đŸŽšđŸŽâ€â˜ ïžune discussion avec koala, Ă  propos de bds, d’illustrations et de punk diyđŸŽâ€â˜ ïžđŸŽš

extrait de l’apĂ©riodique coutoentrelesdents n°1 disponible gratuitement → ici ←

qui dessine l’excellente bd la couche, disponible Ă  la lecture sur son blog koala1312.noblogs.org

Est-ce que tu peux te présenter ?

Mon nom de dessinateur c’est Koala, j’ai la trentaine, j’Ă©volue depuis mes 16 ans dans la scĂšne punk , c’qui m’a permis de faire pas mal de flyers, puis des pochettes Cds, K7 ou vinyles pour des groupes, des visuels pour des t-shirts et tout. Ça m’a constituĂ© un bon rĂ©seau, fait pratiquer d’avantage et utiliser mes dessins pour des projets extĂ©rieurs (musicaux, culturels et/ou militants). A la base, je dessine et je fais des BDs depuis que j’ai quatre ans. Ma daronne les photocopiait Ă  son taf et je les vendais dans la cour de rĂ©crĂ©. Je faisais dĂ©jĂ  des fanzines en fait, des sĂ©ries BD en plusieurs tomes et des faux magazines composĂ©s d’illu’, de jeux et de BDs diffĂ©rentes. En vrai, j’ai pondu une chiĂ©e de sĂ©ries depuis l’enfance, pour la plupart inachevĂ©es. Le truc, c’est que j’ai plein d’idĂ©es, j’les commence, mais aprĂšs, souvent, en cours de route, je suis dĂ©jĂ  lassĂ© d’aller jusqu’au bout du projet ou de lui donner l’ampleur que ça pourrait avoir dans ma tĂȘte. J’ai envie dĂ©jĂ  de faire autre chose. Comme si le simple fait d’avoir imaginĂ© la sĂ©rie et les scĂšnes, me suffisait en soit. C’est limite chiant de devoir aprĂšs se coltiner la retranscription de l’entiĂšretĂ© du projet dans la vrai vie, sur papier, haha. Je sais dĂ©jĂ  comment ça fini. C’est plutĂŽt les projets en pure impro continue que j’ai rĂ©ussi Ă  tenir le plus dans le temps. Bref, vu que je m’imaginais bĂ©dĂ©iste depuis toujours, j’ai fini par faire trois annĂ©es d’études de BD Ă  Bruxelles (parce que je viens de lĂ -bas en fait, j’l’ai pas mentionnĂ©). Quand j’en sors vers 2012, je trainais dĂ©jĂ  blindĂ© dans les « milieux squats » et je finis par y vivre. Des pĂ©riodes frĂ©quentes Ă  la ZAD m’ont quand mĂȘme beaucoup marquĂ© et aiguillĂ© dans mes aspirations et objectifs de vie. J’ai essayĂ© de faire un dossier BD pour envoyer Ă  des Ă©diteurs, en y croyant qu’Ă  moitiĂ©, en me disant: Je ne sais pas, comme ça, je l’aurai fait et je verrai bien (Ça s’appelait « Hail Seitan ! ». Ça mettait en scĂšne un trio de punks qui faisaient du « Vegan Crack Rock Steady » et qui atterrissaient dans un genre de district oĂč la population entiĂšre vie en mode mĂ©tro-boulot-dodo en se cachetonnant Ă  balle pour Ă©viter que des monstres gigantesques qui matĂ©rialisent leurs Ă©motions ne leur sortent par la boucheTout un concept haha. Je n’ai pas eu tout de suite des retours positifs de maisons d’édition. J’Ă©tais entourĂ© de punx et de totos qui me disaient: « Tu t’en fous, pourquoi tu veux ĂȘtre Ă©ditĂ© ? C’est de la merde. DIY et tout ça… » Du coup, j’sais pas, j’ai continuĂ© plutĂŽt dans ma lancĂ©e de faire des trucs gratos dans les scĂšnes militantes, punks et anar’. Parfois avec des p’tits dĂ©fraiements prix libre ou quoi. C’est restĂ© ma passion, mon outil d’expression et de propagande privilĂ©giĂ©, sans jamais se constituer en «carriĂšre» Ă  proprement parler. Depuis j’ai eu une pĂ©riode dans ma vie un peu tendax oĂč ma copine s’est suicidĂ©e et que j’ai Ă©tĂ© pas mal dans la guedro
 Du coup, je me disais qu’il fallait que je fasse quelque chose de ce qui se passait dans ma tĂȘte, que j’arrive Ă  concrĂ©tiser, ce que j’avais jamais vraiment fait, mener Ă  bien un projet vraiment complet et un peu « propre » avec la gueule que je voudrais que ça aie ; et qui soit un peu fini mĂȘme si c’est qu’un point de dĂ©part pour la sĂ©rie. Je voulais sortir un bouquin, avec mes conditions. C’est ce que j’ai fait avec la BD La couche.

Et toi c’est quoi qui fait qu’Ă  4 ans tu te mets Ă  dessiner beaucoup et Ă  t’intĂ©resser Ă  la bd, enfin est-ce qu’il y a un truc particulier dans ton environnement qui dĂ©termine ça ?

