Critique d’E&R et Farida Belghoul par Houria Bouteldja

belghoul

« Notre génération donc, de même que la génération précédente, a voulu donner à ses enfants tout ce qu’elle n’avait pas pu avoir. Ce faisant, nous avons parfois oublié que – je cite de nouveau Andy – « la bataille que nos aînés ont menée avec les ‘limites’ leur a insufflé la force de nous élever comme des hommes et des femmes ». Cette force est notre véritable héritage. Elle ne doit pas être trahie pour le plat de lentilles yankee-occidental. » James Baldwin[1]

Des sentiers de l’autonomie aux chemins de la perdition : une responsabilité collective

De foi d’immigrés, nous n’aurions jamais imaginé que Farida Belghoul, figure majeure du « mouvement beur » des années 1980 et de Convergence 84, allait se constituer en butin de guerre et se livrer au peu ragoûtant Alain Soral, transfuge du Front National. Quelques petites attentions auront suffi à un Soral au mieux de sa forme, semble t-il, pour approcher et ferrer  la belle endormie, et la ramener dans le giron national du Peuple de France. Le retour sur scène de l’égérie de Convergence 84 ne pouvait se faire que de manière fracassante mais aucun d’entre nous n’aurait songé un jour, assister au pitoyable naufrage d’une leadeuse du Mouvement beur, échouée sur les rives peu recommandables d’Egalité & Réconciliation (E&R).[2]Ironie du sort, cette rencontre a lieu quelques jours avant une série d’agressions islamophobes par des militants d’extrême droite proches de Serge Ayoub[3], célèbre pour ses chasses à l’Arabe dans les années 1980 et accessoirement, ami d’A. Soral avec qui il monte la « Société des Égaux » ainsi que « Le Local »  en 2007. L’expérience est grisante semble-t-il et va même provoquer la tenue d’une conférence publique qui aura lieu quelques semaines plus tard avec F.Belghoul, A. Soral et M. Cardet.[4]

Nous nous inclinons humblement et saluons la prise du chantre de la réconciliation nationale-chauvine.

Les faits : le 19 mai 2013, F. Belghoul accorde un entretien au site internet E&R. À la veille de la commémoration des trente ans de la « Marche pour l’égalité et contre le racisme », dite « Marche des Beurs », la question du bilan de cette Marche est au cœur de son intervention.

Cet entretien est présenté comme un rempart contre la censure par F. Belghoul qui présente E&R comme le seul groupe à lui donner la parole depuis 28 ans. Elle a la mémoire ingrate.[5] Figure centrale de la période ayant marqué l’émergence des descendants d’immigrés sur la scène politique, il nous a semblé primordial de nous attarder sur l’analyse de la principale actrice de Convergence 84.

F. Belghoul est une personne qui a compté. Elle a marqué la mémoire de nombre de militants des années 80 par son charisme, et sa volonté radicale de servir les intérêts de l’immigration. Il y a un peu d’elle en nous. C’est ce peu qui nous pousse aujourd’hui à réagir. Notre histoire et nos luttes sont notre bien commun. À ce titre, elles ne peuvent servir de caution à quelque officine d’extrême droite que ce soit et ce quelle que soit notre profonde aversion pour le parti socialiste que nous partageons avec elle dans les grandes largeurs. Légitimer A. Soral et son site E&R aux yeux de l’immigration et de ses héritiers constitue à la fois une faute morale et politique. F. Belghoul est inexcusable.

Cependant, une interrogation s’impose : Comment une enfant de la guerre d’Algérie et militante de l’immigration peut-elle converger trente ans plus tard dans le camp des héritiers de l’OAS ? Elle n’est pas la première. On retrouve également ces effets chez d’autres soutiens indigènes à E&R, comme par exemple Kemi Seba ou encore Dieudonné. Au PIR, il nous semble assez clair que ces dérives sont à la fois une conséquence des effets du champ politique blanc et de l’incapacité des mouvements de l’immigration à formuler un projet politique au service des quartiers et des immigrations (nous y reviendrons dans nos prochaines publications). Devant ces errements, il est urgent de revenir sur trente ans de lutte de l’immigration et d’en tirer les leçons politiques. L’interprétation que F. Belghoul livre à E&R est à la fois une invitation au décryptage et une opportunité pour tenter une analyse du bilan de trois décennies de luttes. Alors que l’anniversaire de la Marche s’annonce comme une superposition de célébrations pieuses, il est important de poser la question de ses survivances auprès des héritiers de l’immigration et leur interprétation qui souvent se réduisent au traumatisme de la récupération par le PS, SOS Racisme et l’UEJF et qui, de fait, freinent l’élaboration d’une analyse politique au service des luttes actuelles.

Dépolitisation de la Marche et négation de la question raciale

Dès le début de la vidéo, F. Belghoul entend dire la « vérité » sur la Marche avec cette irrésistible tendance à se placer au centre de son récit et d’occuper la totalité de la scène au prix d’une mystification éhontée de l’histoire des luttes de l’immigration et ce, dans un déchaînement où la divagation le dispute au pathétique (Farida à Lyon,  Farida à Paris, Farida à Dijon, Farida au Caire…). Dans une logique à laquelle est habitué E&R, elle entend arracher le voile d’ignorance qui masque la vision qu’auraient les naïfs qui analysent cette marche comme un combat anti-raciste. Son analyse prône une pseudo-vérité qui arrache la Marche à son historicité et à ses conditions d’existence. F. Belghoul nous apprend ainsi que la Marche serait le fruit d’une machination socialiste. La « légende de la Marche » explique la genèse du mouvement par le contexte des crimes racistes et des rodéos des Minguettes.  Faux ! rétorque Belghoul. Le véritable contexte, c’est le tournant de la rigueur impulsé par Mitterrand qui trahi ses promesses, impose l’Europe à la France et sacrifie les acquis du « peuple de France ». La marche des beurs n’aurait pas eu pour motifs les discriminations « prétendues ou réelles » et la violence policière mais aurait joué le même rôle que le mariage gay aujourd’hui, à savoir « endormir le peuple de France » sur les réalités économiques et sociales pour « l’entraîner sur les questions œcuméniques, sur les questions sociétales posées par l’identité de la deuxième génération ». Bigre !

La Marche de 83 devient quasiment un appareil d’État, dont le pouvoir socialiste avait besoin, au lieu d’être analysée comme la naissance d’un nouveau champ politique immigré, autonome des combats classiques de la gauche blanche. Tous les observateurs et acteurs attentifs de l’époque s’accordent à dire que si, indéniablement, il y a eu instrumentalisation et manipulation par le PS, celles-ci sontpostérieures à la Marche. De nombreux écrits ont été publiés à ce sujet dont ceux de Said Bouamama[6]. Une lecture attentive des faits montre en effet que la main de SOS Racisme n’apparaît qu’à l’arrivée de Convergence, en 84. Quant à la présence opportuniste de Jack Lang à une étape de la Marche, le discours de Georgina Dufoix à l’arrivée et l’accueil des marcheurs à l’Elysée n’expriment qu’une seule et unique chose : le manque d’autonomie de l’initiative et l’inexpérience des marcheurs. Mais cela ne peut en aucun cas remettre en cause l’authenticité de la marche et ses  véritables conditions d’émergence.

Ainsi, la dépolitisation de la Marche entraîne logiquement une négation de la question raciale. Si la Marche est uniquement une diversion pour masquer la cure d’austérité du gouvernement socialiste alors il devient nécessaire d’occulter les discriminations et les crimes racistes qui pourtant ont bien déclenché la Marche et qui ont marqué la réalité des immigrés pendant les trente glorieuses indépendamment des crises économiques.  Comme il convient d’oublier opportunément que c’est l’assassinat raciste d’Habib Grimzi par trois légionnaires (qui n’étaient à notre connaissance ni socialistes, ni sionistes) qui a donné un écho national à la Marche et participé à son succès. Ainsi, il ne faut pas s’étonner si jamais au cours de l’entretien F. Belghoul n’utilise l’appellation « Marche pour l’égalité et contre le racisme ».

Réhabiliter les « manipulateurs » et les « pigeons »

La thèse du complot ne serait pas crédible si manquaient à l’appel les affreux machiavels et les simples d’esprit. Feu sur la diablerie antiraciste et autres conjurés qui ont œuvré dans l’ombre pour, nous citons « m’enterrer vivante, moi la porte-parole, moi la dirigeante, moi la responsable ». Toumi Djaïdja – à l’origine de la Marche – aurait été totalement manipulé par Christian Delorme, curé machiavélique, de mèche avec le pouvoir socialiste de l’époque. Toute sincérité est retirée aux intentions de C. Delorme et Jean Costil. Cette thèse est hautement problématique puisqu’elle nie l’engagement et l’apport de certaines consciences antiracistes, non dénuées d’ambivalences, à qui il convient pourtant de rendre hommage[7].

Ainsi, les reproches que l’on peut légitimement faire à C. Delorme perdent de leur substance dans la bouche de F. Belghoul, puisque celui-ci est figé dans un rôle strict de marionnettiste. Curé blanc, admirateur de Gandhi, de Luther King et des luttes de libération pacifiques, humaniste dans la plus pure tradition chrétienne, ses intentions étaient sûrement sincères mais sa démarche qui a donné ses couleurs à la mobilisation a effectivement péché par excès d’irénisme. Si son humanisme l’a poussé à réagir face à une situation intenable, celui-ci n’a pas été jusqu’à laisser le contrôle aux indigènes. Il sera celui qui donnera le ton de la marche et qui en définira le contenu. Ce qui était primordial pour C. Delorme c’était de proposer une alternative à la violence qu’il sentait inévitable et peut-être empêcher toute forme de radicalisation perçue comme dommageable au mouvement social. Ainsi afin de s’émanciper dans la paix, l’émancipation passe par un contrôle (à différencier de la manipulation) blanc sur le mouvement « beur ». C’est ainsi le manque d’autonomie du mouvement qu’il est important de pointer ici. D’ailleurs quelques années plus tard, après de nouvelles victimes de la police, les banlieusards s’émanciperont de la figure du gentil beur (à travers notamment les émeutes de Vaulx-en-Velin).

Devant le mépris affiché par F. Belghoul face aux marcheurs de 1983, il importe aussi de réhabiliter les « pigeons ». Comme l’écrit justement Sadri Khiari – à propos de la marche de 1983 – « Nombreux, souvent acteurs ou témoins directs des mobilisations des années 1980, en font la critique au regard de ses prolongements ultérieurs qu’ils appréhendent, du reste, avec une sévérité imméritée. Plutôt que de saisir cet événement du point de vue de la dynamique historique – nécessairement longue et contradictoire – dans laquelle il s’est inscrit, ils l’interprètent  de biais, à travers leurs propres espoirs déçus, les défaites subies, l’échec – relatif à mon avis – des projets  politiques et organisationnels qu’ils ont eux-mêmes portés ou dans lesquels ils ont cru. »[8]. Au delà des divergences idéologiques que l’on peut avoir rétrospectivement avec la Marche des « beurs » et ses suites, il importe d’appréhender la Marche comme une sorte d’acte de naissance de l’existence indigène à travers la création d’un champ politique non-blanc. Même si la Marche se voulait multiculturelle et non communautaire, il importe de saisir ce qu’elle représente du point de vue des immigrés. Ces derniers deviennent, par la Marche, des sujets politiques. Cependant dans le discours de F. Belghoul, les marcheurs restent de simples objets réduits à une manipulation du pouvoir PS.  Ainsi, elle affiche un dédain explicite pour Mogniss Abdallah, autre figure majeure de cette période, décrit  comme faisant partie « du secteur police/justice », Egypto-danois de la petite bourgeoisie qui n’avait pas grand-chose à voir avec les quartiers populaires sauf que lui comme tout le secteur police/justice ne s’intéressait qu’à nous montrer comme des délinquants ».

Pourtant, Mogniss H. Abdallah [9], étudiant à Nanterre, organise fin des années 1970  avec son  frère Samir, des concerts « Rock against police », ce qui leur vaudra  une mesure ministérielle d’expulsion en 1979 par Christian Bonnet,  ministre de l’Intérieur. Journaliste indépendant, il collabore à la première radio « immigrée » Radio Soleil Goutte d’or et au premier hebdomadaire « immigré » Sans frontière, puis a cofondé en 1983 l’agence IM’média avec son frère Samir avec pour but de «  documenter les luttes de l’immigration ». L’œuvre des frères Abdallah est estimée de tous et les critiques de F. Belghoul incompréhensibles et malhonnêtes.

Convergence 84 sur les rails de l’autonomie

Les sentiers de l’autonomie sont sinueux. Dans l’espace borné de la banlieue émergent des formes de contestation originales portées par la deuxième génération  et porteuses de problématiques novatrices. Rock against police en est. Mogniss Abdallah la définit comme « expérience de coordination nationale intercités des jeunes immigrés et prolétaires » et se fait sans aucune aide extérieure. Après la Marche, l’impératif de l’autonomie deviendra une question centrale. Si F. Belghoul a laissé des traces dans la mémoire de l’immigration, c’est aussi et surtout parce que, dans la foulée des expériences précédentes, elle a franchi une étape vers le renforcement de cette autonomie. Convergence 84 est l’expression de cette tentative qui s’envisageait comme l’autonomie d’un mouvement social des banlieues. « Il s’agit, écrit S. Bouamama d’engager simultanément et complémentairement deux axes stratégiques : le premier s’adressant à la société civile afin d’éviter l’isolement et de mettre en évidence les intérêts sociaux communs ; le second s’adressant aux populations de l’immigration et agissant avec le premier afin d’éviter l’oubli des revendications spécifiques concrètes »[10]. F. Belghoul comprend très vite, même si elle ne le dit pas dans ces termes, qu’il faut se débarrasser des antiracistes blancs. Elle pressent leur mainmise et redoute leur capacité à contrôler le mouvement beur. L’appel de Convergence 84 se fait sans la présence des partis, syndicats, structure de l’État. La direction de convergence est clairement séparée du collectif de soutien à la deuxième marche. C’est ainsi toute la gauche qui est exclue et on ne peut que la féliciter pour ce formidable pas en avant vers l’autonomie. Hélas, l’expérience est stoppée court à cause de la faiblesse organisationnelle et politique du mouvement et par la formidable capacité de récupération du PS et de sa fameuse main jaune. Il n’est pas exagéré d’affirmer que le traumatisme de cette instrumentalisation va laisser des traces indélébiles dans les milieux militants de l’immigration et que F. Belghoul en porte encore les stigmates.

Et si le « rien » n’était pas vide ?

A E&R elle dit en parlant du présent : « le mouvement beur est inexistant. On a sur le terrain quelques associations qui donnent plutôt dans le rien qui sont toutes moribondes qui essaient dans les quartiers populaires de faire des actions culturelles ou sociales mais l’expression politique de la 2ème génération que nous avions été, la formidable énergie qui est sortie de nous et à partir de laquelle si nous  l’avions transformée en collaboration avec la France aurait pu donner quelque chose d’incroyable et notamment cette remise en cause du PS, n’a pas eu lieu. Vingt huit ans plus tard, on en est au même point ». Tout n’est pas faux dans ce constat amer mais c’est un sacré gloubiboulga assaisonné d’une bonne dose de mépris pour deux générations qui ont, pendant la longue retraite de la militante, transformé la France de manière irrémédiable. Les polémiques obsessionnelles et autres offensives politiques contre les quartiers qui défraient la chronique depuis trente ans attestent à la fois d’un ancrage solide des populations issues de l’empire colonial et du traumatisme identitaire que cela engendre tant chez les élites qu’au sein du peuple de France tant chéri par F. Belghoul. Sa haine de soi l’empêche de voir l’œuvre des siens. Pendant que la belle endormie attendait le baiser salvateur de son Prince Soral, l’immigration a lutté et résisté. En très bref et non exhaustif, rappelons la création en 1985 des JALB (Jeunes Arabes de Lyon et Banlieues principalement animé par des… kabyles), réaction à la beuritude qui dessinait déjà les contours d’une résistance culturelle dont le prolongement sera l’émergence de l’islam comme marqueur identitaire, la mise en place en 1989 des premières listes électorales autonomes dans quatre villes de France (Bron, Aulnay sous-bois, St Chamont et Lille), en 1991, du comité national contre la double peine, les nombreux procès des crimes sécuritaires, qui ont réussi à décomplexer les familles devant l’intimidation de l’institution policière, du MIB en 95 dont les membres n’ont jamais quitté la scène de la militance des quartiers jusqu’à nos jours, la lutte héroïque des sans-papiers de St Bernard de 1996 dirigée par la charismatique Madjiguène Cissé[11], la marche historique de mai 1998 fêtant le 150ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage, les formidables mobilisations pour la Palestine qui ont jalonné la vie militante des immigrés maghrébins et de leurs enfants et en particulier celles de 1988 (la Nakba a 40 ans), de 1998 (la Nakba a 50 ans), de 2001 (2ème intifada) et de 2008/2009 (bombardements de Gaza), le formidable mouvement de grève lancé par le LKP en 2009, les multiples associations et collectifs luttant contre l’islamophobie et en particulier le CCIF en 2003 et, plus rares, les organisations explicitement politiques comme le Parti des Indigènes de la république… Nous ne parlerons pas ici de la matérialisation de la présence des post-coloniaux à travers les institutions de l’État comme le CFCM ou la construction de centaines de mosquées et autres lieux de culte sur l’ensemble du territoire national ou encore la création de carrés musulmans dans les cimetières. Nous ne parlerons pas non plus de ces conquêtes juridiques parfois arrachées par le sang : la loi Sapin qui instaure le droit d’être assisté par un avocat pendant la garde à vue, les lois qui instaurent la vidéosurveillance dans les commissariats de police… Autant d’avancées redevables au « secteur Police/Justice » qui fait tant honte à la passionaria…

Une indigène en mal d’intégration

Dans son roman Georgette, le personnage du père met en garde sa petite fille contre le mirage de l’intégration : « ‘arbi, ‘arbi wa hatta louken el colonel Bendaoued »[12]. Par cette réplique prémonitoire, F. Belghoul était ainsi prévenue. Pourtant, trois décennies plus tard, et défiant la sagesse paternelle, elle ira se jeter dans les bras d’E&R, cette officine du national-chauvinisme, prêter allégeance au peuple de France, ce brave peuple innocent coupable de s’être laissé  envoûter par la bête socialiste. Une belle perversité indigène que voilà !

