Noir et punk

Ca fait quoi d’être noir et punk ? C’est un des questions abordées dans le film de James Spooner « Afropunk : the rock n’ roll nigger experience« , un documentaire qui donne la parole à des punks afro-américains, et m’aura presque défrisé la tignasse.

Les joies de l’organisation. Partis des vastes plaines de l’Ouest de Chicago, e-tinéraire en main, Katie et moi nous débrouillons pour arriver presque pas en retard à notre destination : une intersection, 33ème et Union. C’est là que doit être projeté le film documentaire de James Spooner, « Afropunk : the rock n’ roll nigger experience« . Tout un programme.

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James Spooner

Découvert par hasard, le documentaire semble être un chouchou des festivals cinématographiques nord-américains, ce qui n’est strictement gage de rien, sinon du succès de ce documentaire, autoproduit dans le plus pur esprit DoItYourself de la scène qu’il décrit. James Spooner s’est endetté à filmer des figures noires dans cet océan de blancheur qu’est la scène punk hardcore. A priori, plutôt une bonne idée, et pas seulement parce que le documentaire pose notamment une question que vos humbles serviteurs se sont aussi posé : qu’est-ce qu’une musique noire [1] ?

La réponse était affichée en grosses lettres sur les quelques t-shirts vendus à une table par le très sympathique bassiste et le beaucoup moins sympathique chanteur de Cipher, groupe hardcore newyorkais très présents dans le docu : Punk is black musicFuck Sid, Jimi was vicious, et mon favori, Minority Threat, ainsi que quelques livres de bell hooks, entre autres.

A Chicago, personne ne t’entend hurler

LA SUITE SUR MELANINE

LE FILM EN ENTIER

http://www.youtube.com/watch?v=fanQHFAxXH0

LES ARCHIVES DU FUTUR : DEBOUT LES MORTS !

Notre passion est la mémoire, elle est fondamentale dans notre vie, elle est partie intégrante de nos luttes. Que
serions-nous sans repère, sans ancien qui nous communique savoir et expériences ? Nous sommes, parce que
nous nous inscrivons dans un continuum : nous construisons le présent, esquissons le futur tout en étant héritier
de ce passé qui nous enrichit.
En particulier, et ce qui nous importe en premier chef, le savoir de la résistance, de la lutte contre l’exploitation
et ses corollaires : la dépossession – le fait d’être privé de notre capacité à assurer nous-mêmes notre existence –
et la domination (par exemple le pouvoir de l’homme sur la femme). Toutes ces luttes passées laissent des
traces : orales (bouche à oreille, discussions…), écrites (journaux, brochures, tracts…), vidéos (films et clips
militants) ou audios (émission de radios, journaux radiophoniques….
C’est pourquoi nous sommes à la recherche de ces fragments du passé, vaste mosaïque éparpillée dont chaque
élément a son importance, sa place. Dans cette démarche, nous ne privilégions pas en particulier telle ou telle
revue, journal, groupe ou tendance singulière. Nous collectons et diffusons aussi bien des documents issus de
groupes se revendiquant de l’anarchie (dans ses différentes expressions), de(s) l’autonomie(s), de la gauche
communiste, du situationnisme, des composantes des mouvements libertaire et communiste-libertaire, etc. que
de divers comités centrés sur des luttes particulières : ouvriers, salariés, chômeurs, prisonniers, patients en butte
à la médecine, femmes, etc.
Même si chaque membre du collectif a ses sensibilités propres, nous partageons une passion commune : la
recherche de l’introuvable et la volonté de rendre accessible, au plus grand nombre, ces traces écrites des
expériences révolutionnaires qui nous précède, bien que nombres d’entre elles nous échappent encore.
Introuvable pour différentes raisons : journaux tirés à peu d’exemplaires, brochures confidentielles, papier de
mauvaise qualité… le tout finissant au fond d’une cave, livré à l’humidité, à la moisissure… quand ce n’est pas
la triste fin au fond d’une poubelle.

Introuvable parce qu’enfermé au fin fond d’un institut, universitaire ou non, dont les conditions d’accès
n’autorisent que peu de personnes à les consulter.
Introuvable aussi pour une raison terrible : cette mémoire n’étant pas saisie dans son importance, la coupure
d’avec le passé s’en trouve amplifiée. Celui-ci est vidé de sa substance, vu au mieux comme une pièce de
musée. Comme si le présent triomphait dans une immédiateté permanente, liquidant du coup tout ce qui nous
relie aux générations antérieures. C’est le propre de cette société de créer des générations hors-sol, hors temps
où tout ce qui a trait au passé devient ringard, désuet. Nous refusons la négation de nos racines, du continuum
traversant les générations.
S’il est vrai que la lutte contre l’exploitation et la domination à une époque donnée engendre des formes
particulières, déterminées par les différentes composantes en mouvement, ne pouvant être reproductibles dans
leurs expressions formelles à notre époque, il est pourtant essentiel de comprendre que l’essence de la lutte
reste la même. C’est la raison pour laquelle la redécouverte de ce passé, parfois très proche, peut nous enrichir
et nous armer plus efficacement dans nos combats présents et futurs.
De la diffusion et de la réappropriation effective du passé
Dès l’origine, avant même la naissance de notre collectif, la collecte de documents s’est inscrite dans la volonté
de diffuser et permettre leur réappropriation. Plusieurs pistes ont été explorées qui ont amenées à la naissance
du site Archives Autonomies et de fait, du groupe qui en assure aujourd’hui le fonctionnement.
Nous n’excluons pas, à l’avenir, de diffuser certains textes et documents par d’autres moyens que notre site
internet. Cependant, l’état de nos capacités matérielles étant limité, l’essentiel de notre démarche prend une
dimension « virtuelle » qui ne facilite ni les contacts, ni les discussions. C’est la limite imposée par la forme
que nous avons choisie pour rendre accessibles ces archives et par le petit nombre de personne qui compose
notre groupe.
À ce titre, nous lançons ici un appel afin de rassembler ceux qui seraient éventuellement intéressés par notre
projet. Nous vous invitons à consulter notre site pour vous en faire une idée plus précise. Celui-ci est en
constante évolution, il s’agrandit de semaine de semaine. Il s’étoffe au gré des découvertes de vieux papiers et
de nos contacts. Néanmoins, si la numérisation de documents implique du temps, beaucoup de temps, ce qui
nous ralentit le plus est la relecture, processus éminemment laborieux et parfois très pesant. Plus nous serons
nombreux, plus de documents pourront être mis en ligne, plus de lecteurs pourront ainsi se réapproprier la
mémoire de nos luttes, qui ne sont la propriété de personne, pas même de notre collectif. Cet appel s’adresse à
tous ceux qui gardent dans leur grenier ou leur cave des piles de journaux ou de brochures, ne sachant qu’en
faire. Ils s’adressent à tous qui souhaitent consacrer du temps à retranscrire et mettre en forme les écrits de ceux
qui nous ont précédés sur le chemin sinueux de la destruction du vieux monde dans lequel nous vivons. Qu’ils
s’adressent à nous !
Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter notre site : www.archivesautonomies.org ou à nous écrire
collectifaut@archivesautonomies.org

DL LE TRACT

C’est à vous de voir ce que vous faites maintenant!

Surveille ton langage !

