X et Y, Militants antifascistes et amis de Clément Méric, ils ont été témoins de son agression.
En nous levant mardi matin, nous sommes pris d’un haut le cœur. Une bonne partie de la presse en ligne relaie sans prendre de distances les propos aberrants de RTL. Il y a quelques temps, elle avait déjà déclaré Clément mort accidentellement à la suite d’une chute. Aujourd’hui, elle annonce qu’il serait l’agresseur de son assassin. A l’infâme, ces journalistes s’appliquent à ajouter l’ignoble et dans un seul but : appuyer le discours de la droite dure de Jean-François Copé, renvoyant dos à dos les « extrémistes ».
Au lendemain de la dernière grande manifestation que nous avions organisée en mémoire de Clément et contre le fascisme, les journaux se contentaient déjà des quelques miettes de sensationnalisme : une dizaine de vitrines de banques brisées par des gestes de rage. Les médias passaient à côté de l’essentiel ; à côté de cette saine colère exprimée d’une seule voix par des milliers d’individus, à côté de ces messages de solidarité internationale portés par des délégations venues de Russie, d’Allemagne, d’Italie, de Belgique, de l’État espagnol, du Pays-Basque…
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Nous étions des milliers dans les rues de Paris et des dizaines de rassemblements se tenaient dans d’autres villes de France. Nous n’étions que des milliers seulement alors que Clément venait d’être assassiné par des fascistes et qu’une série d’agressions de jeunes femmes musulmanes venait d’être perpétrée à Argenteuil. L’une de ces femmes a perdu l’enfant qu’elle portait, à la suite de coups au ventre, dans un silence médiatique assourdissant. La liste des agressions racistes, islamophobes et antisémites est longue. Celle de nos camarades antifascistes blessés par des commandos d’extrême-droite tout autant. A Lyon, ils additionnent des centaines de jours d’ITT, depuis maintenant trois ans. Et nous ne sommes que des milliers seulement à descendre dans la rue.
En allant manifester contre le fascisme à Chauny, la petite ville picarde, en 2010, en distribuant des tracts sur les marchés parisiens, nous avions pressenti ce recul alarmant de la conscience et des réflexes antifascistes, dans l’ensemble de la société française. Le FN, l’UMP et les groupuscules d’extrême-droite radicale – très présents sur le net – ont réussi à libérer la parole raciste et xénophobe à coup de « Karcher », de « charter » et de « pain au chocolat ». Il y a aussi eu les apéros « saucisson-pinard » des identitaires qui tentent de faire de la laïcité une arme pour diviser les travailleurs. Ce discours a progressé depuis des années dans une société atomisée, en proie au chômage de masse et labourée par les attaques d’un capitalisme de plus en plus féroce. Ce discours gagne du terrain, alors que par ailleurs les organisations progressistes reculent dans les entreprises et les quartiers.
Les renoncements de la gauche au pouvoir n’arrangent rien et jettent dans les bras du FN des milliers d’électeurs. La législative partielle qui vient d’avoir lieu à Villeneuve-sur-Lot en est la parfaite illustration. Le FN a prospéré sur les déboires d’une gauche affairiste, tandis que les politiques d’État de chasse aux Rroms apportent de l’eau au moulin de tous les xénophobes.
Alors que l’Europe s’enfonce dans la crise économique et sociale, nous ne pouvons laisser les nationalistes détourner la colère de ceux qui souffrent de leurs véritables ennemis : les puissances du capital. En Grèce le parti fasciste Aube dorée organise d’immenses ratonnades contre les travailleurs migrants, pendant que les instances financières saignent le pays. Il y a urgence à recréer l’unité des antifascistes et à partir en campagne contre l’extrême-droite. Dans la rue, dans les esprits, nous devons la combattre pied à pied.
Si une lutte antifasciste spécifique apparaît plus que nécessaire, nous ne pouvons pas imaginer faire reculer le fascisme sans en combattre les causes profondes. Nous devons recréer dans nos lieux de vie et de travail les liens sociaux qui préservent de l’isolement. Nous devons y développer les solidarités concrètes pour assurer les droits fondamentaux au logement, à un revenu descend et à l’éducation pour tous. Par nos luttes, par nos actions de solidarités concrètes nous devons faire renaître l’idée de progrès social et démocratique.
C’était le sens de l’engagement politique de notre camarade et ami Clément Méric ; il militait pour une révolution sociale et libertaire. Au quotidien, au travers de son action antifasciste ou syndicale à Solidaires Étudiant-e-s, il luttait contre toute les formes d’oppression et d’exploitation. Il a été assassiné pour cet engagement sans concession, mais il vivra dans nos cœurs et nos combats.