La triste réalité, c’est que F. Belghoul est tétanisée par le racisme. Mieux que cela : sans lui, elle n’existerait pas. Mais la violence du phénomène est telle, qu’elle cède comme beaucoup à la facilité de brûler les étapes, se réconcilier abstraitement par les mots avec ce peuple de France dont le statut tout entier repose sur l’oppression de la « race » de F. Belghoul. De manière tout à fait stupéfiante, elle poursuit sa démonstration : « La Marche disait en gros : nous sommes des délinquants ». En porte-à-faux avec ce sous-texte prétendument véhiculé par les marcheurs, elle oppose sa démarche : « La différence avec l’idéologie « police/justice » et le contenu de mes films est fondamentale dans la mesure où dans mes films, on est des êtres humains qui ressemblons aux familles qui existaient en France et dans la problématique police/justice on est en rupture avec la France, on est en conflit avec la France, on est en guerre avec la France et on est des délinquants ». On devine aisément la supplique muette et pathétique qui se cache en filigrane : « France aime moi comme moi je t’aime ». À aucun moment ne l’effleure l’idée que c’est peut-être la France qui est en guerre contre nous…

S’opposant avec une fierté naïve non dissimulée au mot d’ordre de la Marche « Vivons ensemble avec nos différences », F. Belghoul prétend révolutionner cette logique en mettant le mot d’ordre suivant en avant : « vivons ensemble avec nos ressemblances quelles que soient nos différences », ce qui revient exactement au même que la phrase à laquelle elle semblait s’opposer. Elle trouve ainsi le terme « différences » problématique. Selon, elle, celui-ci signifie « faisons-nous la guerre ». En réalité, ce n’est pas le fait de reconnaître quelqu’un comme différent qui l’infériorise, mais plutôt le fait de reconnaître cette différence comme inférieure. Ainsi, le slogan que propose F. Belghoul est totalement calqué sur la logique de l’antiracisme moral et abstrait, qui donnera plus tard naissance à la petite main jaune de « Touche pas à mon pote » et à l’association S.O.S Racisme. Harlem Désir ne se serait sûrement pas opposé à une telle formule. Quant à Malcolm X qu’elle découvre à cette époque, il doit se retourner dans sa tombe.

Nageant dans la pure abstraction, F. Belghoul n’explicite jamais ce qu’elle entend par « peuple de France ». Le mystère est savamment entretenu. S’agit-il des Blancs, des pauvres (indigènes compris), des électeurs du Front National ? On ne le saura pas vraiment tant le flou sur les mots règne. « Contre qui se constitue le peuple ? ». Sadri Khiari pose ici une question essentielle, y compris pour appréhender des mobilisations comme la Marche des « beurs » ou Convergence 84. Il écrit ainsi qu’un peuple n’est jamais donné et ne tombe pas du ciel sur la terre : « si les éléments qui constituent en quelque sorte l’infrastructure du peuple ne sont ni contingents ni arbitraires, ils ne suffisent pas en eux-mêmes à constituer le peuple. Ces éléments constituent seulement la condition de possibilité de l’émergence de l’entité peuple. Pour que celle-ci se cristallise effectivement, il faut qu’existe cet extérieur hostile, qu’il s’agisse de l’aristocratie féodale, du peuple d’à côté, du peuple qui opprime ou d’une fraction du peuple considérée comme nocive. Le peuple, ce sont des rapports de forces, c’est une histoire, c’est une histoire de rapports de force »[13]. A la question de S. Khiari, on pourrait postuler l’hypothèse suivante compte tenu de l’ampleur de la fracture raciale : le peuple de France se constitue contre les indigènes. Les rapports de force dont parle S. Khiari sont totalement absents des propos de F. Belghoul et l’on peut ainsi se demander comment il est possible de s’intéresser à des mobilisations comme la Marche ou Convergence en niant l’existence de tels rapports de force, qui servent pourtant de colonne vertébrale au racisme. Cette dépolitisation de la Marche et de Convergence 84 par F. Belghoul, donc la négation d’un « tiers peuple », est à la base de la négation du racisme qui ne peut que faire le bonheur d’E&R.

Et puisque tout est complot et que « le peuple de France », masse inerte et innocente, n’a pas d’intérêt propre à défendre, pourquoi s’arrêter en si bon chemin et ne pas poursuivre l’opération de blanchiment de cette partie du peuple qui vote FN ? En effet, elle explique qu’à l’époque, « elle croyait à mort » que le FN « était un ennemi ». Le racisme du Front National aurait ainsi simplement été la conséquence d’une manipulation, alors que les mouvements « beurs » auraient – toujours selon F. Belghoul – pu « discuter avec ce parti ».

30 ans plus tard, c’est chose faite ! Elle « discute »…

…d’égal à égal ? Rien n’est moins sûr. Si E&R célèbre aujourd’hui une indigène en lui déroulant le tapis rouge, l’association d’A. Soral ne fait pas dans l’originalité. Nicolas Sarkozy avait rendu ces mêmes honneurs à Fadela Amara, Rachida Dati et Rama Yade quelques années plus tôt. Quant au Parti socialiste, il avait été précurseur lorsqu’il a propulsé Harlem Désir au devant de la scène. Les adorateurs d’E&R répondront que le FN est « anti-système », qu’il n’a jamais eu le pouvoir et qu’à ce titre il ne peut pas être tenu pour responsable de nos impasses politiques, conséquences d’un bipartisme trentenaire. Certes, il n’est pas responsable car il n’a pas gouverné mais, ce système, il en est la pointe la plus avancée et la plus explicitement contre nous. Il existe de nombreuses et profondes contradictions entre l’extrême droite, la droite et le PS mais tous font parti du champ politique blanc et tous agissent de manière plus ou moins frontale contre l’intérêt des descendants d’immigrés et des habitants des quartiers. Lorsque nous collaborons avec eux, au mieux nous sommes des cautions, au pire des goumiers. Mais ceci n’est pas une fatalité. Nous pouvons y échapper en poursuivant nos efforts pour une autonomie plus substantielle, en d’autres termes en poursuivant l’œuvre inachevée et abandonnée depuis longtemps par F. Belghoul.

Houria Bouteldja


[1] James Baldwin, Meurtres à Alabama, Stock, 1985, p.38

[3] Très actif durant les années 1980 avec sa bande de skinheads appelée « le Klan », il se distingue particulièrement dans les ratonnades. Il fonde ainsi en 1987 les JNR, mouvement nationaliste révolutionnaire français composé principalement de skinheads. Les JNR furent médiatisées dans les années 1980-1990, notamment du fait de la violence de leur engagement, et Serge Ayoub fit plusieurs apparitions télévisées lors de débats ou de reportages. La même année, le 19 janvier, il est condamné avec Joël Giraud et Éric Rossi à 8 mois de prison avec sursis après l’attaque d’un groupe de jeunes arabes le 22 avril 1990, ainsi que pour l’agression de Karim Diallo à Paris en 1990 sous l’œil des caméras de la Cinq. Il participe les 8 et 9 septembre 2007 à l’université d’été du mouvement Égalité et Réconciliation, présidé par Alain Soral

[5] Rappelons pour l’anecdote que F. Belghoul a été invitée, avec le rappeur Médine, par les Indigènes de la république à célébrer les 25 ans de la Marche au Cabaret Sauvage, en décembre 2008.

[6] Dix ans de marche des beurs, chronique d’un mouvement avorté, Paris, Desclée de Brouwer, 1994. Said Bouamama

[7] Rappelons que de 1979 à 81, Jean Costil (Cimade Lyon) et Christian Delorme  obtiennent la suspension des expulsions de jeunes à Vénissieux Les Minguettes, ciblés par des mesures d’éloignement du territoire. Initiateur de la Marche pour l’égalité des droits et contre le racisme (Marche des beurs – 1983),  Delorme quant à lui interpellera publiquement les autorités sur la multiplication des meurtres de jeunes dans tout le pays. À ses côtés, Jean Costil aura la lucidité et l’intelligence pratique d’intégrer dans les doléances des Marcheurs, la création d’un titre de séjour de 10 ans renouvelable de plein droit,  inexistant jusqu’alors et d’inspirer Toumi Djaija, celui-ci évoquant la dite carte sur les marches du perron de l’Élysée à l’issue de l’entrevue avec François Mitterrand. À ce propos pour répondre au dédain de F.Belghoul, ce titre a définitivement inscrit dans la durée la présence des immigrés en France, ces derniers n’étant perçus jusqu’alors que comme une simple force provisoire de travail et non comme une force de peuplement appelée à rester. Le titre de 10 ans est un véritable progrès qui a permis une stabilité à l’immigration et la sécurisation du  séjour. Il a permis de ne plus se rendre chaque année dans des conditions d’accueil et d’attentes humiliantes parfois épouvantables auprès de fonctionnaires de police recrutés sur la base de pseudo connaissances des mœurs indigènes acquises pendant leur service en Algérie avant et pendant la guerre d’indépendance (cf ;  à savoir, les préfectures ne disposaient pas encore de bureaux des étrangers dignes de ce nom, aussi le renouvellement des titres se faisait auprès des guichets de la Police des étrangers  mis en place dans les commissariats désignés à cet effet). Des millions de ressortissants étrangers ont bénéficié du titre de 10 ans. Nous ne ferons pas mention ici de l’ensemble de l’œuvre militante de Costil en faveur de l’immigration mais citons au moins le Collectif d’avocats, les manuels et formations juridiques pour les militants, les permanences juridiques d’accueil, l’assistance dans les centres de rétention, l’accompagnement judiciaire et administratif,…)

[9] Il a également travaillé sur les questions de discrimination, de violences policières et la situation des sans-papiers. Depuis plus de 30 années, il aura le souci de collecter et d’archiver des informations et des données liées à l’Histoire des Luttes de l’immigration ces 40 dernières années et qui ont toujours fait défaut jusqu’ici ; en outre, il sera un des premiers à établir des échanges entre des mouvements de luttes d’autres pays , confrontés notamment aux violences policières et dont les luttes sont des viviers d’expériences comme celles des mouvements black ou indiens en  Angleterre (cf les émeutes de Brixton 1985 – Race today organisation) ; Leur slogan sera repris en France dans les concerts « Rock against police », Pas de Justice Pas de Paix

[10] Dix ans de marche des beurs, chronique d’un mouvement avorté, Paris, Desclée de Brouwer, 1994. Said Bouamama, p97

[11] Le 19 novembre 1996, au journal Libération, elle déclarera : « Une autre originalité de notre mouvement, c’est d’avoir réussi à arracher notre autonomie et à nous dégager de l’emprise des associations qui, dans un vieux réflexe paternaliste, avaient l’habitude de tout faire à notre place. Notre situation pose le problème des rapports Nord-Sud, et de cette relation multiséculaire qui unit dominé à dominant. D’autant que nos pays d’Afrique ne sont toujours pas indépendants et que la France tire toujours les ficelles. Le gouvernement ne comprenait pas que des petits nègres lui tiennent tête, quand des chefs d’État africains n’osent même pas leur résister. »

[12] « Arabe tu es, Arabe tu resteras même si tu étais le colonel Bendaoued »

[13] Ouvrage collectif, Qu’est-ce qu’un peuple ?Paris, la Fabrique, 2013, p. 116, 117, Badiou, Bourdieu, Butler, Didi-Huberman, Khiari, Rancière

tiré de http://indigenes-republique.fr

SEPTEMBRE 2013 AU RÉMOULEUR (BAGNOLET)

LOCAL AUTO-ORGANISÉ DE LUTTE ET DE CRITIQUE SOCIALE

Le Rémouleur
106 rue Victor Hugo
93170 Bagnolet
(M° Robespierre ou M° Gallieni)

Horaires d’ouverture du local (avec bibliothèque et infokiosque) :
le lundi de 16h30 à 19h30
le mercredi de 16h30 à 19h30
le samedi de 14h à 18h

Entré libre et gratuite.

Le Rémouleur est un lieu ouvert pour se rencontrer, échanger et s’organiser. On peut s’y réunir, boire un café et discuter, lire, écrire des tracts, trouver des infos… S’organiser collectivement, hors des syndicats, des partis et des structures hiérarchiques. Pouvoir se donner des armes pour le futur par la diffusion d’idées et de pratiques, en discutant et en confrontant nos positions politiques. Apporter force et consistance aux luttes présentes et à venir. Parce que nous voulons transformer radicalement cette société, ni plus ni moins ! Tendre vers un monde sans exploitation ni domination, sans État ni frontière, sans argent ni propriété privée…

https://infokiosques.net/le_remouleur
leremouleur@@@riseup.net
S’inscrire à la lettre d’info du local

Tant qu’il y aura de l’argent, il en faudra pour le local !
Nous avons besoin d’argent pour les frais de fonctionnement : loyer, charges, photocopies… N’hésitez pas à venir nous rencontrer au local ou à nous envoyer un chèque à l’ordre de “Plumes” à l’adresse du Rémouleur.

Samedi 7 septembre de 14h à 18h
Permanence “Sans papiers : s’organiser contre les expulsions

Jeudi 12 septembre à 19h30
Projection du documentaire “Somos viento”, 0h35 et discussion sur les luttes au Mexique / luttes sociales et défense des terres en Amérique centrale
Après plus de 500 ans de pillage de ses richesses, l’Amérique latine est une fois de plus le centre d’intérêt de nombreuses multinationales et de notables locaux. Implantation de mines, de parcs éoliens, d’écotourisme, de barrages… Gouvernements et entreprises ne cessent de voler, expulser, séquestrer, assassiner afin de s’enrichir encore et encore.
Face à cette situation, de nombreuses communautés indigènes et paysannes ainsi que d’autres groupes et individus s’organisent, se mobilisent et se soutiennent. Certains collectifs de Oaxaca et du Chiapas mettent en place une caravane itinérante afin de faire connaître et participer aux résistances de ces communautés contre les multiples « megaproyectos » (méga-projets), de contribuer aux solidarités qui se construisent dans ce contexte de luttes à travers l’Amérique centrale. Le documentaire « Somos Viento » montre un exemple de méga-projet et de lutte réalisée par le peuple de l’isthme de Tehuantepec dans l’État de Oaxaca, au Mexique, face à l’implantation d’un parc éolien sur leurs terres.

Lundi 16 septembre à 16h30 puis 19h30
Rendez-vous du collectif “Prenons la ville”

Mercredi 18 septembre à 19h30
Assemblée de la “Caisse d’autodéfense juridique collective”

Jeudi 26 septembre à 19h
Permanence “Résister à la psychiatrie” et projection du documentaire “Histoires autour de la folie”(première partie – extraits) de Paule Muxel et Bertrand de Solliers, 1993, suivie d’une discussion libre !
Paroles de psychiatrisés et paroles de psychiatres sur la psychiatrie des années 1920 aux années 1970. Ou comment faire référence à l’ancien système asilaire pour affirmer comme Lucien Bonnafé que la “révolution psychiatrique” a eu lieu !

Dimanche 29 septembre à 18h
Discussion “i-Esclaves” en Chine et exploitation “made in Europe”
Débat organisé par Échanges et Mouvement et animé par un camarade vivant à la fois en Europe et en Chine qui apportera des éclairages “de l’intérieur” sur les luttes ouvrières en Chine et sur la pénétration du capital chinois dans l’Union européenne.

Mardi 1er octobre à 19h30
Présentation et discussion autour du livre « Frères de la côte – Mémoire en défense des pirates somaliens, traqués par toutes les puissances du monde« , abordant la question des phénomènes de piraterie maritime aujourd’hui, et plus particulièrement ceux qui sont appelés/qu’on appelle « les pirates somaliens ». Ces pirates sont devenus les ennemis communs à tous les prédateurs du monde.
Un point sera fait sur les procès en cours en France et nous constaterons une fois encore que le discours du célèbre pirate Charles Bellamy à son procès en 1720 garde tout son sens : « Maudit sois-tu, tu n’es qu’un lâche, comme le sont tous ceux qui acceptent d’être gouvernés par les lois que des hommes riches ont rédigées afin d’assurer leur propre sécurité. Ils nous font passer pour des bandits, ces scélérats, alors qu’il n’y a qu’une différence entre eux et nous, ils volent les pauvres sous couvert de la loi tandis que nous pillons les riches sous la protection de notre seul courage. »


Et puis le Transfo, espace occupé du 57 avenue de la République, à Bagnolet, est menacé d’expulsion depuis peu. Pour soutenir ce lieu, RDV sur https://transfo.squat.net/, et envoyez un SMS au 06 72 53 02 40 pour être tenu-e au courant de l’expulsion et des rencards qui suivront !


LES COLLECTIFS QUI S’ORGANISENT AU RÉMOULEUR :

Les rendez-vous du collectif « Prenons la ville »
Des projets de transformation du Bas-Montreuil et du quartier des Coutures à Bagnolet sont en cours. Des centaines de personnes seront obligées de quitter leur logement. Le collectif « Prenons la ville » propose des moments de rencontres, d’échanges et d’organisation les 1er et 3e lundis de chaque mois au Rémouleur. 
L’après-midi, de 16h30 à 19h30 : c’est l’occasion de partager des informations sur le devenir de son logement et du quartier. De trouver des réponses collectives. 
Le soir, à partir de 19h30 : une réunion permettra de faire ensemble le point sur l’avancée du projet et des problèmes qu’il entraîne ; de lutter contre la hausse du coût de la vie, des loyers, contre le départ forcé des quartiers où nous habitons…
Contact : degage-onamenage@@@riseup.net

Permanence « Sans papiers : s’organiser contre l’expulsion »
Chaque 1er samedi du mois, lors des permanences vous pourrez discuter et rencontrer des personnes ayant participé à la brochure « Sans papiers : S’organiser contre l’expulsion. Que faire en cas d’arrestation ? ». Il s’agit d’un guide pratique et juridique, écrit à partir d’expériences de luttes de ces dernières années, pour s’organiser contre les expulsions.

Permanence « Résister à la psychiatrie »
Chaque dernier jeudi du mois, à 19h, il s’agit, à l’initiative du collectif Sans Remède, de créer un moment, un espace ouvert régulièrement où toute personne intéressée par la question de la psychiatrie pourrait venir, soit pour en écouter d’autres, soit pour poser des questions, soit pour s’exprimer elle-même… Ce serait un lieu de rencontre, le lieu où une parole collective sur la psychiatrie pourrait s’élaborer, où un début de réappropriation sociale, et donc politique, de cette question pourrait exister. Dans la médicalisation du monde qui se propage, le pouvoir psychiatrique est en première ligne. Comment résister – aussi – à la psychiatrie ? A chaque permanence, un minimum de support au débat sera proposé : du son, de l’image ou un exposé relativement court (ou une autre forme d’animation). Même si nous essayerons d’apporter des réponses aux questions concrètes, ou d’adresser à des interlocuteurs capables de le faire, cette permanence ne sera pas un lieu alternatif d’aide sociale. Pas plus qu’elle ne sera un lieu alternatif d’accueil ou de soins.
Contact : sans.remede@@@laposte.net

Café des CAFards
Rendez-vous le 1er vendredi de chaque mois, de 16h30 à 19h30. 
Nous sommes des centaines de milliers, rien qu’en Ile-de-France, à dépendre des institutions sociales, pour nos revenus, pour le logement, bref pour vivre. Et nous sommes des centaines de milliers à être considérés par la CAF, Pôle-Emploi, ou la Sécu, comme des fraudeurs en puissance, des mauvais pauvres à rééduquer, et à ce titre, contraints de nous soumettre à des contrôles, des humiliations, à l’arbitraire, pour conserver nos maigres allocations. 
Au chômage comme dans l’emploi, la culpabilisation, la peur de se faire radier ou virer tend à neutraliser par avance toute forme de défense collective. C’est pour s’opposer à cette politique que les CAFards, collectif de chômeuses et précaires, proposent un rendez-vous ouvert à tous une fois par mois pour échanger nos expériences, débrouiller ensemble des dossiers litigieux, s’organiser pour partager les moyens de se défendre sur les lieux de gestion de la précarité. Pour affirmer d’autres valeurs que celles du travail et du mérite, d’autres désirs que ceux que cette société voudrait nous faire intérioriser.
Là où ils voudraient nous enfermer dans la peur et l’isolement, il nous faut inventer de nouvelles formes de lutte et de solidarité !