Une société de dominations

Nous vivons dans une société (ou un agglomérat de sociétés connectées) qui baigne dans les oppressions diverses et variées : racisme, sexisme, homophobie, biphobie, lesbophobie, transphobie, classisme, validisme… Depuis notre naissance, selon notre milieu et notre parcours, de nombreux facteurs influencent notre façon de penser, parler, agir : éducation familiale et scolaire, culture (livres, cinéma, chansons, télé-poubelle ou télé-qualité, patrimoine…), publicités, rencontres, administrations publiques et privées, compositions et ambiances de nos lieux de travail et de loisirs, hasards de la vie. Hors tous ces facteurs sont eux-mêmes inscrits dans le contexte des dominations évoquées plus haut. La publicité (pour prendre un exemple classique) est pleine de clichés sexistes et souvent aussi racistes, hétéro-centrés et classistes. De même la façon dont les administrations fonctionnent (façon dont les formulaires sont rédigés par exemple) sont à l’image de ces dominations. D’une façon générale, le langage courant, et encore plus le langage familier regorgent d’expressions sexistes, racistes, homophobes, etc… Les « Fils de Pute », « Enculé », « grognasse », « vierge effarouchée », « couilles-molles/sans-couilles/petites bites », « petites pisseuses », « salope », fleurissent quotidiennement autours de nous, dans des contextes très différent (véritable insulte, « plaisanteries de comptoirs », intervention ennervée du patron sur nos lieux de travails et parfois « slogans politiques »). Certaines de ces expressions sont largement ancrées dans le langage courant, et ne font presque pas (ou trop peu) tiquer quand elles déboulent : « Il est devenu la vraie tête de Turc de ses camarades » (rappelons nous juste l’origine de cette expression qui sent bon la France des colonies). Ce langage, ces propos, ces images, on les a tous-tes intégré à différents niveaux. C’est comme ça. Maintenant voyons ce qu’on en fait.

LA SUITE SUR BRASIERS ET CERISIERS

Entretien de Wu Ming 5 et Wu Ming 2

Avant d’être Wu Ming, vous faisiez partie d’un collectif appelé Luther Blissett (créé en 1994 et dissous en 2000). Pouvez-vous expliquer un peu ce que c’était ?WM2  : Luther Blissett était un projet de création d’une identité ouverte, un nom collectif que n’importe qui pouvait utiliser pour revendiquer ce qui avait besoin d’être signé. Artistes, acteurs de théâtre, écrivains, collectifs politiques, etc. N’importe qui pouvait utiliser cette signature pour signer ses œuvres. Il n’y avait aucune règle concernant l’usage du nom Luther Blissett, simplement, ceux qui l’utilisaient ne pouvaient pas revendiquer la propriété privée de l’œuvre qui avait été signée de ce nom. D’une certaine manière, le projet créait de lui-même ses contenus. Très souvent, on nous a demandé comment on aurait réagi si quelqu’un avait utilisé Luther Blissett pour signer des textes, des œuvres d’art, racistes ou sexistes. Et la réponse a toujours été celle-là : le projet lui-même, en tant que projet de nom collectif qui dissolvait les identités individuelles dans une identité multiple, n’était pas adapté à une formulation de droite, et de fait, ça n’a jamais été utilisé comme ça. Nous n’avons pas exercé un contrôle des contenus et de toute façon personne n’aurait pu imposer ce contrôle. Le projet n’avait pas de comité central. Il y avait seulement un groupe de personnes qui suivait de plus près ce qui se passait, tenait le fil, et gardait la mémoire de ce qui avait été signé Luther Blissett.L’idée c’était de créer ensemble un personnage inexistant, imaginaire, et de contribuer à sa réputation, à sa notoriété, comme si c’était une sorte de héros populaire, une légende créée par plusieurs têtes sans coordination explicite. Voilà ce qu’était le projet qui, pour ce qui nous concerne, a duré cinq ans, comme un plan quinquennal. Puis nous avons changé de nom, de parcours, et nous nous sommes transformés en un laboratoire, Wu Ming.Vous parlez d’un héros populaire, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?WM5  : Une sorte de Robin Hood contemporain qui le plus souvent agit entre la culture et la politique active. Voilà la tension idéale de ce projet. Ni plus ni moins.WM2  : L’idée c’était de créer un personnage qui, grâce à la participation de tous, symbolisait un idéal alternatif de société, de partage, etc.WM5 : C’était une proposition qui avait une portée directement politique et qui paradoxalement a eu du succès sur le terrain plus restreint de la politique culturelle. À l’origine, l’intention était différente. Vraiment tout le monde pouvait se servir du nom Luther Blissett.WM2 : Le fait que plusieurs individus, de manière incontrôlée, sans statut, sans règles, sans avoir adhéré à une association, signent des œuvres avec le même nom, était pour nous une idée qui pouvait effrayer le pouvoir dans ses instruments de contrôle et de surveillance des individus singuliers. Entre nous, on se donnait du « je », on se « jejoyait », plutôt que de se tutoyer. Par exemple, dans notre émission de radio (qui s’appelait Luther Blissett), quand l’un de nous finissait son propos et qu’un d’autre commençait, il disait : « comme je viens de le dire à l’instant », ou « je ne suis pas d’accord avec ce que je viens de dire ». Se dire « je », se jejoyer entre nous était déjà quelque chose qui constituait une critique d’un certain régime de biopouvoir.

LIRE LA SUITE SUR CONSTELLATIONS

Qui sème la hoggra, récolte l’intifada.

par Mathieu Rigouste, Docteur en Sciences Sociales

Nuit du 22 juin 2013, Toulouse, France.

Au pays qui forgea l’Etat-nation à partir de la monarchie absolue, en le fondant sur l’esclavage et le génocide des femmes, à travers la colonisation, toutes les exploitations et une suite presque ininterrompue de guerres impérialistes. Dans une région qui fabrique des gaz et des poudres pour des polices et des armées engagées dans le monde entier contre les peuples qui gênent le règne du capitalisme.

Avec quelques ami.e.s, nous tentons de calmer une bagarre à Arnaud Bernard, un des derniers quartiers populaires du centre ville. Pour accélérer sa transformation en quartier chic, les autorités y déploient la police en permanence. Des CRS en journée et la BAC la nuit. Ces bandes de virils franchouillards sont payées pour assurer un «nettoyage socio-ethnique» du quartier en pourrissant la vie des damnés de la terre qui y galèrent. Ils sont formés et payés pour maintenir le socio-apartheid. Pour cela, ils exécutent des démonstrations de guerre et mènent des chasses aux pauvres durant lesquelles ils jouissent ensemble de maltraiter leurs proies.

Une bande de types colériques et mal sapés, tout à fait dans leur style, surgit hors de la pénombre d’où ils devaient comploter. L’un de ces ratonneurs compulsifs attrape le plus « Nord-Africain » d’entre nous comme ils continuent à dire, et le colle dans un mur par la gorge. Nous comprenons qu’ils sont en fait de valeureux fonctionnaires de police en civil lorsque trois d’entre eux m’attrapent et m’écrasent au sol. Le premier me comprime la cage thoracique en m’enfonçant la colonne vertébrale avec son genou. Pendant ce temps un second me serre les menottes jusqu’à l’os. Tandis qu’un troisième me maintient les pieds. Je ne peux pas me débattre, je suffoque en suppliant qu’on me laisse respirer. Le catcheur-fou resserre alors l’étreinte, je suis au bord de m’évanouir. Une trentaine de personnes assistent à la scène, certaines demandent qu’on me laisse respirer et reçoivent des coups et des insultes.

Elles ont témoigné par écrit qu’à ce moment-là, juste avant mon arrestation, j’avais bien la tête et le corps d’un mec qu’on n’a pas encore tabassé dans le couloir principal d’un commissariat central. L’un de ces beaufs suant la testostérone et régulièrement humiliés par des enfants dans nos quartiers, se reprend pour l’inspecteur Harry et mentraîne par la chaîne des menottes, passées dans le dos, sur plusieurs mètres jusque dans un véhicule de la Police Nationale.
Cette vénérable institution qui, trop humble pour s’en vanter, s’illustrait dans l’histoire de l’humanité en déportant systématiquement et sans broncher juifs et communistes avant de torturer et de faire industriellement disparaître tous les colonisés et les révolutionnaires qui gênaient l’Etat et le nationalisme français, il y a quelques dizaines d’années.