J’dirais qu’il y a surement une chiĂ©e de facteurs diffĂ©rents qui ont dĂ» me pousser Ă  aimer dessiner mais c’est sĂ»r que j’ai grandi dans un environnement propice Ă  m’y intĂ©resser. Mon daron adorait la bande dessinĂ©e et travaillait pour une sociĂ©tĂ© dĂ©moniaque -dont je tairai le nom- qui est trĂšs connue et dont la mascotte est une souris, haha ! Donc il m’a bien fait baigner dans le dessin animĂ©. Tout Ă©tait Disney (merde!) Ă  la zonmĂ©, il nourrissait un mĂ©pris pour les trucs plus grossiers comme les Simpson et particuliĂšrement tout ce qui Ă©tait animation japonaise, en plein essor auprĂšs des jeunes francophones Ă  cette Ă©poque lĂ . Je matais tout ces trucs dĂšs qu’il Ă©tait pas lĂ , c’qui Ă©tait trĂšs souvent le cas. Mon pĂšre s’est barrĂ© avec une autre femme quand j’avais 6 ans, en nous laissant seuls, moi et mon frangin avec notre daronne qui chialait tous les soirs. Bref c’était pas un type gĂ©nial et sur pas mal d’aspects c’était bien plus la teuf Ă  partir du moment oĂč il s’est cassĂ©. J’ai pu mieux dĂ©couvrir tous ces trucs qu’on m’interdisait ou me dĂ©signait comme vulgaire, violent, mal fait,dĂ©bile
C’est principalement le dessin animĂ© qui m’a attirĂ© vers la BD, parce que je rĂȘvais d’en faire moi-mĂȘme, mais ça avait l’air trop compliquĂ©, inaccessible et il fallait bosser sur les projets des autres. La BD c’est un bon moyen de raconter des histoires par soit-mĂȘme, c’est accessible Ă  tout le monde quoi. Enfin maintenant les gens, iels font des animĂ©s plus facilement… J’ai un pote il m’a montrĂ© comment il fait sur sa tablette et ça m’a fait triper, ça donne un peu envie d’en faire.

Tu peux développer sur tes influences graphiques ?

Bah du coup, j’ai baignĂ© dans le mickey & compagnie lĂ , la BD franco-belge, je lisais beaucoup Franquin, Macherot, Trondheim, et les mangas. C’était les annĂ©es 90, quoi, l’explosion d’la popularitĂ© du truc. J’ai lu en vrac les Dragon Ball qui me tombaient sous la main, Ă©ditĂ©s dans le sens de lecture francophone mais je matais surtout les animĂ©s et leurs horribles VF. J’adorais Ranma1/2, Nicky Larson, DBZ,
 Au dĂ©but de l’adolescence j’ai lu GTO – plutĂŽt craignos pour plein de raisons mais j’avoues j’kiffais bien – puis j’ai lu des shĂŽnen : Naruto, Fullmetal Alchemist, Bleach et One Piece (que je continue Ă  lire encore aujourd’hui. LĂ  on en est au 107 !!), par la suite, j’ai dĂ©vorĂ© toutes les sĂ©ries de Naoki Urusawa (Monster, 20th Century Boys, BillyBat
), Amer BĂ©ton, Death Note, Cyborg Kurochan, Doraemon
 et j’ai pleinement dĂ©couvert les chefs d’oeuvres de Miyazaki.

Dans les mangas, j’aimais particuliĂšrement le dynamisme des pages, que je retrouvais aussi dans les comics. Cette façon de mettre en page les cases, d’avoir parfois des personnages qui la remplissent, des trucs Ă©clatĂ©s et tout… J’aimais bien le cĂŽtĂ© mythologie mallĂ©able des comics et l’esthĂ©tique surchargĂ©e gothique de McFarlane qui faisait Spawn, les monstres kitch avec des Ă©normes dents et du sang partout
 et Hellboy, Ă©videmment ! A part ça, y’a les Simpson, avec lesquels j’ai littĂ©ralement grandit et que j’enregistrais tous les soirs, South Park, Futurama. Les dessins animĂ©s satiriques Ă©tats-uniens quoi. Les classiques Cartoon Network aussi (Le Laboratoire de Dexter, Les Super Nanas, Ed,Edd&Eddy, ClĂ©o&Chico,
), les trucs de Marc du Pontavice, Ren & Stimpy ou d’autres vieilleries Nickelodeon. Dans ma phase de transition musicale entre le hip-hop et le punk (vers 14 ans), je dĂ©couvre Gorillaz et les clips me marquent Ă  donf’. Je dĂ©couvre le dessinateur Jamie Hewlett. Je suis instantanĂ©ment et intensĂ©ment devenu fan de son univers graphique, ses personnages, les rĂ©fĂ©rences qui pullulent, les fringues et les dĂ©tails dans les dĂ©cors; j’ai commencĂ© Ă  faire des trucs en Ă©tant fort influencĂ© par lui, et j’en garde encore une grosse trace… « une grosse trace », ahah.

Le Koala déjà ?

Ouais carrément comme dans Tank Girl !

C’est marrant de t’entendre parler des influences parce que j’aurais pas pu mettre le doigt dessus en lisant mais maintenant que tu le dis ça saute aux yeux ! C’est un truc qu’on retrouve grave dans la couche justement, les impressions de vitesse lĂ , les monstres un peu dĂ©gueux, dĂ©goulinants! Sinon comment est-ce que tu diffuses tes productions ? C’est une passion ou un gagne-pain ? Et quelle place occupe l’argent dans ton activité ?

