimini, et combien de cassettes copiées et échangées, traversant le monde pour former un vaste réseau basé sur l’entraide et l’échange ? Si l’esthétique musicale puise dans les classiques du rock pour les détourner, on retrouve aussi la technique sur le plan visuel avec les collages qui se répandent et consistent à découper des images et les associer pour en produire d’autres. La société capitaliste idéalisée dans les magazines finit malmenée et critiquée à travers de chimériques assemblages tirés de reportages et de publicités. Des vignettes de comics dont les situationnistes ont changé le texte en passant par les collages punk, jusqu’aux memes qui nous amusent en ligne, le xxème siècle a été le théâtre de plusieurs tentatives de réappropriation de la culture visuelle dominante à des fins subversives… mais c’est une autre histoire!
A travers l’histoire du punk et du hip-hop on a toujours pu voir leurs protagonistes se fréquenter et s’influencer mutuellement. Ce n’est pas exclusif, et les deux styles sont résolument tournés vers d’autres scènes musicales plus ou moins émergentes comme par exemple le reggae ou l’électro. Une attitude d’ouverture partagé et une curiosité inhérente qui jette des ponts entre de multiples styles qu’on essaiera plus tard de nous vendre comme antagonistes. Les clash rencontrent fab five freddy, malcolm mac laren a sorti plusieurs disques de scratch au cours des années 80, les beastie boys ont commencé en jouant du punk hardcore, et que dire du perfecto, des bracelets et du collier à clous de grand master flash dans le clip de the message ? Dès le départ et jusqu’à aujourd’hui il y a eu de nombreuses réalisations hybridant les deux « styles », mais aussi un dialogue constant des esthétiques et des pratiques de productions et de diffusions.
L’un et l’autre des mouvements furent confrontés très vite à la question de leur récupération par le même monde contre lequel ils s’étaient construits. Dans cette guerre qui voit s’affronter les aspirations d’autonomies et de joie à la société de contrôle et d’exploitation, le punk et le hip-hop auront été tout autant les derniers gadgets à la mode qu’une menace pour la société, mais ceci, aussi, est une autre histoire !
pour l’œil et l’oreille:
-johnny b. goode/road runner (sex pistols)
-the great rock’n’roll swindle (julien temple)
-lipstick traces (greil marcus)
-hip hop family tree(ed piskor)
-la rappers delight (sugar hill gang) puis
good times (chic), ou inversement
-can’t stop won’t stop (jeff chang)
-dawg (zillakami x sos mula)
-la société du spectacle (guy debord)
-mode d’emploi du détournement (guy ernest debord/ gil j. wolman)
-dialectique peut elle casser des briques (rené viénet)
Après la manif du 14 juin, j’insinuais que bientôt nous devrions manifester à l’intérieur d’une fan-zone… Et quelques jours après, ce fut la lamentable promenade en cage Bastille-Bastille le long du canal de l’Arsenal…
Le principe de la clôture est de toutes façons constitutif de ce monde -le capitalisme prend son essor à partir de la procédure dite des enclosures, Marx et Luxemburg en ont suffisamment parlé. Et un monde fondé sur l’appropriation privative ne peut penser le social autrement qu’en terme de clôture. L’occupation de l’espace extérieur, dit public, ne peut se concevoir, dans cette perspective dominante, que sous la condition d’une clôture : ainsi les installations sportives sont pensées comme espace clos, qui sert aussi bien à contenir des foules de spectateurs que de prisonniers (du Vel d’Hiv aux stades chiliens). Et si le stade ne peut contenir tous les spectateurs, les autorités font installer des fan-zones comme à l’occasion de l’Euro de football…
Les naïfs croient que les créatures magiques n’existent pas, mais je sais quelles puissances ont présidé à ma naissance et toutes sont réelles : crue, étoiles, force, colère, amitié, terre, mer et feu, et détermination. Je suis fille de la victoire qui engendre d’autres victoires. Je suis une hydre à mille têtes et mille fois plus de jambes, de bras, d’yeux.
J’ai mille têtes qui viennent de partout, dans toutes sortes de véhicules, que mon ennemi tente de bloquer. Mais il n’y parvient jamais, tant l’attraction est forte.
Les yeux de mon ennemi sont gros, uniques, noirs et globuleux, disséminés dans la ville. Je les lui crève à coups de manche ou de pavé, pour me rendre invisible. Les milliers de corps et de visages qui me composent se ressemblent tous, innombrables jumeaux, sosies démultipliés. Il sont jeunes et vieux, marchent et s’arrêtent et courent, portent des K-way, des chasubles, des vestes, des talons hauts et des baskets, des masques blancs, des sacs à dos, des sacs de pierre, des trousses de soin et des banderoles.
J’ai mille têtes que je ne surveille pas, mais qui prennent soin les unes des autres. Qu’on touche à un seul de mes corps, je prends la forme d’un groupe de dockers ou d’une horde d’amis et j’attaque à mains nues, à coups de casques, de barres de fer, je frappe, j’insulte, je repousse.
