Paris, place de la République : « J’ai déposé des bougies… Puis je les ai lancées »

Témoignage inédit d’un jeune révolté, à l’issue de la manifestation interdite contre la Cop21. Alternative libertaire publie ce récit entre émotion post-attentats et dégoût de l’ordre injuste qui y répond.

Pourquoi j’ai déposé des bougies
sur la place de la République

Déjà c’étaient mes semblables, donc c’est différent, encore plus proches que Charlie et l’Hyper Casher pour lesquels je n’avais rien ressenti en janvier dernier. Et puis c’est des potes que je remercie pour une fois de leurs éternels retards, des connaissances qui sont blessées, des copains de fac qui habitent dans le quartier, des noms de rues et de bars qui évoquent des souvenirs, des habitudes, des « putain j’étais là hier », des « ouf, j’ai failli aller à ce concert », des mauvaises nouvelles qui s’amoncellent comme des cadavres sur un trottoir, les yeux des potes qui racontent les horreurs qu’ils ont vu. Bref c’était chez moi et c’était les miens !

Pourtant, comme pour les tueries de Charlie Hebdo en janvier dernier, au début je n’ai rien ressenti. Mes yeux étaient secs, mon cœur insensible, c’était trop gros, pas palpable, irréel, j’étais pas là, je n’ai rien vu des mes propres yeux. Mais l’addition s’est salée de jour en jour. La succession des mauvaises nouvelles, le pote d’une pote, le frère d’un pote puis 7 amis d’un coup. Là c’est sorti d’un coup. J’ai chialé comme un gosse, un vrai gros chagrin, une tristesse pleine, insondable, une tristesse d’enfant qui se demande pourquoi, coi devant l’incompréhension.

Alors oui j’ai été déposé des bougies place de la République, comme beaucoup de gens, parce que ça fait du bien, parce que ça me fait chié qu’on puisse se faire buter comme ça, parce que c’était des gens que je connaissais ou qui me ressemblaient, parce que ça me touche.

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Après les attentats du 13 novembre à Paris, un mémorial a spontanément vu le jour au pied de la statue de la place de la République
cc Roberto Maldeno

Puis vient la rage, pourquoi ici, pourquoi chez nous, pourquoi pas à la Défense, dans le VIIe ou dans le XVIe, là où il y a sûrement plus de responsabilité au mètre carré. Et puis on en parle, on réfléchit et on se rend compte que notre génération est sur une ligne de crête. Okay c’est génération précaire… mais avec encore quelques trucs à perdre pour certains et ça fait toute la différence.

D’ailleurs c’est le peu qui nous reste et que tout le monde n’a pas qui a été attaqué : faire la fête, se noyer dans la musique, les rires, les soirées de fin de semaine, l’alcool et autres drogues de synthèse. Mais dans cette même génération il y a celle que chante Rhoff et IAM, la génération sacrifiée pour qui « demain c’est loin ». Les morts avaient encore des possibilités de lendemain en tête, les terroristes je ne crois pas, sinon on ne devient pas kamikaze.

Et là je me rappelle de l’après-Charlie, de toute cette symbolique jamais analysée. Qui a été marcher ? Derrière qui ? Et en quel nom ? Toute la France n’a pas été marcher. Les 30% les plus aisés sûrement, ceux qui ont quelque chose et qui se sont sentis attaqués. Et ils ont accepté de marcher derrière les plus grands terroristes de la planète, ceux qui font des milliers et des millions de morts et qui restent en vie sans jamais se mouiller, pas des types qui se font péter et qui heureusement dépassent rarement les dizaines de morts.

Le 13 si, c’est triste. Mais les manifestants, bien sages, biens tristes du 11 janvier, obéissant à l’injonction présidentielle de commémorer les chantres de la liberté d’expression n’ont pas voulu voir que certains n’ont pas manifesté, que certains ne se sont pas sentis attaqués parce que Charlie et la république ne les ont jamais défendu.

