A propos de la situation en Ukraine

Au delà des divergences, il nous semble intéressant de publier ce que peuvent écrire des groupes d’extrême-gauche, marxistes ou anarchistes, sur la situation qu’ils vivent dans leurs pays. Aussi, nous publions ici ladéclaration du groupe de Kiev du Syndicat Autonome des Travailleurs, organisation anarcho-syndicaliste, sur les récents événements en Ukraine. De façon plus générale, dans une interview publiée en anglais d’un militant de ce groupe le 4 janvier, il expliquait que la politique des deux fractions dirigeantes qui s’opposent en Ukraine sont exactement les mêmes sauf que l’une, celle qui est au gouvernement, le dit en russe, et l’autre, l’opposition, en ukrainien. Aussi, « La classe ouvrière, en tant que classe, ne participe aucunement à ces évènements. Des travailleurs, bien sûr, prennent position, mais ils ne sont pas organisés dans des organisations de classe, comme des syndicats, qui ne participent pas à ces évènements. Et il y a de bonnes raisons pour cela, puisque que chacun des camps parle de questions culturelles et politiques qui n’ont aucun lien direct avec les besoins d’un travailleur salarié« .

Sur la situation actuelle en Ukraine :

Déclaration du Syndicat Autonome des Travailleurs, 23 janvier 2014 :
Les lois qui sont passées le 16 janvier montrent que la fraction de la classe dirigeante qui contrôle aujourd’hui le gouvernement est prête à installer une dictature réactionnaire bourgeoise sur le modèle des régimes sud-américains des années 1970. Les « lois de dictature » criminalisent toute protestation et limitent la liberté d’expression ; elles établissent en outre un délit « d’extrémisme ». Les portes-paroles parlementaires de la dictature de classe de la bureaucratie corrompue et de la bourgeoisie monopoliste sont le Parti des Régions et le Parti soi-disant « Communiste » d’Ukraine qui est depuis longtemps une force politique au service des intérêts du capital.

 

Le système répressif ukrainien se base sur l’appareil policier et les gangs de rue des troupes de choc pro-gouvernementales. Parfois de telles structures paramilitaires sont commandées par des officiers de police en retraite. Des escadrons de la mort sont aussi en action. Selon des informations confirmées, deux personnes ont été kidnappées depuis un hôpital et torturées. Une de ces personnes est morte dans une forêt. Les forces spéciales tirent aussi sur des manifestants, et pas seulement avec des pistolets à balles en caoutchouc. Un des tués, selon la photo de son corps, a été touché au cœur. Selon toutes les indications, il a été touché au cœur. Dans la matinée du 23 janvier, le nombre des tués allait de 5 à 7 personnes. Et nous ne connaissons pas le véritable bilan des violences.

L’idéologie du régime au pouvoir est un mélange de nationalisme à la Poutine, de théories du complot et de la conviction qu’ils ont le droit, en tant qu’élite, de diriger une populace stupide. Les groupes de soutien au Berkut (la principale force de police anti-émeutes) sur les réseaux sociaux sont pleins d’articles antisémites qui prétendent que les dirigeants de l’opposition seraient des Juifs qui veulent vicier la population en légalisant le mariage homosexuel. Il n’y a guère de différence avec la rhétorique de l’extrême-droite ukrainienne.

Ces derniers jours, ce n’est pas seulement l’extrême-droite qui affronte le gouvernement, mais aussi des gens plus modérés. Et ces derniers constituent la majeure partie des manifestants. Ils sont nombreux parmi les manifestants à être indifférents ou opposés au nationalisme. Beaucoup d’entre eux ne soutiennent pas non plus l’intégration dans l’Union Européenne. Les gens descendent dans la rue pour protester contre la violence policière. Et une grande partie d’entre eux ne sont pas enthousiastes ou même septiques sur les affrontements rue Grushevskogo. On peut souvent entendre que ces groupes d’extrême-droite sont un « cheval de Troie» de Ianoukovitch et des services spéciaux afin de discréditer les manifestations. Il y aurait certainement plus d’habitants de Kiev dans les manifestations si on ne trouvait pas ces idiots utiles au gouvernement dans les rues. Leur principale revendication est d’avoir un emploi au sein des Services de Sécurité d’Ukraine après leur « révolution victorieuse ».

Les anarchistes doivent participer aux manifestations et piquets pour la défense des droits et des libertés remises en cause par les lois du 16 janvier. Il est logique d’agir sur les lieux de travail et dans les quartiers pour aider à saboter les décisions de la dictature. Mais il n’y a pas à participer aux activités de la rue Grushevskogo qui dès le début n’avaient aucun sens. Ces actions ne font que donner au gouvernement de belles images pour la télévision et à lui permettre d’identifier des éléments radicaux en les localisant par leurs portables et les enregistrements vidéos.

Que ce soit dans le cas d’une victoire de l’opposition ou d’une victoire du gouvernement, nous allons devoir mener une longue et difficile guerre contre ces deux régimes. Cela doit être compris. Nous devons rassembler des forces afin de commencer à propager notre propre agenda prolétarien et libertaire sur la scène politique ukrainienne.

Ni dieux, ni maîtres ! Ni nations, ni frontières !

Syndicat Autonome des Travailleurs, groupe local de Kiev, 23 janvier 2014

lu sur http://communismeouvrier.wordpress.com/