Menotté dans le dos et face contre terre, cette technique fait peser tout le poids du corps sur les poignets. J’ai hurlé et mon poignet gauche s’est cassé à ce moment-là. Un an plus tard, j’ai encore les marques des menottes autour des poignets et une grande cicatrice pas trop swag en travers.

On m’a ensuite enfoncé dans la voiture en me cognant la tête contre le bord de la carrosserie ; une convention dans le milieu. Un policier pas vraiment créatif m’a extrait de la même manière en tirant encore sur la chaîne des bracelets. Arrivés dans le couloir principal du commissariat central de l’Embouchure, l’une de ces « personnes dépositaires de l’autorité publique dans l’exercice ou du fait de ses fonctions » a placé sa main derrière ma nuque et a envoyé de toutes ses forces ma tête contre un mur. Puis un autre ou le même – je ne sais pas, on m’a toujours frappé par derrière et menotté – a écrasé ma tête avec sa main contre de lourdes portes battantes qui ne lui avaient rien fait non plus. Il a utilisé ma tête pour ouvrir des portes. Je l’écris en souriant car je sais que Dieu
pardonne peut-être, mais pas le prolétariat.

Qui sème la hoggra, récolte l’intifada.

La répétition de ces gestes et l’absence de réaction de tous les policiers présents dans le commissariat indiquent leur banalisation et leurs caractères habituels, normalisés dans cette enceinte dirigée alors par le commissaire divisionnaire Laurent Syndic. J’ai enfin été jeté à terre, en avant, menotté dans le dos, sur le carrelage de ce couloir de garde-à-vue où l’on m’a laissé jusqu’à l’aube étalé, toujours menotté et hurlant de douleur. Quelques-uns de ces justiciers errants m’ont aussi placé de petits coups de pieds mesquins dans les côtes, en passant. J’aurais pu être en train de mourir, aucun policier n’est jamais venu s’inquiéter de mon état, pas plus qu’ils n’ont protesté lorsque leurs collègues brutalisaient des briques avec mon crâne. Il sont tous responsables.

C’est bien la police qui m’a fait ça.

All Cops Are Brutal.

Photos prises le 22 juin 2013 à l’hôpital Purpan

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J’ai été largué à l’hôpital Purpan par des agents en uniforme à 6h du matin. J’avais la tête violette par endroits, la lèvre ouverte, une main explosée, une cheville défoncée, des bleus sur tout le corps. Ils sont partis vers 9h en m’indiquant que « la garde-à-vue » était levée.

J’étais rassuré. Vu qu’on avait omis de m’en parler, j’avais cru qu’une milice de nationalistes armés m’avait défoncé, enlevé, cogné dans des murs, laissé KO par terre puis refilé à une autre bande pour me déposer aux urgences. J’ai passé trois jours à l’hôpital, on m’a opéré le poignet (fracture et luxation). On y a posé une vis que je garderai toute ma vie et qui m’handicape. On a soigné les multiples ecchymoses et plaies sur toute la
tête et les côtes. Les super-Dupont m’avaient aussi percé le tympan comme l’a relevé le médecin légiste qui m’a ausculté à la sortie de l’hôpital.

On m’a reconnu 60 jours d’ITT à l’hôpital, transformés en 3 jours « au sens pénal du terme » par la médecine « légale ».

Avec mes proches, nous avons d’abord hésité à porter plainte car nous savions trop bien que la Justice couvrirait la police puisqu’elle le fait toujours, même chaque fois que la police tue. Et la justice n’a pas besoin d’être corrompue. Elle applique normalement les lois faites par les dominants pour protéger les dominants. Il ne sert à rien de s’indigner face à la violence d’Etat. Il est tout à fait normal qu’un Etat opprime le peuple ainsi que celles et ceux qui lui résistent. C’est son boulot. Et c’est la lutte des classes. Nous pensons qu’il vaut mieux s’organiser collectivement pour arracher les racines de ce carnage. Mais le tribunal du maître est tout de même un champ de bataille.

Alors nous avons décidé de porter plainte en juillet 2013, pour tenter de fissurer un peu ce sentiment d’impunité des milices d’Etat au pays des droits de l’homme blanc et riche. Pour contre-attaquer, en accusant non pas quelques policiers mais l’Etat. Car la violence des shtars c’est bien lui qui la fabrique. Et c’est aux classes dominantes qu’elle profite.

Nous l’accusons de gérer un système d’exploitation, d’humiliation, de contrôle et d’oppression, de brutalisation, d’incarcération et de meurtre dans les quartiers et contre les classes populaires pour maintenir l’ordre capitaliste et la ségrégation socio-raciste. Car cette férocité est érigée en industrie rationalisée et quotidienne dans les cités de France comme dans tous les ghettos et les favelas du monde. L’Etat harcèle, brutalise et mutile aussi de plus en plus férocement celles et ceux qui prennent part aux luttes, aux mouvements sociaux et aux mouvements révolutionnaires.
Bien conscient de tout ça, le procureur Michel Valet a tabassé aussi notre plainte en février 2014, jugeant que ” l’examen de cette procédure ne justifie pas de poursuite pénale au motif que les plaintes ou les circonstances des faits dont vous vous êtes plaint n’ont pu être clairement établis par l’enquête. Les preuves ne sont donc pas suffisantes pour que l’affaire soit jugée par un tribunal“.

Malgré les pages de blessures fournies par le médecin légiste – assermenté par l’Etat luimême – les photos, les récits des témoins, malgré le fait que la police ne nie pas m’avoir déposé elle-même à l’hôpital à l’aube, la Justice ne veut pas avoir à vérifier publiquement si des policiers font réellement à Toulouse ce dont nous les accusons. C’est que le proc la connaît la vérité lui, et comme eux, il sait que la férocité fait partie intégrante du boulot des condés. Ce n’est pas un enlèvement avec séquestration et actes de barbarie, c’est le travail de la police, parce que c’est fait par des policiers. L’institution judiciaire valide ainsi elle-même ce dont nous l’accusons : elle est chargée par l’Etat de couvrir la police et ses violences, elle n’a rien à voir avec aucune notion de justice, elle a pour fonction de maintenir l’ordre capitaliste-raciste-patriarcal en punissant les opprimé.es, en réprimant les révolté.e.s et en remplissant les prisons d’un nouveau genre d’esclaves.

Pour ne rien lâcher, nous portons maintenant plainte avec constitution de
partie civile auprès du doyen des juges d’instruction. C’est tout aussi systématique, lorsque la police brutalise quelqu’un, c’est elle qui s’empresse de porter plainte pour outrage, rébellion et parfois violences, ce qui permet de couvrir les agents et qu’ils s’octroient par la même occasion des vacances en jours d’ITT et parfois des primes à la sortie des tribunaux qui les cajolent. En plus du refus d’ouvrir une affaire concernant ma plainte, j’ai eu l’honneur de recevoir une convocation à comparaître pour “violence aggravée et outrage” à mon encontre, lors d’une quarantaine d’heures de garde-àvue « cadeau », fin avril 2014, presque un an après les faits. La GAV, c’est l’abolition de l’espace et du temps, dans un cachot puant la merde, où il faut essayer de dormir sous un projecteur et une caméra, sur un lit en pierre avec une couverture dégueulasse, où l’on vous jette une mixture déjà vomie et des brimades régulières comme seuls contacts humains.

