Union Européenne : la dérive fascisante

Bernard GENSANE

Ne soyons pas alarmistes mais lucides.

Récemment, les États-Unis, le Canada et l’Ukraine, ont voté contre une résolution de l’ONU condamnant la glorification du nazisme. Les membres de l’Union européenne se sont abstenus.

La passivité de l’Union européenne face aux nazis, aux cryptos nazis et aux sympathisants nazis quand ils tiennent le haut du pavé ne doit pas surprendre. Un tropisme d’extrême droite s’est installé sur un vieux continent dont on aurait pu penser qu’il était vacciné contre la barbarie fasciste. Parmi les signes qui ne trompent pas, la création d’une force d’intervention militarisée de 3 000 hommes destinée à réprimer brutalement toute contestation populaire ne laisse pas d’inquiéter dans un ensemble qui compte des dizaines de millions de chômeurs et de pauvres.

Le rapport de forces mondial est malheureusement très clair. En mai 2013, la banque JPMorgan Chase – qui, comme Warren Buffet, sait qui a gagné la guerre des classes – pouvait se permettre dedemander l’abrogation des constitutions démocratiques établies en Europe après 1945. La banque enjoignait l’Europe d’éradiquer les droits sociaux, les droits des travailleurs, leur liberté d’expression en particulier.

La « mondialisation libérale », c’est aussi cela. Supprimer l’expression démocratique pour que les grandes banques, les fonds d’investissements puissent spéculer et engranger. L’austérité n’est pas une fatalité ou une douloureuse nécessité mais une arme pour faire taire les oppositions à l’hyperbourgeoisie.

Pour que l’ordre règne, pour que le capitalisme puisse mener sa guerre en paix, l’Union européenne s’est donc dotée d’une force d’intervention militarisée de 3 000 hommes, une gendarmerie européenne plus connue sous le nom de EuroGendFor. Elle est basée en Italie, à Vicence. Sa langue de travail est la langue des Parties mais, dans les faits, le Wall Street English.

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L’antiracisme commence avec la déconstruction du privilège blanc

En France, la question de la blanchité est quasiment absente du débat. C’est pourtant un concept nécessaire pour penser un pendant de l’exclusion des noirs qu’est le racisme: la norme qui lui fait face. Amandine Gay l’explique dans cette tribune.

Lors des récentes manifestations au TGP de Saint-Denis, qui mettaient en cause le racisme d’Exhibit B –performance revendiquant une réflexion sur le rapport noirs/blancs et la colonisation– la rappeuse Casey a abordé un paradoxe encore tabou en France, tant de le monde artistique que dans la société civile:

«Tu peux pas parler d’esclavage en montrant que l’esclave, faut montrer aussi l’esclavagiste (…) faut que le blanc il se détermine en tant que blanc (…) Ils ont du mal à se projeter, ils ont du mal à se déterminer en tant que blancs»

 

C’est cette question de l’indicible pendant de l’altérité, à savoir la norme, que résumait déjà la sociologue et féministe Colette Guillaumin, en 1978, dans Pratique du pouvoir et idée de Nature:

 «On dit des Noirs qu’ils sont Noirs par rapport aux Blancs, mais les Blancs sont, tout court, il n’est d’ailleurs pas sûr que les Blancs soient d’une quelconque couleur.»

C’est cette citation du reste qui ouvre De quelle couleur sont les Blancs, ouvrage collectif dirigé par l’historienne et américaniste Sylvie Laurent et le journaliste Thierry Leclère, paru en 2013 et qui illustre parfaitement le paradoxe de l’identité blanche dans la société française, remis en lumière avec les débats autour du TGP: cette identité blanche est une norme qui ne se pense ni ne se voit comme telle.

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En Syrie Majed, mort à Alep, combattait Assad ET les djihadistes

Article adressé aux « riverains » de rue89.

