DU PASSÉ, ILS FONT TABLE RASE !

Depuis l’annonce de la loi pour la croissance et l’activité, la loi Macron, une véritable opération de désinformation s’est mise en place. Toutes les professions réglementées affectées par cette loi ont confisqué le débat en l’orientant sur leurs cas particuliers. Les soucis des notaires, des huissiers, des greffiers etc., ne sont pas les nôtres. On se tape de leurs mises en concurrence et de tout ce qui va avec. Ils palpent en moyenne entre 6000 et 10000 balles par mois. C’est avec ça qu’ils ont pu débourser plus de deux millions d’euros en pub dans les journaux et sur le net pour qu’on pleure leur sort.

La loi Macron, ce n’est pas non plus la loi sur le permis de conduire ou le développement des transports pour pauvres, les autocars de région. Certains diront que c’est la loi du travail le dimanche, pour pouvoir bricoler ou acheter des fringues le jour du seigneur. Petit à petit, ces quelques arbres parviennent à cacher la forêt de Macron, un projet bien plus offensif que les détails cités plus haut. Le premier indice de ce projet offensif peut se trouver dans le cadre de ce fameux travail du dimanche.

Le but affiché est de « moderniser » le travail en France. Comme si le repos était un archaïsme, on moque la semaine de travail et on propose pour les « volontaires » la possibilité de travailler le dimanche mais aussi la nuit, sans contrepartie. Le but est de faire du dimanche un jour comme les autres, de la nuit un temps comme un autre, de la vie un temps de travail. Ni payé plus, ni remplacé. Cette réforme va affecter de nombreux travailleurs du tertiaire, ceux qu’on appelle les « volontaires ». Qu’est-ce que le « volontariat » dans le cadre d’une relation entre un patron et un employé, quand celui-là détient tout le pouvoir, à savoir nos salaires ? On connaît déjà la fin.

Le travail du dimanche, ce n’est donc pas un simple amendement exceptionnel au code du travail. C’est une façon symbolique de brouiller les pistes, dé-régulariser les rapports entre salariés et patrons pour finir d’abattre les murs déjà bien effrités de la protection sociale que des années de luttes ouvrières ont réussi à construire face aux misères que nous promet le capitalisme. On pourrait rétorquer qu’en temps de crise, il est nécessaire de redynamiser l’emploi, permettre aux gens de, si ce n’est vivre, au moins survivre, avec des boulots précaires, à toute heure. Mais ça ne marche pas. Flexibiliser le marché du travail, ce n’est pas pour améliorer les conditions de vie des prolos, c’est pour que les patrons, en temps de crise de consommation évidente, puisse offrir plus d’opportunités à leur capital pour grossir, pour réaliser des plus-values malgré la disette, sans qu’aucun salarié ne voit la moindre embellie pour sa situation personnelle.

On pourrait aussi se dire qu’après tout, ce ne sont que les travailleurs du tertiaire qui vont en pâtir. Mais non. Et c’est maintenant qu’on va évoquer le point essentiel de la loi Macron, la fin du droit du travail.Avant, les rapports entre salariés et patrons étaient régis par le droit du travail, un code de loi qui imposait une rigueur législative à l’exploitation capitaliste. Le droit étant un espace malléable, de nombreuses luttes sociales ont su imprimer à ce droit un principe très simple, le rapport entre un patron et un employé est un rapport de subordination, donc inégalitaire. Ainsi, cet encadrement législatif bénéficiait d’un a priori avantageux pour les salariés en cas de conflit avec leur patron, ce qu’on appelait la « contrepartie ».

Avec la loi Macron, le gouvernement ne fait pas que s’attaquer à la justice prud’homale, il permet, par la suppression du deuxième alinéa de l’article 2064 du code civil (« Toutefois, aucune convention ne peut être conclue à l’effet de résoudre les différends qui s’élèvent à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. »), de ne plus faire référence au code du travail et de placer les conflits entre patrons et employés dans le cadre d’une procédure civile, à égalité. Sous le prétexte de désengorger les prud’hommes, le gouvernement parvient à faire fi de toute existence des travailleurs comme classe aux intérêts communs, dont les luttes des uns renforcent la sécurité des autres, pour isoler le salarié et laisser les mains libres au patron, flexibilité oblige. La loi Macron, c’est l’institutionnalisation de la précarité, à l’instar de la réforme de l’assurance chômage.

Les conflits avec le patron s’appelleront des conventions participatives qui, une fois engagées, interdiront aux salariés d’amener leur patron devant les prud’hommes. En fait, tout « accord » employeur-employé primera sur le droit du travail et à chaque contrat, va falloir négocier sévère pour les paniers, les tickets resto ou le maintien du taux horaire SMIC. C’est une défaite sans commune mesure.

Pourtant, ça fait un bout de temps qu’on va dans ce sens, l’ANI ou les accords de compétitivité n’étaient que des préparatifs au grand nettoyage de printemps de la loi Macron. Le gouvernement donne carte blanche aux patrons et les exonère de charges, profite du remue-ménage pour couper dans les budgets, pour affaiblir le service public payé par nos salaires, et investit dans le maintien de l’ordre pour nous empêcher d’aller trop loin.

Face à l’une des plus violentes défaites des salariés en France, les directions syndicales optent pour des journées de mobilisations fades et sans perspectives. En attendant la prochaine négociation. Pourtant, ces mêmes directions syndicales feraient mieux de s’inquiéter de leur sort, parce qu’après le droit du travail, c’est eux qui y passeront. A Toulouse, Moudenc n’en doute pas et c’est le vent dans le dos qu’il a annoncé à tous les représentants syndicaux son souhait de récupérer leurs locaux, y compris la Bourse du travail.

Rien ne semble pouvoir stopper l’irrésistible vague réactionnaire et libérale qui déferle sur le paysage capitaliste en France. Il faut donc se réapproprier les moyens de lutter. L’attaque de nos conditions de vie est multilatérale. Elle vient du travail, des services publics ou encore de l’Etat. Face à la crise de représentativité et d’effectivité qui touche le phénomène syndical et politique en France, il faut prendre l’initiative, réapprendre à lutter à la base, dans nos boîtes, dans nos Pôles Emploi mais aussi dans nos Sécu et dans nos CAF. Agir sans représentation, mettre la pression à tous nos patrons, bloquer, occuper, saboter, tout ce qu’on aura décidé ensemble, dans nos assemblées. Et le faire avec sérieux. Les collectifs de précaires qui pullulent ici et là sont un exemple à suivre pour les luttes que l’on va devoir mener. Et vu qu’on a les nerfs, ça ne fait que commencer.

Bad Kids