20.000 manifestants à Francfort contre l’austérité

ATS, 1 juin 2013 :

Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées samedi à Francfort pour dénoncer les politiques d’austérité en Europe à l’appel du collectif anticapitaliste Blockupy. D’autres manifestations anti-austérité ont également eu lieu en Espagne et au Portugal.

Manifestation à Francfort, 1 juin

Les organisateurs de la protestation francfortoise, lancée dans le centre de la ville, ont annoncé en fin de journée la participation de plus de 20’000 personnes. La police estime que le rassemblement a réuni 7000 personnes.

Quelques incidents ont eu lieu. La police a encerclé pendant plusieurs heures « de 200 à 400 manifestants », un millier selon les organisateurs. Les forces de l’ordre ont exigé d’eux qu’ils défilent visage découvert, alors que certains dissimulaient leurs traits sous des écharpes, cagoules et autres foulards.

 

Gaz lacrymogène

La police, en tenue anti-émeutes, a fait usage de gaz lacrymogène à plusieurs reprises et le cortège dans son ensemble a été arrêté en raison de ces incidents. La manifestation devait initialement s’achever par un rassemblement aux abords de la Banque centrale européenne (BCE), alors que le 1er juin marque les 15 ans de la fondation de l’institution.

Syndicats et organisations de gauche participaient également à l’initiative. Celle-ci fait suite à une autre manifestation organisée la veille et qui avait réuni près de 2000 personnes contre l’austérité et la spéculation agricole.

Des défilés ont également été organisés au Portugal et en Espagne. Cartons rouges, chants et sifflements ont marqué les manifestations contre l’austérité qui ont rassemblé des milliers de personnes samedi après-midi à Lisbonne et dans les principales autres villes portugaises.

« Basta! », « Troïka dehors! »

« Basta! », « Troïka dehors! » « Gouvernement démission! », « Respect! » pouvait-on lire sur des pancartes. Celles-ci sont été brandies par des protestataires devant la représentation du Fonds monétaire international (FMI) à Lisbonne.

Partis de gauche et anticapitalistes ont aussi appelé à manifester contre l’austérité en Espagne. Derrière des mots d’ordre visant là encore la troïka et les politiques d’austérité, plusieurs milliers de personnes ont notamment défilé à Madrid samedi soir.

Istanbul : Deux morts dans les manifestations

Le Matin, 2 juin 2013 :

Des milliers de manifestants ont célébré leur victoire à Istanbul dans la nuit de samedi à dimanche après le retrait de la police de la place Taksim. Deux personnes auraient perdu la vie lors des heurts de ces derniers jours, a indiqué dimanche Amnesty International (AI).

Les manifestants sur la place Taksim, tôt dimanche matin. Samedi, les policiers se sont retirés dans cette place emblématique au centre d’Istanbul, dont ils essayaient de chasser les manifestants.
Istanbul : affrontements avec la police dans la nuit de samedi à dimanche, ici près du Bosphore vers le palace de Dolmabahçe.

Euronews, 2 juin 2013 :

Plus de 90 rassemblements ont eu lieu à travers tout le pays. D’après le ministère de l’Intérieur, la police a procédé à plus de 900 arrestations.

CRI, 2 juin 2013 :

Un groupe de manifestants a attaqué samedi le bureau du Premier ministre Recept Tayyip Erdogan à Istanbul avec des pierres.

Plus de 50.000 manifestants sont rassemblées samedi sur place Taksim au centre d’Istanbul au cinquième jour de manifestation contre la destruction du parc Gezi transformée en un mouvement de protestion contre la politique du Premier ministre Erdogan.

Auto-défense?

Black panthers greeceArticle tiré du site Devoir d’Insolence (en soutien au groupe ZEP). Il donne des éléments intéressants et porteurs d’espoir concernant la riposte antifasciste en Grèce, avec une auto-organisation des premiers concernés pour répondre aux attaques racistes. La référence aux Black Panthers prouve bien qu’à travers le temps, cette expérience historique reste un symbole très puissant. Tout l’article est disponible en lien.

