Deux jours après une manifestation parisienne hors-la-loi en soutien aux migrants et contre l’état d’urgence, convocations et gardes à vue se mettaient à pleuvoir sur ses participants présumés. Le message est limpide : on ne se moque pas impunément des garde-chiourme de l’union nationale. Il y avait pourtant quelques bonnes raisons de s’y mettre. Et peut-être même quelques raisons encore meilleures de recommencer.
C’est une toute petite victoire, à peine une éraflure dans l’assommoir de l’état d’urgence, mais une victoire tout de même : le dimanche 22 novembre, quelques centaines de personnes ont bravé l’interdiction de manifester en dévalant au pas de course les deux kilomètres séparant les places de la Bastille et de la République. « Bastille-Répu en dix minutes chrono, jamais de ma vie je n’avais manifesté aussi vite, s’amuse une militante chevronnée. Ça te rassure sur l’état de tes guibolles ! »
La joyeuse cavalcade a laissé dans le vent les forces anti-émeutes. Débordés, suant et ahanant dans leurs carapaces, les gendarmes pas si mobiles avaient cru pouvoir contenir la marée montante en la prenant de vitesse par les côtés, et en l’arrosant au petit bonheur de la chance de coups de tonfa et de gaz lacrymogène, mais peine perdue. Les manifestants étaient plus vifs, plus agiles, plus déterminés. « Solidarité avec les sans-papiers ! », « État d’urgence, État policier, on ne nous enlèvera pas le droit de manifester », s’époumonait le cortège en slalomant entre les matraques, les croche-pieds et les vapeurs asphyxiantes. La fluidité de la rue comme réponse à la lourdeur brutasse de l’appareil policier.
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