La diffusion de mon taff se fait principalement au travers de participations Ă  des collectifs, des groupes de zic’ et projets politiques ; c’est un peu en fonction. Pour les projets politiques ça va toujours ĂȘtre gratos, pour les groupes ça dĂ©pend de si c’est des potes, si ça brasse un peu d’la maille, si les gens ont les moyens de te laisser un prix libre, histoire de reconnaĂźtre que le graphisme c’est aussi un Ă©lĂ©ment important du projet fini et que ça mĂ©rite d’ĂȘtre entretenu autant qu’les gens qui sont sur scĂšne. Depuis que je vie en ‘Rance, j’ai pas le RSA et mes plans tafs pour le moment sont plutĂŽt mal payĂ©s et fatiguants . Donc je mise un peu plus qu’avant sur le fait de me permettre d’ajouter d’la margarine dans les Ă©pinards via le dessin ; j’ai fini par me mettre sur une de ces saletĂ©s de rĂ©seaux sociaux, pour ĂȘtre plus visible et joignable pour les tatouages ou les dessins en gĂ©nĂ©ral. Ça aide…un peu. Souvent j’ai des plans taf par des potes de potes, etc. Mais voilĂ , c’est pas des masses un « gagne-pain », c’est pas vraiment l’objectif et j’ai toujours Ă©tĂ© trĂšs mauvais pour vendre mes trucs. Du coup, pour ce qui est de ma BD, je l’ai mise gratos sur internet notamment grĂące Ă  toi qui m’a conseillĂ© d’utiliser noblogs.org, et sinon j’ai rĂ©ussi Ă  l’imprimer avec l’aide d’un pote (Niko) que j’avais connu dans un squat/lieu de concerts de Bruxelles oĂč j’ai passĂ© pas mal de temps et recouverts pas mal de murs. Ce gars il est dans les rĂ©seaux d’auto-Ă©dition, micro-Ă©dition, tout ça lĂ . C’est un passionnĂ© de fanzines de longue date. Il a toujours Ă©tĂ© trĂšs encourageant et volontaire pour m’aider Ă  concrĂ©tiser l’objet. On a d’abord essayĂ© de l’imprimer nous-mĂȘme sur des machines d’une coopĂ©rative artistique bruxelloise, avec la reliure Ă  la colle et tout le bordel. On y a passĂ© une nuit pour 6 exemplaires, la qualitĂ© Ă©tait belle mais fragile et coĂ»teuse. Il m’a dit « vient on va trouver un plan pas trop coĂ»teux chez un petit imprimeur »; alors j’ai fait ça, en investissant d’abord seul pour 100 exemplaires. Puis on l’a rĂ©imprimĂ©e Ă  300 exemplaires partagĂ©s entre lui, moi et une assoc’ de bruxelles qui avait la thune Ă  mettre. AprĂšs je dois juste racheter les exemplaires Ă  prix coutants sur les stocks quand j’en ai plus. En gĂ©nĂ©ral je les mets sur des tables de distros ou de marchĂ©s et j’indique combien ça m’a coĂ»tĂ© en disant aux gens que c’est cool de mettre un « prix libre » de 15-20 balles quoi. AprĂšs les gens iels peuvent mettre moins, si ils ont pas de thunes ça reste l’idĂ©e du truc. Y’en a sporadiquement dans quelques boutiques de Belgique ou de France, mais c’est assez rare et vu que le magasin demande en gĂ©nĂ©ral au moins 30%, tu dois adapter ton prix et moins bien te rembourser (ça dĂ©pend). Mais bon j’avais envie qu’il y ait des gens random, que j’connais pas, qui puissent tomber dessus. Sinon par internet, via l’instacrĂąme, il y a quelques personnes intĂ©ressĂ©es qui me contactent pour l’acheter et j’l’eur envoie par la poste . C’est assez chouette, je trouve. Niko a Ă©galement diffusĂ© plusieurs Ă©pisodes du tome 0 ainsi qu’des Ă©pisodes inĂ©dits dans -feu- sa revue Poijuku Tessy. Qui Ă©tait pleine de trucs stylĂ©s mĂȘme si le blaze est dure Ă  retenir.

Est-ce qu’il te reste des exemplaires, est-ce que tu comptes en rĂ©imprimer ?

Il reste un peu moins de 100 exemplaires Ă  Bruxelles, je suis en train d’en racheter petit Ă  petit, pour les acheminer jusqu’en France en me les trimbalant dans des grosses valises relous en bus low-cost comme un gros boloss haha. Je pense pas en rĂ©imprimer de celle-lĂ  pour l’instant parce que je suis en train de travailler sur la suite de la couche (le tome 1!). J’aimerais pouvoir les imprimer moi-mĂȘme avec des moyens plus bas, avec moins de pages mais que ça sorte rĂ©guliĂšrement. Je me dis que c’est cool d’utiliser ma maniĂšre de faire du fanzine depuis tout petit pour faire Ă©voluer mon truc. J’ai envie que des personnes d’horizons diffĂ©rents accrochent et que ça les amĂšne dans le truc de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, que des personnes s’approprient l’univers et les personnages
 Si j’allais Ă  la vitesse que je veux et que je pouvais passer mon temps Ă  dessiner, y’aurait mĂȘme des spin-off et des collab’ haha

Et sinon tu fais des stickers et des flyers, il y a souvent un message politique explicite dans ta production, est-ce que c’est une dynamique volontairement adoptĂ©e d’exprimer des opinions politiques Ă  travers tes dessins ?

