« Ça va être un viol » : Formes et fonctions de l’obscénité langagière dans les joutes verbales de rap

dossier de Cyril Vettorato

La pratique des freestyle battles chers aux passionnés de hip-hop est caractéristique du statut ambivalent des pratiques poétiques orales issues des cultures dites « urbaines ». Entre virtualité et actualisation, elles font apparaître avec éclat un ensemble de symboles et de valeurs extrêmement bien maîtrisés par leurs acteurs, maîtrise qui est sans commune mesure avec la fréquence à laquelle ces pratiques sont réellement exercées. Le battle, un tournoi opposant deux rappeurs qui se lancent au visage des couplets improvisés bardés d’insultes et de moqueries, est toujours relativement rare en France. Néanmoins, lors dubattle, chacun des acteurs semble connaître sa place et agir en fonction d’elle. L’apparition en 2010 de la première ligue de battle française, basée à Paris et dénommée Rap Contenders, en fournit un exemple frappant. Le premier tournoi organisé par cette ligue a eu lieu le 11 décembre 2010 dans le dix-neuvième arrondissement de la capitale et a réuni douze rappeurs français ; c’est ce tournoi qui retiendra particulièrement notre attention. L’événement, qui a été filmé dans son intégralité, est exceptionnel, à défaut d’être le premier du genre. Et pourtant, les règles du jeu sont parfaitement maîtrisées par tous, créant les conditions d’une mécanique ludique fonctionnelle, prête à se mettre en marche autant de fois que possible. Nous sommes ici au cœur de la génération virtuelle, qui s’est familiarisée avec le hip-hop et ses codes sur Internet et à la télévision. Elle a autant, sinon plus, fréquenté les tournois de battles dans le film à succès8 Mile – et sur les sites de partage de vidéos en ligne – que dans le vacarme des salles de concerts. Peu importe au final que le jeu soit pratiqué pour la première fois : les mots, les symboles, les postures et les valeurs qu’il engage le dépassent de loin, même si elles ont besoin de ces tumultueux moments d’actualisation pour exister.

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PONT-DE-BUIS, OCTOBRE 2015. On y va ensemble, on rentre ensemble.

Voilà deux semaines que nous annoncions la tenue d’un festival contre les armes de la police à Pont-de-Buis, petite bourgade du Finistère. Voilà plusieurs années que la police blesse ou mutile régulièrement des manifestants ou de simples badauds lors d’opérations de sécurisation de l’espace public. Qui ne connait pas un cousin éborgné par un tir de flashball « maladroit » ? En France, c’est (entre autres) l’entreprise Nobelsport qui élabore et vend ces armes. « Bon vivant rimant avec prévoyant », ce week-end d’octobre, des manifestant ont pris les devants. Des lecteurs de lundimatin [1] nous racontent.


Les douze voitures bardées de caravanes, barnums et cantines s’enfoncent dans la nuit. Il s’agit d’atteindre un champ qui surplombe le Colisée de la Douffine, sur les hauteurs de Pont-de-Buis. 15 km et 3 pannes plus loin le cortège s’arrête, la nuit est calme, il faut maintenant monter le camp.

Nous sommes le 22 au soir, au fond du Finistère, aux abords de NobelSport, principale usine d’armement de la région. Demain on marche sur l’usine pour bloquer sa production. Le défi est posé et la préfecture le relève, elle décide de nous empêcher d’approcher du site. Au même moment à 800 km de là, la famille de Rémi Fraisse, tué par les gendarmes un an plus tôt sur la zad du Testet, essuie une série d’offenses publiques et d’interdictions préfectorales. Impossible pour elle de rendre hommage à Rémi sans être accompagnée par ceux-là même qui lui ont pris la vie. Le cadre est posé, cette date anniversaire doit passer inaperçue : la police tue, le calme règne.

Vendredi 23 octobre 2015

À Pont-de-Buis, le vendredi matin, l’infoline circule. Objectif : atteindre le point de rassemblement au milieu du village. La gendarmerie a barré tous les accès à l’exception de l’entrée sud. Pendant deux heures, les manifestants contournent le dispositif pour arriver sur la place. Il est 16h, nous sommes près de 500 et, en contrebas, les canons à eau précédés par des grilles bloquent les deux ponts d’accès à l’usine.

