Histoires d’anarchie…

Si vous avez un peu plus de 2 heures à perdre, Arte et Tancrède Ramonet ont produit un documentaire proposant une histoire de l’anarchie. De bien belles images dans un montage et un format ultra-classique (pas original du tout, et ne nécessitant surement pas les subventions reçues pour…), et quelques lacunes historiques. A titre d’exemple et pour ce qu’on a pu relever :

  • démarrer l’histoire de l’anarchisme avec Proudhon est tout de même très problématique dans la mesure où le bonhomme a multiplié les positions réactionnaires et essentialistes qui en font l’un des acteurs de la genèse du fascisme… A titre d’exemple on aurait (mieux fait de) tout aussi bien pu parler de Joseph Déjacques, inventeur du mot libertaire (utilisé à tire larigot dans le docu…) et critique contemporain de Proudhon…
  • pour rester encore avec Proudhon, le terme de grève générale est associé un peu vite à la pensée anarchiste, dans la mesure où il a été façonné par Georges Sorel, introducteur du marxisme en France, avant d’être…membre du cercle Proudhon, cercle antisémite datant de 1911 et regroupant des militants de l’action française et des « socialistes » et »anarchistes »…
  • Gabriel Prinzip n’était clairement pas anarchiste, c’était un nationaliste yougoslave…
  • l’incendie du Reichstag n’est pas le fait d’un anarchiste…Un communiste conseilliste Marinus van der Lubbe, en fut accusé par les stals et les nazis, mais rien n’assure qu’il n’était pas un bouc émissaire manipulé par les nazis pour établir la dictature. Néanmoins conseilliste et anarchiste organisèrent des comités de soutien.
  • la répression de la Commune et l’instauration des lois scélérates n’ont pas poussé les anarchistes vers la violence, comme le dit l’un des interviewés. La Commune était déjà une insurrection violente…
  • les anarchistes individualistes n’apparaissent pas avec Libertad et les bandits tragiques, ça faisait un bail que des anars lisaient Stirner…

Sinon vous pouvez en apprendre tout autant en lisant ce texte paru sur le site sous les pavés la plage

ANARCHISTES : UNE HISTOIRE COURTE MAIS PASSIONNÉE

https://youtu.be/YyleVzZpIGU

 

 

BOUQUINS #9 [Le propre et le sale / Debout-Payé / Chantier interdit au public]

Ce soir, trois idées de lectures :

Le propre et le sale, de Vigarello, est un livre d’histoire qui détaille les coutumes en terme d’hygiène de nos prédécesseurs. On y apprend notamment que les gens se nettoyaient en mettant des vêtements propres à une époque, parce qu’ils se méfiaient de l’eau, et qu’à certaines périodes du Moyen-âge, ils préféraient les étuves non-mixtes où batifoler. De quoi bousculer les représentations figées qu’on se fait du passé, et de nos corps.

 

 

Le roman de Gauz, Debout-Payé, est une sorte de chronique de la vie de vigiles et de leurs souvenirs à Paris. Les rencontres qu’ils font, ce qu’ils observent, leurs élucubrations (parfois complètement saugrenues ou carrément limites) pendant qu’ils surveillent un bâtiment vide ou l’entrée d’un magasin.

 

 

Et enfin, une BD (Chantier interdit au public, de Claire Braud), basée sur une enquête sociologique, dans laquelle tu suis la galère des intérimaires du bâtiment, pour beaucoup sans-papiers, et catégorisés par nationalité ou selon des préjugés racistes par les employeurs.

Bouquins #8

JMR a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une période de sûreté de dix-huit ans pour sa participation à Action Directe. Ce livre reprend 3 années de chroniques écrites en prisons et parues dans CQFD. On y découvre autant les préoccupations et ambiance quotidiennes, que des critiques et descriptions acérées du système carcéral. Au fil de la lecture on assiste à la militarisation de la prison au grand dam des luttes de prisonniers passées…

Synthèse collective de la critique contre le travail. Texte agréable à lire et bien référencé, on déplorera juste qu’une telle critique de la marchandise ne s’accompagne de la mise à disposition gratuite du texte, au moins en ligne…

Critique anarcho-individualiste du comité invisible et de la Fabrique.

 

 

 

Des armes contre Soral, histoire, analyse, le tout d’un point de vue critique et antifasciste.

Contrairement au film et surtout la série , le livre Gomorra ne participe pas à l’élaboration d’une figure romantique et sexy des mafieux et de la mafia. Au contraire, il insiste bien plus sur leurs dimensions nécessaire au maintien de l’exploitation capitaliste, et montre comment l’économie mafieuse et un pilier central de ce système. L’auteur a finalement cédé les droits de son livre au cinéma et à la télé, produisant exactement l’effet qu’il critique à longueur de pages, faire du mafioso et des baby boss une figure romantique…

Une légère synthèse historique sur l’instrumentalisation du féminisme par la bourgeoisie à des fins capitalistes et racistes.