PlutĂŽt, oui 🙂 Je fais souvent du tag au gros marqueur dans les soirĂ©es/concerts quand j’ai pas trop envie de sociabiliser et/ou qu’j’ai un truc dans l’zen. J’me cale dans un coin et je remplis l’espace petit Ă  petit. Y’a toujours eu certaines personnes pour venir me dire « ah c’est cool ce que tu fais par contre les trucs que t’écris lĂ , ça me branche pas », en mode grand sourire et pouces en l’air. Alors ça se veut sympa, ça peut gĂ©nĂ©rer des conversations intĂ©ressantes, mais moi ça me donnait surtout envie d’en rajouter, de rendre le truc plus radical, plus explicite. J’avais envie que mon dessin vĂ©hicule des trucs marquĂ©s et comprĂ©hensibles, pas juste « esthĂ©tiques, sensibles et/ou conceptuels ». Ca va vite que les gens regardent juste l’aspect graphique de tes dessins et qu’ils le dĂ©-politisent complĂštement, du coup j’essaie de trouver des maniĂšres de rendre ça intrinsĂšquement prĂ©sent dans ce que je fais, indissociable des positions et des idĂ©es que j’ai envie de continuer Ă  vĂ©hiculer. Notamment les trucs anti-spĂ©cistes c’est un peu clivant, mĂȘme quand tu zones dans des machins un peu gauchistes ; il y aura toujours des gens pour trouver que l’antispĂ©cisme ça leur parle qu’à moitiĂ© mais le reste c’est cool tu vois
 C’est bon t’as Ă©crit antifa c’est bien
 J’ai envie de trouver le bon Ă©quilibre quoi, que ce soit politique mais pas trop premier degrĂ© non plus.

Tu t’en sers un peu comme un instrument de polĂ©mique alors ?

Ouais, de provoc, ça c’est le cĂŽtĂ© punk sĂ»rement ; j’ai un dessin cartoon-punk un peu clichĂ©, je l’assume et j’ai envie d’utiliser ce qui me paraĂźt intĂ©ressant lĂ -dedans. Le fait de mettre en avant des caricatures pour visibiliser des problĂ©matiques, d’utiliser des stĂ©rĂ©otypes pour les dĂ©tourner, les questionner, ça fait partie des trucs qui me plaisent le plus dans l’idĂ©e de faire de la BD, j’crois.

Est-ce que tu peux nous présenter la BD La couche ?

[TW : VSS, Suicide]

Je saurais pas clairement dire Ă  quel style ça pourrait appartenir mais c’est une BD qui pour l’instant ne compte que le tome 0 d’une 160aine de pages, avec toutes les influences dont on a dĂ©jĂ  parlĂ©.C’est un peu du fantastique, ou un genre de SF Ă  la Philip K. Dick ; des trucs qui parlent de dimensions parallĂšles, et de la frontiĂšre un peu ambiguĂ« entre ce qui est rĂ©el et ce qui l’est pas, et du sens qu’a cette question aussi.J’ai commencĂ© Ă  la faire en 2019, suite au suicide de ma copine en 2018. On Ă©tait tous les deux dans une dynamique de « noirceur » et de pessimisme suite Ă  plein de rĂ©alitĂ©s sociales un peu dures, de l’Ă©volution de la situation politique Ă  diffĂ©rents endroits, de l’impression qu’on ne va que vers du pire, jamais d’amĂ©lioration, et pour sa part, pas mal de traumas d’agressions sexistes et sexuelles…Mais aussi Ă  force d’Ă©voluer dans certains milieux qui mettent les prĂ©occupations politiques et sociales au centre de leurs discussions, ça conditionne ta façon d’apprĂ©hender la rĂ©alitĂ©. Tous ces trucs me travaillaient dĂ©jĂ  depuis un moment. J’avais envie de me foutre en l’air Ă  l’époque, mais en mĂȘme temps, paradoxalement, j’avais envie de l’aider Ă  aller mieux, Ă  avoir des moments de plaisirs et de bonheurs. On pouvait parler de maniĂšre trĂšs dĂ©complexĂ©e de ce fameux jour oĂč on en aurait fait le tour et qu’on se foutrait joyeusement en l’air Ă  deux. Une espĂšce d’idylle nihiliste de dĂ©pressi.f.ves qui manquent clairement d’info’ et d’encadrement sur la santĂ© mentale
Pour finir, elle l’a fait seule, Ă  un moment oĂč on avait dĂ©jĂ  accumulĂ©s pas mal de mauvaises news, qu’on avait foirĂ© une action de sauvetage animal et qu’elle me parlait de plus en plus de ses flashbacks traumatiques et de son envie de mourir. Je l’ai retrouvĂ©e pendue en rentrant un soir, Ă  l’endroit oĂč on Ă©tait logĂ©.es. Ça paraĂźt absurde mais je ne m’y attendais pas, pas comme ça… Suite Ă  sa mort je me suis retrouvĂ© comme coincĂ© ; j’avais envie de mourir mais en mĂȘme temps j’expĂ©rimentais ce que ça faisait aux proches, de la claque et de la violence de la situation et du coup je ne pouvais plus le faire. J’étais un peu kĂ©blo dans un espĂšce de purgatoire, la vie m’intĂ©ressait plus, j’avais pas envie d’ĂȘtre lĂ  mais je me sentais obligĂ© d’y ĂȘtre. En plus de devoir supporter l’absence de la personne que j’aimais.