Caisse d’autodéfense juridique collective
Tous les 3e mercredis de chaque mois à 19h30
Quand on participe à des luttes ou à des mouvements sociaux (sans-papiers, mal logés, chômeurs, travailleurs…) on est souvent confronté à la répression. Face à elle, on ne se retrouve pas tous dans la même situation. La justice fonctionne comme le reste de la société : dans un rapport de classe. La caisse d’autodéfense juridique collective est un outil pour élaborer ensemble un discours public permettant de continuer à défendre les raisons de la lutte, se réapproprier les stratégies de défense et ne pas les laisser exclusivement aux spécialistes du droit, mutualiser les moyens de défense (contacts avocats, argent pour les premières dépenses), partager nos expériences et débattre sur la justice, le droit et la manière de réagir face à la répression.
Contact : cadecol@@@riseup.net

Le local est aussi ouvert les lundis et mercredis de 16h30 à 19h30 et le samedi de 14h à 18h.
Il y a une bibliothèque dont la plupart des livres peuvent être empruntés. Des films sont également accessibles. Des tracts, brochures et affiches ainsi qu’un fond d’archives sont à disposition.

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Programme de septembre 2013 – Flyer (quatre pages A5)
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Programme de 

Guy Debord, poète et révolutionnaire

Guy Debord et les situationnistes articulent un marxisme critique, qui actualise le communisme de conseils, avec une critique de la vie quotidienne inspirée des avant-gardes artistiques.

 

La pensée de Guy Debord semble particulièrement originale. Le fondateur dumouvement situationiste articule critique sociale et critique de la vie quotidienne. Unouvrage collectif présente l’exposition sur Guy Debord à la Bibliothèque nationale de France (BnF). Des universitaires présentent la pensée du révolutionnaire. Certes le ton impertinent, humoristique et ludique des situationnistes laisse place à un propos beaucoup plus sérieux et compassé. Mais l’originalité de la pensée situationniste semble bien restituée dans ce catalogue de présentation.

 

Le parcours d’un révolutionnaire

 

Guy Debord est devenu une figure incontournable. Son influence s’impose dans le monde intellectuel comme dans les milieux artistiques. Emmanuel Guy et Laurence Le Bras donnent le ton de l’ouvrage. La dimension révolutionnaire et la révolte de Guy Debord sont occultés. « Guy Debord, c’est comme une révolution jamais véritablement advenue, et qui ne pourra jamais advenir, et que personne ne pourra jamais poursuivre », osent écrire les deux larbins de la BnF. Certes, singer la posture situationniste semble ridicule. Mais poursuivre la démarche d’un désir de transformer le monde pour changer la vie demeure indispensable.

En 1951 Guy Debord rencontre le mouvement lettriste, une avant-garde artistique qui résiste au conformisme. « Il ne faut pas admettre les choses. Il faut faire des révolutions », écrit Guy Debord. Le mouvement lettriste exprime son désir de « repassionner la vie ». En 1952, le film Hurlements en faveur de Sade alterne écrans blancs sur bande son et écrans noirs sur silences. Il critique le cinéma et le spectacle comme loisir qui impose la passivité.

Mais seule l’action collective peut permettre d’expérimenter une vie passionnante. Guy Debord fonde l’Internationale lettriste en 1952 et l’Internationale situationniste en 1957. La réflexion, à travers des revues, s’accompagne de la provocation et de l’appel à la révolte. Cette démarche s’inscrit dans le sillage du mouvement dada mais aussi des surréalistes. « Guy Debord et ses compagnons reprennent à leur compte les perspectives de modifications d’un rapport au monde que ses mouvements avaient initié », soulignent Emmanuel Guy et Laurence Le Bras.

 

Cette contestation artistique s’accompagne alors d’une réflexion politique. Les situationnistes observent une vie dénuée de sens, à travers l’aliénation dans le travail mais aussi la consommation et les loisirs. Ils développent une critique radicale de la vie quotidienne et de la société industrielle. « Potlach est la publication la plus engagée du monde : nous travaillons à l’établissement conscient et collectif d’une nouvelle civilisation », proclame la revue de l’Internationale lettriste. Ce mouvement refuse la séparation entre l’art, la philosophie et la vie. Le spectacle et la marchandise colonisent tous les aspects du quotidien. Guy Debord aspire donc à détruire ce monde qui impose une artificialisation et une dépossession de l’existence. La révolte situationniste s’exprime pleinement en Mai 68.

L’art et la créativité irrigue les pratiques politiques des situationnistes. Après Mai 68, la vie de Guy Debord sombre dans l’échec le plus ridicule. Il s’attache à construire son propre mythe pour devenir une icône institutionnelle désormais exposé comme Trésor national. Il devient alors le principal artisan de sa propre récupération. Pourtant, l’insurrection situationniste alimente aussi la contre-culture des années 1970.

 

 

 

 

 

Une pensée politique originale

 

Patrick Marcolini évoque la réflexion politique de Guy Debord. Pour le penseur situationniste la théorie demeure « d’abord un jeu, un conflit, un voyage ». Il critique l’idéologie et l’Université qui imposent une théorie séparée de la pratique. Le détournement introduit un rapport ludique au savoir et aux œuvres classiques. Cette pratique consiste à se réapproprier une citation en modifiant quelques mots. Guy Debord lit divers auteurs consciencieusement, écrit des fiches de lectures et note les phrases qui peuvent faire l’objet d’un détournement.

Guy Debord se réfère à un Marx libertaire. Il puise sa réflexion dans le communisme de conseils et son marxisme critique. Il dénonce tous les régimes politiques et s’oppose au marxisme d’État. Il s’intéresse surtout au jeune Marx qui analyse l’aliénation. Guy Debord s’inscrit dans le sillage de la pensée du sociologue Henri Lefebvre, fin connaisseur de Marx. La revue Arguments redécouvre un marxisme hétérodoxe avec l’école de Francfort et le freudo-marxisme. Mais Guy Debord semble surtout proche de Socialisme ou barbarie. Cette revue et groupe politique critique le capitalisme bureaucratique de l’URSS et s’appuie sur les conseils ouvriers qui permettent l’auto-organisation des luttes et de la société. Mais Guy Debord propose une lecture critique de ses revues pour construire sa propre pensée révolutionnaire.

Les situationnistes critiquent également la société industrielle qui impose une standardisation et une artificialisation de la vie. La science et la technique participent à l’aliénation moderne.

 

Vanessa Théodoropoulos se penche sur la réflexion des jeunes lettristes. Ce mouvement privilégie la construction de situations, des expérimentations éphémères, pour rendre la vie passionnante.

« L’aventurier est celui qui fait arriver des aventures, plus que celui à qui les aventures arrivent », estime Guy Debord. La pratique de la dérive consiste à déambuler dans la ville pour découvrir des ambiances nouvelles et faire des rencontres inattendues. Les jeunes lettristes arpentent les bars parisiens à la recherche de l’ivresse et du jeu.

Les évènements de la vie quotidienne doivent être transformés, tout comme son décor. Ivan Chtcheglov rédige un « Formulaire pour un urbanisme nouveau ». L’art et l’architecture doivent réinventer le milieu urbain. L’espace, mais aussi les ambiances sensorielles, doivent être transformés par cet « urbanisme unitaire ». Ivan Chtcheglov évoque même une architecture modifiable selon les désirs des individus. L’expérimentation des situationnistes vise à satisfaire tous les désirs et à en inventer de nouveaux.

La grande fête orgiaque devient le symbole de la révolte situationniste. En 1966, la brochure De la misère en milieu étudiant résume cette démarche. « Les révolutions prolétariennes seront des fêtes ou ne seront pas, car la vie qu’elles annoncent sera elle-même créée sous le signe de la fête. Le jeu est la rationalité ultime de cette fête, vivre sans temps mort et jouir sans entraves seront les seules règles qu’il pourra reconnaître », indique la brochure.

 

 

 

 

 

Pratiques artistiques et révolution du quotidien

 

Zvonimir Novak évoque la dimension artistique de la démarche situationniste. Dans le sillage des avant-gardes, comme le mouvement dada, Guy Debord, s’attache au dépassement de l’art.

Certes, la pratique artistique doit alors s’inscrire dans une perspective révolutionnaire. Pourtant, loin de parvenir à détruire l’art, les situationnistes semblent créer une nouvelle esthétique. Les différents groupes gauchistes singent le réalisme socialiste et ne proposent qu’une même sinistre imagerie à base de drapeaux au vent et de poings levés.

Au contraire, Guy Debord glane des images qui reflètent l’air du temps dans la publicité, le photojournalisme, les bandes dessinées ou les revues érotiques. Même l’Internationale situationniste, la revue théorique, propose des couvertures dorées ou métallisées qui évoquent davantage un objet d’art qu’un journal révolutionnaire.

Même les simples tracts font l’objet d’une recherche esthétique. Le militantisme devient alors le moment d’une intense créativité. Les textes d’un mouvement pour la destruction de l’art se transforment alors en œuvres d’art.

 

Emmanuel Guy et Laurence Le Bras décrivent les diverses pratiques, artistiques et politiques, des jeunes situationnistes.

Le jeu permanent s’apparente à une manière de vivre, en rupture avec les conformismes et les conventions sociales. Contre l’aliénation marchande et les loisirs, le jeu et le plaisir doivent subvertir le quotidien. « Il s’agit de reprendre au spectacle ce qu’il a lui-même figé sur les écrans de cinéma, le papier glacé des magazines, ou dans les lunaires : le jeu, l’aventure, la joie », résument Emmanuel Guy et Laurence Le Bras.

Le détournement consiste à reprendre librement et à se réapproprier des éléments de la culture comme les images, les films, les publicités ou les bandes dessinées. Cette pratique s’oppose à la propriété intellectuelle et à la marchandisation. Elle dessine donc un communisme littéraire.

La dérive permet de se réapproprier l’espace urbain. Guy Debord définit cette pratique comme « le passage hâtif à travers des ambiances variées ». La flânerie et la déambulation urbaine doivent permettre de découvrir des ambiances nouvelles. La dérive s’oppose à l’urbanisme qui vise à contrôler et orienter les flux humains.

L’urbanisme unitaire refuse la séparation entre l’art et la ville. Mais toutes les formes de séparation doivent être abolies : entre les différentes disciplines artistiques ou entre travail et loisir. Ce projet doit construire un mode de vie ludique libéré des contraintes du travail.

 

Fanny Schulmann évoque le paradoxe d’une exposition sur Guy Debord dans une institution d’État comme la BnF. Les actions de l’IS attaquent l’art et la culture comme institutions séparées. Le dépassement de l’art demeure un des mots d’ordre centraux des situationnistes. Mais aujourd’hui, Guy Debord fait l’objet d’une exposition artistique, avec des mécènes capitalistes et bureaucratiques.

Mais Guy Debord s’est également attaché à construire son propre mythe. Il a sélectionné et conservé des documents pour construire sa propre histoire des mouvements lettristes et situationnistes, à laquelle il se réserve évidemment la place centrale.

 

 

Critique radicale et pratiques de lutte

 

Éric Brun, sociologue, évoque les analyses des situationnistes sur la société. Il qualifie même Guy Debord de sociologue, malgré son rapport conflictuel avec le milieu universitaire. Pourtant les situationnistes rejettent le cloisonnement des différentes branches académiques. « Debord insiste sur un refus – d’inspiration marxienne – des disciplines, considérées comme autant de formes de pensées parcellaires, séparées de la vie », précise Éric Brun. Les situationnistes critiquent surtout les sociologues, assimilés aux experts et aux technocrates qui gèrent l’ordre social. Guy Debord raille la « magie fondamentale de la pensée planificatrice du capitalisme moderne, sa pseudo-rationalité et sa fonction d’exorcisme ». Durant cette période, la sociologie et les sciences sociales deviennent plus légitimes et s’institutionnalisent. Guy Debord semble également influencé par le groupe Socialisme ou barbarie qui critique les analysent des sociologues sur la classe ouvrière.

Les situationnistes reprennent également les réflexions de Marx qui critique les critères de scientificité et d’objectivité. Guy Debord estime que c’est par l’action, et l’expérimentation de nouveaux styles de vie, qu’il est possible d’accéder à la connaissance. Les sociologues semblent mal connaître la vie quotidienne concrète des ouvriers. Pour les situationnistes, ce n’est pas la quantité d’informations qui fournit la vérité. La conscience révolutionnaire et la dimension qualitative de la pensée  prédominent.

 

Les situationnistes ne se contentent pas d’être un simple groupe de théoriciens. La critique sociale doit s’articuler avec une pratique politique. Les situationnistes participent activement à la révolte de Mai 68. A Strasbourg, en 1967, des étudiants libertaires diffusent une brochure qui synthétise la critique situationniste appliquée au milieu étudiant. Cette pensée originale devient particulièrement influente, notamment auprès des jeunes libertaires. Guy Debord publie également La société du spectacle en 1967. Raoul Vaneigem publie son Traité de savoir vivre à l’usage des jeunes générations qui insiste sur la subjectivité radicale et la créativité.

 

Les Enragés, proches des idées situationnistes, participent à l’agitation qui déclenche la révolte à Nanterre. Les situationnistes participent à l’occupation de la Sorbonne avant de créer le Comité pour le maintien des occupations (CMDO). Cette organisation conseilliste vise à coordonner et à radicaliser les luttes ouvrières dans la perspective d’une démocratie directe. Les situationnistes critiquent les appareils bureaucratiques et diffusent leurs affiches détournées. « Ce soir tout change. Des camarades du Comité pour le maintien des occupations vont venir me baiser violemment. Vu leur pratique, leurs théories doivent être vachement radicales », lance une pin-up de publicité.

 

Guy Debord ne se réduit pas à une pièce de musée. La démarche des situationnistes doit demeurer vivante. Ce mouvement se distingue des groupuscules gauchistes voire anarchistes qui se contentent d’asséner une idéologie poussiéreuse.

Les situationnistes ne se contentent pas de dénoncer les dérives économiques du capitalisme. Ils critiquent l’emprise du capital sur tous les aspects de la vie. La révolution sociale doit alors déboucher vers un changement qualitatif de l’existence.

Ensuite, les situationnistes refusent de se conformer à la routine militante, avec son esprit de sacrifice et son esthétique formatée. Guy Debord propose un rapport ludique à la politique révolutionnaire. Le détournement, la dérive, la créativité demeurent des armes révolutionnaires. Cette démarche permet d’expérimenter une vie passionante pour construire un monde qui repose sur le jeu et le plaisir. 

 

Source : Emmanuel Guy et Laurence Le Bras (dir.), Guy Debord. Un art de la guerre, Bibliothèque nationale de France / Gallimard, 2013

 

 

Articles liés :

Les situationnistes dans la lutte des classes

Critiquer l’art pour passionner la vie

Michèle Bernstein et la vie des situationnistes

Henri Lefebvre et le romantisme révolutionnaire

Les situationnistes aux États-Unis

L’après Mai 68 du jeune Olivier Assayas

Contre l’ennui militant

 

Pour aller plus loin :

Éric Brun, « L’avant-garde totale. La forme d’engagement de l’Internationale situationiste », Actes de la recherche en sciences sociales, 2009

Eric Brun, « L’internationalisation des avant-gardes littéraires et artistiques. Le cas de « l’Internationale situationniste » », Regards Sociologiques, n°37-38, 2009

Patrick Marcolini, « Héritiers situationnistes », Le Tigre, mars-avril 2009

Patrick Marcolini, « Le groupe Spur et le nouage esthético-politique aux origines de la révolte des étudiants allemands », Groupe de recherches matérialistes (GRM), 2009

Jean-Christophe Angaut, « Les situationnistes entre avant-garde artistique et avant-garde politique : art, politique et stratégie », Colloque international « Imaginer l’avant-garde », UQAM, laboratoire Figura, Montréal, Québec : Canada (2010)

tiré de http://zones-subversives.over-blog.com

« Ils croient que nous sommes faibles parce que nous sommes des femmes (…) Je suis un instrument de vengeance »

À Ciudad Juarez, « Diana », vengeresse anonyme, tue des chauffeurs d’autocar pour faire justice aux femmes violées

HuffPost Maghreb/AFP  |  Publication: 04/09/2013 10h36 CEST

ciudad juarez diana

MEXIQUE – Elle a signé « Diana, chasseuse de chauffeurs », et toute la police de la ville de Ciudad Juarez au Mexique est à ses trousses. « Diana » a revendiqué le meurtre de deux conducteurs d’autocar dans une note envoyée aux médias.

Les deux conducteurs ont été abattus d’une balle dans la tête la semaine dernière à Ciudad Juarez, ville connue pour avoir été le théâtre d’une vague de crimes sans précédent contre des femmes ces dernières décennies. Dans les deux cas, des témoins ont identifié le tueur comme étant une femme.

Les autorités judiciaires du Chihuahua avaient dans un premier temps suivi la piste d’une « vengeance ou d’un crime passionnel », a indiqué à l’AFP son porte-parole Arturo Sandoval.

Un message anonyme signé Diana

Mais samedi, plusieurs organes de presse de l’Etat ont reçu un message anonyme revendiquant ces deux assassinats signé par « Diana, chasseuse de chauffeurs ». Les conducteurs d’autocar ont souvent été visés par des accusations d’agressions sexuelles, notamment de femmes faisant des horaires de nuit dans les « maquiladoras », les manufactures américaines installées le long de la frontière.

« Mes camarades et moi avons souffert en silence, mais nous ne pouvons plus nous taire, nous avons été victimes des violences sexuelles de conducteurs qui assuraient les liaisons nocturnes des « maquilas » ici à Juarez, mais même si les gens connaissent notre souffrance, personne ne nous défend ni ne fait rien pour nous protéger », explique cette lettre.

« Ils croient que nous sommes faibles parce que nous sommes des femmes (…) Je suis un instrument de vengeance », ajoute le texte, prévenant de nouveaux assassinats à venir.

« Capitale mondiale du meurtre »

Selon Arturo Sandoval, les autorités ont dressé un portrait-robot de cette femme, qui selon des témoins serait une brune d’une cinquantaine d’années, mesurant environ 1,65 m et utilisant une perruque blonde. Des policiers en civil ont également été déployés sur les lignes d’autocar concernées et 12 cas de viols perpétrés par des conducteurs d’autobus sont actuellement étudiés par la police pour tenter d’établir si la suspecte fait partie des victimes.

A Ciudad Juarez, ville qui se trouve à la frontière avec les Etats-Unis, quelque 200.000 ouvrières travaillent jour et nuit, par roulement, dans les usines d’assemblage de produits manufacturés ensuite exportés vers les Etats-Unis ou le Canada.

Dans les années 1990 et au début des années 2000, cette municipalité voisine d’El Paso (Texas) avait été le théâtre d’une vague sans précédent de meurtres de femmes accompagnés de violences sexuelles. Cette situation, mêlée à la violence liée au trafic de drogue, avait valu à la ville le titre peu envié de capitale mondiale du meurtre. Entre 1993 et 2013 il y a eu plus de 700 meurtres de femmes, souvent précédés d’agressions sexuelles.

