5 livres sur le patriarcat pour le combattre: une enquête sur l’inceste et l’accaparement des corps par un ordre social hiérarchisé, deux autobiographies sur la résilience et les facettes de la culture du viol dans la france des années 80/90, un pamphlet dénonçant le masculinisme durant le moyen âge et ses conséquences jusqu’à aujourd’hui, un roman disponible gratuitement suivant les péripéties, les joies et les difficultés d’une personne lgbt aux états-unis durant les 70’s.
Grâce une enquête anthropologique menée auprès de personnes condamnées pour abus sexuel sur des enfants, Dorothée Dussy dévoile et détaille les fondements incestueux de l’ordre patriarcal. Une plongée sous le tapis du sexisme, de sa reproduction sociale à ses « justifications ». On découvre notamment à travers la collecte et l’analyse de la parole des agresseurs que le patriarcat consiste en l’accaparement des corps de catégories qu’il hiérarchise et déconsidère. Sa violence se reproduit à travers l’oppression des enfants au sein de la famille dont le fonctionnement reflète l’ordre social dominant, le tabou de l’inceste ne consistant pas en une interdiction de l’imposer mais d’en parler.
Le berceau des dominations, Dorothée Dussy
Derrière un titre et une quatrième de couverture aux relents d’instrumentalisation du féminisme à des fins classistes et racistes (typique des années sos racisme/ni pute ni soumise), on découvre le témoignage poignant et intelligent de Samira Bellil. Elle expose la mécanique patriarcale à l’œuvre dans la société française : les coups et les viols des hommes, la complicité des femmes qui pourtant subissent aussi, la rumeur et la diffamation misogyne, la police et son inquisition masculiniste, l’absence d’aide et de suivie de la justice étatique, l’indifférence sexiste et cupide de ses avocates, l’impact de la masculinité et de sa violence dans la formation de son caractère, les rapports de genre de l’amour hétérosexuel…Si on regrette que la violence soit parfois présentée comme l’apanage des ghettos pauvres, c’est pourtant bien dans l’ensemble du corps social que l’on voit se reproduire l’ordre patriarcal, raciste et capitaliste au détriment d’une jeune femme. Malgré cela, derrière la noirceur de plusieurs épisodes du récit, c’est la résilience, la sororité, les mains tendues, l’amitié.e, la force de la libération de la parole qui se dessinent. Toujours avec sincérité et humour, Samira livre aussi une plongé inédite sur la zone, les bandes, les débuts du hip hop en France, loin des récits hagiographiques que les mecs de cette période tiennent.
Dans l’enfer des tournantes, Samira Bellil
Retraçant la relation d’abus que l’écrivain Gabriel Matznef fit subir à l’autrice quand elle était adolescente, Vanessa Springora revient sur les stratégies déployées par le prédateur sexuel pour assurer son emprise et les dégâts qu’il a causé dans sa vie. Masqué derrière sa notoriété en manipulant la confiance et l’estime de soi des personnes qu’il tente de mettre sous sa coupe, on découvre aussi comment l’entourage de Matznef, de ses proches amis au monde littéraire où il évolue, s’est fait complice des ignominies qu’il perpétrait. Un récit autobiographique révoltant à l’intersection de la culture du viol et de l’élitisme bourgeois, un témoignage qui donne envie de balancer un pavé dans le patriarcat.
Le consentement, Vanessa Springora
Un texte court retraçant les attaques masculinistes menées par des chrétiens contre le pouvoir féminin du XV éme au XVII éme siècle. Des techniques de répression aux discours les justifiant, Françoise d’Eaubonne dénonce les féminicides organisés en toute conscience par des hommes dont le sexisme servait de boussole existentielle. De saint Paul à Nicolas Rémy en passant par le marteau des sorcière, c’est tout le fantasme mascu d’un monde sans femmes que l’on découvre et qui s’est exercé au détriment de milliers d’entre elles, torturées et tuées par des hommes voulant assurer leur domination sur tout les aspects de la vie en dépouillant les femmes de leur autonomie.
Le sexocide des sorcières, Françoise d’Eaubonne
Un roman aux accents autobiographique qui suit le parcours de Jess Goldberg dans l’Amérique des années 70. A la recherche de son identité mise à mal par le capitalisme, le sexisme et le racisme, on suit la protagoniste dans les usines et les espaces de sociabilité queer, approfondissant le trouble dans le genre, confronté à la répression policière et patronale, en quête d’une entraide parfois inattendue, toujours en lutte face à des oppressions qui se croisent et s’incarnent à tout les niveaux du récit et de la société. Le lectorat le moins familier des questions abordées par Leslie Feinberg pourra suivre ce parcours initiatique au rythme de son personnage principal, tandis que celles et ceux qui connaissent bien ces thématiques trouveront un brûlot politique jamais séparé de l’affect et du vécu! Une œuvre incontournable du xx éme siècle, disponible gratuitement sur internet, selon le souhait de son auteure, communiste manifestement bien consciente de la nécessité de sortir du rapport bourgeois et marchand au livre et au savoir (un click sur l’image pour aller le lire)
Stone butch blues, Leslie Feinberg