Je trouvais Ă  ce moment lĂ  de ma vie qu’elle n’avait pas de sens, que c’était juste supporter inutilement des souffrances et de la dĂ©ception, que ça ne s’amĂ©liorait pas ; enfin voilĂ  un truc dĂ©pressif juste de maniĂšre gĂ©nĂ©rale. Dans les semaines qui ont suivies, j’ai eu un truc gĂ©nial Ă  la kĂ©tamine, en mĂ©langeant de l’huile de cannabis, beaucoup d’alcool fort, et Ă  peine deux traces qu’on m’a filĂ©. Je suis tombĂ© dans un coma de six heures, un K-hole quoi, oĂč j’ai vĂ©cu plein de trucs un peu intenses et existentiels, la sensation de voir sa vie dĂ©filer devant ses yeux et tout ça, de voir le temps se ralentir, d’ĂȘtre confrontĂ© Ă  des espĂšces d’entitĂ©s Lovecraftiennes, les choses qui feraient qu’on est obligĂ©.e.s de vivre, une sensation d’extrĂȘme luciditĂ© existentielle… Ça m’a grave secouĂ© et donnĂ© des bases d’idĂ©es graphiques. A ce moment je vivais Ă  gauche Ă  droite, mes potes Ă©taient grave lĂ  pour moi juste aprĂšs tout ça. Ça m’a fait me rendre compte que l’important au final, lĂ  dans ma vie, au-delĂ  des enjeux politiques et tout, c’était ce que j’arrivais Ă  appliquer directement dans mes rapports avec mes potes, et c’était gĂ©nial ce qu’on crĂ©ait comme soutien. Tous ces potes endeuillĂ©.es qui se serraient les coudes tout en se sentant complĂštement larguĂ©.es par la vie. Du coup j’ai eu envie de faire une bd, de parler des rapports sociaux et de trucs un peu dĂ©pressifs, existentiels, et en mĂȘme temps de tout cet aspect ludique et stimulant que je trouvais aux drogues psychoactives, qui peuvent te gĂ©nĂ©rer des hallucinations, qui rendent plus matĂ©rielle l’imagination. C’était pas une idĂ©e rĂ©volutionnaire de faire un truc qui se passe dans une dimension oĂč les gens se retrouvent parce qu’iels sont tous dĂ©foncĂ©.e.s, mais ça donnait un truc basique, simple, Ă  utiliser comme dans les dessins animĂ©s satiriques, oĂč aprĂšs tu dĂ©veloppes des personnages, un univers, et j’avais envie d’y rajouter des trucs un peu -c’est peut-ĂȘtre Ă©gocentrique, chaipa- plus Ă©motionnels, des questionnements que j’avais Ă  ce moment-là
 Je pense que c’est chargĂ© ce tome-lĂ , il y a des passages oĂč c’est trop, mais moi j’avais besoin de le faire, ça avait pas pour vocation de toucher le plus large public. J’avais envie que ce soit comme j’avais envie de le faire Ă  ce moment-lĂ  et que ça parlerait aux gens Ă  qui ça parlerait, mais c’était surtout adressĂ© Ă  mes potes. Le truc est fait et te plaĂźt sous certains aspects et tu te dis vas-y je vais le diffuser chaque fois un peu plus largement pour voir comment c’est reçu. En vrai j’en suis satisfait, j’ai eu plein de chouettes retours avec des personnes avec qui je peux avoir des conversations. Je me rends compte qu’elles ont captĂ© plein de trucs au-delĂ  de rĂ©f’ faciles, aussi sur la comprĂ©hension de l’histoire, des thĂ©matiques, malgrĂ© des vies complĂštement diffĂ©rentes, des personnes qui parfois n’ont jamais pris de drogues ou au contraire d’autres qui ont du dĂ©crocher. Ça, ça me plaĂźt.

T’as anticipĂ© sur une de mes questions, qui Ă©tait « Tu abordes des thĂšmes trĂšs durs, comme addictions, suicides, solitude, mais en mĂȘme temps la solidaritĂ© entre Ă©clopĂ©.e.s, le rĂ©confort de la drogue et du jeu » et je me demandais si tu avais nourri ton scĂ©nario d’expĂ©riences vĂ©cues, mais tu as dĂ©jĂ  rĂ©pondu Ă  ça, la source c’est mĂȘme l’expĂ©rience vĂ©cue


Ahah oui je vous ai fait ma thérapie, là.

Et les personnages, ils sont inspirĂ©s de potes Ă  toi, ou mĂȘme de toi-mĂȘme ?