Depuis peu, dans la foulée du déploiement de l’armée dans la région, Cuidad Juarez a vu son taux d’homicide diminuer après un pic de plus de 3.000 meurtres en 2010.

Littérature et libération de la vie quotidienne

 

 
 
Une tradition de la littérature française, de réflexion ou de fiction, se penche sur la vie quotidienne pour en explorer les limites et les potentialités. 

 

La critique radicale de la vie quotidienne semble aujourd’hui délaissée. Pourtant, en France, il existe une longue tradition littéraire et intellectuelle d’exploration du quotidien. Le roman, la biographie, le journal, le récit et l’essai s’appuient sur l’expérience concrète. Le théâtre, le cinéma, la photographie et le reportage incorporent une subjectivité personnelle.

Michael Sheringham, universitaire britannique, se penche sur la réflexion de plusieurs écrivains français qui développent une critique de la vie quotidienne initiée par les avant-gardes artistiques. Ses écrivains observent les mutations de la société des années 1960-1970.

 

Maurice Blanchot écrit le texte « La parole quotidienne » en 1962. Il s’attache à « l’homme de la rue » imprévisible, avec ses réserves d’anarchie. L’écrivain évoque même « la secrète capacité destructrice » de l’individu du quotidien. La radicalité et le potentiel de destruction de l’ordre établi caractérisent la vie quotidienne. Surtout, cette expérience du vécu « manifeste le rapport que nous entretenons avec l’indétermination fondamentale des possibilités humaines », résume Michael Sheringham.

La routine du quotidien, qui s’oppose à l’imaginaire, semble péjorative et renvoie au vide d’une existence qui mérite à peine d’être vécue. « La quotidienneté est plus ou moins exclusivement associée à l’ennui, l’habitude, le commun, le banal, le trivial, le monotone, le routinier, l’inauthentique et l’ingrat », observe Michael Sheringham. Le jeune Marx dénonce également l’aliénation dans la vie quotidienne. La civilisation et le travail débouchent vers un appauvrissement de l’expérience humaine. La logique marchande débouche vers une artificialisation de la vie et le travail, avec son rythme routinier, fait du quotidien un synonyme d’ennui. L’industrie et la technique imposent une vie mécanique.

Mais Agnes Heller, intellectuelle hongroise, estime que c’est aussi dans le quotidien que peut s’affirmer un être authentique. La pratique et l’expérience vécue peuvent également alimenter la théorie. La vie quotidienne ne doit pas être dévalorisée car elle peut aussi permettre une véritable réalisation de soi.

 

Le roman réaliste, incarné par Balzac ou Dickens, décrit le quotidien avec précision. « La vie de tous les jours est minutieusement examinée, située, classée et évaluée », décrit Michael Sheringham. Mais cette démarche semble presque scientifique et extérieure aux romanciers et aux lecteurs. Walter Benjamin oppose le roman au conte. Le roman organise un univers qui semble extérieur à la réalité vécue. Le roman sépare « sens et vie » tandis que le conte repose souvent sur une astuce pratique.

L’essai articule la réflexion philosophique avec la description de l’expérience vécue. Pour Adorno, l’essai s’appuie sur l’expérimentation et la liberté. Perec estime que l’essai valorise le plaisir de la pensée et la recherche du bonheur.

 

 

 

 

Les surréalistes pour ré-enchanter la vie

Les surréalistes incarnent la critique de la vie quotidienne. Leurs textes s’attachent à une ouverture des possibilités d’existence pour permettre une libération du désir.

« Plutôt la vie », un poème de Breton, propose une vie réellement vécue. Comme Rimbaud, les surréalistes dénoncent l’artificialisation des relations humaines pour rechercher la « vraie vie ». Ses poètes rejettent tous les cloisonnements disciplinaires pour s’appuyer sur l’expérience du quotidien. « La pratique surréaliste, qui au départ n’est ni littéraire ni politique, opère au sein du quotidien, celui de la rue, du café, du salon de coiffure ; elle se joue dans la parole, le désir et le hasard », observe Michael Sheringham.

Les nouvelles possibilités d’existence doivent s’inventer à partir du quotidien actuel. Les surréalistes tentent de se libérer des contraintes et des conditionnements. L’amour, la vie, la rue permettent l’expérimentation. Le surréalisme ne prétend pas transcender la réalité. Au contraire, il apparaît comme « une volonté d’approfondissement du réel, de prise de conscience toujours plus nette en même temps que plus passionnée du monde sensible », décrit Breton. La flânerie, dans la rue, permet de se libérer des contraintes du temps et du travail pour expérimenter d’autres possibilités d’existence.

L’expérience sensorielle doit dévoiler le réel contre l’emprise de la logique et de la rationalité.

 

Pour les surréalistes, la photographie permet de révéler l’inconscient du désir contre l’étroitesse de la réalité. Breton décrit même l’écriture automatique comme « une véritable photographie de la pensée ». Max Ernst incarne cette démarche artistique. Mais, dans la revue La révolution surréaliste, les clichés d’Atget se contentent de reproduire des décors urbains et quotidiens. Le spectateur doit alors développer une autre perception du quotidien. Pour Walter Benjamin, « le spectateur ressent le besoin irrésistible de rechercher dans une telle image la plus petite étincelle de hasard, d’ici et maintenant ». La photographie envisage alors le quotidien non pas comme une routine étriquée mais comme un espace des possibles.

Les surréalistes insistent sur l’importance de ré-enchanter la vie quotidienne. Breton valorise la flânerie urbaine qui permet de s’ouvrir aux rencontres. Les romans comme Nadja ou L’amour fou décrivent des rencontres amoureuses au cours d‘une déambulation urbaine. « L’« errance », la « disponibilité », l’« attente » – ainsi qu’un sens du mystère et de l’évènement, de « ce qui arrive » – demeurent au cœur deL’amour fou comme de l’héritage légué par les surréalistes aux situationnistes et autres futurs explorateurs du quotidien », analyse Michael Sheringham. Larencontre amoureuse bouleverse le quotidien pour révéler la magie de l’existence.

 

 

 

 

 

Henri Lefebvre et les situationnistes

 

Henri Lefebvre renouvelle la critique de la vie quotidienne. Il rejette la littérature classique qui déprécie ou enchante le quotidien. Il se réfère plutôt à Marx. Il analyse l’aliénation avec la coupure de l’individu par rapport au concret. L’être humain est dépossédé de son existence, comme à travers le travail. Henri Lefebvre, en bon sociologue, observe les mœurs de la société moderne. Mais il ne réduit pas le quotidien à la grisaille et à une routine immuable condamnée à perdurer. La vie quotidienne fait aussi l’objet de transformations qualitatives. « Face à une approche purement quantitative, Lefebvre en appelle à une transformation dans la manière dont les hommes se considèrent eux-mêmes », résume Michael Sheringham.

Henri Lefebvre observe l’aliénation à travers les loisirs, qui semblent prolonger le travail. Le sociologue refuse le cloisonnement des multiples objets d’étude qui contribuent à morceler la réalité sociale. Il refuse la séparation entre les différentes activités humaines pour renouer avec Marx et son aspiration à l’homme total. Le quotidien devient donc un espace de réflexion et de transformation. « Et c’est dans la vie quotidienne que prend forme et se constitue l’ensemble de rapports qui fait l’humain – et de chaque être humain – un tout », souligne Henri Lefebvre.

 

Le sociologue s’inspirent des situationnistes qui considèrent que le désir s’oppose au conditionnement de la société de consommation. Le désir se distingue du besoin et peut donc échapper au consumérisme. Le quotidien apparaît comme un espace d’appropriation, entre contrainte et liberté. Le quotidien révèle l’aliénation mais peut aussi devenir un espace de créativité et de résistance. La spontanéité et le jeu doivent permettre de vivre pleinement.

Les situationnistes et Guy Debord se rapprochent d’Henri Lefebvre. La critique de la vie quotidienne devient le principal axe d’intervention de ce mouvement politique. Le dialogue avec les jeunes révolutionnaires alimente la pensée de l’universitaire. La ville devient un sujet de réflexion commun. Henri Lefebvre analyse l’espace urbain et son emprise sur le quotidien. Les situationnistes actualisent l’errance urbaine des surréalistes à travers la dérive. Michael Sheringham observe que « ce sont ces activités, qui appréhendent la ville comme un espace concret et non comme un objet abstrait, qui ont fournit le véritable socle permettant le rapprochement entre Lefebvre et Debord ».

Les situationnistes s’attachent à créer de nouvelles pratiques pour passionner la vie. Mais l’Internationale situationniste se cantonne ensuite, de manière moins originale, à la théorie révolutionnaire pour analyser les nouvelles formes d’aliénation et de contraintes sociales. Cette réflexion « n’accorde que peut d’importance à l’idée selon laquelle la vie quotidienne renfermerait en elle-même des énergies positives », souligne Michael Sheringham.

 

Avant de fonder l’Internationale situationniste, Debord et les jeunes lettristes estiment que la poésie réside « dans le pouvoir des êtres humains sur leurs aventures » pour permettre d’élaboration de « conduites absolument neuves ». Les jeunes situationnistes estiment que l’expérimentation créative et le jeu permettent d’inventer une nouvelle manière de vivre. « Nous avons à trouver des techniques concrètes pour bouleverser les ambiances de la vie quotidienne », résume alors Guy Debord. Le « Rapport sur la construction des situations » devient un texte de transition entre une avant-garde ludique et un groupe de théoriciens révolutionnaires.

La dérive s’appuie sur le jeu et le désir. Circuler dans la ville doit permettre de découvrir des ambiances nouvelles. Les situationnistes décrivent la dérive comme « un emploi unitaire de tous les moyens de bouleversement de la vie quotidienne ». La critique de la séparation doit supprimer les hiérarchies et les divisions pour sortir le spectateur de sa passivité. Debord dénonce également la colonisation du quotidien par la logique marchande, dans le travail comme dans les loisirs. « Il n’y a pas de liberté dans l’emploi du temps sans la possession des instruments modernes de construction de la vie quotidienne », tranche Debord. La révolution sociale doit s’accompagner d’une expérimentation de nouvelles possibilités d’existence. Les situationnistes dénoncent l’aliénation et le conditionnement d’ensemble qui doivent être combattus par la libération des désirs.

En 1961, Lefebvre invite Debord à intervenir dans son Groupe de recherche sur la vie quotidienne rattaché au CNRS. Debord refuse la notion de « groupe d’étude » car son objectif n’est pas d’étudier le quotidien mais de le changer. Les chercheurs abordent la vie quotidienne dans sa partialité, avec différents sujets d’étude, plutôt que dans sa globalité. « La vie quotidienne est mesure de tout ; de l’accomplissement ou plutôt du non-accomplissement des relations humaines ; de l’emploi du temps vécu ; des recherches de l’art ; de la politique révolutionnaire », écrit l’Internationale situationniste. La transformation de la vie quotidienne suppose donc de s’attaquer au capitalisme. L’Internationale situationniste propose une politique révolutionnaire à travers de « nouvelles pratiques quotidiennes ».

 

 

 

 

 

L’expérimentation du quotidien dans la modernité

 

Roland Barthes, inspiré par Lefebvre, insiste sur l’importance du quotidien. Pour lui, « la marque de l’utopie, c’est le quotidien ; ou encore, tout ce qui est quotidien est utopique : horaires, programmes de nourriture, projets de vêtements, installations mobilières, préceptes de conversation ou de communication ». L’auteur deMythologies ne se contente pas d’observer l’aliénation consumériste mais s’intéresse également aux possibilités du quotidien.

Roland Barthes apparaît comme l’écrivain du détail, du banal, de l’insignifiant, de l’objet, du fétiche. Il évoque le vêtement qui permet de développer sa singularité pour investir sa propre vie. « Réfléchir sur la mode consiste à s’interroger sur la manière dont nous pouvons passer d’une configuration de notre existence quotidienne à une autre », observe Michael Sheringham. Pour Lefebvre, la mode renvoie à la routine et à l’existence standardisée. La mode, loin d’être immuable, ne cesse d’évoluer pour se démarquer des générations antérieures estime au contraire Walter Benjamin. La mode peut renforcer le conformisme mais peut aussi être une source de plaisir ludique et de libération selon Barthes.

L’écrivain s’oppose à une approche fonctionnelle du quotidien qui insiste sur les contraintes et les déterminismes. Barthes évoque la ville et insiste sur le discours urbain. Il observe une dimension érotique de la ville qui échappe à l’emprise fonctionnelle de la planification des quartiers.

Roland Barthes s’intéresse à l’art de vivre. Comme les surréalistes, il estime que l’écriture ne se limite pas à l’écrit mais doit embrasser toute l’existence. Pour lui, « il y a des écritures de vie, et nous pouvons faire de certains moments de notre vie de véritables textes ».

Roland Barthes évoque le vivre ensemble et critique le mode de vie communautaire qui réprime les désirs individuels. « Le couple ou la famille bourgeoise comme la communauté monastique sont considérés par lui comme des tentatives de régulation et de contrôle », précise Michael Sheringham.

 

Michel de Certeau, dans L’invention du quotidien, développe une nouvelle approche. Il observe le consommateur qui, loin d’être passif et manipulé, manifeste une distance avec les objets consommés. Certeau insiste sur les pratiques qui échappent au déterminisme social pour créer des espaces de liberté. Il évoque les mécanismes de ruse qui permettent des interventions subversives dans l’appareil du contrôle disciplinaire.

La marche, la parole ou la lecture permettent de sortir de la passivité pour déboucher vers une créativité quotidienne. Certeau insiste donc sur les micro-résistances du quotidien.

Mais cette approche du quotidien peut dériver vers le postmodernisme. Maffesoli, sociologue minable qui incarne ce courant, fait l’apologie de la banalité du quotidien contre la continuité historique. Surtout, les petits plaisirs du quotidien permettent d’accepter l’ordre social. Le quotidien devient un refuge, un échappatoire pour mieux favoriser la résignation et la soumission. « La vision du quotidien chez Maffesoli est conservatrice, statique et an-historique, comme en atteste son intérêt pour le mythe, l’archétype, le rituel et le sacré », observe Michael Sheringham. Maffesoli refuse toute forme de changement social. Au contraire, Certeau estime que les résistances du quotidien peuvent déboucher vers de nouveaux horizons. « Tandis que, chez Certeau, le jeu sert à contester et à contourner l’ordre établi, il sert chez Maffesoli à le rendre vivable », résume Michael Sheringham.

 

L’écrivain Georges Perec s’inspire des réflexions de Roland Barthes et Henri Lefebvre pour explorer le quotidien. Dans le roman Les Choses, il s’appuie sur les magazines féminins pour décrire la société de consommation des années 1960. Les modes préfabriquées dictent les conduites des individus et façonnent leur manière de vivre.

Le livre Je me souviens renvoie à l’individuel et au collectif, au passé et au présent. Ce texte regroupe des souvenirs intimes et des descriptions impersonnelles pour décrire une expérience vécue, à la fois privée et partagée.

Perec observe également, parfois pendant plusieurs jours, un même lieu. Il note l’activité des passants, la circulation et tous les détails qui semblent insignifiants. Sa description révèle l’immersion des individus dans le quotidien.

Dans La vie mode d’emploi, Perec s’attache toujours à décrire la banalité du quotidien. Il évoque également le conflit entre les individus et les institutions, dont le rôle est toujours néfaste. La rationalité bureaucratique impose l’indifférence et la standardisation.

 

 

 

Face à la création actuelle

 

Avec le postmodernisme, le quotidien renvoie aux micro-résistances et aux révolutions minuscules. Au contraire, pour Henri Lefebvre, l’appropriation de la vie quotidienne passe par une transformation de la société. Mais, avec le postmodernisme, « l’invention du quotidien » doit permettre d’accepter la mascarade marchande. L’évocation de la vie quotidienne ne devient plus un enjeu de lutte et de réflexion critique. « La reconnaissance du quotidien constitua alors un aspect fondamental d’une transformation culturelle plus vaste, qui fit passer du primat des systèmes de structures à celui des pratiques et des manières d’être », analyse Michael Sheringham. L’universitaire se penche alors sur l’évocation du quotidien dans la littérature actuelle.

Des écrivains et chercheurs insistent sur la banalité et le rituel. Le quotidien permet d’intérioriser des normes sociales. L’anthropologue Marc Augé étudie le métro comme « un fait social total » pour observer le quotidien. Mais il occulte la subjectivité individuelle pour privilégier l’étude des règles sociales plus générales. « L’idée centrale seraient que les contraintes, limitations et régulations de la vie sociale n’annulent pas la liberté et l’individualité mais constituent un cadre où celles-ci évoluent », résume Michael Sheringham. Augé observe comment les usagers ordinaires peuvent résister à l’uniformité.

Annie Ernaux évoque le quotidien et la vie privée à travers les classes sociales et la culture populaire. Cet écrivain recherche également des signes littéraires dans le quotidien.

En dehors de la littérature, d’autres pratiques artistiques évoquent le quotidien. Le cinéma de Jean-Luc Godard s’attache à évoquer le cadre urbain. Le théâtre de Michel Vinaver explore la vie dans l’entreprise. Sophie Calle utilise des objets du quotidien dans ses créations plastiques.

« La question du bonheur, de la bonne conduite de la vie, a toujours été au cœur des écrits sur le quotidien – dans la mesure ou le discours sur le quotidien nous enjoint d’ordinaire à prêter attention à une dimension négligée de l’existence », observe Michael Sheringham. La vie quotidienne peut se construire comme une œuvre d’art et comprendre une dimension esthétique et sensualiste.

 

Cette étude universitaire de Michael Sheringham peut permettre de renouveller la pensée critique. Les gauchistes semblent désormais délaisser la critique de la vie quotidienne. Englués dans une routine militante, leur réflexion politique demeure idéologique. Au contraire, il semble important de relier la politique et la vie pour ne plus se contenter d’ânonner de vagues discours sur les dérives du capitalisme. La révolte politique peut également s’appuyer sur le désir de se réapproprier la vie quotidienne.

Ensuite, la critique radicale de la vie quotidienne se révèle également limitée. Il semble important de dénoncer la colonisation de la logique marchande sur tous les aspects de la vie. Les individus doivent se conformer à un mode de vie insipide et standardisé, rythmé par l’ennui. Mais, au-delà de ce constat, il semble important d’ouvrir également d’autres possibilités d’existence. Des espaces d’expérimentations ludiques doivent permettre de briser la routine du quotidien.

En revanche, la dérive alternativiste doit également être critiquée. Il ne faut pas se contenter d’un petit nid douillet gentillement aménagé par le capital. Surtout, les marges et les alternatives sombrent rapidemment dans la même routine et ne semblent pas permettre de vivre pleinement.

L’expérimentation de nouvelles possibilités d’existence doit donc affirmer une conflictualité avec le monde marchand. Les normes et les contraintes sociales doivent être directement attaquées. Comme l’affirment déjà les situationnistes et les surréalistes, il faut transformer le monde pour changer la vie. Seule une révolution sociale peut permettre de créer une nouvelle société qui repose sur le jeu et le plaisir pour rendre la vie passionnante.