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« Quand tu as la tête qu’il ne faut pas en ce moment »

Le tee-shirt qui n'a pas plu aux fonctionnaires de police. DCLe tee-shirt qui n’a pas plu aux fonctionnaires de police. DC

Ni sa bouille ni son tee-shirt ne revenaient aux policiers qui l’ont contrôlé au début de l’état d’urgence.

Délio a 21 ans. C’est un Marseillais monté à Paris pour des études de graphisme. Il vit à Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Récit d’un dérapage verbal qui en dit long.

Lundi 14 novembre, deux jours après les massacres de Paris, lui et sa copine sortent du supermarché, les mains chargées de courses pour prendre le métro station Gallieni, terminus de la ligne 3 à 14h. « On était devant les portiques du métro. J’ai mis un peu de temps pour retrouver ma carte dans mes poches. Trois agents de sûreté RATP et quatre de la police nationale qui me regardaient s’approchent. Un policier m’arrache mes sacs de courses des mains. Je leur dis attention aux œufs. Ils étaient tendus. Ses collègues font un petit périmètre pour dévier les gens. Il me demande de me tourner contre le mur. Il me fouille et pas sommairement, me palpe les poches, regarde mon téléphone. Le policier me demande si j’ai un objet dangereux sur moi qui peut servir d’arme ou qui peut blesser, je dis que non. Un autre me demande mes papiers. Je lui tends mon passeport. »

« l’Etat c’est le capitalisme donc c’est un message contre l’Etat »

Le policier remarque alors son sweat-shirt avec l’étoile rouge et le slogan « non au capitalisme et au racisme » porté sous sa veste ouverte. « C’est un petit cadeau de ma mère qui l’avait acheté à un meeting de Mélenchon. Après coup, j’ai regardé l’étiquette, c’est le nom du site socialisme.be » explique Délio. Le sweat est vendu par le Parti socialiste de lutte (PSL) la gauche radicale belge. « Et là il me dit :  » c’est un message contre l’Etat, il ne faut pas porter ça en ce moment, il vaut mieux garder ses opinions pour soi, surtout ce genre de messages. Je lui réponds qu’on est en France, qu’on peut encore porter ce qu’on veut, que c’est pas contre l’Etat. Il me répond que « l’Etat, c’est le capitalisme donc c’est un message contre l’Etat ». J’insiste en disant que je porte ce que je veux. Il me répond « plus pour très longtemps ! » Je lui lance « Vous avez hâte d’avoir tous les droits et d’arrêter qui vous voulez ? » Il me répond « Oui les petites faces de merde comme toi, on a hâte de pouvoir les arrêter sans raison, les petites faces de pine, les petites faces de shiteux comme toi ».

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PONT-DE-BUIS, OCTOBRE 2015. On y va ensemble, on rentre ensemble.

Voilà deux semaines que nous annoncions la tenue d’un festival contre les armes de la police à Pont-de-Buis, petite bourgade du Finistère. Voilà plusieurs années que la police blesse ou mutile régulièrement des manifestants ou de simples badauds lors d’opérations de sécurisation de l’espace public. Qui ne connait pas un cousin éborgné par un tir de flashball « maladroit » ? En France, c’est (entre autres) l’entreprise Nobelsport qui élabore et vend ces armes. « Bon vivant rimant avec prévoyant », ce week-end d’octobre, des manifestant ont pris les devants. Des lecteurs de lundimatin [1] nous racontent.


Les douze voitures bardées de caravanes, barnums et cantines s’enfoncent dans la nuit. Il s’agit d’atteindre un champ qui surplombe le Colisée de la Douffine, sur les hauteurs de Pont-de-Buis. 15 km et 3 pannes plus loin le cortège s’arrête, la nuit est calme, il faut maintenant monter le camp.