Ouais, il y a des personnages diffĂ©rents, pour le perso’ « principal » (Dante) mes potes m’ont dit « ah mais c’est toi :! » Je pense que c’est pas dur Ă  voir, j’avais envie de mettre un personnage central un peu simple, mais comme je voulais parler de ce qui m’arrivait Ă  ce moment-lĂ  j’avais envie que ça fasse la toile de fond, il fallait que ça soit un prĂ©texte pour explorer l’univers de La Couche. C’est un procĂ©dĂ© narratif assez classique pour facilement expliquer et dĂ©velopper; et en mĂȘme temps je trouvais intĂ©ressant l’entrĂ©e dans la thĂ©matique de la drogue et de la rĂ©signation Ă  la dĂ©fonce Ă  travers des personnages qui ont des parcours diffĂ©rents. Je pense que je voulais aussi parler de pourquoi on a besoin de tel ou tel type d’espace pour respirer, comment la rĂ©signation et le pessimisme peuvent fĂ©dĂ©rer des perso’ diffĂ©rents. Un des angles de lecture de la BD c’est que ça se passe un peu dans la psychĂ©e du personnage principal, et que les autres c’est des incarnations de personnes qui existent vraiment dans le monde rĂ©el avec lui mais qu’il connaĂźt pas Ă  la base, et sur lesquel.le.s il projette des trucs, biaisĂ©s par ce qu’il traverse et ce qu’il ressent. C’est le quotidien sous kĂ©tamine, quoi, qui peut te donner une perception de la rĂ©alitĂ© cinĂ©matographique et trĂšs individuelle/subjective. Tu comprends rien Ă  ce que les gens te racontent et t’es en train de projeter, de recrĂ©er complĂštement une autre conversation, tu comprends autre chose, t’as l’impression de comprendre mais en fait tout ça c’est toi qui l’interprĂšte d’une certaine maniĂšre. Au final les autres personnages, c’est des parties de sa personnalitĂ©, mais qui s’incarnent dans des personnes extĂ©rieures qui ramĂšnent leurs propres histoires, leur propres narratifs et leurs propres visions des choses (ou l’inverse, je sais plus). Je m’inspire forcĂ©ment de mes potes et de moi-mĂȘme, et pour certains c’est des mix de genre deux-trois potes, ou des compositions un peu romancĂ©es, ou d’anciennes expĂ©riences qui font que je peux me dire en Ă©crivant vite fait la bd « ah comment il rĂ©agirait ce pote dans cette situation » et ça me permet de composer le perso.

C’est marrant ce truc sur les persos parce que quand je l’ai lue la premiĂšre fois, je me suis dit ah forcĂ©ment, le personnage principal c’est l’auteur. Mais aprĂšs coup je me suis dit mais en fait nan, l’auteur il s’appelle Koala, t’as une vieille punk qu’est un koala dedans, en fait est-ce que ce serait pas plutĂŽt la vieille punk qui fait de la radio libre, qui Ă©coute the slits, qui engueule les gens mais qui, en mĂȘme temps, est lĂ  pour eux ?

Les personnages sont aussi des facettes de ma propre personne, mais ce que permet justement la satire, c’est d’isoler des types de personnalitĂ©s un peu stĂ©rĂ©otypĂ©es, de permettre de dĂ©velopper un personnage un peu plus marrant parce que plus clichĂ©. Avec Yx (Un.e requin humanoĂŻde non-binaire) , il y a aussi les scĂšnes queer punx (qui se dĂ©velopperont mieux au fil de la sĂ©rie) qui reflĂštent une partie de ma vie et de mes relations sociales et amoureuses, la visibilitĂ© que je veux participer Ă  offrir Ă  ces luttes, leurs imaginaires et leurs rĂ©alitĂ©s, qui sont importantes pour moi ; et du coup ça me donne envie de dĂ©velopper des rĂ©fĂ©rences Ă  des dynamiques, dans des milieux, et qu’il y ait la possibilitĂ© d’en faire une satire, d’y mettre de l’auto-dĂ©rision. Ouais la vieille punk c’est aussi plein de potes pour qui j’ai beaucoup d’affection et en mĂȘme temps tu vois le cĂŽtĂ© un peu vieux cons de la musique et de la scĂšne.

Ouais mais qu’est un personnage adorable en fait!

Ouais ouais carrément ! <3

J’aimerais qu’on parle un peu des techniques, il y a plusieurs plans de rĂ©alitĂ© dans la bd, et ce qui est censĂ© ĂȘtre notre rĂ©alitĂ©, c’est terne, et dans les moments de foncedĂ© ça part en mode coloriĂ©/criard, mĂȘme dans les moments de bad-trip. Je suppose que ça a Ă©tĂ© rĂ©flĂ©chi ?