Exaspérés d’être pris pour cibles par les bandes d’Aube Dorée, un groupe d’habitants d’Athènes a décidé de résister aux extrémistes en faisant des patrouilles de nuit dans leurs quartiers.

Le groupe d’auto-défense surnommé les Black Panthers s’est formé en Grèce afin de protéger la communauté noire du pays des attaques du parti d’extrême-droite Aube Dorée envers les immigrés, rapporte le journal grec indépendant Enet English.

Ce groupe a déclaré en avoir assez d’être la cible des gangs d’Aube Dorée, raison pour laquelle ils ont formé des patrouilles nocturnes afin de veiller à la sécurité de leurs quartiers. Le groupe emploie des téléphones portables ainsi que les réseaux sociaux afin de prévenir les attaques d’Aube Dorée et d’être en mesure de riposter rapidement.

Un membre du groupe originaire du Kenya qui a vécu 28 ans en Grèce a déclaré à la chaîne anglaise Channel 4 : « Je suis membre des Black Panthers et tout le monde le sait. Je veux donner un avertissement à Aube Dorée : ne venez pas chercher la merde aux Noirs ! ». « Je n’ai pas peur de ce groupe idiot et stupide de néo-nazis », a expliqué Michael Chege au journaliste Jamal Osman de Channel 4. « Durant la Seconde guerre mondiale, ils ont été écrasés. Maintenant, nous allons les exterminer  ». « Aube Dorée veut reproduire ce qu’a fait Hitler. Essayez ! Ils connaîtront le même sort et pire encore »

Devoir d’Insolence / Channel 4

 

[Turquie] Les rues ne désemplissent pas

TURQUIE – LES RUES NE DÉSEMPLISSENT PAS / LA CHRONIQUE ATTENTIVE ET SUIVRA LA SITUATION / LE TEST POUR LE POUVOIR – C’est inévitablement un test. Un test essentiel. Car pour le pouvoir d’Erdogan, qui avait sommé, dès les premiers jours de la révolte égyptienne, Hosni Moubarak de démissionner, il ne faudrait reproduire les affres de ce dernier. Pour le moment, il n’y a pas eu de morts dans les manifestants. Mais l’opposition n’attend, malheureusement pour certains, que cela. L’heure est justement venue pour voir si le régime turc est capable d’encaisser ces évènements sans répression violente, ce qui semble mal parti. À Erdogan de démontrer qu’il le peut. La situation est très tendue cette nuit (à gauche : Istanbul / à droite : Ankara) et la Chronique suivra les évènements attentivement.

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TURQUIE – APPELS A MANIFESTER CE 1er JUIN / AFFRONTEMENTS A ANKARA, ISTANBUL ET BODRUM / DES PARTIS KURDES SOLIDAIRES – INFORMATIONS CHRONIQUE – Des milliers de personnes manifestent encore cette nuit dans tout le pays, n’exigeant rien de moins que la chute du gouvernement d’Erdogan, au pouvoir depuis plus de 10 ans, et qui avait promis encore récemment qu’il serait encore au pouvoir en 2024 pour le centième anniversaire de la constitution de 1924. Les dernières élections avaient vu une large victoire de l’AKP d’Erdogan mais le début d’un retour inattendu des forces laïques, notamment parmi les plus dures dans leur opposition au pouvoir [Aux dernières élections turques (qui étaient libres, plurielles et ouvertes, hormis à certaines forces kurdes, fait largement critiqué ici), l’AKP avait remporté à lui seul 49,5 % des votes, contre, pour ses rivaux laïcs endurcis, 25 % seulement pour le Parti Républicain du Peuple (d’inspiration kémaliste) et 13 % pour le parti d’action nationaliste.]. Dans la nuit du 31 mai au 1er juin, de violents affrontements ont lieu tandis que de nouveaux appels à manifester ont été lancés, avec des solidarités, notamment de mouvements kurdes.