Majed Karman, militant révolutionnaire d’Alep (Photo diffusée par les camarades de Majed)

J’ai rencontré Majed Karman en juillet 2013, lorsqu’Ammar Abd Rabbo et moi nous étions infiltrés dans les quartiers révolutionnaires d’Alep.

Nous ignorions alors que nos amis Didier François et Nicolas Hénin, ainsi que leurs compagnons d’infortune Edouard Elias et Pierre Torres, étaient embastillés non loin de notre « planque », dans un hôpital que Daech, l’acronyme arabe de « l’Etat islamique », avait transformé en centre de détention et de torture.

Majed était un militant actif du Conseil des révolutionnaires de Salaheddine, quartier mixte arabe et kurde. Salaheddine, situé sur la ligne de front avec les forces du régime Assad, était devenu emblématique de la résistance populaire d’Alep à la dictature.

Comme tous ses camarades, Majed était à la fois un administrateur civil de l’aide distribuée à la population, un organisateur de secours multiformes et un combattant voué à la défense de ces zones dites « libérées ».

Deuxième révolution

Majed avait pris les armes à l’été 2012 pour défendre les siens, dans l’espoir d’élever un jour une famille dans une Syrie débarrassée du despote. Ses armes, il les avait ensuite tournées contre Daech, lors d’une bataille impitoyable, une « deuxième révolution » qui avait, en janvier 2014, expulsé les commandos djihadistes hors d’Alep.

C’est après, vous avez bien lu chers riverains, après cette victoire remportée sur Daech que le régime Assad avait intensifié sa campagne de bombardements aux « barils », ces containers de TNT bourrés de grenaille, largués à basse altitude par des hélicoptères invulnérables, en l’absence d’arme anti-aérienne au sein de la guérilla.

Ces bombardements sauvages avaient semé la terreur au sein de la population des quartiers « libérés » d’Alep, qui était tombée d’un million à moins de 300 000 personnes.

Pourtant, dans cette désolation, Majed gardait une contagieuse bonne humeur. Il avait ainsi joué dans la série « Interdit en Syrie », tournée avec les moyens du bord par de jeunes révolutionnaires d’Alep.

Frapper Daech, épargner Assad ?

Cela fait deux mois que l’administration Obama a étendu à la Syrie sa campagne, lancée en Irak, de raids aériens contre Daech. Cette campagne a soigneusement épargné les positions du régime Assad, alors qu’elle a frappé, bien au-delà de Daech, des groupes engagés dans la lutte contre la dictature.

Assad en a naturellement profité pour multiplier ses pilonnages sur Alep et resserrer son siège sur la partie « libérée » de la deuxième ville de Syrie.

Les funérailles de Majed Karman, mort le 23 novembre 2014 (Photo diffusée par les camarades de Majed)

C’est en combattant pour sauver le dernier axe d’accès d’Alep vers le nord et la Turquie que Majed Karman a été tué, le 23 novembre 2014.

Il n’est qu’un visage de plus dans la litanie des 200 000 morts déjà tombés en Syrie depuis le déclenchement de la révolution, longtemps non-violente, en mars 2011. Aujourd’hui un Syrien sur deux a été expulsé de son foyer et a dû se réfugier soit dans une autre région de Syrie, soit à l’étranger.

Cent fois plus de victimes d’Assad

Alors que la campagne anti-Daech occupe les esprits et les médias, on oublie trop rapidement qu’Assad et ses nervis ont fait cent fois plus de victimes que les bourreaux djihadistes.

La mort de Majed Karman, les armes à la main, laissera indifférents tous ceux pour qui la tragédie syrienne n’est qu’une affaire d’Arabes tuant d’autres Arabes. Mais, pour les riverains convaincus que la Syrie est notre guerre d’Espagne, cette disparition devrait rappeler ce qui est vraiment en jeu là-bas. Avant qu’il ne soit trop tard.

Lu sur le blog de J-P Filiu (rue89)