LES PRO-BARRAGES DE SIVENS FORMENT DES MILICES, UN MAIRE NOUS RACONTE

Dimanche 1er février au matin, j’étais sur la route en direction de la forêt de Sivens, pour assister aux animations prévues dans le cadre de la Journée mondiale des Zones Humides. En arrivant sur le lieu-dit de Barat, aux alentours de 10h15, j’ai découvert que la route était bloquée par une trentaine d’individus. Ils se sont présentés comme des agriculteurs et chasseurs pro-barrage, originaires de la région.

Je suis agriculteur et maire de la petite commune de Saint-Amancet. Je n’étais a priori pas opposé au barrage, mais j’ai été choqué par la mise en place de la violence qui a conduit à la mort de Rémi Fraisse. Ceci m’a poussé à explorer le sujet plus en détails. C’est là que j’ai réalisé le manque de sérieux du projet et depuis, je continue à suivre la question de près.

LA SUITE SUR STREET PRESS

Mathieu Rigouste : « La mort de Rémi n’est pas une bavure, c’est un meurtre d’Etat »

Mathieu Rigouste, militant, chercheur en sciences sociales, travaille à disloquer les mécanismes de domination. Dans La Domination policière (2013), il avance que « la violence policière est rationnellement produite et régulée par l’Etat ». Selon lui, les zadistes du Testet sont face à une « contre-insurrection policière », qui peut dériver en « guerre de basse intensité ». Il distille une lecture iconoclaste des événements qui ont conduit à la mort de Rémi Fraisse. Entretien.

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Des gendarmes au Testet © Metronews

 

Aparté.com : Place du Capitole, lors du premier hommage à Rémi Fraisse, on lisait « la police assassine » sur une banderole. Comment caractérisez-vous la mort de Rémi Fraisse ?

Mathieu Rigouste : Cette banderole disait « Zied et Bouna (27 oct 2005), Timothée Lake (17 oct 2014), Rémi Fraisse (26 oct 2014), RIP, La police assassine, Ni oubli ni pardon !». Parce que ce 27 octobre, c’était l’anniversaire de la mort de Zied et Bouna à Clichy-sous-Bois en fuyant la police, qui déclencha la grande révolte des quartiers populaires de 2005. Parce qu’une semaine avant le meurtre de Rémi, le 17 octobre, c’est Thimothée Lake qui a été tué par la BAC à St-Cyprien (Toulouse), dans une supérette et dans l’indifférence quasi-générale.

« La police distribue la férocité des classes dominantes »

C’était exactement 53 ans après le massacre policier du 17 octobre 1961, durant lequel la police parisienne tua plusieurs dizaines d’Algériens en lutte pour la libération de leur peuple. La propagande de l’Etat et des médias dominants produisent une histoire « nationale » et officielle qui permet de légitimer le fonctionnement de cette violence industrielle.

Dans le cas de Rémi, La Dépêche du midi a ouvert le bal des mythomanes en publiant cette histoire de corps retrouvé dans la forêt, laissant planer l’idée que la police n’avait rien à voir là-dedans, voire même qu’elle l’avait recueilli. Mais nous pouvons démontrer collectivement, par la contre-enquête populaire et des contre-médias auto-organisés que la police assassine régulièrement, que sa violence est systémique, systématique et portée par des structures politiques, économiques et sociales. La police distribue la férocité des classes dominantes.

LA SUITE SUR APARTE

Communiqué de presse suite à la mort de Rémy – par la coordination du 25 octobre

Rémi, 21 ans, est mort dans la nuit de samedi à dimanche à Sivens. Selon plusieurs témoignages convergents, il s’est écroulé à quelques mètres du camp retranché de la police, atteint par un tir au niveau de l’épaule, avant d’être immédiatement ramassé par la police. S’agissait-il d’un flash-ball ou, plus vraisemblablement, d’une grenade de désencerclement projetée à tir tendu?

Seule la police le sait qui, jusqu’à présent, occulte la vérité de diverses manières. Elle prétend qu’il n’y a pas eu de blessé-e-s parmi les opposants alors que l’équipe médicale de la coordination témoigne qu’il y en a eu de nombreux le samedi. La police affirme avoir «découvert un corps» dans la nuit en omettant de mentionner la violence des affrontements à ce moment-là (la préfecture a affirmé que les affrontements se seraient arrêtés vers 21h et omis de dire qu’ils ont repris de plus belle vers minuit). Elle prétend n’avoir pu venir sur place le dimanche pour lancer l’enquête (une fois le crime accompli, la police a brusquement quitté les lieux sans, jusqu’à ce jour, tenté d’y revenir).

Nous exigeons que toute la lumière soit faite au plus vite sur cet homicide, par respect pour Rémi, sa famille et ses ami-e-s. Nous souhaitons aussi que les responsables de ce drame soient poursuivis au plus tôt. Et pour nous, le responsable n’est pas seulement le robocop matricule xxx qui a appuyé sur la gâchette samedi soir –et encore moins Rémi. Il s’agit de savoir qui a construit cette situation de violence qui ne pouvait que tourner au drame.

Que faisaient donc les forces de l’ordre samedi au Testet, alors que le préfet s’était engagé à ne pas en poster pendant ce week-end, vu les milliers de militants attendus (7000)? Il n’y avait aucun ouvrier à protéger, ni aucune machine à défendre: la seule qui n’avait pas été évacuée le vendredi avait été brûlée le soir même. Pourquoi donc avoir posté 250 gendarmes mobiles et CRS armés de grenades et de flash-blalls pour garder un petit carré de terre entouré d’un fossé large de plusieurs mètres? S’agissait-il de protéger les précieux grillages? Ou bien de générer de la tension et de faire de la provocation? Les autorités savaient très bien ce qui allait arriver en laissant un engin au Testet le vendredi et en y postant une armada le samedi.

A l’heure actuelle où l’inanité du projet de barrage au Testet apparaît au grand jour, à l’heure où tous les mensonges et conflits d’intérêts dénoncés par les opposants depuis des mois ont été confirmés par les investigations des journalistes (Le Monde 24/10 et le Figaro, 26/10) et le rapport des experts ministériels rendu public aujourd’hui, le président du Conseil général et le Préfet du Tarn n’ont plus aucun argument en faveur du barrage si ce n’est de monter en épingle la prétendue violence des opposants. Ils avaient donc besoin de violence samedi. Ils l’ont provoquée. Elle a coûté la vie à Rémi.

Nous sommes sous le choc et adressons nos plus sincères condoléances à ses proches.

La coordination du 25 octobre
PS: Nous exigeons d’ores et déjà qu’une seconde autopsie indépendante soit effectuée et avertissons la préfecture que si le corps n’était pas conservé de sorte à ce que cette contre-expertise soit possible, ce serait une preuve de plus que les autorités veulent cacher la vérité. Nous dénonçons les tentatives de salir la mémoire de Rémi en prétendant que les causes de sa mort seraient liées à son «alcoolémie» ou à sa «violence».

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