La police a failli me tuer en me tabassant, la justice a classé ma plainte sans même ouvrir de procédure et les deux m’accusent ensemble de « violences ». Selon le Brigadier Anthony Capdecomme de la BAC, qui a joué un rôle de premier plan dans cette affaire, je serais apparu, j’aurais crié “La BAC fils de pute, bande de facho, allez niquer vos mères, allez vous faire enculer” puis j’aurais sauté “les deux pieds en avant ” sur le brigadier de la BAC
Stephane Lecoq, je me serais ensuite relevé et l’aurait frappé au visage, tout ça sans motif et sans John Wu.
De mon côté, je tiens à affirmer que je ne traite jamais les mères, les putes et les homosexuels, c’est une vieille conviction. Toutes leurs dépositions sont pleines de contradictions. D’ailleurs le policier Lecoq, prix spécial au festival du rire de Montréal, indique que Capdecomme s’est fait un lumbago et une hernie dans le dos en me passant les menottes.
Stéphane Normand, le troisième policier qui témoigne contre moi, m’aurait arrêté en « me posant la main sur l’épaule ». Ces trois-là doivent avoir une idée sur l’identité de ceux qui m’ont défoncé contre les portes et les murs du commissariat.

Mais c’est bien moi qui serait jugé en février 2015. Et nous disons que tout est dans l’ordre des choses. Le système a fonctionné normalement, nous ne voulons pas le réformer, ni le réparer, ni l’améliorer, nous disons qu’il faut en changer complètement et définitivement. Pendant que l’armée massacre à l’extérieur au profit des capitalistes, la police mène la guerre sociale à l’intérieur contre le peuple. Il existe une continuité de pouvoirs et de profits entre les guerres de la bourgeoisie française en Afghanistan, au Mali, ou en Centrafrique et celles qu’elle mène contre les classes dominées en métropole, dans le cadre de la restructuration urbaine notamment. Il n’y a pas de « bavures », l’Etat opprime et assassine les pauvres méthodiquement, et en particulier les non-blancs. Il écrase de manière encore plus insidieuse et invisible les femmes pauvres et encore plus intensément les non-blanches. Il n’est pas une solution mais une partie du problème. L’Etat est à l’émancipation des peuples, comme un SS à Treblinka, un Para au Rwanda, Tzahal à Gaza.

Nous disons que cette pyramide où les riches et les puissants sont assis sur le peuple en chaînes et lui font élire ses maîtres parmi des bourreaux, devrait être remplacée par quelque chose d’autre. Il est possible d’abolir tous types de relations sociales basées sur la
hiérarchie. On peut imaginer des formes de communes libres, autonomes et solidaires où les peuples s’auto-organisent horizontalement, c’est-à-dire sans chefs et sans rapports de domination, où ils partagent ensemble les activités créatrices, les richesses et les décisions sur leurs propres vies, où chacun.e peut s’émanciper dans l’entraide, la liberté et l’égalité réelles et concrètes. On peut imaginer des assemblées de maison, de quartier et de communes associées où toutes celles et ceux qui sont concerné.e.s s’organisent et coopèrent ensemble. Il n’est pas difficile de faire mieux que le désastre actuel mais pour cela il faut rompre collectivement les structures qui le produisent.
Nous pouvons forcer les tribunaux à cesser de nous humilier en rendant des non-lieux ou des sursis pour les policiers assassins.

Non-lieu en octobre 2012 pour les policiers qui ont tué Ali Ziri, ce retraité décédé à la suite d’une suffocation provoquée lors de son interpellation par la police à Argenteuil.

Non-lieu en décembre 2012 pour les policiers qui ont tué
Mohamed Boukrourou dans un fourgon à Valentigney en 2009.

Non-lieu encore, en octobre 2012, pour les meurtriers de Mahamadou Marega, décédé après avoir été gazé et tazé 17 fois à Colombes en 2010.

Enfin, non-lieu en septembre 2012, dans le cas d’Abou Bakari Tandia, tombé dans le coma pendant sa garde à vue, fin 2004, à Courbevoie.

La cour d’appel de Versailles a confirmé trois de ces ordonnances de non-lieu ces derniers
mois.

Un non-lieu vient aussi d’être rendu dans l’affaire Lamine Dieng tué dans un fourgon de police à Paris en juin 2007.

Soutenons sans faille les révoltes populaires et soyons présent.e.s massivement, déterminé.e.s et offensi.ve.s dans et devant les tribunaux, pendant les marches et les
rassemblements contre la violence d’Etat et l’impunité judiciaire de la police. Ce sont des bases pour nous rassembler et nous renforcer, nous coordonner, mettre en commun nos stratégies, nos analyses et nos pratiques. Car ce n’est pas un Tribunal mais bien la force et la volonté collective de celles et ceux d’en bas qui peut changer nos conditions de vie.

En mémoire de tou.te.s les victimes de la police, de la justice et de l’Etat, en soutien à leurs familles, à leurs proches, et à tou.te.s les réprimé.e.s, prisonnier.e.s et martyr.e.s de la guerre sociale, continuons à nous auto-organiser sans rémission face toutes les formes de domination.

Coordonnons nos forces et formons des alliances dans l’intérêt des plus dominé.e.s. De la solidarité entre les luttes contre toutes les formes d’oppression, découlent les conditions de nos libérations respectives. La révolution a déjà commencé en Afrique et se répand en criant « Ash-shaab yurid isqat an-niddam ». « Le peuple veut la chute du système ».

Préparons-nous pour ne plus jamais revenir en arrière.

Une société d’émancipation est en train de naître aux croisements de nos luttes.

Et nous sommes capables de lui donner vie.

Avec tendresse et rage.

Mathieu Rigouste
Toulouse, le 22 juin 2014

Le docteur Michel Rongieres qui m’a opéré au service de traumatologie
certifie et décrit les lésions suivantes :

1-une fracture trans-scapho-peri-lunaire
au niveau de son poignet gauche.
2- Une contusion cheville droite.
3-Un traumatisme facial avec hématome de l’hemi-face droite.
4- Oedème peri-orbitaire.
5- Une plaie quasi-transfixiante de la lèvre inférieure.

Il a certifié que ces lésions entrainaient
-une incapacité temporaire totale de 60 jours
– une incapacité provisoire partielle de 8 jours,
« sous réserve de complications ».

Le médecin du service de Médecine légale (médecin légiste) à l’hôpital
Rangueil, Dr M. Minier, consulté à ma sortie de Purpan, le 24 juin 2013,
atteste : « aucun antécédent médical ne pouvant interférer avec les faits».

A l’examen clinique, elle note :

*extrémité céphalique :
-région temporale droite : lésion ecchymotique érythémateuse
ovalaire de 3 cm de diamètre,
– sur la paupière inférieure et supérieure de l’oeil droit :
visualisation d’hématome violacé, débutant à l’angle interne et se
terminant à l’angle externe avec présence d’une hémorragie
sous-conjonctivale dans le quadrant externe de l’oeil droit,
– pommette gauche : plaque parcheminée horizontale, rectangulaire,
mesurant 5 cm de long x 1,5 cm de haut,
– oreille gauche, sur l’ensemble du cartillage de l’oreille et sur
la face postérieure de celle‐ci : visualisation de multiples lésions
à type d’hématomes violacés,
– une perforation du tympan gauche,
– au cuir chevelu, en région occipitale gauche : lésion
ecchymotique érythémateuse de 5 cm de diamètre,
– lèvre branche supérieure droite de l’extrémité distale :
visualisation d’une plaie oblique vers le bas et la gauche sur laquelle
sont positionnés des points de suture. A noter une contusion de l’ensemble
de cette lèvre.

*membre supérieur gauche :
– le patient présente le bras en immobilisation par une attelle
thermoformée antérieure,
-visualisation d’un pansement sur la face dorsale du poignet et
de l’extrémité inférieure de l’avant-bras que nous ne retirons pas pour
les besoins de l’examen,
-présence d’un oedème diffus sur l’ensemble de la main.

*membre supérieur droit :
– en regard de la face dorsale du poignet : un liseré érosif,
croûteux, linéaire de 8 cm de long,
-sur la face dorsale de la main, en regard des têtes des
articulations des IVème, IIème et IIIème rayons de la main : visualisation
de lésions croûteuses infracentimétriques. Ces mêmes lésions sont
présentes en regard des articulations interphalangiennes proximales des
IIème, IIIème, IVème et Vème rayons.