Fiction américaine basé sur une enquête journalistique réalisée par l’auteur dans le milieu de l’héroïne new-yorkais.

 

 

 

 

Une petite histoire de l’autocollant politique.

 

 

 

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Bouquins #7

Norman Cohn retrace ici l’histoire du faux politique « les protocoles des sages de Sion », et dessine les raisons historiques, psychologiques, et social qui permettent à l’antisémitisme de subsister malgré des fondements proprement délirant.

Récit autobiographique du bandit révolutionnaire, son enfance, sa relation avec Mesrine, son engagement auprès du FLN…Il parle de lui et de ses camarades, il s’explique et explique son parcours à travers les luttes, et pourquoi il n’a jamais abandonné !

BOUQUINS #6

Recueil d’histoires vraies dans l’Amérique des années 90, par l’auteur de Fight club « Aujourd’hui on court après l’expérience pour engendrer la fiction », dit il très justement dans l’une de ses nouvelles. Entre observation anthropologique et littérature gonzo.

Roman autobiographique narrant le quotidien d’un addict à l’héroïne de New York à Mexico durant les années 40.

 

 

Essai des années 40 sur l’industrie culturelle et ses effets économiques et sociaux. « Tous se pressent dans la crainte de manquer quelque chose », indispensable à la lecture à l’heure de netflix, youtube, et autre « création de contenu »…

Roman historique sur les traces d’un clerc du XVIème siècle, plongée aux cœurs des bouleversements sociaux, philosophiques, et religieux de ces temps à travers la vie d’un  protagoniste imaginaire mais archétypique.

Roman biographique sur le « rouge-brun » Édouard Limonov, de l’underground soviétique sous Brejnev aux guerres des Balkans, en passant par New York et Paris ou Emmanuel Carrère, le biographe, fréquenta l’olibrius. Intéressant pour comprendre le confusionnisme de Limonov.

Polar social en milieu hospitalier permettant à l’auteur de Football Factory de dérouler une critique au vitriol de la société de classe anglaise.

Roman ayant l’originalité de se dérouler en grande partie dans la scène emo/screamo française début 2000. Celleux qui respirèrent le parfum des caves de bar et de squat, coincé entre une distro de disques obscurs et un chanteur s’époumonant à l’agonie, réveilleront leurs souvenirs en lisant ce livre.

Roman conspirationniste directement et librement inspiré des expériences de la Gauche Prolétarienne, et des trajectoires virevoltante de ses anciens membres. L’auteur fut un poto à Rollin et Debord,  proche de l’antipsychiatrie époque Houri/Guattari, et développe la thèse d’une manipulation des maos de la GP par la CIA pour précipiter l’Europe dans le libéralisme…

 

 

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BOUQUINS #5 BDs [Gaza 1956 & Le bidonville de la folie à Nanterre]

Aujourd’hui, deux idées de lecture de bandes dessinées, faciles à trouver en bibliothèques.

Gaza, 1956, en marge de l’Histoire, p.349, Joe Sacco

Celle de Joe Sacco, Gaza, 1956, qui fait état de ses recherches sur plusieurs massacres de civils palestiniens, et notamment celui de 1956. C’est un pavé, rempli de témoignages de gens dont il n’oublie pourtant pas de souligner la fragilité de leur mémoire. Il a interviewé des familles de victimes, des responsables politiques, etc. Une enquête approfondie qu’il s’est donné la peine de dessiner dans un style de dessin underground en noir et blanc.

demain-demain-manifestation Demain, demain, Nanterre, bidonville de la folie, Maffre

Et la bande dessinée de Laurent Maffre, sur un des bidonvilles de Nanterre construits tant bien que mal par de nombreux travailleurs nord-africains dans les années 60, avec leurs familles. Ce qui est chouette, c’est qu’on suit le parcours d’une famille mais que tout semble très documenté. A la fin, il y a un dossier photo sur le bidonville en question, petit bonus.

BOUQUINS#3

519kcn75qtl-_sy291_bo1204203200_ql40_Une galerie de portraits de députés hors du commun, avec en filigrane l’histoire de l’Assemblée, des tendances s’y étant affrontées, et des hurluberlus qui s’y sont illustrés.

9782848761596fs Polar se déroulant en banlieue Sud durant les 90’s. On suit le parcours d’un homme de main d’une petite mafia de la dalle des Olympiades aux troquets d’Ivry. Une belle ballade entre le 13 et le 94, avec une galerie de personnages aussi diversifiés que réalistes.