Le piège est tendu comme un an avant dans les rues de Nantes, une grille antiémeute comme seul réceptacle à la détermination des manifestants, un écran blanc pour réduire la colère en spectacle. Dès cet instant la foule masquée et partiellement équipée pour le combat est mise face à ses propres contradictions. Subir ou choisir le lieu et le moment de l’affrontement. Tenir un point de cristallisation ou foncer la tête baissée dans un mur. Autant de questions irrésolues dans nos stratégies de lutte. Il existe des surgissements assez conséquents pour percer des dispositifs de la sorte, rien ne justifie pourtant de s’y acharner lorsqu’on est sûrs de perdre.

Une prise de parole publique de l’assemblée des blessés par la police permettra d’éviter le flottement indésiré et de charger de sens notre présence. La manif repart pour tenter sa chance ailleurs, après que le camion des bleus a été maculé d’un orange éclatant. Quelques conseils bien placés d’habitants du village nous conduisent ensuite devant une passerelle gardée par un dispositif beaucoup moins lourd. Une charge plus loin, les manifestants prennent possession de la passerelle avant de faire demi-tour. Un extincteur rempli de peinture pour inonder les visières des gendarmes, quelques pierres pour accompagner leur retraite et nous étions presque de l’autre coté de la rivière. Mais l’enjeu au fond n’était pas là. Notre but n’était pas de nous introduire dans l’usine, il nous reste à découvrir les gestes qui permettraient d’y faire autre chose que précipiter la catastrophe. Notre objectif était de la rendre visible et de bloquer sa production, ce qui était le cas ce vendredi.

A la veille de deux jours de discussions et d’action il fallait éprouver une certaine intelligence collective. Le slogan no tav « si parte, si torna, insieme » (on y va ensemble, on rentre ensemble) gagne progressivement l’ambiance du week-end. Après cette démonstration, nous remontons vers le camp et le temps d’une nuit de fête nous célébrons cette première journée.

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Du Féminisme illustré

dufe

1974 «Ce n’est pas le mouvement révolutionnaire masculin qui a absorbé le féminin, c’est la société capitaliste qui les a absorbés tous les deux. Les mouvements antérieurs n’ont pas échoué parce qu’ils ont négligé les femmes. Ils ont négligé les femmes – et le reste – parce qu’ils ont échoué. Trompées, les femmes n’ont pas été les seules. Elles ont servi de masse de man- œuvre à autre chose que leur émancipation, exactement comme le prolétariat dans son ensemble. Et c’est ce qui se reproduira, pour les unes et les autres, si les prolétaires n’attaquent pas les bases de la société dans les prochains mouvements. »

Constance Chatterley, « Le féminisme illustré ou Le Complexe de Diane », Le Fléau Social, n° 5-6, 1974

2015 « La notion de genre, c’est ce qui aide la société, c’est- à-dire un peu tout le monde, du journaliste à la prof de collège en passant par la mère de famille, à penser les rapports homme/femme quand ils cessent d’apparaître naturels, fixes, allant plus ou moins de soi. Avant on parlait de « nature » pour se résigner à l’iné- galité des sexes, maintenant on parle de « genre » pour croire qu’on peut la ré- duire. Finalement, ce que dit le concept de genre, c’est qu’il n’y a pas de nature humaine, donc pas de nature masculine ni féminine. Franchement, je le savais déjà, et vous aussi. »

«Quarante ans plus tard… Conversation avec Constance »

envoyé par blastemeor.noblogs.org

ENTRETIEN AVEC KARIM HAMMOU, 1/4 : COMMENT ON ÉCRIT L’HISTOIRE… DU RAP

Le 5 mai 2015, Nycthémère a rencontré Karim Hammou, sociologueHammou histoire couvertureau CNRS qui a publié aux éditions La Découverte l’ouvrage Une histoire du rap en France en 2012, issu de son travail de thèse. L’ouvrage est disponible en version numérique sur le carnet hypothèse de Karim Hammou, Sur un son rap, notes sur le genre rap et ses usages.L’entretien fut long et très riche. En voici la première partie, consacré au parcours du chercheur, à la place du rap dans le champ académique et aux rapports entre la thèse et le livre.

Nycthémère : pour commencer, est-ce que vous pourriez nous résumer votre parcours en expliquant comme vous en êtes arrivé à faire du rap votre objet de recherche dans les années 90. 

Karim Hammou : Je suis tout bêtement un amateur de rap qui a fait des études de sociologie et qui au moment de sa maîtrise a eu envie de mêler l’utile à l’agréable. Je n’avais pas une vision très stratégique du monde de la recherche, donc je ne me suis pas du tout posé la question de la légitimité de l’objet. Je me suis simplement dit : je vais profiter de mon mémoire de deuxième cycle à Sciences Po pour travailler sur le rap. Et finalement je me suis doublement pris au jeu.