*région dorsale :
– en région lombaire gauche, à 15 cm de la ligne médiane :
importante plaque érythémateuse avec des érosions croûteuses punctiformes
s’étendant sur une zone de 10 cm de diamètre, compatibles avec un
mécanisme de production par griffure.

*membre inférieur droit :
-présence d’un volumineux hématome en regard de la maléole interne
et externe, visualisation d’un hématomeérythémateux débutant
audessus du talon et s’étendant jusqu’au tiers moyen de la face
latérale latero externe du pied.
– sur le sur le tiers distal de la face externe de la jambe droite
: volumineux empattement avec présence d’un hématome verdâtre oblique vers
le bas et la gauche, mesurant 15 cm de long X 5 cm de haut,
— la marche est réalisée avec des douleurs à l’appui. Le pied peut être
posé en totalité.

[facho grillé]Identitaires: la plongée inédite d’un chercheur infiltré

Le chercheur Samuel Bouron a pu accéder pendant un an aux formations des Jeunesses identitaires. Derrière la stratégie médiatique de ce mouvement, il met à jour son opération de conquête « par le bas », qui consiste à se « mélanger à la masse » et s’intégrer dans les institutions républicaines qu’ils dénoncent. Un travail dont le Front national récolte en partie les fruits.

Porte-parole de la colère des « sans-grades ». C’est ainsi que le Front national et plus généralement l’extrême droite aiment à se présenter. Depuis plusieurs années, ce leitmotiv est repris par médias et sondeurs. Se réclamant de cette légitimité « par en bas », les réactionnaires d’aujourd’hui opèrent un important travail de normalisation qui mélange références de droite et de gauche et s’appuie sur différentes fractions du champ du pouvoir: la haute fonction publique, les fondations culturelles d’utilité publique, la philosophie ou la sociologie académique, le monde des lettres…

Bien au-delà des seuls succès électoraux du FN, la revue Agone explore, dans son numéro 54 à paraître le 13 juin, cette nébuleuse qui constitue le terreau du rôle social que commence à jouer l’extrême droite: reprise des codes de la sociabilité mondaine, diffusion dans les vernissages, les salons académiques, l’édition et la littérature;  développement de réseaux parmi les élites à travers le Club de l’Horloge et le GRECE; formation des Identitaires pour conquérir « par le bas » les institutions républicaines.

À rebours de l’hypothèse du « brouillage idéologique », relayée par nombre de médias, qui soutient que l’extrême droite, et notamment Marine Le Pen, auraient opéré une épuration de leurs membres les plus radicaux pour rendre leur parti « respectable », le chercheur Samuel Bouron démontre dans ce numéro que si l’extrême droite se professionnalise dans le champ médiatico-politique, elle n’a pas rompu pour autant avec le radicalisme politique.

Ce doctorant en sociologie à l’université de Picardie Jules-Verne, membre du centre de recherches CURAPP, a cherché à comprendre comment les militants parvenaient à résoudre cette contradiction. Il a infiltré pendant un an la formation militante des Identitaires, en devenant membre du Projet Apache, la section parisienne des Jeunesses identitaires (lire notre boîte noire). L’objectif: accéder aux « coulisses » de l’organisation, non pas pour « faire un catalogue de déclarations racistes » et « mener une dénonciation morale », mais pour« appréhender la façon dont se structure le mouvement ».

Philippe Vardon, l'un des fondateurs du Bloc identitaire, et leader de Nissa Rebela, leur antenne niçoise.Philippe Vardon, l’un des fondateurs du Bloc identitaire, et leader de Nissa Rebela, leur antenne niçoise. © dr

Samuel Bouron a exploré la stratégie « métapolitique » des Identitaires qui consiste à se « mélanger à la masse », à s’intégrer dans différentes institutions républicaines qu’ils dénoncent pourtant, « non pas pour s’y convertir, mais pour tenter de reconquérir “par le bas” un territoire qu’ils auraient perdu ». Il décrypte les piliers de cette stratégie: un modèle organisationnel inspiré de l’appareil communiste, une professionnalisation médiatique pour apparaître « apolitique », une visibilité limitée aux militants qui ont suivi une formation spécifique, dans des lieux autogérés.

Ainsi, les manifestations de la « radicalité » sont devenues plus discrètes en public, comme en témoigne la mise au placard de la panoplie bonehead – en particulier le crâne rasé. Parallèlement, les Identitaires s’inspirent aussi des références de gauche (SOS Racisme, Greenpeace, Act Up, le mouvement décroissant, le mouvement squat19, le groupe Noir Désir, le mouvement antifasciste radical, etc), estimant que le succès politique de la gauche s’explique par son hégémonie dans le secteur culturel.

Ils ambitionnent ainsi d’investir des domaines restés relativement vierges: un Wikileaks identitaire, une application Novopress 20 pour tablettes et smartphones, la création de France Pétitions, un site de sondages, l’ouverture d’un nouveau réseau social en ligne, d’un site de rencontre ethnique ou encore d’un site de soutien scolaire.

Les Identitaires innovent surtout dans la communication, où ils comptent plusieurs professionnels, et excellent dans l’art du « buzz » médiatique (en témoignent leurs actuelles « tournées anti-racaille » dans le métro, leur occupation de la terrasse du siège du PS en 2013, leur « apéro saucisson-pinard » en 2010). Tous les cadres sont formés aux techniques de communication: rédaction d’un communiqué de presse, élaboration d’un site Internet, réalisation d’un modèle graphique pour la création d’une bannière ou d’un pochoir, prise de parole en public. « L’enjeu est de ne jamais faire amateur. (…) Les actions symboliques sont pensées comme des produits de communication à destination des journalistes », explique Samuel Bouron.

Cette stratégie a montré son efficacité dans les médias, mais pas encore dans les urnes: c’est le Front national qui semble récolter les fruits de leur travail. Si Marine Le Pen a refusé toute alliance avec les Identitaires, elle peut s’offrir les services de leurs meilleurs éléments, tout en les tenant à distance des postes politiques les plus gratifiants. Ainsi, Arnaud Menu-Naudin, le rédacteur en chef de Novopress – site dont est à l’origine le Bloc identitaire–, a été recruté en 2014 comme assistant du groupe frontiste au Conseil général de Lorraine. De même, lors du mouvement anti « mariage pour tous », les Identitaires ont pu apporter leur savoir-faire en matière de communication et participer à la structuration du mouvement. À cette occasion, certains ont noué des relations avec Marion Maréchal-Le Pen.

© Revue Agone

Mediapart publie dans les pages suivantes deux extraits de l’article de Samuel Bouron, « Un militantisme à deux faces. Stratégie de communication et politique de formation des Jeunesses identitaires ».

« Les beaux quartiers de l’extrême droite », numéro coordonné par les doctorants en sociologie Samuel Bouron et Maïa Drouard. Parution le 13 juin. 208 pages. 20 euros.

Les caractéristiques des institutions totalitaires

Les Jeunesses identitaires comptent dans la plupart des grandes villes plus de militants que les autres groupes d’extrême droite, tels que le Front national de la jeunesse. Selon Samuel Bouron, la clé de l’engagement dans cette organisation se trouve dans l’existence de lieux militants autogérés, véritable entre-soi hors de portée des journalistes ou opposants politiques, qui contraignent eux en public à « se tenir ».(Les coupes sont signalées par des crochets, les notes de bas de page figurentsous l’onglet « Prolonger »).