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TURQUIE – LA RÉPRESSION NE FAIT QUE SOUFFLER SUR LA COLÈRE / LA CONTESTATION GAGNE D’AUTRES VILLES / AFFRONTEMENTS EN CE MOMENT À ISTANBUL – INFORMATIONS CHRONIQUE – La contestation d’une décision de rénovation urbaine d’un parc d’Istanbul est en train de tourner à la colère d’une partie de la population turque. Le 31 mai, plus de 53 personnes ont été blessées, dont certaines gravement, dans la répression. Le cycle a alors démarré : la manifestation locale s’est transformée en colère contre le régime au pouvoir, dominé par l’AKP et Recipe Erdogan, son célèbre chef. Mais loin de calmer les choses, la répression n’a fait qu’amplifier : des manifestations ont gagné Brodum, Edirne, Mersin, Mugla, Ankara, Konya, etc… Cette nuit, deux batiments gouvernementaux sont en feu à Istanbul.

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La Chronique du printemps arabe sur Facebook, par Cédric Labrousse, 1er juin 2013

[Istanbul] La police travaille

À Istanbul, heurts entre la population et la police autour d’un projet urbain controversé

Istanbul, correspondance. La dernière charge de la police anti-émeute, envoyée pour ratisser le parc au petit matin, a laissé des traces. “Ils ont utilisé une brutalité démesurée, mais il en faudra plus pour nous décourager “, raconte, Baris, 25 ans, barbu et la tignasse en bataille, en se massant le corps endolori.

http://juralib.noblogs.org/files/2013/05/0318.jpgVOIR LA VIDÉO

Vendredi matin 31 mai, après les avoir copieusement enfumés à grands renforts de gaz lacrymogènes, les forces de l’ordre ont délogé manu militari quelque 300 personnes du parc de Gezi, un espace vert situé au-dessus de la place Taksim, en plein cœur d’Istanbul et menacé par un projet de construction de la mairie.

“Un de nos amis s’était accroché à un arbre, ils l’ont roué de coups, il doit être opéré des testicules”, raconte Marti Büyüközden, une porte-parole de Solidarité Taksim, quelques heures après l’intervention musclée. Mais les militants sont revenus, ils ont replanté leurs tentes entre les arbres et ressorti les instruments de musique qui n’avaient pas été brûlés par la police.

Depuis le début de l’occupation du parc, mardi, plusieurs milliers de personnes sont venus témoigner leur soutien : des associations culturelles, des syndicats, des groupes d’artistes, d’étudiants, des défenseurs de la nature, des anticapitalistes, quelques punks avec leurs chiens… Et, au-delà, tous les riverains stambouliotes ulcérés par la marchandisation du centre-ville et le remodelage urbain mené par la municipalité à coups de bulldozers.

http://juralib.noblogs.org/files/2013/05/0122.jpghttp://juralib.noblogs.org/files/2013/05/072.jpeghttp://juralib.noblogs.org/files/2013/05/1110.jpghttp://juralib.noblogs.org/files/2013/05/0813.jpg

http://juralib.noblogs.org/files/2013/05/1014.jpgÀ l’orée d’une troisième nuit d’occupation, jeudi soir, ils étaient plus de 10’000 serrés sur les pelouses, pour une assemblée générale à ciel ouvert. Le parc de Taksim a tout pour devenir le point de départ d’une contestation inédite contre la politique du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan.

L’opposition l’a vite compris. Plusieurs députés, dont le chef du Parti républicain du peuple (CHP), Kemal Kiliçdaroglu, sont venus se montrer. Même au sein de la majorité, le projet attire des critiques.

Le premier ministre et ancien maire d’Istanbul (1994-1999) a pour l’instant traité par le mépris cette mobilisation. “Ils peuvent faire ce qu’ils veulent, notre décision est prise”, a-t-il lancé, mercredi, en inaugurant le chantier pharaonique du troisième pont sur le Bosphore, un autre de ces projets fortement contestés et entrepris sans guère de concertation.