D’abord au jeu de la sociologie et des sciences sociales en général. Et puis je me suis pris au jeu du questionnement sur le rap : à l’issue de ce premier mémoire, je ne suis pas satisfait par l’état de mes réflexions, j’ai l’impression que je commence à peine à commencer à ne plus mal comprendre plein de choses. Lorsque se présente l’opportunité de faire un mémoire de DEA – équivalent du master 2 aujourd’hui – je conserve le rap comme sujet de recherche par intérêt scientifique et parce je n’ai pas le temps d’imaginer un autre sujet. Ce DEA je le fais à Marseille, alors que j’ai grandi en région parisienne et c’est à ce moment que je me prends vraiment au jeu. Je commence à avoir une vision de ce que signifie faire une enquête sociologique sérieuse sur un objet comme le rap.

Et à l’issue de ce DEA, je suis conscient que je suis encore loin du compte. J’ai alors la chance d’obtenir un financement de thèse auprès de la région PACA. Ça me permet d’envisager une comparaison sociologique entre le rap en région parisienne et à Marseille. On est en 2002, donc quelques mois à peine après le pic de succès commercial du rap français. Pourtant, et j’insiste beaucoup là-dessus dans le livre, c’est un moment où on parle beaucoup d’une crise du rap français qui aurait commencé au début des années 2000, comme s’il y avait eu un effondrement incroyable, alors que ce qui s’est effondré, ce sont des espoirs ou des attentes. C’est le moment où on comprend que la conquête du paysage et de l’économie musicale par le rap ne sera pas une croissance sans fin. Ce n’est donc pas un moment de chute des ventes de disques, c’est plutôt un moment de stabilisation. Cela, je ne le percevais pas à l’époque, j’ai commencé ma thèse en pensant que le rap allait devenir toujours plus grand, toujours plus gros.

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BERETTA/GOTHAM ET DES LARMES

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Bérétta est un groupe de rap Français, il se compose de deux chanteuses lead, M7Flow et L’animal C. Auteurs, compositeurs et interprètes, ce duo de choc affiche clairement leurs opinions dans leurs textes. Militantes pour l’égalité des droits, leurs thématiques tournent autours des faits de la vie quotidienne et des injustices à
travers le monde. Issue d’univers musicaux différents, leurs instrus portent des empreintes de rock, de
jazz et de fusion. Un certain nombre d’entre elles fut créer par le beat-maker «Tieu D», mais les filles n’hésitent pas créer elles-même leurs instrus ou à s’associer avec d’autres compositeurs.
Ces deux fortes personnalités se sont rencontrées en 2010, à travers leur militantisme et leur passion commune pour la musique, tout particulièrement leur passion du RAP. Leurs influences sont variées aussi bien dans le Punk , le Rock, le Ska, la Fanfare, le Jazz et l’Électro.
Lucides qu’au jour d’aujourd’hui le rap français est devenu un produit musical de consommation, elles revendiquent leur appartenance au rap Conscient et indépendant.

PARIS GRAND CAPITAL

À Ivry, Alain observe les pelleteuses, on détruit l’usine à côté de sa boulangerie. À Bagnolet, des immigrés sont expulsés d’un squat, ils font face aux CRS sous la neige. À Pantin, Monsieur le Maire fait visiter sa ville en bus, il vante ses réalisations aux futurs habitants. Une balade dans le chaos de la restructuration urbaine.GRAN PARIS

Le film Paris grand capital est dors et déjà terminé et sa diffusion commencera à la mi-septembre. Il a été réalisé de manière indépendante, sans boites de production, ni subventions.

Mais nous aimerions également le sortir en DVD. Il pourra alors être distribué en vente directe lors des projections et dès novembre prochain, en librairie par les éditions du bout de la ville.

Pour rendre possible la fabrication du DVD, du livret et des affiches du film, nous comptons sur une souscription. Par ailleurs, si nous récoltons assez d’argent (3000 euros) nous espérons pouvoir aussi réaliser le sous-titrage du film en anglais, en arabe, en espagnol, voire même en Chinois.

Plus que 2 jours pour la souscription pour le DVD :
https://www.touscoprod.com/fr/parisgrandcapital

et pour aller plus loin dans le travail du réalisateur, il existe un site et une chaine youtube avec ses productions documentaires:

http://acontrechamp.net/