Dans les coulisses du théâtre identitaire : l’expérience communautaire

[…] L’entrée chez les Identitaires suit un processus standardisé. Le premier contact s’établit en général par mail, excepté lorsque le nouveau militant est introduit par un membre de l’organisation. Un militant est alors désigné parmi les cadres du groupe pour jouer le rôle de « parrain », qui doit vérifier que les motivations du candidat à s’engager sont à la fois plausibles, cohérentes et conformes à la ligne politique des Identitaires. Un discours ouvertement néo-nazi serait par exemple un motif de rejet. Or, si je suis finalement entré dans le groupe, il m’a fallu du temps, lors de la rencontre avec mon « parrain », pour emporter véritablement son adhésion. Malgré mes efforts pour me renseigner sur ce groupe militant, ma façon de me présenter fut certainement, au départ, trop « institutionnelle » et dépendante de l’image que les Jeunesses identitaires renvoient vers l’extérieur.

Ce récit de mon entrée dans le groupe militant montre la difficulté d’appréhender un discours politique lorsqu’il n’est pas rattaché au système symbolique dans lequel il s’inscrit et dont il tire son sens. La participation au contexte d’énonciation donne alors à voir les principes de vision et de division communs au groupe.

L’étape de formation suivante consiste à participer pendant une semaine à un camp identitaire qui regroupe l’ensemble des sections locales. Cette formation a été mise en place en 2003 par Guillaume Luyt et Philippe Vardon, qui en ont été les premiers dirigeants. Leur projet s’élabore en rupture avec l’amateurisme des mouvements nationalistes, pour qui il suffirait d’attendre un sursaut révolutionnaire pour mener l’insurrection et prendre le pouvoir, ce qui rappelle l’argumentaire de Dominique Venner, cinquante ans plus tôt, dans Pour une critique positive. Selon Guillaume Luyt, « une crise de cette envergure, ça ne se prépare pas qu’au fond d’une cave, d’une arrière-salle de bistro ou d’un sous-bois. Le soulèvement spontané et victorieux d’individus isolés, ça n’existe pas. Car avant l’insurrection, il doit y avoir non seulement “la réforme morale, intellectuelle et spirituelle de quelques-uns”, selon le mot de Maurras, mais aussi la constitution d’une communauté combattante, aguerrie, soudée et identifiée par la masse. C’est précisément à la constitution de cette communauté de combat qu’ont travaillé, une semaine durant, les participants au premier camp d’été des Jeunesses identitaires [27]. » […]

Les camps des Identitaires portent les caractéristiques de ce qu’Erving Goffman appelle les institutions totalitaires, c’est-à-dire « un lieu de résidence et de travail où un grand nombre d’individus, placés dans la même situation, coupés du monde extérieur pour une période relativement longue, mènent ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et minutieusement réglées [30] ». Nous, les participants, suivons des activités programmées par la hiérarchie militante, comportant chaque journée un footing de quinze minutes suivi d’étirements, des conférences, une séance de boxe, un atelier pratique (réalisation de matériel militant comme, par exemple, la fabrication de pochoirs), et des veillées nocturnes consistant à chanter autour du feu, ceci exclusivement dans un domaine dont nous ne sortons pas et dans un confort rudimentaire. La discipline est militaire, comprenant un uniforme composé d’un short beige et d’un t-shirt bleu estampillé Identitaires que nous portons tout au long de la semaine, et des mises en rang pour débuter les activités collectives. Tout est fait pour que chaque militant se remette totalement à l’institution et qu’il n’existe plus en dehors des limites qu’elle a tracées.

Aussi, dans le camp identitaire, une multitude de rituels se succèdent pendant une semaine. Les militants qui y participent pour la première fois remplissent dès le premier jour un questionnaire biographique qui porte sur leur parcours : la profession des parents, les diplômes obtenus, la situation professionnelle et matrimoniale, mais aussi l’expérience militante et les différentes ressources mobilisables en politique. C’est sur la base de ce questionnaire qu’a lieu un entretien ultérieur avec les chefs des Jeunesses identitaires, qui vise à retracer tout le parcours biographique de l’individu, jusqu’à son engagement militant. Le questionnaire biographique et l’entretien visent à faire prendre conscience des « trésors » que la personne porterait en elle et de l’importance du « combat » qu’elle devrait mener [31].

Cette rencontre avec les représentants de l’institution est le moment par lequel la vie des militants est censée prendre un nouveau sens, parce qu’on leur donnerait à voir le monde sous un nouvel angle. Comme un personnage de roman, le jeune militant est supposé découvrir qu’il est le détenteur des traditions de son pays, et porte sur ses épaules tout son héritage familial, qui risquerait d’être détruit par l’intrusion d’ennemis bien décidés, dans cet imaginaire, à imposer une culture « différente ». Tout ce dispositif est censé produire « une révélation de soi » chez les aspirants identitaires. Suivant une logique bien connue et déjà décrite pour d’autres institutions totalitaires, l’écrasement en un seul lieu et un seul groupe de tous les domaines d’activités habituellement séparés – le parcours familial, scolaire, professionnel, politique, etc. – est censé remodeler les identités sociales des personnes enrôlées. […]

Le camp identitaire apparaît ainsi comme un espace de repolitisation et de recombinaison des dispositions sociales, où se rejoue en permanence l’opposition entre le monde militant et le monde extérieur. Les nouveaux militants subissent par exemple dans les premiers jours un bizutage : de faux ennemis simulent une attaque du camp, de façon à les mettre en situation de stress.

Contrairement à ce que l’on pense souvent à propos des « institutions totales », on ne devient pas identitaire en subissant un « bourrage de crâne ». On apprend peu de choses par exemple sur Dominique Venner, Alain de Benoist ou encore Guillaume Faye, pour citer des figures intellectuelles qui inspirent le mouvement identitaire. La doctrine n’est pas véritablement transmise explicitement. Mais cela ne signifie pas que l’on n’y apprend rien. Les multiples rituels qui parsèment la vie collective transmettent en fait une certaine vision du monde, parce qu’ils instaurent des divisions fondamentales de l’ordre social [33]. On entre dans une sorte de jeu de rôles où les jeunes Identitaires seraient des héros, posséderaient la force, le courage, la loyauté – autant de dispositions viriles – et entreraient en guerre contre les « déracinés » – ceux qui ne seraient pas originaires de « l’Europe blanche » –, mais aussi les « bobos » et les « rouges », toujours placés du côté de la faiblesse physique et morale. Le processus de socialisation des Identitaires vise surtout à intérioriser progressivement les modes de classification nécessaires pour savoir interpréter et s’orienter dans le monde politique.

Pour ce faire, les thématiques retenues par les cadres puisent largement dans la culture populaire et peuvent parfois aussi s’inspirer de films grand public, tels que Braveheart, 300, Fight Club ou encore Le Seigneur des anneaux. Un camp d’Identitaires a par exemple été consacré à la trilogie de Tolkien en 2012, où un travail de réinterprétation de l’œuvre a été réalisé. Les militants y avaient été invités à s’identifier au personnage avec lequel ils se sentaient le plus en affinité [34]. Dans le cas de Fight Club, qui les renvoie aussi bien au roman de Chuck Palahniuk qu’à sa version cinématographique réalisée par David Fincher, les militants parisiens des Jeunesses identitaires s’inspirent du « Projet chaos » du film pour choisir le nom de leur section : le Projet Apache. Peu importe que le roman fasse explicitement référence à l’anarchisme, il ne s’agit pas d’appliquer directement le scénario du film, mais plutôt de s’inspirer de son style ou de son esthétique dans la construction du mouvement politique.