 

Source : Michael Sheringham, Traversées du quotidien. Des surréalistes aux postmodernes (Traduction par Maryline Heck et Jeanne-Marie Hostiou), Presses universitaires de France (PUF), 2013

 

Articles liés : 

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Walter Benjamin, l’art et l’émancipation

Emancipation et sensibilité artistique

Réinventer l’amour pour passionner la vie

 

Pour aller plus loin :

Michael Sheringham, « Trajets quotidiens et récits délinquants« , revue Temps zéro n°1, 2007

Radio : François Noudelman, Le journal de la philosophie du 27 mai 2013 avec Michael Sheringham

Elisabeth Franck-Dumas, « Des saisons et des jours« , publié dans Libération le 25 avril 2013

Jean-Marie Durand, « Philosophes et écrivains nous aident à penser la banalité du quotidien« , publié dans Les Inrocks le 30 mai 2013

Yael, « Traversées du quotidien : Michael Sheringham revient sur la tradition de pensée de la vie quotidienne« , publié sur le site Toutelaculture.com le 30 juillet 2013

Philippe Simay, « Une autre ville pour une autre vie. Henri Lefebvre et les situationnistes« , revue Métropoles, 2008

tiré de http://zones-subversives.over-blog.com

CONCERT LE 7 SEPTEMBRE, AVEC LA RAKAI ANARCHIST PARTY!

 

 

Tremargat1

 

Crazy Youth

Crazy youth c’est un collectif de potes de Brest et d’ailleurs qui s’organise pour pouvoir organiser des concerts de divers genres musicaux . Mais c’est aussi la volonté de partager des idées, un mode de vie basé sur l’antirascime, l’antifascisme, l’antisexisme, L’anticapitalisme et le véganisme pour certain(e)s . C’est pourquoi nous nous efforçons de proposer des concerts en soutien à ces divers causes . Enfin nous proposons nos concerts à prix libre afin de rendre ces derniers accessibles a tous .http://crazyyouthbmo.blogspot.fr/

Le végétarisme vu par Marianne

Lundi, avant de prendre le train, on zonait dans la gare comme des moules quand soudain, Monsieur chéri me pointe du doigt une couverture affichée en vitrine du Relay. Le magazine Marianne titre, entre autres articles sur les arabes totalitaires (pas lu, mais pas envie de lire) : « Une nouvelle famille idéologique : les végétariens ».

Je lui ai volé 3 €, à Monsieur, pour pouvoir m’acheter la feuille de chou (car c’en est une) et lire ce qui se disait sur moi.

Oui parce que j’ai peut-être oublié de te le dire, à toi fan de mes aventures webiennes, mais voilà, depuis avril environ, j’ai décidé de devenir végétarienne. Je suis encore en transition, il m’arrive encore parfois de saliver devant un petit-four aux saucisses, et même de craquer… mais je suis résolue et depuis avril, nous n’avons pas acheté de viande. On en a profité pour arrêter également le lait de vache, car c’est caca, mais on a du mal avec le fromage, car c’est délicieux. Enfin bref, voilà donc trois mois environ que je change peu à peu mon alimentation, avec un Monsieur adorable qui me suit et que je respecte dans son cheminement, j’essaye de faire mes pâtisseries sans beurre, sans œuf, je demande à la boulangère si sa quiche est végétarienne ou pas (ce qui m’a fait goûter une quiche tomate-asperge délicieuse, du coup, en lieu et place de la provençale omnivore)… j’en suis au tout début, mais grâce à des connaissances et des amis végéta*iens aussi, je sais que je suis sur la bonne route et je ne regrette jamais.

En gros, pour comprendre comment je fonctionne, sache que je n’ai jamais aimé la viande, sanguinolente dans l’assiette, avec nerfs, bouts de gras et os apparents. (et je n’ai jamais aimé le poisson non plus) Les seuls trucs que j’acceptais d’avaler, c’était la viande transformée et donc méconnaissable : les steaks hachés, les saucisses knacki, les lardons… mais tout ce qui s’approchait un d’un peu trop près d’un morceau de chair animale, c’était niet. J’ai très tôt vu dans une entrecôte un morceau de cadavre. Donc maintenant, ben je ne me force tout bonnement plus à manger des beefsteaks ou des tournedos, et quand par hasard j’ai envie de poulet ou de lardons, je pense à l’animal mort avant. Et ça passe. Tout simplement.

Voilà pour mon parcours. Ce billet n’a pas pour vocation de convertir, je ne fais pas du prosélytisme. Je suis sûre de moi, de ce que je fais, et de pourquoi je le fais : je n’ai pas besoin de me justifier, ni d’entrer dans un débat. Je vais critiquer en long en large et en travers cet article de Marianne, parce qu’il dit un nombre insurmontable de bêtises en seulement 6 pages, et parce que j’en ai assez que les végétariens soient considérés comme des rabat-joie grisâtres et chiants. Sache, lecteur, que tous ceux que je connais sont adorables, heureux de vivre, bien dans leurs baskets… et ce, parfois, depuis qu’ils sont végétariens. Comme quoi…

Je parlerai de « viande », mais cela inclut aussi pour moi le poisson, c’est plus simple que « chair animale » et moins long que « viande et poisson ».

 

« Toujours ultraminoritaires, les végétariens de France »…

Oui, les végétariens sont minoritaires en France… mais refuser de manger de la viande, ce n’est pas nouveau. Dans un pays où la barbaque est une véritable culture, où les chasseurs représentent 3% de la population (à peu près la même proportion que les végés, pour info), mais où le lobby chasseur a un vrai poids sur la politique, dans un pays où un plat ne se conçoit pas sans une pièce de boucher, évidemment que le végétarisme est minoritaire. Mais à l’échelle mondiale, il y a bien plus de végétariens (ou du moins de gens qui ne mangent presque pas de viande) que de gens qui suivent le modèle occidental… Il n’y a qu’à voir les Indiens : 40% d’entre eux sont hindous, et les hindous ne mangent pas de viande, pour une question de religion. Les indiens sont plus d’un milliard. Il y a près de 500 millions de végétariens ne serait-ce qu’en Inde. Alors qu’on ne vienne pas me dire qu’être végétarien, c’est être marginal.

Panna-cotta noix de coco-cerise, par Payette Cuisine

Il faut aussi arrêter de dire que c’est « une réflexion balbutiante ».

Des végétariens, il y en a depuis la nuit des temps. Plutarque, Socrate, Pythagore… De Vinci, Lamartine… à travers les âges, des hommes ont regardé la vérité en face :

« Jamais je ne consentirais à sacrifier au corps humain la vie d’un agneau. J’estime que, moins une créature peut se défendre, plus elle a droit à la protection de l’homme contre la cruauté humaine. », disait Gandhi.

« Ce sera un grand progrès dans l’évolution de la race humaine quand nous mangerons des fruits et que les carnivores disparaîtront de la Terre. Tout sera faisable sur cette Terre à partir du moment où nous viendrons à bout des repas de viande et des guerres. », a dit George Sand.

On peut être végétarien pour des tonnes de raisons différentes : par goût (comme moi), pour être en meilleure santé, pour préserver la planète, par égard pour les animaux, pour perdre du poids… toutes ces raisons finissent à un moment par se télescoper, parce que devenir végé, c’est ouvrir une autre fenêtre de sensibilité : j’ai commencé à m’y intéresser parce que je n’aimais pas la viande. Puis je me suis dit que de toute façon, vu le taux de cholestérol, les soucis d’ostéoporose, les cancers qui explosent depuis la « démocratisation » de la viande, je n’avais qu’à y gagner, pour moi. Très égoïste, au départ, non ? Et maintenant, je pense à la couche d’ozone, au réchauffement climatique, tout ça, c’est en grande majorité dû aux élevages intensifs destinés à la consommation de chair animale. Et puis encore après, j’ai pensé aux animaux.

Je ne suis pas une fervente amoureuse des animaux.

Ils finissent tous par me soûler un jour ou l’autre.

Mais je ne suis pas une fervente amoureuse des hommes non plus, idem : la race humaine et sa bêtise me gave. Est-ce que pour autant je m’autorise à tuer des hommes ? Non. Dois-je donc m’autoriser à tuer des animaux ? Non plus. Ce fut mon raisonnement.

Tout ça pour dire que je ne pense pas qu’un végétarien décide de le devenir parce que c’est une « mode », une « vogue ». Ou alors, il ne le restera pas, et on pourra dire alors qu’il n’a jamais été végétarien. Comme pour bien d’autres choses (je pense notamment à l’allaitement dit « long » ou « prolongé », ou l’éducation bienveillante), devenir végé, c’est un choix fait en conscience, avec information et renseignements derrière. Ce n’est pas une lubie d’adolescente écervelée.

Tartelettes au chocolat vegan, par Payette Cuisine

Toujours ultraminoritaires donc, les végétariens « se persuadent qu’ils forment l’avant-garde d’une société » omnivore. Je vais être super pointilleuse sur la sémantique de cet article parce que l’auteur, à défaut d’être un bon journaliste, c’est-à-dire un minimum objectif et pas complètement biaisé, est plutôt doué avec les mots. Comme si c’était ridicule, et sans fondement. La suite du paragraphe (ce n’est que le premier hein) :

« Il faut les voir, dans leur fief du Marais, s’enivrer d’une soupe de panais, qu’il savent distinguer du persil tubéreux, s’encanailler d’un burger lentilles-épeautre et piocher dans un cheese-cake au lait d’amande avec une fourchette en amidon biodégradable. Et dans le regard, une étincelle de supériorité morale. »

What the effing fuck?

Mais quel genre de végétariens tu fréquentes, Daniel Bernard ? Quel genre de personnage es-tu pour généraliser et caricaturer de la sorte ? Je ne sais même pas ce qu’est une fourchette en amidon biodégradable. (ah si, maintenant je sais)

« Le prix des mets est généralement inversement proportionnel à la taille de l’assiette, mais cela soulage la conscience autant que le porte-monnaie. »

C’est rigolo, qu’on tourne en ridicule un restaurant apparemment gastronomique mais surtout végétarien, quand les mêmes assiettes peu remplies sont glorifiées et recherchées, pourvu qu’elles contiennent du carré d’agneau ou de la saint-jacques. C’est inadmissible, qu’on assimile la conscience végétarienne à une affaire de gros sous, je paye donc je suis tranquille. Si c’était ça, je ne serais pas du tout tranquille puisque depuis avril, je fais économie sur économie.

Sache également, lecteur ignorant, que le végétarisme, c’est « privation, abstinence et substitution ».Quid alors de mes burgers végétariens totalement décadents ? Quid de mes poêlées de légumes avec mon riz à l’indienne digne d’un restaurant ? Et de ma pâte à crêpe végétalienne ? Je ne me prive jamais. Je ne m’abstiens jamais. Je ne substitue jamais.

D’ailleurs il faudrait arrêter de taxer les végés de bouffeurs de soja, ou de « phalanges du tofu » ( ??) à tout bout de champs… le soja, le tofu, c’est utile, mais c’est pas non plus la panacée, c’est pas super goûteux, alors ça fait très bien substitut de viande hachée dans une bolognese, mais jamais de la vie j’en fais mon aliment principal. Et qui dit « plus de viande » ne dit pas forcément « plein de substituts pour survivre sinon ouhlala », ce qui voudrait dire qu’on ne peut pas vivre sans viande ou sans simili-carnés, ce qui est faux. Je mange (nous mangeons) essentiellement des légumes, des lentilles, des haricots secs ou des pois, et on s’en sort très bien, merci.

« Egoïste ou ignorant, le carnivore perce la couche d’ozone, abat la forêt amazonienne, empoisonne les eaux et rivières de Bretagne. » Ben oui, désolée mon Daniel, mais c’est le cas. Tout ce que tu cites, là, c’est vrai. Manger de la viande, c’est faire marcher l’industrie de l’élevage intensif, et oui, ça a des conséquences catastrophiques sur l’écosystème. Après, que tu sois égoïste ou ignorant, c’est ton problème. Mais ne fais pas comme si c’était faux, s’il te plaît. Quant à « l’injonction [qui] surgit sur un mode culpabilisateur », arrêtons d’amalgamer. Entre le mode informatif et le mode accusatif, il y a un monde. Il existe des végétariens culpabilisateurs. Tout comme il existe des parents culpabilisateurs, des allaitantes culpabilisatrices, des sportifs culpabilisateurs, des non-fumeurs culpabilisateurs, des gens culpabilisateurs en général. Mais la plupart sont surtout informatifs : soucieux de voir le monde changer, et dans le bon sens s’il te plaît, les  végétariens (et j’en suis), informent : on leur pose des questions, et ils répondent.

En disant la vérité.

Maintenant, si la vérité te dérange, c’est sur toi qu’il faut te pencher, pas sur l’information reçue.

Quand j’ai été dérangée par ma belle-sœur, qui me parlait de la souffrance des canards et des oies à foie gras (j’adore le foie gras), je ne me suis pas dit, « quelle rabat-joie, elle dit n’importe quoi cette connasse ». Je me suis dit : « quelle rabat-joie… (oui, je l’avoue, j’aime trop le foie gras) mais pourquoi dit-elle ça ? », et je suis allée voir de quoi il retournait. (j’ai mis un peu de temps, mais je l’ai fait) Et effectivement, la souffrance des canards et des oies à foie gras est innommable, et c’est pas pour rien que dans beaucoup de pays, la production de foie gras est interdite car considérée comme un acte de barbarisme. Oui, quand même.

Donc j’ai arrêté de manger du foie gras.

Je ne suis pas allée la pourrir parce qu’elle me dérangeait, je me suis demandé pourquoi j’étais dérangée. Et ça m’a fait changer, évoluer.

Canellonis à la bolo, par Payette Cuisine

« Quel point commun entre un écolo mondain portant une écharpe de coton Agnès b. et un adepte austère du régime macrobiotique portant une écharpe de coton, dénichée chez Altermundi ? »

… je reste sans voix, mais attends ça continue :

« Ils consultent les mêmes sites sur la Toile, errent dans les mêmes supérettes bio et ressentent la même perplexité au moment de choisir entre tofu soyeux, tofu fumé, tofu poilu ou tofu ferme. »

Alors déjà, un adepte du tofu sait que chaque tofu a son utilité, donc il n’est pas perplexe devant le choix des différentes sortes de tofu et sait choisir rapidement en fonction de ce qu’il souhaite cuisiner. Déjà. Mais ensuite, pardon mais pourquoi ?!

Quel rapport, quel p*tain de rapport entre le végétarisme et les personnages apparemment détestables que tu nous peins, Daniel ? Pourquoi un végé devrait-il absolument être arrogant, bobo, pète-sec, bref : imbuvable ?! Tu es frustré de l’assiette ou quoi ? Tu as essayé d’allonger une végane (elle étaitsexy) et elle t’a répondu « non, tu manges de la viande, sale sale » ? C’est quoi ton problème ?

Encore deux versions du végétarien : « Moine bouddhiste aux yeux creusés, fashionista filiforme à l’affût du dernier régime New Age, même combat ! »

Et toi, c’est quoi ton combat ?

Je reste sans voix devant des portraits aussi grossiers et aussi éloignés de la réalité, vraiment. Il n’existe donc pas, aux yeux de Daniel Bernard, de végétariens normaux. Qui s’habillent en jean et en T-shirt, qui aiment traîner en jogging devant la télé le week-end, qui cuisinent normalement (la macrobiotique pardon mais c’est pas tout le monde qui kiffe hein) et SURTOUT, qui sont agréables à vivre.

Bien.

Je ne dois connaître que des faux végétariens alors.

Crotte.

« Tournés vers leur tube digestif » (dixit un mec qui va critiquer le tube digestif des autres, c’est gonflé quand même) « les végétariens français n’ont pas l’âme révolutionnaire. Au contraire, pointe encore souvent dans leur propos une fierté de nager à contre-courant, qui disparaîtrait si par extraordinaire, leur pratique faisait école. »

Mais va bien gentiment te faire cuire un œuf de bœuf, Daniel !

Je vois toutes mes copinautes véganes militantes pour la cause animale se lever d’un bond et aller préparer une manifestation, et je vois toutes mes connaissances végétariennes qui, comme moi, pensent que rien que le fait d’être végétarien, c’est un acte militant et résolument révolutionnaire, se taper la tête contre un mur.

Nous sommes donc, mes amis, une grosse peuplade d’égoïstes m’as-tu-vu dont le seul intérêt (ou pas loin), est de se pavaner en disant « moi je suis végé et pas toi, nana nana nèreuh ! », et même qu’on serait prêt à pleurer s’il y en avait plus (+) autour de nous, parce qu’on ne serait plus les seuls, on ne serait plus « spéciaux ».

Et de rajouter une citation bien convenable : « on est tous le narcissique de quelqu’un. » Laisse-moi vomir je reviens.

C’est exactement le contraire, espèce de niouk. Sinon on ne tenterait pas de convaincre le monde entier, on ne danserait pas la danse de la joie à chaque fois qu’une nouvelle recrue rejoint nos rangs, et on ne serait pas aussi déçus quand notre entourage montre de l’intolérance envers nos convictions. Mais Daniel est trop cohérent, du coup après il demande « Être ou ne pas être prosélyte ? ».

Et il s’emploie à lister les préoccupations « communes » des végétariens : « Les hypocondriaques prônant l’ascétisme prolongent leur réflexion et s’inquiètent de la survie de l’espèce humaine. Les bobos urbains […] s’enquièrent de la fordisation des élevages et de la prolétarisation des éleveurs ».

Quid (j’adore dire quid) là encore des animaux ? C’est quand même la préoccupation number ouane des végétariens occidentaux, à la base, en fait. Mais non, notre brillant journaliste est tropanthropocentré pour y penser, pardon.

Brioche sans oeufs, sans beurre, par Payette Cuisine

Entre deux, on .a droit à un super encart :

« Le végétarisme est-il un stalinisme ? »

Je t’autorise à tenter de t’ouvrir les veines avec un poireau, ami lecteur. « [Les végétariens] ont […] un cerveau pour (re)penser la planète. Hélas, comme les marxistes, ils croient savoir ce qui est bon pour l’humanité. » Merci pour le génial amalgame marxisme-stalinisme, déjà, et merci pour ce « Hélas » qui me donne envie de tuer des chatons (le comble !), merci, vraiment. Nous sommes, nous, végés,minoritaires, complotistes (on confond science et lobbie ! t’imagines la loose ?), castastrophistes et messianiques.

Rien que ça.

Heureusement, Aymeric Caron est là ! Auteur de No Steak, le chroniqueur rencontre apparemment un succès fou avec son livre. (j’ai dû faire 3 librairies pour dénicher ce qui était le dernier exemplaire, à offrir à ma meilleure amie… du jamais vu) Selon Daniel Bernard, Aymeric Caron pourrait être le porte-parole d’une mouvance (la mouvance végétarienne ? mais laisse-moi rire), parce qu’il a une « belle gueule, vue à la télé ».

Rien à voir avec le fait que son discours est accessible, cohérent et bien pensé. Non. Il est bégé, donc tout va bien. Merci pour cette analyse d’une profondeur abyssale. « Trop cool, jamais ce mec ne dit explicitement : N’en mangez plus ! » – eh non, mais si tu avais lu le livre, journaleux moisi, tu saurais que ce qu’il dit est encore plus dingue… il dit quand même : « Que vous le vouliez ou non, vous n’en mangerez plus ! », ce qui selon moi est bien plus choc, voire choquant.