« Combien de ces choix sont en réalité surtout motivés par un sentiment d’appartenance à un groupe, un plaisir de participer à des moments rares, de partager des références communes, des haines et des bonheurs avec ses camarades ? Et combien d’autres choix sont explicables par le malaise et la frustration que l’on ressent lorsque l’on ne maitrise pas les codes militants, que l’on n’ose pas prendre la parole en réunion, que l’on lit des textes pour faire plaisir à ses camarades sans vraiment en comprendre le fond – bref, que l’on simule son engagement plus qu’on ne le vit ?
Assumons ce besoin de ré-enchanter la vie politique. Pour prendre en compte notre engagement de manière lucide, il est nécessaire de réfléchir à ses raisons, à ses moteurs, de les mettre à nue sans folklore ni mauvaise foi. Ensuite nous pourrons travailler plus efficacement à le partager, c’est-à-dire à convaincre des personnes de la justesse de nos idées, et plus encore, nous parviendrons à les intégrer dans notre mouvement collectif. »
A Nantes le 3 mai 2016, lors d’une manifestation étudiante contre la « loi travail » (Stephane Mahe/Reuters)
Depuis le début des mobilisations contre la “loi travail”, la répression contre les manifestants s’accentue, et les blessés se multiplient. Pour Pierre Douillard-Lefevre, auteur de L’Arme à l’œil, ces violences sont le fruit d’une “militarisation de la police”. Entretien.
La liste des éborgnés et des blessés graves suite à des tirs de Flash-Ball et des grenades de désencerclement s’allonge depuis le début des mobilisations contre la “loi travail”. “Au rythme où on va, quelqu’un va mourir parce que la violence est à chaque manifestation un peu plus élevée”, s’inquiétait Jean-Luc Mélenchon suite à la manifestation du 1er mai. Pierre Douillard-Lefevre, diplômé en histoire et sociologie, a lui-même perdu l’usage d’un œil en 2007 suite à un tir de Flash-Ball. Engagé depuis aux côtés d’autres blessés contre la militarisation des forces de l’ordre, il vient de publier L’Arme à l’œil, Violences d’Etat et militarisation de la police. Entretien.
Quelque soit l’issue de la mobilisation en cours, il est probable que la loi El Khomri ait au moins un héritage : celui d’avoir d’avoir rajouté les expressions « insiders/outsiders » au vocabulaire politique courant. Au moins d’un certain côté du spectre politique, même si ce côté commence à prendre une sacrée place. Dans la foulée, notamment, d’Emmanuel Macron, les promoteurs de cette Loi Travail ont eu à coeur en effet de se présenter comme les défenseurs des « outsiders, pauvres jeunes en contrats précaires, contre les méchants « insiders », ces privilégiés en CDI qui s’engraissent sur le dos des précaires. Abaisser la protection des seconds seraient la condition pour que les premiers accèdent au Graal de l’emploi à durée indéterminée. L’importation de cette distinction née dans l’économie des marchés du travail n’est pas innocente, et ne s’est pas faite sans pertes et fracas. Après m’être replongé, ces dernières semaines, dans la littérature consacrée à l’analyse de la segmentation des marchés du travail, je ne peux que me désoler de l’écart entre la finesse des outils d’analyse qu’elle propose et ce qu’en a finalement retenu le débat public. Surtout lorsque cela peut permettre de retrouver des oppositions plus anciennes, mais finalement plus intéressantes.
[…] Ce qui est intéressant, c’est que ce modèle, dans sa forme idéale, exclut tout autre acteur que les seuls travailleurs, placés dès lors en conflit – l’Etat n’étant alors qu’un instrument au service du pouvoir des outsiders… Les entreprises, elles, sont complètement absentes, ou du moins inactives. Au-delà des mérites scientifiques de la théorie, sa reprise politique et l’évidence avec laquelle elle est utilisée, comme si insiders/outsiders était une grille de lecture allant de soi, limite sérieusement ce qu’il est possible de voir ou de discuter. On s’en doute, cette importation est loin d’être innocente – de toutes façons, personne n’est innocent comme disait l’autre. Le souci de certains pour les plus démunis est finalement d’autant plus fort qu’il exclut la responsabilité des employeurs dans l’affaire…
La CGT publie une affiche-com’ sur les violences policières et cela provoque un petit émoi médiatico-politique. Ah l’insignifiance ! Si une affiche plutôt banale peut être jugée assez « immonde » pour qu’on veuille la traduire en justice, qu’en sera-t-il de ces mots ? Voici une petite réponse à la lettre ouverte de Bernard Cazeneuve et aux autres déclarations …
Vous qui alimentez sans cesse la colère, vous osez vous indigner d’une petite affiche de la CGT. Vous êtes donc bien susceptibles. Comme je vous comprends, vous n’avez toujours vécu que dans des bureaux et sur des estrades. C’est pour cela que vous êtes plus aptes à vous émouvoir d’une image sur tweeter ou face à des caméras que dans ce qu’il vous reste de vie quotidienne. Vous ne connaissez que cela : des images. Ainsi, Monsieur Cazeneuve, vous affirmez que ce visuel met « gravement en cause la police nationale ». Mais pensez-vous réellement qu’elle avait besoin d’une petite affiche pour être gravement mise en cause ?
Si je vous écris, c’est pour répondre à vos constants appels à la haine. Ne soyez pas en colère, ce ne sont que des mots. Ils sont moins violents que vos forces de l’ordre, que les résultats de vos aveuglements idéologiques, que votre arrogance et qu’Indiana Jones IV.