Nous sommes le 22 au soir, au fond du Finistère, aux abords de NobelSport, principale usine d’armement de la région. Demain on marche sur l’usine pour bloquer sa production. Le défi est posé et la préfecture le relève, elle décide de nous empêcher d’approcher du site. Au même moment à 800 km de là, la famille de Rémi Fraisse, tué par les gendarmes un an plus tôt sur la zad du Testet, essuie une série d’offenses publiques et d’interdictions préfectorales. Impossible pour elle de rendre hommage à Rémi sans être accompagnée par ceux-là même qui lui ont pris la vie. Le cadre est posé, cette date anniversaire doit passer inaperçue : la police tue, le calme règne.

Vendredi 23 octobre 2015

À Pont-de-Buis, le vendredi matin, l’infoline circule. Objectif : atteindre le point de rassemblement au milieu du village. La gendarmerie a barré tous les accès à l’exception de l’entrée sud. Pendant deux heures, les manifestants contournent le dispositif pour arriver sur la place. Il est 16h, nous sommes près de 500 et, en contrebas, les canons à eau précédés par des grilles bloquent les deux ponts d’accès à l’usine.

Le piège est tendu comme un an avant dans les rues de Nantes, une grille antiémeute comme seul réceptacle à la détermination des manifestants, un écran blanc pour réduire la colère en spectacle. Dès cet instant la foule masquée et partiellement équipée pour le combat est mise face à ses propres contradictions. Subir ou choisir le lieu et le moment de l’affrontement. Tenir un point de cristallisation ou foncer la tête baissée dans un mur. Autant de questions irrésolues dans nos stratégies de lutte. Il existe des surgissements assez conséquents pour percer des dispositifs de la sorte, rien ne justifie pourtant de s’y acharner lorsqu’on est sûrs de perdre.

Une prise de parole publique de l’assemblée des blessés par la police permettra d’éviter le flottement indésiré et de charger de sens notre présence. La manif repart pour tenter sa chance ailleurs, après que le camion des bleus a été maculé d’un orange éclatant. Quelques conseils bien placés d’habitants du village nous conduisent ensuite devant une passerelle gardée par un dispositif beaucoup moins lourd. Une charge plus loin, les manifestants prennent possession de la passerelle avant de faire demi-tour. Un extincteur rempli de peinture pour inonder les visières des gendarmes, quelques pierres pour accompagner leur retraite et nous étions presque de l’autre coté de la rivière. Mais l’enjeu au fond n’était pas là. Notre but n’était pas de nous introduire dans l’usine, il nous reste à découvrir les gestes qui permettraient d’y faire autre chose que précipiter la catastrophe. Notre objectif était de la rendre visible et de bloquer sa production, ce qui était le cas ce vendredi.

A la veille de deux jours de discussions et d’action il fallait éprouver une certaine intelligence collective. Le slogan no tav « si parte, si torna, insieme » (on y va ensemble, on rentre ensemble) gagne progressivement l’ambiance du week-end. Après cette démonstration, nous remontons vers le camp et le temps d’une nuit de fête nous célébrons cette première journée.

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IL Y A 50 ANS, LES PROVOS

« Actuellement le Provo s’en tient, non
sans mérite, à la provocation de la police,
aux affrontements sur le Dam, aux pétards
dans les boites aux lettres. Demain, il devra
traiter la police comme un ennemi conscient,
donner l’assaut contre le palais du Dam, et
poser quelques bombes dans les boites
aux lettres du BVD. Car seules les masses
provocatrices des jeunes glandeurs sont
encore à incorporer dans le mouvement. Ce
sont elles qui constituent une opposition, et
non pas les soit-disant classes laborieuses
qui sont pieds et poings liés dans ce
système social. Les Provos sont la dernière
classe révolutionnaire des Pays-Bas et nous
reconnaissons comme Provos les beatniks,
les pleiners, les magiciens. »

 

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Encore un mort dans un commissariat, à Saint-Denis cette fois

Cette fois, on n’aura pas appris le drame plus d’un mois après comme pour Amadou Koumé. Dans la nuit de samedi à dimanche, un homme est mort dans un commissariat de Saint-Denis apprend-on dans « Le Parisien« .