Mais bon, je doute que Dany sache de quoi parle No Steak, ou alors il a une manière bien à lui de le montrer. (Je l’appelle Dany car on n’est plus à une méprise près) D’ailleurs, il le qualifie de « terrine roborative d’arguments disparates », ce qui est tout à fait approprié à un livre divisé en 8 chapitres on ne peut plus clairs. Je n’appelle pas ça « disparate ». On verra plus tard que le sens du mot « roboratif » n’est pas non plus forcément universel.

Entre deux, un petit encart qui dit sobrement, mais en très très gros : « Il s’agit non pas de supprimer la viande, mais de lui rendre la place qu’elle occupait dans la nourriture traditionnelle […] : celle d’un condiment. » (Alain Lipietz, Green Deal), comme pour bien souligner que l’idée d’un végétarisme pur et simple est une illusion, et que c’est bien plus raisonnable de manger de la viande en petites quantités. Pauvres fous que nous sommes.

Salade de pommes de terre, par Payette Cuisine

« Honte au ringard qui n’a pas son ami végétarien ! » On entendait les mêmes âneries il y a quelques années à propos des homosexuels, rappelez-vous : c’était in d’avoir un meilleur ami gay. Le même principe s’applique ici, et d’une manière générale tout l’article est teinté de ce qui s’appelle la végéphobie. Eh oui, brave gens, on peut recevoir tout autant de haine, de moquerie, et de ridicule, en décidant de supprimer la viande de notre régime alimentaire, qu’en étant gay ou noir.

D’ailleurs, Ellen DeGeneres, qui « cumule » l’homosexualité au veganisme, l’a dit elle-même : c’est parfois plus difficile d’être végane que d’être lesbienne… voilà où on en est aujourd’hui.

L’article se finit sur une confusion à n’y rien comprendre, à base de ouiii, en devenant végé, on va « endiguer le péril asiatique », quel est-il et pourquoi, je n’en sais rien, mais en tout cas « pratiquement, certains consommateurs désargentés y trouvent l’habillage conceptuel qui les console de devoir se rabattre sur des aliments moins onéreux que la viande ». Sûr que c’est la motivation principale pour se proclamer « végétarien », évidemment.

« La liberté apparemment souveraine du végétarien apparaît comme l’acquiescement à un choix hautement contraint. »

Et là, Monsieur mon amour : « Ah ouais, tiens, je me sens vachement contraint, connard. » Dans mes bras.

Le végétarien ne le devient pas non plus dans l’espoir qu’un jour les pauvres mangent autre chose que du minerai de bœuf, et que l’entrecôte se démocratise, Dany. Je t’assure. Le végétarien le devient dans l’espoir qu’un jour le monde entier comprendra que se sustenter dans le meurtre et le sang, c’est contre-nature. C’est tout.

Napolitain cruelty-free, par Payette Cuisine

A côté de ça, il y 4 portraits de « vrais » végétariens rencontrés sur le terrain : une blogueuse (Smooth), un éditeur, qui a rencontré la très cool Mlle Pigut (le veinard), et qui a fait traduire deux bouquins en relation avec le péril viandesque, mais ce sont des « pavés roboratifs, qui posés sur l’étagère, culpabilisent tels un crucifix au dessus du lit ». Bien bien. On trouve ensuite un restaurateur, et enfin, pour bien finir, l’illuminée de la bande, naturopathe, qui fait payer des repas 60 € pour trouver un sens à votre vie, totalement décrédibilisée et décrédibilisante. Enfin, ce n’est pas ce que moi, j’en pense, mais c’est ainsi que nous le dépeint Dany, tel un La Bruyère fané. (notez le retour du mot « roboratif », je vois toujours pas ce qu’il vient faire là)

Merci, Marianne, merci.

Merci de m’avoir donné une occasion de m’exprimer sur le végétarisme, merci d’être super cohérents en taxant les végétariens de complotistes qui confondent science et lobbies sur une page, et en tempêtant contre ces mêmes lobbies sur la page suivante… (« Quand les politiques se penchent sur nos assiettes », pp 32-33)

Merci de donner une si belle image de la grande famille des végétariens. Merci de prouver que franchement, 3€ pour un tel torchon, j’aurais dû m’en passer.

Je finirai sur cette citation de Plutarque :

« Si tu veux t’obstiner à soutenir que la nature t’a fait pour manger telle viande, tue-la donc toi-même le premier, je dis toi-même, sans user de couperet ni de couteau ni de cognée, mais comme font les loups, les ours et les lions qui, à mesure qu’ils mangent, tuent la bête aussi toi, tue-moi un boeuf à force de le mordre à belles dents, ou de la bouche un sanglier, déchire-moi un agneau ou un lièvre à belles griffes, et mange-le encore tout vif, ainsi que font ces bêtes -là. »

Et pour tous ceux que le végétarisme intéresse, je recommande chaudement la lecture de No Steak, d’Aymeric Caron, donc, ou bien le groupe Facebook « Happy veggies », duquel je fais partie et qui metune grosse claque aux préjugés sur les végétariens, ces bobos arrogants et moralisateurs.

(Le Nouveau Marianne n°845 du 29 juin 2013, pp 26-31,
disponible en lecture ici, avec mes annotations de folle furieuse qui prépare ses articles)

crédit photo : © Insolente veggie, © Payette Cuisine (un énorme merci à elle)

http://unejeuneidiote.com

Si on ne veut pas « mourir à trente ans »…

so-en-marche-webUn article du site de la commission antifasciste du NPA (et oui…), qui revient sur la spectaculaire manifestation antifasciste du 21 juin 1973 qui a débouché sur une centaine de flics blessés, un meeting fasciste assiégé, puis la dissolution de la Ligue Communiste et d’Ordre Nouveau. Parce qu’à l’époque, ils savaient y faire! Cet évènement majeur des années 70 avait déjà été évoqué ici; un récit « de l’intérieur » est donc toujours intéressant pour compléter. Et puis, si ça peut faire réfléchir les modérés…

Raymond Marcellin, le ministre de l’intérieur, dit Raymond la matraque était à l’offensive contre tout le mouvement social issu de mai 1968. Répression tout azimuth, lois anti casseurs, lois anti immigrés, il mettait en place un dispositif juridique répressif pour contenir les mobilisations. Et il encourageait sans vergogne les forces d’extrêmes droites, le GUD, Ordre Nouveau. En 68, le pouvoir avait eu une grande peur , il cognait pour se prémunir d’une nouvelle irruption de la jeunesse, de la classe ouvrière.

Il s’était déjà tenu un meeting de l’extrême droite à la porte de Versailles en 1971 qui avait donné lieu à une contre manifestation spectaculaire. La police avait déjà protégé le meeting qui, sans cela, n’aurait pu se tenir.

L’annonce de ce meeting de l’extrême droite, à la Mutualité, en plein Paris, en plein quartier latin, « contre l’immigration sauvage », a été perçu largement comme insupportable et la décision de la contre manifestation a été vite prise.

Nous avions amené le matériel sur les lieux de la manifestation dans la semaine qui a précédé. Des caisses de chantier avaient été confectionnées, en bois, peintes en gris, 1,5×0,5×0,5 m, avec des logos d’entreprises du bâtiment. Remplies de barres de fer et de cocks, cadenassées, elles ont été déposées aux carrefours de regroupement de la manifestation, qui étaient entre les Gobelins et Censier-Daubenton. La livraison en camionnette de location, s’est faite dans les jours précédents (3 ou 4 jours), en milieu de journée. Nous étions en tenue de travail. Les groupes de service d’ordre sont donc venus les mains vides sur place, avec seulement les casques. Pour l’anecdote une caisse n’a pas été utilisée lors du regroupement (je ne me souviens plus pourquoi). Nous ne l’avons jamais récupérée mais on l’a surveillée pendant un ou deux mois ensuite jusqu’à ce qu’elle disparaisse…

Tant qu’il le faudra! – Suite en lien

[Égypte] L’armée n’a jamais quitté le pouvoir et les Frères ont collaboré avec l’armée, qui aujourd’hui les rappelle à l’ordre…

ÉGYPTE (un dernier point nécessaire) – L’ARMÉE N’A JAMAIS QUITTÉ LE POUVOIR ET LES FRÈRES ONT COLLABORÉ AVEC L’ARMÉE, QUI AUJOURD’HUI LES RAPPELLENT À L’ORDRE, MEME SI CELA FAIT DU MAL À CERTAINS – ÉDITO CHRONIQUE – (…) La Chronique remet les points sur les I en 7 choses à se rappeler !

1) L’armée n’a pas cédé le pouvoir en juin 2012. Le Conseil Suprême des Forces Armées (SCAF en anglais) ne s’est jamais dissous et est ainsi devenue une institution parallèle toujours ausi puissante et dominante.

2) Les généraux n’ont jamais perdu le pouvoir en juin 2012 : le départ à la retraite du maréchal Tantawi était prévu de longue date. Mohamed Morsi (et l’armée) ont fait une mise en scène sur son possible départ forcé… Que la Chronique n’a jamais cru. Les autres généraux sont toujours et ont toujours été les maîtres du pays, via le Conseil.

3) Les Frères Musulmans ont collaboré avec l’armée dès l’époque de Moubarak, quand celui-ci a débuté un desserrage de boulon dans les années 2000, permettant l’entrée des Frères au parlement (ne pas l’oublier… même s’il y a eu la reprise de la répression à la fin des années 2000, période durant laquelle les Frères continuaient à siéger…). Ne pas oublier les accolades et rires entre Mohamed Badie des Frères Musulmans, qui siégeait alors, et les cadres du PND de Moubarak…

4) Les Frères Musulmans ont appelé l’armée en janvier 2011 : fait oublié, ce sont les Frères Musulmans… qui ont appelé l’armée à prendre de facto le pouvoir le 31 janvier 2011 dans une déclaration officielle ! Plus important, c’est Mohamed Morsi qui menait les négociations entre les cadres des Frères et… les cadres du régime d’Hosni Moubarak, dont Omar Suleiman !

5) Les Frères Musulmans ont soutenu la sanglante répression par le Conseil des Armées d’octobre-novembre 2011 contre les salafis, les laïcs et les indépendants de l’Islam politique.

6) Les généraux ont obtenu de Mohamed Morsi et des cadres des Frères Musulmans une Constitution où leurs pouvoirs ont été… RENFORCÉS ! Ne jamais l’oublier : les généraux, en plus de leur Conseil tout puissant, ont vu leurs pouvoirs agrandis avec la nouvelle Constitution de 2013 (arrestations arbitraires, détentions, etc…).

7) Les généraux se sont vu offrir par Mohamed Morsi et les Frères Musulmans la domination sur la politique étrangère, la défense et même le ministère de l’Intérieur. De même qu’ils conservent le contrôle de 60 % de l’économie du pays. Chose non remise en cause par les cadres des Frères Musulmans !

L’armée ne fait donc pas de coup d’État, puisqu’elle est au pouvoir ! Les Frères Musulmans n’étant que leurs supplétifs temporaires. Les généraux veulent juste une évolution des choses : non pour l’Égypte, non pour les laïcs, mais pour, encore une fois, sauvegarder leur pouvoir ! Un pouvoir si bien défendu, préservé et même renforcé… par les Frères Musulmans !

Chronique du printemps arabe sur Facebook, 2 juillet 2013

Antisionisme : quand l’extrême-gauche se fait (encore) piéger par l’extrême-droite.

Drapeau d'IsraelCet article traite de ce que certains qualifieraient de détail, mais qui reflète une situation devenue tristement courante. Car force est de constater que la mouvance dite conspirationistegagne du terrain depuis des années notamment chez la gauche, usant de subterfuges parfois bien ficelés pour parvenir à ses fins. Aujourd’hui c’est une simple petite photographie partagée sur les réseaux sociaux qui a mis le feu aux poudres chez moi, reflet d’un constat amer ancien et encore bien vivace. Ou quand l’illustration d’un exemple d’une dure réalité saute aux yeux, où mes plus proches camarades alternatifs et antifascistes servent (malgré eux) la soupe à l’extrême-droite.

Hier soir, je tombe sur une énième photographie partagée par de nombreux contacts y compris chez mes camarades les plus progressistes et éclairés. Tout le monde acclame unanimement en légende et commentaires ces Juifs antisionistes, et moi-même à première vue j’en suis heureux. Sauf que personne ne se demande pourquoi cette position et qui sont finalement ces gens, et c’est à partir de ces interrogations que le panneau pris dans la gueule apparait. Ces manifestants font très distinctement partie de la communauté ultra-orthodoxe, c’est-à-dire des intégristes. Ceux-là même qui par exemple se rassemblaient et crachaient (au sens propre) sur les petites filles israéliennes car elles osaient aller à l’école primaire en « tenue incorrecte » (c’est-à-dire en jupes) et ce devant les établissements [le Figarole MondeFrance 24…, 28 décembre 2011], ou caillassent de temps en temps les voitures qui roulent pendant le Shabbat en plein Jérusalem – pour les extrémistes il est interdit d’utiliser un véhicule ce jour là – [le Figaro, 20 août 2007] et font parler d’eux à de nombreuses autres occasions. Ce sont aussi la plupart de ces idiots qui se retrouvent en France dans les spectacles de Dieudonné à l’acclamer dans son rejet antisémite, un amour réciproque surprenant mais qui prend racine dans une lutte commune.

Antisionistes Juifs

La photographie en question, vraisemblablement aux États-Unis (contexte et date exactes inconnus).

Car ils vomissent le sionismepuisque pour eux tant que le Messie n’est pas revenu, reprendre la Terre sacrée est blasphème ; une idéologie parmi un dogme complet, mais dont les autres points sont d’un obscurantisme délirant les poussant aux atrocités susmentionnées. Un pseudo-amour de Dieu et de la liturgie la plus effrénée si forts que les bouffonneries de l’humoriste tragique et autressoraleries deviennent donc un fer de lance, servant également l’autre côté sur un plateau d’argent pouvant ainsi se dédouaner en apparence de ses démons car s’illustrant désormais avec des fidèles [Michel Briganti, la galaxie Dieudonné]. Traquenard qui fonctionne potentiellement, car une fois l’amitié gagnée sur ces ultra-orthodoxes contre Israël, de fil en aiguille les accointances de ceux-ci avec le milieu conspi sonne pour certains comme la preuve d’une moralité irréprochable. Bien que la réalité soit donc toute autre, la dérive est pourtant déjà constatée chez une part non-négligeable des (anciens) adhérents de la gauche devenus ce que l’on nomme des « rouges-bruns. »

Alors chouette, des gens à la kippa défilent contre la politique actuellement menée ayant en effet comme base ce nationalisme religieux à la sauce meurtrière (qui n’est au passage bien sur pas soutenu par l’ensemble des israéliens, des Juifs, et même des sionistes), mais pour prôner à la place une société parmi les pires fondamentalismes main dans la main avec les cryptofafs les plus ignobles. Ce que l’on croit gagner avec cette photographie, on le perd d’autant plus cruellement quand on prend la peine d’y réfléchir vraiment. Il faut en effet faire attention, un simple cliché orienté ne suffira jamais à tirer des enseignements et peut au contraire nous piéger en beauté ; c’est pour cela qu’il faut se fier à son seul instinct pour l’analyse de faits mêmes présentés (dans ce cas naïvement) par des amis antifascistes. Et oui, il y’a tout cela dans une diffusion à priori banale. Les masques tombés, ce que certains ont cru être des alliés solides trouvant grâce par un machiavélisme sordide, se transforment en une des formes de fascisme qu’ils ont toujours objecté mais n’apparaissant pas comme tel. Lumière est désormais à présent faite, j’espère que chacun en tirera les conclusions qui s’imposent.

Bien que je sois moi aussi un fervent opposant au sionisme, je n’approuverais jamais ni les intégristes ni les antisémites quels qu’ils soient. Les ennemis de nos ennemis ne sont en effet pas forcément nos amis. Car si ce combat d’apparence noble se retrouve dans leurs programmes, il ne faut toutefois pas oublier que derrière se cache également tout un délire de haine incompatible avec nos idéaux d’amour et de liberté que nous nous acharnons à semer dans ce monde déjà gangrainé par tant de vermines. Encore combien de temps des personnages comme Alain Soral avec Égalité et Réconciliation, Thierry Meyssan avec le Réseau voltaire, François d’Asselineau avec l’Union populaire républicaine, Jacques Cheminade avec Solidarité et Progrès, Etienne Chouard, Michel Collon, le Cercle des Volontaires, le projet Apache, et j’en passe pas mal, ou de pages déclarant lutter contre les Illuminatis, le Nouvel ordre mondial, la désinformation, ou soutenant feux Mouammar Kadhafi et Hugo Chavez, ainsi que Bachar El-Hassad et Mahmoud Ahmadinejad, d’ailleurs relais des premiers pseudos-théoriciens, continueront eux aussi leurs petits jeux obscures pour rallier à leur cause nauséabonde des gens de chez nous qui n’ont toujours pas ouvert les yeux ? Un exemple parmi tant d’autres des effets insidieux de la nébuleuse d’extrême-droite et de la simplicité militante de quelques collègues aux effets dévastateurs, qui doit accentuer plus que jamais notre devoir de vigilance.

http://www.toufik-de-planoise.net

« Amour libre » vraiment ? Et après ?

  anarchylove « Le couple et la cohabitation sont aussi aliénants pour les hommes que pour les femmes mais  [les hommes] ne le savent pas encore parce que leur aliénation est celle du maître dont la survie – en tout cas le confort quotidien – est liée à l’esclave […] On leur a appris depuis l’enfance que si le couple et le foyer sont la place naturelle des femmes, leurs véritables territoires sont ailleurs, au travail, au parti, à la guerre. En partant accomplir les tâches nobles qui leur sont attribuées, ils croient fuir l’aliénation du foyer mais ils ne font que quitter une aliénation pour une autre et les deux se renforcent mutuellement, l’existence du couple et celle de l’entreprise sont indissolublement liées et la réforme de l’un s’appuie sur la libéralisation de l’autre. […] Ce n’est peut-être que lorsque les femmes seront parties, (…) lorsqu’ils perdront leur base de repli, leur résidence secondaire où ils refont leur force de travail, que les hommes prendront profondément conscience, dans leur corps et pas seulement en théorie, de leur aliénation globale et qu’ils remettront concrètement en cause la notion de travail forcé ”

Evelyne Le Garrec, « Un lit à soi », 1979.

« Ce n’est pas la situation actuelle de la famille qui est inacceptable, c’est son existence même. […]   Il n’y a pas à transformer la structure parentale, car l’égalité vécue […] ne pourra exister et engendrer un bouleversement total des rapports sociaux que dans une société sans classes, décentralisée, techniquement autogérée […]. Il va sans dire que ce type de société ne peut que se fonder sur un renversement total des rapports entre les sexes et sur la disparition de la cellule familiale. 

[…]Pour résumer : la famille est la courroie de transmission entre le Pouvoir, quel qu’il soit, et le futur citoyen, prolo, cadre, patron, enfant. C’est la famille et l’école qui font d’un enfant un “ adulte ” par la violence. Mais le Pouvoir exerce également sa contrainte sur les parents (surtout la mère par l’intermédiaire de l’enfant ; l’enfant est son otage, son chantage). Toute personne qui n’a à vendre que sa force de travail – 99% des gens -, sitôt qu’il devient père ou mère est obligé de se soumettre. Il doit travailler, et travailler à n’importe quoi, pour n’importe quel prix. »

François d’Eaubonne, « L’hiver du patriarcat »,

Article, in Revue “ Autrement ” n. 3, Automne 1975.