Oui clairement, peut ĂȘtre que c’est un peu facile, mais j’avais envie d’avoir des styles graphiques qui puissent changer d’un Ă©pisode Ă  un autre. A la base, quand j’ai imaginĂ© la sĂ©rie pour la premiĂšre fois j’étais en pleine perche dans le sleeping de potes en Ă©coutant de la zik. J’avais beaucoup d’idĂ©es diffĂ©rentes qui me venaient et j’avais envie de faire de La Couche un espace d’expĂ©rimentation graphique illimitĂ©. J’avais envie que le dessin change tout le temps, de case en case ! Ce que j’aimais bien avec la kĂ©tamine, dans l’effet visuel, c’était ce truc Ă©volutif, t’avais l’impression que toutes les matiĂšres pouvaient Ă©voluer continuellement. C’est une stimulation continue de l’imagination! Pour les personnages aussi, comme ils pouvaient ressembler Ă  ce qu’ils voulaient, j’imaginais qu’ils changent mĂȘme au fur et Ă  mesures des cases, qu’ils se transforment en autre chose. Mais en fait pour pouvoir suivre ça rend le truc trop compliquĂ© donc tu dois simplifier, mettre des bases comprĂ©hensibles. Les phases de la rĂ©alitĂ©, j’étais pas sĂ»r que j’en mettrais, mais aprĂšs j’ai trouvĂ© ça important, ben j’ai choisi qu’elles soient un peu plus ternes. Pour exprimer ce ressenti d’une rĂ©alitĂ© perçue comme dĂ©cevante. C’est un peu gribouillĂ© par rapport aux phases oĂč le personnage prend de prod’. Vu qu’il y a ce truc dans la diĂ©gĂšse de l’histoire que la rĂ©alitĂ© elle est avec ce trait simple, en noir et blanc, tu peux comprendre qu’au plus j’ajouterai de couleurs et le dessin sera complexe, au plus ça reprĂ©sentera des Ă©motions et des perceptions de la rĂ©alitĂ© qu’on peut pas vraiment retranscrire en dessins mais qui sont juste ressenties. C’est une forme de graduation en fait.

Oui j’avais captĂ© ce truc qui fait un peu baromĂštre de l’affect, que j’avais pas nommĂ© ou analysĂ© mais que tu ressens bien en lisant. Dans la bd il y a une sorte de carnet d’explication du fonctionnement de la couche et plus largement de la rĂ©alitĂ©, avec des rĂ©fĂ©rences post-modernes oĂč on entend parler de rhizomes, d’intersections ; est-ce que tu peux nous parler de tout ça ?

Quand j’étais dans ma phase de ge-dro intensive, je lisais et regardais beaucoup de docu’ de vulgarisation sur la physique quantique, le cosmos, l’univers, tout ça
 des trucs de perchĂ© qui a l’impression d’ĂȘtre Ă  la frontiĂšre de la rĂ©vĂ©lation des secret de l’univers, un peu hahaha . Du coup je partais dans des dĂ©lires sur des plans de rĂ©alitĂ©, j’élaborais des trucs dans ma tĂȘte, j’ai fait des ponts avec Deleuze que j’avais un peu lu depuis l’adolescence (oĂč j’écoutais du Punk Rock avec des paroles plus intello’). Ce que j’aimais bien dans les trucs de Deleuze c’est que souvent j’arrivais pas Ă  les lire en entier, parce qu’au final c’est un style littĂ©raire oĂč tu comprends pas vraiment tout -enfin j’parle pour moi hein- ce que tu es en train de lire, mais tu arrives Ă  plus ou moins suivre un fil de la pensĂ©e de l’auteur, Ă  saisir oĂč est ce qu’on t’emmĂšne. C’est presque de la poĂ©sie (ou d’la branlette, diront certain.es) Et surtout, juste avant de faire La Couche, j’ai lu Siva (la trilogie divine) de K.Dick et ça m’a grave marquĂ©, parce que ça faisait Ă©cho avec des trucs que je ressentais ou comment je le vivais. Je trouvais que toute cette histoire sur lui, sa schizophrĂ©nie (bon, moi je suis pas schizophrĂšne), comment il vivait son rapport Ă  la rĂ©alitĂ©. C’est des trucs qui m’évoquaient ce que je vivais avec la kĂ©tamine, avec des trucs de dissociation et de sensation de rĂ©alitĂ©s multiples, de doute sur soit-mĂȘme et sur la crĂ©dibilitĂ© qu’on accorde Ă  nos imaginaires, nos intuitions. Je trouvais ça cool aussi comme idĂ©e qu’il fasse son exĂ©gĂšse. IdĂ©alement j’aurais voulu faire ça, avec beaucoup plus de pages, faire un gros dossier que les gens sont pas obligĂ©.e.s de se farcir en entier. Iels peuvent le survoler, et comprendre qu’il y a une idĂ©e derriĂšre et que si t’as envie de te faire chier tu peux la capter, mais que c’est pas si important que ça parce que toi-mĂȘme tu peux interprĂ©ter aussi diffĂ©remment. Ça permet d’introduire originalement le fait que les personnages que Dante rencontre, taffent dĂ©jĂ  sur la conceptualisation de la dimension qui les entoure.

Le carnet m’a fait penser au livre qui explique les voyages temporels dans Donnie Darko, tu fais aussi rĂ©fĂ©rence Ă  K. Dick oĂč trĂŽne une page entiĂšre avec L’EMPIRE N’A JAMAIS PRIS FIN en grosses lettres
 T’aimes bien la SF, quel genre de trucs et pourquoi ?