L’IGPN, l’Inspection générale de la police nationale vient d’ouvrir une enquête après la mort d’un homme dans la nuit de samedi à dimanche après une altercation avec des policiers au commissariat de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

Le parquet de Bobigny a donné sa version :

« l’homme est reparti puis est revenu dans l’enceinte du commissariat. Il s’est énervé et l’un des policiers en faction l’a repoussé, ce qui a occasionné sa chute. Sa tête a heurté le sol. »

Il est mort quelques heures plus tard à l’hôpital. Faut quand même chuter sacrément durement pour mourir en se cognant la tête. En tombant de sa propre hauteur, ça paraît étrange.

Mais pour 20 Minutes par exemple, rien d’étonnant. D’abord, il l’avait bien cherché : « Il avait tenté d’entrer dans un commissariat », rien que ça !

Quant à l’explication, elle est simple pour nos fins limiers jamais à court d’explications pour excuser les meurtres policiers (y compris avec des grosses fautes). Aujourd’hui donc, cet homme qui avait commis le crime d’après 20 Minutes de vouloir entrer dans un commissariat est mort à cause… de la malchance :

L’homme, qui était « passablement énervé », a voulu s’en prendre à un des policiers en faction « qui l’a repoussé avec la paume de la main », ce qui a provoqué sa chute, a décrit une source policière. « Par malchance, ajouté celle-ci [sic], en tombant, sa tête avait heurté l’arrête du trottoir »

Une mort, qui comme toutes les autres qui impliquent des flics, risque une nouvelle fois de ne pas avoir d’explication. Même Amnesty se disait récemment,dans un rapport international, préoccupée par « l’impartialité et l’exhaustivité des enquêtes menées par les autorités judiciaires » concernant les violences commises par la police française.

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Le 18 mai pour Zyed et Bouna, Appel à mobilisation nationale

Le 27 octobre 2005 à Clichy-Sous-Bois, une dizaine d’adolescents qui sortent du foot sont interpellés par la police et prennent la fuite par peur d’un contrôle. Pris en chasse par plusieurs voitures de la BAC, Zyed, Bouna et Muhittin se réfugient dans un transformateur EDF. Vingt minutes plus tard, Zyed et Bouna meurent électrocutés. Muhittin, gravement brûlé, parvient à prévenir les secours.

Le 18 mai prochain, la cour d’appel rendra publique sa décision au sujet des deux policiers mis en examen dans cette affaire. Inculpés au départ pour mise en danger délibérée, la justice ne retient plus aujourd’hui que la non-assistance à personne en danger pour les deux seuls policiers mis en cause.

Après dix ans de batailles judiciaires et une relaxe confirmée une première fois en appel, quelque soit le verdict il ne sera jamais pleinement satisfaisant. Dans de trop nombreux cas les policiers mis en cause bénéficient d’une impunité judiciaire et sont traités comme des citoyens au-dessus des lois (Amnesty International, avril 2009).

Insultes, contrôles d’identité abusifs, brimades, mutilations, autant de pratiques qui constituent une violence quotidienne. Ali Ziri, Abou Bakari Tandia, Mohammed Boukrourou, Lamine Dieng… Nous ne parlons pas ici d’accidents ou de bavures, mais d’une violence d’Etat dont la justice se fait complice. Faut-il s’étonner des révoltes dans les quartiers populaires ?

Le 18 mai nous ne nous tairons pas ! Ces combats ne s’arrêtent pas aux portes des Palais de justice. Dans la rue, la lutte se construit et la solidarité s’organise.

Des familles et des collectifs se retrouveront
devant la cité judiciaire de Rennes à 14H30.

En île-de France, rassemblement à 19H devant
le tribunal de Bobigny, lieu de tous les non-lieux.

Rassemblons-nous devant tous les tribunaux de France
à partir de 19h pour montrer que nous n’oublions pas !

zyedbouna18mai@gmail.com