Au fil des rencontres, des discussions et des lectures et autres réflexions sur « L’amour libre » ou le « polyamour » dans les milieux anarchistes, anti-autoritaires ou dit « autonomes », avec un peu de recul on en vient assez vite à se demander si ces termes ont encore un sens. Et surtout s’ils ne sont pas aujourd’hui très galvaudés.  Ce sont des termes parfois vus comme un peu prétentieux. Parce qu’il y a dans certains milieux (« radicaux » ou pas) un prestige à dire qu’on est « en amour libre ». Ces termes « d’amour libre », d’amour pluriel ou de « poly-amour » produisent un effet. Termes qui sous entendent aussi implicitement qu’on est tellement plus libéré-e-s que les autres et qu’en plus on s’aime (ou pas). Mais quel que soit le mot qu’on utilise, il semble recouvrir un ensemble d’agencements et d’arrangements amoureux, amicaux, sentimentaux ou sexuels (ou un peu tout cela à la fois) qui n’ont souvent rien en commun les uns avec les autres sinon de ne « pas être un couple »… et encore.

Dans une partie des milieux révolutionnaires ou dit « anti-autoritaires », ces termes (ou d’autres synonymes) sont un peu à la mode ou font simplement force de « tradition ».

Mais force serait plutôt de constater qu’il existe un vide cosmique au niveau de la réflexion et de la critique concernant nos pratiques et les questionnements qui sont liés à cette question, ou presque.

Soit que ce n’est pas « subversif en soi », soit que c’est « l’affaire de chacun-e », soit que ce n’est pas « une pratique de lutte ». Bref, une bonne dose de libéralisme et de mauvaise foi pour cacher la misère et renvoyer les questions qui touchent à l’intime à la place que lui avait déjà assignée la société dans laquelle nous vivons : celle du « privé ».  Ou encore (autre solution cybernétique) en faisant de la question un problème de mauvaise gestion.  Le couple n’étant pas apte à « gérer les sentiments », on « collectivise » en présentant ainsi la question comme devant simplement être mutée de la « sphère privée » à la « sphère publique » sans questionner ni le pouvoir, ni la gestion, ni ces fausses séparations. Dans tous les cas, on est face soit à un refus d’aborder le problème de face, soit à une volonté d’y imposer des solutions toutes faites. Deux versants d’une même manière d’ignorer l’éléphant qui est dans le salon.

 

L’Unique et son intimité.

« La liberté intellectuelle dépend des choses matérielles. La poésie dépend de la liberté intellectuelle. Et les femmes ont toujours été pauvres, depuis le commencement des temps. Les femmes ont eu moins de liberté intellectuelle que les fils des esclaves athéniens. Les femmes n’ont pas eu la moindre chance de pouvoir écrire des poèmes. Voilà pourquoi j’ai tant insisté sur l’argent et sur une chambre à soi. »

Virginia Wolf, in « Une chambre à soi »

« Être dans la solitude, c’est là le difficile. Continuer à être, à garder le sentiment de sa propre existence — être, et non pas cesser d’être, quand l’autre n’est pas là — et conserver le sentiment d’identité — être soi, et pas les autres. Il est des gens pour qui la chose paraît simple. Ils sont convaincus que leur existence vraie ne cesse pas, mais peut-être même ne commence qu’à l’écart des autres. Ce retrait, ils le nomment, c’est selon, la vie privée, la table d’écriture, la chambre à soi. Pourtant, pour beaucoup, l’être se défait, s’altère quand l’autre manque. (Mais cet autre qui ne peut faire défaut sans que je sombre dans le néant, est-ce bien un autre ?) Ils ne sont que quand ils ne sont pas seuls (la promiscuité tient lieu de proximité). »

Michel Schneider, in « Glenn Gould piano Solo ».

3066894789_fc7dd8152a_oDans toutes les nouvelles sectes gauchistes new-age, comme dans toutes les tentatives désespérées de réanimer les cadavres encore chauds des vieilles idéologies révolutionnaires (post-situ et marxistes, etc…) -concernant les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui dans nos vies- se révèlent non seulement inopérantes pour expliquer le monde qui nous entoure, et formuler leurs perspectives révolutionnaires, mais ont toutes en commun la négation pure et simple de l’individu.

Plus précisément, c’est cette fable de « l’individu immédiatement social » (le communisme ?) décliné à toutes les sauces qui revient régulièrement (ou sous d’autres formes), et raisonne comme une douce promesse. La solution est forcément collective, forcément une question de « luttes des classes » et de « rapports de production », et en bref ne laisse aucune place non seulement à l’individualité mais aussi aux questions qui touchent à l’intime et au domaine du sensible. Comme si d’ailleurs ces champs étaient exclus de tout rapport de force et de toute domination…

Or, dans cette vision l’individu n’est im-médiatement social (c’est-à-dire sans médiations) que dans le « monde idéal»,  une fois achevée l’abolition des classes, de « la valeur », de toutes les formes d’oppressions et de dominations…  et d’ici là, bon courage camarades !

Car de fait cette fable ne vaut pas dans la société dans laquelle nous vivons puisque l’individualité n’est conçue par ceux qui la « nient » que comme le produit finit d’un processus d’atomisation (ce qu’il est aussi en négatif) et comme un concept « bourgeois » ou libéral, ou comme simple produit de rapport de production ou d’échanges.  Ironie du sort, libéralisme existentiel et communisme littéraire se passent très bien du concept d’individualité ou d’individu.

Dans la perspective « communisante » précisément, comme dans la perspective qu’on pourrait qualifier de « tiqqunienne » (ou dans bien d’autres théories) le grand mouvement qui est à la fois sa perspective, sa méthode et son propre but, communise donc tout sur son passage : les chaussettes, les radiateurs, le pain et les affects.  Du moins il croit le faire. Ça c’est sur le papier évidemment.  Le problème c’est bien sur que les « affects », ou plus généralement les sentiments (et moins encore les individu-e-s) ne peuvent se résumer à des « produits du procès de production» (entre autres tautologie) ou à des marchandises interchangeables qu’on peut voler, auto-réduire et « se faire passer ».

Le problème c’est précisément que la rationalité capitaliste et autoritaire a imprimé cette idée sur son passage. Et qu’à défaut de penser la question, c’est la même rationalité de supermarché qui range au même rayon les boites de conserves, le papier toilette, la copine, le copain, « mes ex et mes futurs ». A tel point qu’on pourrait presque écrire sur la liste de courses et de choses à faire « trouver une autre relation ». C’est en général ce qui se fait sur les « réseaux sociaux », sur internet, par exemple.

Evidemment, en plus de témoigner d’une misère affective désarmante (et ce n’est pas rien de le dire),  cet « amour libre » là (sous ses diverses facettes) est le plus souvent un petit théâtre dérobé de la reproduction des formes de dominations hétéro-sexistes et patriarcales, souvent même de manière paroxysmique et caricaturale.

La plupart des « amour-libristes » revendiqués sont bien entendu des hommes hétérosexuels. On se demande entre hommes « comment convaincre sa copine de s’y mettre » sans se demander si on va vraiment le supporter (ou mieux, on lui interdit en se permettant toutes les libertés dans son dos). Et quand la « copine » trouve la clef des champs,  on se transforme en une espèce de Tartuffe machiste désabusé, la traitant de tous les noms, et on invente des mensonges incroyables pour se faire passer pour la victime auprès de tout le monde. On affiche son tableau de chasse devant ses potes et on explique qu’on est « blessé » ou qu’on se sent « abandonné » dès que la « copine » fait preuve d’un soupçon d’autonomie sentimentale ou sexuelle.  Ou pire donc : on cloitre, on isole.

« A elle le couvent, à moi la liberté ». On « fait le canard » devant « sa » copine attitrée, le fier devant ses potes et le malin avec les autres, pour montrer combien on est pas jaloux.

Evidemment, ces situations sont toujours transposables d’un sexe à l’autre ou dans des relations non-hétéro-normées qui se calquent sur le modèle et le style de vie du couple dominant. Ces attitudes (qui ne sont pas l’exclusive propriété des hommes) donnent simplement parfois l’impression d’être juste la norme : à la fois dans les couples traditionnels, dans les couples « réformés », et dans le cloaque « amour-libriste » (dans toute sa diversité) qui ne dit pas son nom mais est quand même très fier de ce qu’il prétend être.

Dans tout ça, il y a l’aspect irrémédiablement « précaire » de la vie collective, qu’elle soit le fait de collocations, de logements sociaux où on s’entasse ou de squats. Encore que ces derniers offrent au moins en puissance –et même temporairement- plus de potentialité : parce que plus d’espace.

Mais dans tous les cas, soit c’est le désert où l’intimité a été « abolie » ou « collectivisée » de force (ce qui dans l’esprit de secte de nombreuses personnes, signifie la même chose), soit c’est le couple comme refuge (et de ce point de vue là, on a pas toujours envie de lui en vouloir). Mais encore une fois, c’est de territoire partagé sous la contrainte qu’il s’agit. Une maison, un espace, une chambre, un lit. De toute évidence, il y a là toutes les raisons de ne pas s’interroger sur l’autonomie individuelle et même le consentement tant ces questions impliquent des réponses « dangereuses ».

Dangereuses pour la société en général, mais aussi pour un ensemble de milieux où le crime suprême dans la vie collective n’est pas de vouloir forcer les limites corporelles et intimes des autres mais bien plutôt de mettre un verrou à sa chambre. Là où il ne viendrait étrangement à personne l’idée de démonter celui des chiottes ou de la cave par exemple.

Et puisqu’on en parle : un ensemble de milieux qui a enterrée l’idée même d’une chambre à soi, voir même d’un lit à soi en même temps que toute possibilité d’autonomie individuelle -et donc d’individualité comme principe et comme tension – ne porte résolument pas grand choses.

Et il faut bien des renoncements pour y parvenir. Et d’abord celui à l’intimité.  C’est-à-dire à la possibilité –même ponctuelle- de s’isoler, d’être parfaitement seul lorsqu’on en a envie, de garder certaines choses pour soi, de ne pas partager toutes nos expériences avec la terre entière.

Du reste, la volonté manifeste et systématique de « collectiviser l’intime » (c’est-à-dire en fait de le détruire) s’apparente plus qu’autre chose à une volonté de pouvoir et d’emprise collective (souvent par un petit groupe ou quelques individu-e-s) sur les relations inter-individuelles. Bien entendu, le « privé » est politique. Mais l’intime n’est pas nécessairement « privé ». Il est une tension entre soi et les autres. Il est ce mince fil qui permet d’exister par soi-même avec les autres.

On peut disserter sur l’idéal que représenterai le fait de vivre –comme certains anarchistes naturistes de la belle époque par exemple- en communauté totale dans un Eden retrouvé, qu’on en ferait pas disparaitre pour autant l’irrépressible besoin d’intimité. L’intime est en fait bien plus que le besoin d’être seul ou le « lien particulier qu’on partage avec d’autres », il est aussi la distance raisonnable dans laquelle on les maintient. Il est cette bienveillance avec laquelle on rappelle à l’autre qu’on n’est pas lui ou elle. Il est aussi la force avec laquelle on repousse nos propres fantasmes de fusion, dans tout ce que ceux-ci comportent d’autoritarisme, de vampirisme affectif, d’appropriation du corps de l’autre, et donc aussi d’hétéro-sexisme, et même de cannibalisme social (au moins dans l’étrange légèreté avec laquelle on considère les corps comme simples aliments de nos « besoins »). En lieu et place de la liberté ou de l’émancipation, c’est bien un libéralisme qui ne dit pas son nom qui domine la plupart du temps. Celui du « j’fais c’que j’veux et j’t’emmerde ».

Là encore –évidemment- le ressac patriarcal, et le ressac libéral et non anarchiste, comme projet contre-révolutionnaire s’exprime avec une aisance et une complaisancedésarmantes.

Sous toutes bonnes intentions, les volontés de faire disparaitre cette tension qu’est l’intime – à travers la généralisation du ragot ou la mise à disposition des corps- sont simplement d’excellentes méthodes de pacification et de contrôle, et bien entendu le retour à des formes ancestrales de privation, de contrainte et d’exploitation : tout particulièrement pour les femmes.

Evidemment, la tendance au ragot, ou le fait d’exposer en permanence les autres sans leur consentement ne doit pas être compris comme une critique de la solidarité nécessaire dans les  situations de violences ou d’abus, mais comme la norme qui consiste à se vanter de « ses relations », comme une autre forme de « capital social ».  Norme omniprésente dans les relations de couples et hétéro-normées. Ou plutôt du couple hétéro traditionnel comme modèle relationnel unique et de référence.

Ouvrir la boite de pandore, et laisser nos illusions s’envoler.

« nous savons bien que malgré nos conceptions nous sommes encore jaloux, menteurs, propriétaires, autoritaires. Et comment, du jour au lendemain, ces tares que nous nous reconnaissons pourraient-elles s’effacer chez tous? (…) Constatons simplement l’effet certain d’améliorations que peuvent amener en les individus l’application des idées anarchistes, mais soyons assez lucides pour ne pas espérer supprimer instantanément les tares et en particulier les souffrances de la jalousie »

Anna Mahe, in « Jalousie »,                                                                                                   l’anarchie, 21 février 1907, n° 98

comicsCe « communisme » d’opérette-là (celui cité plus haut), sous toutes ses facettes, ne fait que singer les pires fantasmes « biopolitiques » de caserne et de panoptique en termes de relations sentimentales comme dans la vie quotidienne. Il s’apparente d’une certaine manière à la « maladie communautaire » décrite par Bonnano dans son texte du même nom. Une véritable politique à lui tout seul justement.  S’il y a une analyse critique à porter sur ce qu’il est encore convenu d’appeler « l’économie »,  c’est aussi contre nos propres pratiques oppressives et autoritaires qu’elle doit s’orienter. Car une des bases du capitalisme (et par extension de toute oppression et domination) n’est pas juste l’accumulation, ou même le processus de valorisation mais bien l’appropriation, et conséquemment la force et la contrainte qu’elles supposent.

En réalité, la seule philosophie qu’on puisse réaliser dans ces conditions sans s’attaquer au problème de l’autorité et des diverses formes de pouvoir, institutionnelles comme celles dans la vie quotidienne, reste un « communisme de la survie ». Et c’est un principe qui se vérifie aisément : la survie ne pousse pas les gens à se révolter, à s’auto-organiser ou à lutter. Elle pousse au mieux à se replier sur soi, et plus généralement à s’entredévorer et à se familiariser avec une sociabilité de charognards.

On peut donc d’autant moins se payer le luxe d’ignorer la question de la liberté dans les relations amoureuses, sentimentales ou amicales (et de comment éviter de trop séparer tout cela) que la situation actuelle dit quelque chose du désastre ambiant : du ressac patriarcal et des comportements de prédateurs, du racisme rampant et institutionnel, de la dégradation généralisée des conditions de la survie, des relations de pouvoir et de la violence dans les relations amoureuses, affectives ou « de couple ». Et au milieu de tout cela, de la possibilité d’établir des relations sociales libérées. La situation dit aussi quelque chose de notre incapacité à lier notre éthique et nos pratiques dans la vie quotidienne à celles que nous prônons dans nos luttes. Si nous n’en parlons pas, si nous ne nous regardons pas en face : alors les mêmes causes produiront les mêmes effets.

De la même manière qu’on ne peut pas tout réduire au lieu de travail, on ne peut pas tout réduire à « l’économie », et on ne peut pas d’un côté parler à qui veut l’entendre de « commun » en enterrant systématiquement tout ce qui sort du champ du « social » et de ses « mouvements » au sens le plus restreint des termes.

Ironie du sort, la seule chose qui fasse encore consensus à propos de « l’amour libre » c’est que ce n’est même pas un sujet de débat. Après tout, c’est Emma Goldmann qui demandait « Comment l’amour pourrait-il être autre chose que libre ? ».  On devrait se demander aujourd’hui : comment pourrait-il l’être vraiment ?

Les discours convenus sur « l’amour qui est à réinventer » ou « à détruire »  ne nous apportent rien ou pas grand-chose. Les gens continuent de tomber amoureux/ses en prétendant que ce n’est pas le cas et se font toujours aussi mal voir plus.  Comment pourrait-il en être autrement ? L’amour est-il un problème en soi ou est-ce seulement la manière de l’envisager ? Ou n’est-ce pas plutôt un problème plus général où les sentiments et les affects continuent de pâtir soit de leur exclusion du champ d’analyse critique, soit de leur soumission à des modèles « révolutionnaires » préconçus.

Toutes ces questions restent en suspens.

Autonomie sentimentale et clandestinité amoureuse.

« L’émancipation de la femme est, selon moi, très mal posée chez les anarchistes. La femme n’est guère envisagée que comme épouse ou amante, que comme complément de l’homme et incapable de vivre sa vie pour et par elle-même. (…) La femme est donc prédestinée à l’amour, légalisé chez les gens comme il faut, « libre » chez les anarchistes »

Sophia Zaïkowskain « Feminisme » ,

La Vie anarchiste, 1er mai 1913

 

On peut se raconter des berceuses ou prétendre que tout n’est qu’une question de « conditions matérielles » (sur lesquelles on a donc peu de prise, c’est donc « la faute à personne ») ou même de « bonne volonté » (c’est donc « la faute à tout le monde ») et on en perdrait presque de vue la puissance de l’idéologie. Du fait que nous avons été conditionné-e-s à penser que « l’amour c’est papa et maman ». Que c’est pour la vie. Que c’est une romance et une histoire à deux uniquement. Ou bien que c’est « moi et mon cheptel » (version « prince proxénète »). Même lorsque ce n’est pas ce qu’on a vécu dans son enfance et moins encore ce qu’on voudrait vraiment pouvoir désirer.

Les désirs en disent d’ailleurs généralement plus sur  ce que nous avons été conditionné-e-s à penser que sur ce qui nous rend véritablement heureuses/eux.

Mais une chose est sure, sans chambre à soi, sans lit à soi, sans intimité : quelle type de relation libre est encore possible ?

La misère sentimentale et la vulnérabilité affective rendent possibles les pires actes et attitudes autoritaires et hétéro-sexistes en matière de rapports sociaux sentimentaux. Pire, elles en sont une conséquence inévitable. Cessons de faire comme si la violence –même psychologique- dans les rapports amoureux ou sentimentaux n’était qu’un accident de parcours ou seulement « la faute au couple ». Car cette misère et cette vulnérabilité, cette exposition rendent aussi possible le couple comme refuge et comme mouroir. Et tout cela est profondément lié à l’absence d’intimité (ou son contrôle strict, par un individu ou le collectif) et au fait de ne pas pouvoir se retourner sur soi, de réfléchir et se questionner, pour se reposer, ou pour toucher son propre corps et jouir enfin seul. Ce n’est pas  un hasard si ceux et surtout celles qui en ont été privées sont pris-e-s d’insomnies chroniques ou atteint-e-s de procrastination et d’apathie. Précisément, ce n’est aussi pas un hasard si cette condition d’absence d’intimité (ou d’intimité contrôlée) est déjà –à divers degrès- celle de la plupart des femmes dans les sociétés dans lesquelles nous vivons.