L’une des règles du film consiste ainsi à se battre dès sa première apparition au Fight Club. Chez les Identitaires, chaque militant participant à son premier camp est invité à se battre en fin de semaine contre un des siens, pendant environ une minute, dans une mise en scène qui rappelle à certains égards le film. Les deux combattants sont placés au centre d’un ring fictif, les autres militants se répartissant tout autour et encourageant chacun d’entre eux. Le degré de violence est moins important que dans le film et des protections évitent les risques de blessure, mais ceux qui participent à ce rite ont le sentiment de faire partie d’une communauté extraordinaire – de ne pas seulement vivre leur rêve d’héroïsme à travers le personnage d’un film, mais bien de l’incarner eux-mêmes. » […]

Un instrument de contrôle « par le haut » des militants

La division du travail militant et ses limites

À première vue, cette stratégie de création de lieux autogérés, clos sur eux-mêmes, semble contredire le projet « métapolitique » de pénétrer les mondes culturel et politique établis. Mais le retrait du monde opéré par les Identitaires est tout relatif. Les Maisons de l’identité sont presque toujours situées au cœur des grandes villes ; et les sections militantes les plus importantes en nombre, mais également en influence au sein des Jeunesses identitaires, se trouvent dans l’espace urbain, c’est-à-dire à proximité des lieux de pouvoir, aussi bien économiques que culturels. Autrement dit, dans leur stratégie de prise de pouvoir, les Identitaires créent des bases de repli au cœur du système qu’ils souhaitent détruire.

De fait, en dépit de son discours régionaliste, la mouvance identitaire se développe assez peu dans les zones rurales, de même que les pratiques traditionnellement présentes dans ces territoires, comme la chasse et la pêche, sont presque inexistantes. Nous n’y avons pas rencontré non plus d’agriculteurs. En outre, les Identitaires ne font pas partie de la jeunesse la moins diplômée ou la plus démunie économiquement. La grande majorité de ses membres étudient à l’université ou y ont obtenu un diplôme. Ils sont familiers d’une culture scientifique et ne se tiennent pas à l’écart du monde de l’industrie culturelle (cinéma, sport, musique, etc.). Le rejet des attributs du mouvement skinhead peut se justifier politiquement par l’idéologie des cadres, mais il renvoie également à un certain mépris (de classe) envers ces derniers – surnommés les « gogols88 [37] ».

Le code vestimentaire adopté prétend à l’inverse faire preuve d’une certaine « tenue », davantage héritière de la présentation de soi qu’adoptent les étudiants en droit du Groupe union défense (GUD) ou des hooligans contemporains que des bandes nationalistes habituellement associées à des « voyous ». Leur style « casual [38] » se rapproche d’un certain dandysme associant un style sportswear, paraissant jeune et décontracté – par exemple, chaussures de sport vintage comme les Adidas Stan Smith – avec un vestiaire plus traditionnel et plus proche de celui des catégories supérieures, recherchant un effet plus « habillé ». Individuellement, les Identitaires sont difficilement repérables par un œil non averti et peuvent tout à fait être hors de soupçon d’un engagement à l’extrême droite, dans leur milieu professionnel notamment. Certains s’amusent de voir leurs collègues, qui ne connaissent pas leurs opinions politiques, déplorer devant eux les idéologies ayant trait à l’extrême droite.

À l’image du choix de la tenue vestimentaire, le style de vie des Identitaires ne consiste pas à seulement rejeter le monde culturel dont ils font partie. Pour ne pas être tenus à l’écart du jeu politique et médiatique, ils en acceptent les règles, les maîtrisent, mais dans le but de les réinterpréter à leur profit. À cet égard, les Maisons de l’identité constituent des espaces dans lesquels ils « peuvent apprivoiser et s’approprier les systèmes de valeurs du nouveau monde dans lequel ils vivent désormais [39] ». Par ce travail de réinterprétation, la doctrine politique des Identitaires n’apparaît presque jamais sous sa forme explicite, elle se donne toujours à voir en contexte, appliquée à des événements du quotidien.

Pour les dirigeants du mouvement, le camp et les Maisons de l’identité sont indéniablement un instrument de contrôle « par le haut » des militants. Nous avons surtout insisté sur le processus de socialisation des nouveaux venus par les différents rituels qui les constituent progressivement comme membres à part entière du groupe, mais ces mêmes rituels servent aussi à sélectionner et à hiérarchiser les militants entre eux. La fin du camp marque ainsi un certain nombre de distinctions qui viennent récompenser l’engagement de quelques-uns pendant l’année qui s’est écoulée. Les dirigeants consacrent la meilleure section et le meilleur militant. Certains sont nommés pour rejoindre le « clan », qui correspond à la strate supérieure du mouvement.

En fait, une séparation s’établit entre, d’un côté, ceux qui dirigent les sections locales, qui reçoivent les informations de la part des plus hauts gradés chez les Identitaires et qui prennent les décisions localement ; et d’un autre côté, ceux qui se limitent à n’être que des « bras militants ». Cet antagonisme est même souligné par l’hexis des militants présents selon les types de manifestations collectives observées à la suite du camp des Identitaires. Plus on se rapproche d’activités intellectuelles, comme les conférences, nécessitant de rester assis sur une chaise pendant un temps prolongé, et plus le public se restreint à un noyau de cadres. Au contraire, plus l’activité se rapproche d’actions collectives, par exemple un concert de rock identitaire français, et plus le public s’élargit à des physiques plus virilistes (crânes rasés, look skinhead, etc.), dont une partie constitue le service d’ordre, mais qui restent à distance du monde médiatique.

Cette hiérarchie ne s’impose pas de façon mécanique, dans le sens où elle imposerait directement à la « base » ses desiderata. Elle contrôle surtout les ramifications locales en gardant un droit de regard sur l’occupation des postes qui ont un accès à l’espace public et aux médias. Par ce système, les militants les moins présentables restent dans l’obscurité du mouvement et, inversement, ceux qui prennent de l’importance parviennent souvent à s’illustrer dans un domaine particulier : sports de combat, musique, communication, etc. ; bref, ceux qui ont des ressources à faire valoir dans les champs médiatique et politique.

S’ils essaient de donner une image contestataire du mouvement, on s’aperçoit que les Identitaires sont en réalité ajustés à la structure sociale du champ politique, séparant eux-mêmes ceux qui ont des ressources professionnalisables de ceux qui n’en ont pas. Ce mode de contrôle instaure toutefois une relative souplesse, qui offre a priori la possibilité de tirer le meilleur des ressources des cadres militants et autorise une certaine division du travail au sein du réseau. Les Lyonnais sont plutôt reconnus pour la qualité de leur communication, les Parisiens plutôt pour leur esthétique d’avant-garde et leurs productions musicales, les Alsaciens et les Niçois, pour la mise en avant de leurs particularismes régionaux.

Beaucoup de militants qui gravitent autour de plusieurs groupes d’extrême droite ne sont que de passage dans les Maisons de l’identité. Ils peuvent par exemple venir au bar ou participer occasionnellement à un cours de boxe. Éventuellement, ils viennent grossir les rangs des manifestations ou de certaines actions, sans pour autant participer au camp des Identitaires et être perçus comme membres de la section. Cet espace flou qui concentre une nébuleuse d’individus mal identifiés politiquement a plusieurs avantages pour les promoteurs du mouvement. Il donne par exemple l’illusion du nombre aux journalistes, ce qui est l’une des conditions pour que certaines actions soient relayées dans les médias. Pour autant, lorsque survient un problème judiciaire, comme une plainte à la suite d’une agression à proximité d’une Maison de l’identité par des individus manifestement d’extrême droite, les cadres du mouvement peuvent se protéger en déclarant que les agresseurs ne font pas partie des Identitaires. De ce fait, comme la structure militante ne tient pas en un seul bloc, son édifice tombe plus difficilement et, au pire, seule la section locale se trouve ébranlée lors d’une accusation judiciaire.