41yzgddzq5l-_ac_ul320_sr204320_Très bonne biographie de Thomas Munzer, conté par l’excellent Maurice Pianzola, à combiner avec son Peintre et vilain pour s’immerger complètement dans le 15ème siècle révolté!

couv_gab1_est Suite des aventures de Charles M’Bouss. Une première parti sur le vol et la livraison de voiture volé d’Allemagne à Istanbul, riche en péripétie, et une deuxième aux US façon « Mc jean gab’1 in Menace II Society » qui m’a un peu moins convaincu. Mais ça vaut le coup d’œil, ne serait ce que pour l’usage de la langue verte du bonhomme, mais aussi pour ses souvenirs.

angry_brigadeHistorique du sbeull mis par la angry brigade, groupement anti-autoritaire anglais, qui attaqua les symboles de la domination grâce à une série d’action plus ou moins explosive, mais jamais meurtrière.

taubes-eschatologie-e1402237331512 « Retraçant l’histoire théologico-politique, depuis l’apocalyptique judéo-araméene jusqu’à Marx (en passant ses métamorphoses et ses tournants chez Paul, les gnostiques, Joachim de Flore, Thomas Münzer, Kant, Hegel ou Kierkegaard), il propose une lecture nouvelle des «révolutions» de notre modernité, à la lumière de cet héritage, comme retour de l’apocalyptique dans la sécularisation. Somme vertigineuse de connaissances croisées, Eschatologie occidentale (1947), conçue à l’origine comme une thèse universitaire, n’est pas étranger au statut de «paria de l’université» qui s’attachera longtemps à cet «apocalyptique de la révolution» que fut Jacob Taubes. »

ET TOUJOURS PLUS DE PROPOSITIONS DE LECTURE ICI

BOUQUINS#2 [Tracy Chevalier VS Colette Vlérick]

Aujourd’hui, il est temps d’évoquer deux auteures qui abordent l’écriture un peu de la même manière. Rien de fondamentalement révolutionnaire, mais de bons romans qui font supporter la grisaille et nous en apprennent toujours un peu plus sur les temps passés.

Prodigieuses créatures est un roman parmi les livres de Tracy Chevalier qui ont tous, malgré leur facture très romantico-classique, l’intérêt d’aborder des questions sociales et féministes à travers la vie de femmes, de fiction ou non. Ici, l’histoire vraie de Mary Anning, une femme appartenant aux classes populaires qui a fait d’importantes découvertes en paléontologie et dont le parcours a été semé d’embuches par ses homologues masculins. Dans chacun de ses livres, quelle que soit l’époque, on suit donc, au milieu d’une reconstitution historique crédible, des femmes dont la situation particulière est toujours abordée d’un point de vue féministe, alors même que ça n’est pas revendiqué par l’auteure.

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colette vlérick la fille du goémonier

Dans la section « terroir » des librairies ou des bibliothèques, on trouve des romans comme ceux de Colette Vlérick qui relèvent bien plus du roman social et historique que du pâté et du vin… La fille du goémonier en est un bon exemple : c’est une fiction, bien documentée historiquement, qui raconte la vie d’une jeune bretonne au XIX° siècle, filles de gens de la côte qui peinent à ramasser des algues tous les jours pour vivre. C’est la galère quotidienne de gens pauvres d’il n’y a pas si longtemps. Son bouquin a aussi a le mérite d’aborder la question des douloureux rapports entre classes sociales, et de montrer l’emprise de l’église et de l’état sur la vie des gens que le roman historique dédaigne en général.

Bonne lecture!

BOUQUINS#1[les en-dehors/le sexe apprivoisé]

Dans la lignée de la section bouquins du blog qui recensent et « résument » des ouvrages qui peuvent aider à mieux comprendre cet existant que nous habitons ensemble, nous publierons les nouveaux ajouts de cette section dans le fil d’article. On commence avec cette première fournée de deux livres complémentaires sur la génération d’anarchistes d’avant et d’entre deux guerres, à travers les biographies de deux femmes actives dans les luttes de manières différentes :

en_dehors-4f193 En suivant la vie de Rirette Maîtrejean (directrice du journal l’anarchie), Anne Steiner nous donne un aperçu des luttes des anarchistes autour de 1910. Refus du travail, vie communautaire, lignes de fracture entre hygiénistes végétaliens, illégalistes, théoriciens, pacifistes, partisans de la reprise individuelle…Bref toutes les problèmatiques du mouvement anarchiste encore naissant à l’époque, mais que l’on retrouve aujourd’hui.

001326144 La biographie de Jeanne Humbert, anarchiste neomalthusienne, permettant de revisiter de son point de vue le paysage politique de la fin du XIXème à la fin du XXème siècle concernant la natalité, la contraception, le droit des femmes, le pacifisme, et les conditions de détentions. Des neomalthusiens anarchistes à la récupération de leurs idées par le Planning familial, en passant par les multiples retournements de veste du PC, c’est l’histoire des luttes pour disposer soi-même de son corps.

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