Ironie du sort : l’injonction « immédiate » à la société contenue dans la conception dominante « d’amour libre » (ou de « camaraderie amoureuse » – pour reprendre un autre concept douteux) ne fait en fin de compte qu’étendre l’exigence marchande et patriarcale de mise à disposition des corps.

Il n’y a donc pas qu’une manière, mais une infinité de façons de rompre avec cette condition. De s’y attaquer. Qui correspondent aux désirs, aux problèmes, et aux spécificités oppressives de chacun-e-s.

Et que nous devrions le voir comme une aubaine et non une contrainte.

En effet, il y a quelque chose de puissant dans cette tension qui lie la nécessité première d’être « unE » aux désirs et aux besoins d’être « plusieurEs ». Et l’unE ne peut pas aller sans l’autre. L’analogie est aussi bien transposable aux sentiments, à la lutte des classes ou aux rapports sociaux de sexe qu’à la question de l’auto-organisation. Et toutes ces questions ne font que se recouper en permanence.

Sans en faire l’alpha et l’oméga de toute théorie -et quoi qu’on en dise-, l’élément de base, celui qui n’est pas compressible, qui ne peut pas être « dissout », qui se révolte, qui respire, qui ressent et qui se débat de toute ses forces contre tout assujettissement (d’autres disent de « subjectivation ») n’est ni le groupe, ni la secte, ni le parti politique, ni le milieu, ni la fédération : c’est d’abord l’individu-e.  Concept qui n’est ni intrinsèquement marchand, ni forcément libéral, ni même essentiellement « bourgeois » ou même contradictoire avec une analyse de classes.

Parce qu’il est le sujet sensible de tout pouvoir : parce que c’est le X de l’équation.

D’où la nécessité pour toute autorité ou tout esprit de secte de le transformer en citoyen, en « produit fini», en sujet d’analyse ou en quoi que ce soit d’autre, ou tout simplement de le nier : de faire comme si il n’existait pas.

L’idée d’autonomie sentimentale prise uniquement d’un point de vue « collectif » est une pure abstraction. Le sentiment de jalousie en dit d’ailleurs plus sur l’image qu’elle nous renvoie de nous-même que sur les autres. Elle dit quelque chose de notre besoin de contrôle et du soi-disant « instinct de propriété » – et de la peur de l’abandon qui les construisent socialement. Même si cette peur est parfois légitime : il faut apprendre à vivre avec, et à l’apprivoiser. Car elle dit aussi quelque chose de notre incapacité à éprouver de la joie à l’idée de savoir l’autre heureuse/eux sans nous. C’est-à-dire à éprouver l’exact contraire de la jalousie.

Mais tout ça n’est pas une mince à faire. Et si tout n’est pas non plus qu’une question de « volonté », alors il faut s’interroger sur les conditions qui rendent cette liberté possible. Et d’abord d’une absence de condition oppressive et autoritaire (de lois, de traditions, de classes, patriarcale, raciste, etc…). Ce qui nous mène inéluctablement sur le terrain de l’attaque et de la conflictualité avec cette même condition.

Et aussi sur celui d’une sorte de clandestinité amoureuse. Parce qu’en effet, dans un monde où la violence de la domination est omniprésente, toute intimité réelle est forcément un peu clandestine. Le stade suprême du soit disant “processus d’individuation” capitaliste et étatique en matière de relations sociales se traduit en réalité par un état où l’individu n’a plus ni “vie privée”, ni vie tout court.

C’est précisément pour ça que la communauté de vie ou de luttes sans intimités ne subvertie rien en termes affectifs. Pour le redire à nouveau, d’une autre manière : elle ne fait qu’étendre l’exigence policière de renseignement et celle de la disponibilité et de l’interchangeabilité marchande des corps à la sexualité dans un simulacre “d’économie sexuelle libérée” (triple oxymore ?) qui ne se maintient qu’au travers de sa perpétuelle mise en scène.

Ainsi, même si il s’agit parfois de quelque chose de « symbolique », dans un environnement hostile où « sexualité »  rime avec violence et prédation : savoir rester secret pour soi est un gage d’autonomie et pas nécessairement de possession, de jalousie ou « d’esprit petit bourgeois ». Ou simplement parce que : tout le monde n’a pas besoin de tout savoir sur tout.

C’est là toute la contradiction dynamique que portent en elles les réponses à la question de savoir si et comment nous pouvons vivre nos amours librement dans un monde qui ne l’est pas : et après ?

Le Cri Du Dodo

Quelques lectures, comme pistes de réflexion, en plus de celles citées dans le texte :

– “A propos d’autonomie, d’amitié sexuelle et d’hétérosexualité”, de Corinne Monnet.

– “Sous le tapis le pavé : Les violences sexistes dans les milieux militants qui se revendiquent anti-sexistes et anti-autoritaires”, Récit collectif et anonyme.

– “Amour libre, jusqu’où ?”, de Martine-lisa RIESELFELD

– “L’utopie de l’amour libre” , de José Maria Carvalho Ferreira, revue Réfractions.

– “Les milieux libres, vivre en anarchistes à la Belle époque”, Céline Baudet, éditions l’Echapée.

– Je t’aime… oui mais non, l’amour c’est mal … on en est où, là ?” anonyme

– “Complicated relationships : conversations on polyamory and anarchy”,Ardent Press edition (en anglais).

http://lecridudodo.noblogs.org/

PAGERETE TUTTI,ILS PAIERONT TOUS!

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– ni Oubli ni Pardon –

 

Clément restera à jamais dans nos cœurs, dans notre mémoire…la simple évocation de son nom nous serre encore le bide, celle des conditions de sa disparition nous plonge tout bonnement les viscères dans un bain d’acide. Si perdre un frère, un ami ou un camarade est toujours un épreuve. Apprendre qu’il s’est fait assassiné par ceux contre qui nous luttons  , par ce contre quoi nous avons toujours lutté ( la violence fasciste et l’idéologie qu’elle sert) nous renvoit face contre terre, percuté la réalité de ce monde dans lequel on vit…de cette société dans laquelle on crève…

 » Le béton est armé pourquoi pas nous? »

Nous avons respecté le temps de recueillement souhaité par sa famille et ses plus proches ami-e-s. Nous pensons bien fort à eux dans un tel moment …conscient qu’ aucun mot ne saurait calmer l’indescriptible douleur dans laquelle ils ont été plongé par l’arrachage violent à la vie d’un être cher.

L’émotion est vive, au de là même du cercle d’amis qui le côtoyaient régulièrement,  il est bien claire dans la tête de chacun, qu’il aurait pu s’agir de n’importe lequel d’entre nous, de nos proches,  des nos frères et sœurs, de sang, de vie et de combats et qu’il n’est pas besoin d’attendre que cela n’arrive pour que nous nous sentions nous même touché dans notre cher. Si personne n’est libre tant que tout le monde ne l’est pas. Il y a toujours ce sentiment que face à la répression réactionnaire et à la violence fasciste – négation même de cette liberté chérie par-dessus tout – lorsque on touche à n’importe lequel d’entre nous– ces « fanatiques amoureux de la liberté » comme dirait Bakounine –  c’est comme si on s’en prenait à chacun d’entre nous.

Lorsque Carlo ou Alexis tombèrent sous les balles de la police, aucune frontière ne nous empêché de ressentir que c’était aussi une part de nous qu’ils avaient assassiné…Il en va de même pour tous les anonymes tombés en Tunisie, en Egypte, en Turquie ou au Brésil et partout sur la planète car il s’agît bien d’une guerre civile mondiale…Nous sommes tous un peu mort à Gênes en 2001, en Grèce en 2008 ou à Paris en ce début de moi.

Aussi il ne fait aucun doute que le meilleur hommage que nous puissions rendre à quelqu’un qui avait pris fait et cause contre les forces réactionnaires qui gangrènent notre existence passe justement par notre détermination à ne rien lâcher dans cette lutte, et bien au contraire d’y insuffler toute la haine et la rage que nous ressentons en ce jour de colère pour que notre détermination n’en soit que décuplé et toujours plus incisive.

Qu’on nous traite d’ Ultra…aucune tolérance n’est possible. Tolérer ? Accepter l’inacceptable ? Devant quelle atrocité encore devrions nous rester des spectateurs impassibles le cul bien enfoncé dans leurs canapés le cerveau guimauve modelé sur mesure par les desseins du soi-disant bon sens démocratique. Cette insipide diarrhée verbale que nous ressert sans vergogne les hauts parleurs de la société spectaculaire marchande qu’ils soient hommes (marionnettes) politiques ou mass média. Ce même bon sens démocratique qui voudra renvoyer dos à dos « les extrêmes » , oui ceux qui luttent pour une société sans classe (donc libre et égalitaire pour tous et toutes) et ceux  qui rêvent de centre de rétention, de prison ou d’ HP pour ces voisins pallier selon si il estime que ces derniers sont soit  de dangereux envahisseurs migrants  ou  de monstrueux gauchistes traîtres à leurs nations.

 

« Notre deuil ce sera le fusil et le poignard »

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Nous n’avons rien à attendre de la parodie de justice que la Republique Bourgeoise nous tend comme un hochet sur lequel baver et s’exciter pour faire passer le temps, que la tension redescende au lieu que les esprits s’échauffent … tant qu’aux média on les aura vu nous servir avant l’heure leur propre parodie de cette parodie de justice. Ce monde de l’info ou tout doit aller  vite et si possible sentir le sperme, le sang ou le scoop pourvu que l’audimat suive, nous aura en tout cas confirmer dans toute son ignominie la gargantuesque boulimie du spectacle médiatique et sa monstrueuse capacité à tout ingéré, digéré. A intégré l’information tout en retirant sa « substantifique moëlle » pour n’en garder que cette forme scabreuse. Juste de quoi contenter la curiosité malsaine du badaud, tout en ayant tout fait auparavant pour motiver au maximum sa quête de perversion formaté.

Rien n’arrête les pantins de la société spectaculaire marchande. Ainsi on a pu voire  chacun d’entre eux tenter de tirer son bout de couverture de ce qui était devenu pour eux un évènement médiatique. Jusqu’à l’ignominie la plus crasse. Des portes paroles du front de gauche venu immédiatement faire leurs pub, la pointe des pieds sur le cadavre encore chaud de clément, dont le nom ne servait bientôt que de marche pied dans leur  quête d’ apparition sur la scène médiatique alors même que ceux qui le côtoyaient vraiment tentaient vainement de rappeler qu’il était justement critique avec nombre d’idée du front de gauche, on les entendait déjà le présenter comme « un proche de Jean luc Mélanchon » avec l’aide non dissimulé de journalistes prés à tous les raccourcis – l’idée étant de simplifier au maximum la réalité des évènements pour que ceux-ci n’apparaissent bientôt que comme l’expression du spectacle politique dans le réel. Le spectacle politico-médiatique ne fonctionnant que comme l’énonciation d’un  récit spectaculaire, un travestissement des faits consistant en quelques images tape à l’œil saupoudré de commentaire simplistes, l’assassinat de clément ne devenait bientôt pour eux que la transposition du duel théatral que nous joue Marine lepen et Mélenchon depuis quelques temps. Le course d’obstacle à l’indécence n’allait pas tardé à se trouvé d’autres champions élus UMP et PS osant ramené leur sales trognes alors qu’eux aussi faisaient partis intégrante du système contre lequel Clément Méric avait choisis de lutter. L’apothéose étant bien entendu atteind par l’invitation sur les plateaux de l’inénarable Batskin venu nous servir ses meilleurs imitations du Duce à coups de poses bustes en avant et menton levé pour salir la mémoire de notre camarade de tirade ordurière où comme d’habitude il s’agit de discrédité le  camps d’en face par des moqueries servis par un humour potache qui n’a plus rien de drôle quand il  de faire passer le meurtre d’un jeune de 19 ans pour une malencontreuse glissade.

Nous n’oublierons pas. Nous ne pardonnerons pas. Ni les assassins et le camps qu’ils défendent et représentent. Ni l’idéologie raciste et fascistoïde qui a armé le poing qu’ils ont dressé face à nos camarades. Ni les acteurs de ce système spectaculaire marchand qui n’ont vu dans cet évènement qu’un moyen de faire du buzz qu’ils s’agissent de faire parler d’eux, de faire monter l’audimat ou de guetté l’électorat. Batards, crevures et charognards…La place de vos gueules est bien sous nos semelles car vous ne valez pas plus que la merde qu’elles cotoient…

 

 ET CREVE LA VICTIMOLOGIE …

 

Et pour ceux qui cherchent à savoir qui en premier est venu chercher les autres…qu’ils ne s’y trompent pas. Face à ce genre de raclure, honneur à ceux qui ne lâche rien. Qui ne baissent pas les yeux. Qui appelle un chat un chat et un porc un porc, er qui le trâite comme tel lorsqu’il le croise. Qu’il s’appelle Esteban ou qu’il porte l’uniforme des forces de l’ordre réactionnaires. Qu’ils nous rêvent en centre de concentration ou qu’ils envoient nos frères dans des centres de rétention. La salope fasciste et policière a mille visage, il doit en être de même pour la résistance active qu’il faut lui opposer.

  COURAGE FORCE ET DETERMINATION

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Nous ne gagnerons rien durablement si on se contente d’accompagner les cortèges funéraires, d’envoyer des mandats au frères et sœurs au schtards…si il est indispensable d’afficher cette solidarité, il ne s’agit que du minimum que nous puissions faire. Et il faudra bien plus que le « minimum syndicale » pour contrer des ennemis qui  ne comptent ni leurs temps, ni leur énergie, ni leurs moyens.

Le meilleur hommage que nous pouvons rendre à Clément, comme à tous les anonymes qui tombent chaque jour dans cette guerre qui ne veut pas dire son nom c’est non seulement de faire preuve de la plus puissante  des déterminations mais aussi de leur opposer  la plus féroce des résistances armées de tous ce que nous pouvons lui apporté. De tous ce qui peut la rendre efficiente.

Et finalement c’est aussi ne pas seulement se contenter de résister, de garder les quelques acquis que nous devons à des siècles de lutte mais c’est aussi et tout d’abord trouver ou re-trouver le goût et l’énergie de l’offensive.

On trouvera ça et là, des donneurs de leçons, tueur de lutte, qui voudront nous renvoyer dos à dos avec ceux que nous combattons, qui nous opposeront que rien ne mérite qu’on meurt à 19 ans. Hors justement il faudrait déjà pouvoir vivre dans un monde ou personne ne meurent si jeune de manière si violente pour de telle raisons  pour qu’il en soit ainsi. Oh oui on aurait aimé que personne ne puisse crever à 19 ans sauf que le monde n’a pas attendu la mort de Clément pour connaître quotidiennement son lot de morts injustes…et rien ne semble ne nous détourner de cette voie dans un monde où rien ne semble pouvoir échapper à la sphère spectaculaire et marchande, et à la violence fasciste et policière qui l’a de tout temps accompagné – et ce, pour des raisons évidentesDes raisons évidentes dans un monde ou tout se calcule en terme de plus-value , enintérêts, que celui-ci prenne la forme de monnaie sonnante et trébuchante ou d’une « notoriété » synonyme de« pouvoir » dans une société où rien n’arrête l’expansion de l’importance du paraître… Plus nous ressentons la réalité morbide de ce système cannibale et plus nous avons des raisons de nous révolter, et plus les nervis de l’Etat ou ceux qui idéologiquement rêvent de nous voire en cendre pulluleront excité par un système qui les poussera toujours plus à passer à l’acte…

Si tant de monde s’époumone à nous rappeler que la vie n’a pas de prix c’est bien que chacun constate que tout semble prouver le contraire…et ça jusqu’à la nausée…

Pour nous c’est claire. Nous sommes en guerre. Nous n’avons rien à vendre. Rien à brader. Rien à acheter et tout à prendre. Aucun pardon n’est à monneyer. Nous n’avons rien à négocier. Pour l’instant on sert les dents et on hurle en silence…en murmurant qu’il faudra bien qu’il paye…

Conscient ceux qui pensent pouvoir tout acheter ne connaisse pas le prix du sang…

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Pour tous les notres qu’ils enferment

Pour tous les notres qui sont morts

 

 

RADIO KLANDESTINE PERMANENTE #28

 

idees-noires.gifEN CE JOUR DE DECEMBRE

 

FREE STYLE DECEMBRE 2011- PAROLES ENEDEKA MASKA -INSTRU ENOKAES

a l’intention de ces porcs de batards fascistes avec ou sans uiforme

En ce jour de décembre / Ici pas trop de galanterie, c’est plus Potere Operaio / depuis qu’le beat a ralenti n’importe quel pelo peut rapper yo/ Crise du isque ferment les labels ho…/les rappeurs mettent du labello / lèvres gersés / à force de sucer d’user des codes du New Jersey /t’es plutôt Jay-Z ou Jesse Jame, James et jessy / tu crois bander sur les bandits / le son d’la bande FM n’en est pas le produit / DOA ( dead on arrival) depuis la naissance / DIY ( Do it Yourself) j’draine comme une odeur d’essence…

Le matin j’ai des grosses cernes / matte mon reflet dans la seine / noircis jaunis par la pisse et l’ vomis / l’amboance malsaine des soirées parisiennes / Paris, j’aime quan ça saigne sur l’asphalte voil c’qu’il nous enseignent / Paris gêne, Les entend tu qui geignent? / Matte la galère sur notre enseigne…/ Ils en peuvent plus: reportages de peustu / sur le 93 ils donnent la parole aux teupus ./Loin des Koufahrs et des coups foireux / j’ai sentis le coups fourré / pas n de ces canassons qu’on ferre sans mettre un coups d’talon / un coups d’sabot bien ferme / de quoi faire taire donc la ferme! / Sans célébrité, célèbre l’idée de foncer au galop débridé / Pas besoin de lever les briquets on est des lanceurs de brique et / de pavés sur les brutes épaisses de la BAC et des CRS-SS / Est ce la peine de le préciser?/ Brise Lepen et ses idées pas qu’en temps de crise et prés à leur dire de fermer leurs bouches c’est anti-fascistes! /pas juste facile comme de dire que tu niquais Bush!

Moi j’nique l’arnouch c’est du sans retouche / demande à mon nouchma marlou mes p’tits garlouchas craignent le passage de l’arnoucha/ si tu parais louche ça / finit en gardav, en garre-ba grave grave gars / pas fait de cravmagga mais tu is grave de manga? / Gavé de Ken le survivant depuis la naissance…

Depuis que je suis vivant je draine avec moi comme une odeur d’essence

J’AIMERAI UN ACCEUIL DESCENT POUR LEUR PROCHAINES DESCENTES / QUITTE A LES DESCENDRE A LAISSER PARIS EN CENDRE

A FEU ET A SANG EN CE JOUR DE DECEMBRE

pour les fafs, pour les porcs

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J’AIMERAI UN ACCEUIL DESCENT POUR LEUR PROCHAINE DESCENTE / QUITTE A LES DESCENDRE A LAISSER PARIS EN CENDRE

en ce jour de décembre…