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“DES DIZAINES DE PROJETS DANGEREUX POUR NOTRE VILLE”

“La place Taksim et le projet de rénovation de la mairie sont extrêmement symboliques, note Akif Burak Atlar, le secrétaire de la chambre des planificateurs urbains. Quand on a quelque chose à revendiquer, à crier, à célébrer, cela se passe toujours ici. C’est le lieu des manifestations. Mais, pour Erdogan, aussi c’est un le lieu d’expression d’une idéologie. Ce quartier vivant et festif représente tout ce que le gouvernement déteste.”

À l’emplacement du parc, le gouvernement veut reconstruire les anciennes casernes de l’armée ottomane qui avaient été détruites en 1940. M. Erdogan qui, pour beaucoup, est resté le véritable maire d’Istanbul, a laissé entendre que ces casernes néo-ottomanes pourraient aussi abriter un centre commercial. Istanbul en compte déjà des dizaines. Pour couronner le tout, le chantier a été confié à un architecte, Halil Onur, employé par la municipalité.

“C’est le plus emblématique, mais il y a comme cela des dizaines de projets dangereux pour notre ville”, ajoute M. Atlar. Le pouvoir s’est lancé dans une frénésie de construction à Istanbul, avec le troisième aéroport, prévu pour être le plus grand du monde, la mosquée géante de Camlica ou encore les infrastructures à ériger pour l’organisation des Jeux Olympiques de 2020, auxquels Istanbul est candidate.

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Leur presse (Guillaume Perrier, LeMonde.fr, 31 mai 2013)

 

(…) Des manifestations similaires ont éclaté à Ankara, la capitale, ainsi qu’à Izmir, grande ville industrielle sur la mer Égée.

Leur presse (France 24, 31 mai 2013) via Solidarité ouvrière

La lutte armée en France depuis 1968

Hazem el Moukaddem retrace les parcours méconnus des groupes armées en France. Cette histoire récente demeure vive et toujours sulfureuse. Ses expériences radicales peuvent également alimenter la réflexion pour les luttes actuelles.

Hazem el Moukaddem, doctorant en sociologie, se penche sur la lutte armée en France depuis 1968. Cette histoire, toujours sulfureuse, semble le plus souvent ignorée. En Italie, cette période semble associée aux « années de plomb » ou à l’effervescence de l’Autonomie désirante. En France, la classe ouvrière comprend de nombreux immigrés. Ainsi, la lutte armée s’oriente sur les problèmes internationaux et sur le combat contre l’impérialisme.
L’extrême gauche traditionnelle rejette la violence révolutionnaire. Tous les partis s’accordent sur le consensus autour de la criminalisation et de la dépolitisation de la lutte armée. Hazem el Moukaddem refuse même la théorie selon laquelle la lutte armée s’inscrit dans une démarche minoritaire qui achève un mouvement insurrectionnel d’ampleur. Il préfère lire directement les journaux et les tracts de ses groupes révolutionnaires pour étudier leur véritable contenu politique. La lutte armée en France, et à travers le monde, se développe dans le contexte de l’après Mai 68.
L’État français, avec l’héritage du colonialisme et du gaullisme, adopte des méthodes de répression très efficaces. L’antiterrorisme en France repose sur la contre-information et la négation du conflit. Retracer l’histoire des groupes révolutionnaires armés en France permet de raviver une mémoire volontairement ensevelie. « Nous nous fixons comme objectif de déjouer la négation et l’oubli », précise Hazem el Moukaddem.