Pour autant, ce type d’organisation présente aussi des limites. Le schéma classique de la carrière politique des Identitaires consisterait à « faire ses armes » au sein des sections jeunes, puis à s’inscrire après avoir atteint l’âge de 30 ans au Bloc identitaire, pour mener un combat plus directement politique. En réalité, les passages de l’un à l’autre sont relativement rares. À l’exception des dirigeants, beaucoup ne prendront pas leur carte dans un parti et une grande partie des militants se désintéresseront même des activités qui les font sortir de l’entre-soi et rencontrer un public à convaincre. Par exemple, quand Arnaud Gouillon nous annonce, lors du camp, que le Bloc identitaire présentera un candidat pour l’élection présidentielle de 2012 (nous ne savons pas encore qu’il est le candidat désigné), ce qui ouvre l’opportunité d’une plus grande notoriété auprès du public, décision prise sans aucune concertation avec les Jeunesses identitaires, l’accueil se montre le plus souvent plus indifférent ou hostile qu’enjoué. Déjà au sein du camp, Philippe Vardon, cofondateur du Bloc identitaire, n’a pas caché sa déception de ne voir que quelques militants se présenter aux cantonales.

En effet, les militants trouvent généralement peu d’intérêt à faire campagne. Rencontrer les citoyens de son quartier pour défendre ses idées, inventer des slogans, organiser des actions de sensibilisation, tracter au marché, trouver un mandataire financier pour gérer les finances, sont autant de démarches qui font paradoxalement figure de « sale boulot ». Participer au jeu politique implique une forme de soumission qui conduit à perdre le sentiment de radicalité conquis au sein d’un espace anonyme, enchanté et obéissant à ses propres règles. C’est aussi le moyen pour quelques militantes d’exister à distance de la sociabilité viriliste. Mais la plupart restent anonymes et prolongent l’autonomie du camp des Identitaires en reproduisant cet entre-soi dans les Maisons de l’identité, les collages nocturnes, les concerts, les soirées privées ou encore les cours de boxe. Le plaisir de l’appartenance à une communauté d’action et de croyance semble se suffire à lui-même.

L’efficacité politique de la stratégie des Identitaires s’avère ainsi, pour le moment, très limitée. La volonté de s’implanter localement pour se présenter aux élections cantonales et prendre la main sur les territoires qui leur sont les plus favorables n’a pas fonctionné d’un point de vue électoral. Par exemple, l’ambition de Nissa Rebela de devenir la troisième force politique niçoise a été un échec, et les candidats des Identitaires font rarement des scores à deux chiffres quand ils se présentent sous cette étiquette. De manière générale, les Identitaires n’ont pas véritablement enregistré d’autres succès que quelques agitations médiatiques et quand il s’agit d’affaire politique, c’est surtout le Front national qui semble récolter les fruits de leur travail. Celui qui voudrait faire une carrière en politique entrevoit en effet peu de perspectives au Bloc identitaire, alors que dans le même temps, la création du Rassemblement bleu Marine autorise l’intégration de ceux que le parti considère comme les meilleurs éléments des Identitaires. […]

Pour réaliser cette « observation incognito » des Jeunesses identitaires, le chercheur Samuel Bouron a récolté en amont un maximum d’informations pour se « mettre à leur place », non pas en passant « par des canaux scientifiques ou érudits » mais par Internet (sur « les sites communautaires à l’intérieur desquels s’expriment les militants, les sites des différentes sections, les profils Facebook ou encore les vidéos présentant les Identitaires et celles rendant compte des camps de formation précédents, donnant des renseignements sur l’idéologie mais aussi sur leur musique, leurs références cinématographiques et leur esthétique »).

Il explique être « entré dans le mouvement en donnant (ses) véritables nom et statut, informations qui présentaient par ailleurs l’avantage d’être vérifiables sur Internet ».« Je n’ai donc pas fabriqué de toutes pièces une identité virtuelle, qui aurait couru le risque d’un déficit d’authenticité », précise-t-il. Mais « pour être plus crédible », il a mis en avant certains aspects de son parcours biographique ou de ses connaissances: grands-parents paysans et « enracinés » dans une région, pratique de sports de combat, etc.

lu sur MEDIA PART

« Stuart Hall percevait l’identité comme un processus, non comme une donnée fixe »

Le « père du multiculturalisme » est mort. Entretien avec l’homme qui l’a édité en France.

Couverture du livre "Identités et cultures", par Stuart Hall (Ed. Amsterdam). (c) Editions Amsterdam.

Ce lundi 10 février est mort Stuart Hall, sociologue majeur du monde anglo-saxon. Considéré comme «le père du multiculturalisme», figure centrale des Cultural Studies, à l’origine d’importants débats sur les médias, la race, le genre ou la sexualité, il avait 82 ans.

Pour ce théoricien né en 1932 à Kingston (Jamaïque), mais qui avait fait toute sa carrière en Grande-Bretagne, la culture était un lieu d’affrontement d’idéologies. Stuart Hall décrivait un monde partagé entre dominants et dominés, avec des diasporas multiculturelles et une incessante activité de traduction d’une culture à l’autre. Au sein de ce débat, un concept fondamental: l’hybridité. «Quand je demande à quelqu’un d’où il vient j’espère toujours qu’il va me répondre: « C’est une histoire très compliquée »», disait-il.

Intellectuel très engagé à gauche, il contribua à refaçonner la vision marxiste du monde. C’est à lui qu’on prête l’invention de l’expression«thatchérisme», qu’il considérait comme un «populisme autoritaire».

Ses textes sont longtemps restés méconnus en France. Ils ont cependant fait l’objet, en 2008 et 2013, d’une publication dans une anthologie en deux volumes, «Identités et cultures» (Ed. Amsterdam). Leur édition avait été établie par Maxime Cervulle, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris 8. Il répond ici à nos questions

LA SUITE SUR BIBLIOBS.NOUVELOBS.COM

Lettre sur l’auto-gestion

Lettre sur l’auto-gestion.
Extrait de correspondance sur un vieux débat.

Je te fais une réponse la plus courte possible. Tu vas la trouver très réactive et pas vraiment argumentée d’un point de vue historique mais j’en ai marre des citations pompeuses et érudites, mais aussi de cette rhétorique mielleuse «des gens sympas» qui veulent que les choses viennent «vraiment d’en bas», parce que c’est vraiment trop mieux et «démocratique».

Que tu te pointes à «l’autogestion de la foire» c’est ton problème. Mais ce qui m’embarrasse c’est que les anarchistes et autres libertaires s’y pointent et se prosternent ou dissertent devant ces formes d’organisations, de gestions, et qu’ils en fassent la préfiguration de ce que pourrait-être une société communiste. Cela me gène profondément. Une forme ne dit rien de ce que peut-être une société débarrassée du fétichisme de la marchandise. D’un point de vue épistémologique c’est même un non-sens. Car les paramètres de réflexions ne sont, à mon avis, pas les bons.

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Mais pourquoi la coupe menstruelle n’est pas vendue en supermarché ?

Une coupe menstruelle (Wikimedias commons/CC)

Je m’appelle Hélène, je suis professeure de langues en Ecosse près de Glasgow. Je suis un peu écolo mais surtout très radine.

J’ai découvert la coupe menstruelle il y a sept ans grâce à un copain – oui, un homme.

Il avait bossé avec des féministes et en parlait ouvertement. Il nous parlait d’un produit qui coûtait 15 euros, qui allait nous éviter d’acheter d’autres produits tous les mois et qui durait dix ans.

LA SUITE SUR RUE89

Il faut à tout ce monde un grand coup de fouet. Mouvements sociaux et crise politique dans l’Europe médiévale

L’histoire est un champ de bataille, c’est aussi le cas au Moyen Ầge. Grèves de loyers et de taxes, hérésies communistes, libération sexuelle et luttes des femmes pour le contrôle des naissances, telles sont les aventures méconnues des pauvres et des prolétaires en Europe entre le XIIe et le XVe siècle. Dans ce premier chapitre de « Caliban et la sorcière », publié en exclusivité avec l’aimable autorisation des éditions Entremonde, Silvia Federici fait le récit de ces révoltes antiféodales, et de la contre-révolution aux origines du patriarcat moderne. La sortie de cet ouvrage féministe majeur est prévue pour juin 2014.

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