L’homme est un loup pour le loup…

Ségolène Royal, la ministre de l’Écologie, a déposé un arrêté permettant d’abattre 36 loups contre 24 auparavant. Une bonne nouvelle pour les éleveurs, un mauvais signal pour les défenseurs de la nature. Quels sont les conséquences de cette décision ? La ministre remplit-elle sa fonction ? L’opinion de Pierre Athanaze, naturaliste et forestier.

Il y aurait 301 loups en France. Leur population est en constante augmentation depuis 1992. (Dawn Villella/AP/SIPA)

C’est à Valouise, le 5 juillet, à l’occasion de l’inauguration de la nouvelle Maison du Parc national des Écrins, que Ségolène Royal a franchi la ligne blanche qu’aucun autre ministre de l’écologie n’avait osé franchir avant elle, et s’est désengagée de la protection des parcs nationaux.

Ségolène Royal ne remplit pas sa mission

Dans ce lieu symbolique, elle a reçu les représentants des organisations agricoles, et s’est enorgueillie des arrêtés qu’elle avait précédemment signés, portant à 36 le nombre de loups pouvant être abattus dans 20 départements.

Allant plus avant, elle s’est vantée de celui à venir, qui autorisera les chasseurs, lors de leurs parties de chasse au grand gibier (battue, affût ou approche) à abattre des loups sans aucune déclaration préalable ni contrôle, et cela, sur l’ensemble des 20 départements de présence du loup. Même dans les départements qui ne comptent qu’un seul individu.

Autre première de la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal a fait modifier ce projet d’arrêté alors qu’il était en cours de consultation. Bel exemple du peu de cas qu’elle fait de la démocratie participative dont, il n’y a pas si longtemps, elle vantait encore les mérites et s’en faisait la passionaria…

Dans sa forme première, l’arrêté qui prévoyait cette mesure sur quatre départements, avait été rejeté par le Conseil National de Protection de la Nature (CNPN). Et ce dernier a seulement été informé de la modification de l’arrêté, sans qu’il ait été à nouveau présenté au CNPN. Ce qui est, encore, une entorse à la réglementation.

Qu’y a-t-il de surprenant, alors que les deux premiers arrêtés anti-loup de Mme Royal avaient fait l’objet d’un rejet massif de près de 80% des citoyens, qui avait voulu faire entendre leurs choix, et qui étaient restés inaudibles à l’oreille de la Ministre.

Une posture politicienne

Mais rien n’arrête l’objectif d’en découdre avec le loup, bien que la ministre de l’Écologie reconnaissait le 28 juin dernier que « pour la première fois les dommages n’ont pas augmenté entre 2012 et 2013. ».

On est bien là dans une posture politicienne voulant coûte que coûte contenter les organisations agricoles, quitte à renoncer à la préservation de la biodiversité, qui était jusqu’alors, la mission principale d’un ministre de l’Écologie.

Qui est dupe ? Tuer un loup, et même cinq ou six dans un département, n’a jamais protégé les troupeaux. Le ou les loups qui viendront après, feront les mêmes dégâts, aux mêmes troupeaux tant que ceux-ci ne seront pas mieux protégés.

C’est ce qu’ont compris les éleveurs italiens, espagnols qui cohabitent avec 1.500 loups en Italie, et 2.500 en Espagne. La protection des troupeaux est la seule solution pérenne. Ces deux pays qui ressemblent beaucoup à la France, mais qui ont beaucoup plus de loups ne les exterminent pas comme on le fait en France, et ils ne connaissent pas non plus la crise ovine que la France traverse depuis des décennies.

Quel beau bouc émissaire que le loup, pour l’État français, qui n’a pas de solutions concrètes à apporter à la situation de la filière ovine.

Des battues d’effarouchement aux conséquences graves

Fort des déclarations de la ministre, le préfet des Hautes-Alpes a aussitôt pris des arrêtés pour organiser des battues d’effarouchement en zone cœur du Parc National des Écrins ! Alors que ces espaces sont, en théorie, les mieux protégés par l’arsenal législatif français (interdiction de perturbation sonore entre autres).

Des chasseurs, des lieutenants de louveterie, des agents ONCFS et de parcs nationaux ont fait leur battue d’effarouchement le 11 juillet, faisant fuir l’ensemble de la faune sauvage de cette partie du Parc National des Écrins, pour tenter d’en faire sortir des loups, qui étaient attendus de pied ferme, en limite extérieure au parc, par des chasseurs postés armés.

Cette entorse à la réglementation sur les parcs nationaux est très grave, d’autant qu’elle a eu lieu à une période où la plupart des jeunes animaux sauvages sont totalement dépendants de leurs parents. Ces effarouchements à l’aide de pétards et autres moyens sonores perturbent gravement le milieu, avec des conséquences lourdes, voire irréparables pour une partie importante de la faune sauvage.

La protection de la nature n’est pas une option

L’ASPAS et la LPO PACA ont donc déposé le jour même un recours contre l’arrêté du Préfet des Hautes-Alpes, tout aussi illégal que dangereux. Le préfet le lendemain, retirait de lui-même son propre arrêté sachant très bien le sort que le Tribunal Administratif allait en faire.

Par ailleurs, ce même préfet a annoncé mettre en place une mesure « expérimentale » consistant à ne plus faire de constats et d’expertises lors « d’attaques » sur des troupeaux concernant moins de cinq animaux. Les éleveurs seraient donc remboursés sans constat, et les dégâts directement imputés au loup ! Quelle que soit la cause de la mort …

Pendant ce temps, le 9 juillet, les députés adoptaient un amendement à la loi agricole, autorisant les éleveurs et leurs ayants droit à tirer le loup dans tous les départements où il est présent.

Décidément, la protection de la nature et de l’environnement n’est dans la culture politique française qu’un motifs à discours. Notre pays attend toujours des actes, de la lucidité. Et du courage !

Édité par Mathilde Fenestraz  Auteur parrainé par Muriel Fusi

LU SUR LE NOUVELOBS