(oui ! Autre bonne rĂ©f’ Donnie Darko!) J’aime bien la SF, ouais mais je mets beaucoup de temps Ă  lire donc j’en lis pas assez
 J’me suis surtout initiĂ© Ă  la SF quand j’étais mĂŽme avec Star Wars haha. Sinon j’aime bien Isaac Asimov, Catherine Dufour, Ursula Leguin
 et aussi K. Dick pour ses explorations de scĂ©narios. Il a une Ă©criture pas incroyable, il Ă©crit trĂšs mal les rĂŽles fĂ©minins, mais je trouve qu’il dĂ©veloppe des idĂ©es de scĂ©nar’ fascinantes qui reflĂštent ce qu’il vivait. Chez Asimov il y avait le cĂŽtĂ© scientifique que je trouvais intĂ©ressant, et le fait d’utiliser une base cohĂ©rente et matĂ©rialiste mĂȘme si tu fais dans l’fantastique. Le style hĂ©roĂŻque fantasy c’est pas un truc qui m’accroche Ă  balle parce que le cĂŽtĂ© no limit de la magie fait que je crois moins Ă  l’univers qu’on est en train de me prĂ©senter. Ça me permet de m’évader mais pas d’explorer le monde que j’ai autour de moi


Est-ce que des gens t’ont aidĂ© ou donnĂ© des conseils, ou t’as vraiment fait le truc tout seul, en mode dans ton coin.. ?

J’avais besoin, au fur et Ă  mesure du processus d’Ă©criture qu’il y ait au moins quelqu’un en qui j’ai confiance qui me donne son point de vue. Mon amoureux avait accĂšs de temps en temps Ă  mon avancement et savait me faire des retours. Il dessine super bien, fait du tatouage aussi mais pas trop de la bd. Et il est de trĂšs bon conseil <3 Il y a des passages que j’ai retirĂ©s ou transformĂ©s en une seule page, ses retours m’ont bien aidĂ©s Ă  avoir un regard extĂ©rieur tout en continuant Ă  faire les choses telles que je le voulais. C’est pas vraiment c’que j’imagine qui s’passe avec un Ă©diteur. Une autre personne proche de Bruxelles (avec qui je vivais la plupart de mes perches sous ké’ quotidiennes, et qui prenait parfois notes de c’que je marmonais quand je flirtais avec le k-hole, c’qui m’a permis d’élaborer certains chapitres de la BD) me faisait quelque retours sur des pages que je lui montrais ou dont je lui causait mais j’avais pas envie de lui en montrer trop parce qu’elle Ă©tait incluse dans les rĂ©alitĂ©s dont traitait le bouquin et je voulais qu’elle voie le truc une fois fini, comme un cadeau aux potes quoi.

Kétamine, speed ou LSD ?

Combo KĂ© et LSD pour avoir des hallucinations vraiment trĂšs concrĂštes, mais… pour moi, j’veux dire. Je dirais pas aux gens « allez, consommez de la drogue, c’est trop fun » surtout que ça peut ĂȘtre un peu intense parfois comme mĂ©lange… KĂ©tamine, de base. Et speed, pour s’activer pourquoi pas, mais les amphĂšt’ c’est pas mon gros dĂ©l’. Je prĂ©fĂšre ce qui fait planer, rĂ©flĂ©chir, tourner dans sa tĂȘte
:)

Explosions de couleurs, maniĂšre de pousser la rĂ©alitĂ© et jouer. La drogue, c’est bien ou c’est mal ?

C’est justement ma question, et il y a pas de rĂ©ponse toute dĂ©finie ni immuable. Ça m’a aidĂ©, cette drogue en particulier, Ă  traverser mon deuil par exemple, pour l’aspect anti-dĂ©presseur du truc qui me permettait d’analyser ce que je ressentais, en accompagnant l’envie de dĂ©crochage du rĂ©el, en allant au bout de la logique nihiliste que je m’étais forgĂ©, tout en adoucissant je sais pas si c’est le bon mot) la charge Ă©motive, la tristesse. C’est comme le vomi avec l’opium ; avec la ké’, mes larmes sortaient toutes seules et ça faisait du bien. Mais j’aurais pu avoir un autre encadrement, psychiatrique qui m’aurait peut-ĂȘtre aidĂ©, ou peut-ĂȘtre pas. Ça dĂ©pend dans quoi tu tombes, dans quel pays, quelle rĂ©alitĂ© sociale, quelles personnes tu as en face de toi (depuis, j’ai connu des psychologues et psychiatres de qualitĂ©s trĂšs variables…)Ça m’a aidĂ© Ă  traverser cette pĂ©riode, j’en vois les aspects positifs mais aussi tous les aspects nĂ©gatifs. Depuis longtemps j’Ă©tais entourĂ© de personnes qui plutĂŽt Ă©taient dans la dĂ©fonce ou qui galĂ©raient Ă  sortir de certaines consommations, et il y avait aussi les quelques potes qui en mourraient, et ça a continuĂ©. Tu peux rien dire d’intĂ©ressant, ni venir critiquer ce truc si tu n’essaies pas de comprendre pourquoi est-ce que les gens ont envie de se dĂ©foncer et ce que ça a pu leur apporter. C’est plein de questions que je me pose pour lesquelles j’ai pas de rĂ©ponse dĂ©finie non plus. Ce que j’ai envie de faire et que j’ai toujours eu envie de faire en faisant des BDs sur le long terme, c’est d’afficher l’évolution de ma pensĂ©e sur un sujet.

Mot de la fin ?

Allez checker 6guë, il fait le rap. Et ça défonce.

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