Le maoïsme spontanéiste

La Gauche prolétarienne (GP) et la Nouvelle résistance populaire (NRP) favorisent un développement de la lutte armée de 1969 à 1973. La GP, groupuscule maoïste, multiplie les actions violentes contre l’extrême droite et le patronat. La NRP regroupe un noyau d’activistes de la GP. « Partout les actions des partisans se multiplient : tabassages de petits chefs, sabotages, incendies… », décrit Hazem el Moukaddem. La GP insiste également sur la nécessité de l’autodéfense populaire face à la répression de l’État. Le maoïsme de la GP, comme celui du groupe Vive la révolution (VLR), semble plus spontanéiste que marxiste-léniniste orthodoxe.
Dans un texte de la GP, daté de 1970, la lutte de partisans à travers l’action violente est associée à un soutien populaire. « Notre présence dans les masses en est renforcée, le soutien populaire est plus grand et dans certaines grandes usines le sol commence à trembler sous les pieds des patrons et de la police syndicale », insiste la GP. Pourtant l’État s’attache à dépeindre la GP comme un groupuscule marginal. La lutte armée doit donc s’accompagner d’une intense propagande politique pour conserver une liaison avec la population. La GP dénonce également « les flics en civil du PCF ou des syndicats » qui s’opposent à un véritable pouvoir populaire. La lutte armée doit « briser l’idéologie pacifiste légaliste, idéologie de soumission entretenue par les syndicats ».
La GP insiste sur l’importance de la conflictualité sociale. Pour ce mouvement, « la lutte directe illégale, contre les patrons et leurs valets, c’est le terrain sur lequel se développe la force prolétarienne autonome par rapport aux syndicats et aux révisionnistes, la force prolétarienne révolutionnaire ». Au contraire, le cadre légal et syndical permet de ne pas attaquer l’ordre capitaliste. La GP propose une stratégie révolutionnaire qui passe par une implantation dans les usines et dans les lieux de concentration du prolétariat. Les actions doivent surtout permettre de « développer l’initiative des masses » et d’intensifier la spontanéité de la révolte.

La Nouvelle résistance populaire (NRP) décide d’enlever Nogrette, chef des ressources humaines de Renault. Dans cette entreprise un vigile a tué un militant qui distribuait des tracts. La NRP évoque cet épisode de l’enlèvement dans un entretien publié dans le journal de la GP, La Cause du peuple. Mais la NRP n’envisage pas d’exécuter Nogrette pour se venger. Il s’agit surtout de rendre visible la politique de la régie Renault qui licencie des ouvriers et fait régner la terreur. Cet enlèvement permet aussi de dénoncer les cadres des entreprises qui imposent la discipline et la hiérarchie.
La NRP recherche un soutien populaire, mais pas le soutien des organisations politiques et syndicales qui refusent toutes de sortir du cadre de la légalité. « Les pratiques illégalistes, directes, c’est-à-dire qui bouleversent complètement la vie politique traditionnelle, sont nécessairement mal accueillies par des organisations qui, toutes, à un degré plus ou moins forts, participent de cette politique réglée, traditionnelle, basée sur tout un système d’élections, de « représentations », c’est-à-dire de mise à l’écart de la volonté populaire », observe la NRP. Mais ce groupe armé insiste fortement sur l’indispensable soutien populaire dans toutes les actions organisées. « Il est évident que la Révolution, c’est le mouvement des larges masses, et que des actions de petits groupes ne peuvent qu’aider la Révolution, jamais la faire », précise même la NRP. Mais des actions minoritaires peuvent permettre à un mouvement de masse de se développer. Surtout des pratiques de luttes, comme le sabotage et la séquestration, peuvent se diffuser. Contre l’idéologie de la résistance et de l’unité nationale, la NRP insiste sur la guerre de classe. « Nous croyons effectivement que tous les aspects de la vie du peuple, en France, sont dominés, écrasés par la classe patronale, et qu’il faudra bien les libérer tous », souligne la NRP.
Pourtant ce groupe armée se limite à des actions symboliques. Les actions de la NRP ne s’inscrivent pas dans la construction d’un rapport de force. Même si les maoïstes tentent d’implanter des milices populaires et des groupes d’autodéfense ouvriers pour combattre le patronat par la lutte armée. La NRP vise à diffuser une violence révolutionnaire à l’ensemble de la population.

Le mouvement autonome et la lutte armée

En 1973, Puig Antich du Movimiento iberico de libéracion (MIL) est arrêté par l’État espagnol avant d’être torturé et tué. Les Groupes d’action révolutionnaire internationaliste (GARI) se forment alors pour soutenir le jeune libertaire. Les GARI regroupent d’anciens activistes du MIL et des groupes autonomes de Toulouse ou d’Espagne.
Les GARI organisent des attentats contre des infrastructures comme les voies ferrées, les ponts, les axes de communication pour bloquer les flux commerciaux entre la France et l’Espagne. Les GARI luttent ainsi dans une perspective de révolution sociale. Ils tentent également de combattre le régime autoritaire de Franco en Espagne. « La répression franquiste qui se manifeste durement et clairement en Espagne ne diffère que dans la forme de l’intoxication aliéniste que nous font subir les « démocraties » occidentales. Si les moyens divergent, les buts sont les mêmes : l’exploitation et l’anéantissement de l’individu », analysent les GARI. Ses groupes dénoncent également la passivité des milieux révolutionnaires qui dénoncent facilement les actions jugés terroristes ou minoritaires tout en restant dans leur routine militante bien inoffensive. Pourtant, de multiples moyens d’action semblent possibles. Selon les Gari, « celui qui sait que notre société est basée sur l’exploitation sait aussi et constate chaque jour que cette exploitation revêt différentes formes. C’est pourquoi il n’y a pas un moyen ni une arme unique pour l’attaquer ».
En 1974 les Brigades internationalistes (BI) regroupent des anciens maoïstes de la Gauche Prolétarienne (GP) et des jeunes autonomes. Ils attaquent différentes ambassades. Les BI dénoncent la dictature en Iran, pourtant soutenue par l’État français. « Les actions armées sont symboliques et efficaces dans la mesure où l’efficacité est aussi symbolique : elle démontre qu’il est possible de rompre avec les pratiques pacifistes et masochistes de la gauche française », écrivent les BI. Ce groupe armé refuse la clandestinité, la spécialisation et la militarisation.

D’anciens activistes de la GP et des jeunes autonomes créent les Noyaux armés pour l’autonomie populaire (NAPAP) en 1977. Ce groupe émerge sur les décombres d’un gauchisme français noyé dans l’idéologie. Les NAPAP préfèrent se référer à l’Autonomie italienne. « Ce qui nous frappe et nous intéresse dans l’exemple italien, ce sont les victoires réelles des forces populaires révolutionnaires dans leur façon de penser, d’agir, mais aussi de vivre en 1977 », écrivent les NAPAP. Ce groupe encourage les mouvements qui se développent en dehors des partis et des syndicats. Il soutient les comités autonomes dans les usines, mais aussi les squats et les auto-réductions.
La désobéissance civile devient une pratique à diffuser face à l’emprise du capitalisme sur la vie quotidienne. « Il est grand temps d’imposer sa manière de vivre autrement », soulignent les NAPAP. Mais, pour transformer les relations humaines, l’action révolutionnaire doit sortir du carcan bureaucratique. « C’est pourquoi nous avons décidé de sortir de la légalité bourgeoise ou réformiste et de pratiquer la lutte armée afin d’instaurer un autre type de vie et de rapports humains entre les gens », précisent les NAPAP.
Le vigile Tramoni qui a tué le militant Pierre Overney à Renault incarne la terreur patronale dans l’usine et le pouvoir des petits chefs. Les NAPAP décident de tuer Tramoni pour venger la classe ouvrière. « L’exécution du flic Tramoni s’inscrit dans le combat actuel pour que les travailleurs prennent en main leur propre destiné. Ceci en commençant dès à présent à conquérir le pouvoir dans leur vie quotidienne », précisent les NAPAP. Ce groupe armée refuse la clandestinité et insiste sur la joie de vivre, malgré la nécessité de la violence. « On aime la vie et nous prenons du plaisir à lutter efficacement contre la société », écrivent joliemment les NAPAP.

Action directe et la lutte contre l’impérialisme

Action directe (AD) se forme en 1979 et provient de cet héritage de la lutte armée. La guérilla doit permettre d’agir « dans la rupture du système institutionnel et conventionnel des relations politiques encadrées, dirigées, manipulées et aliénées », écrit AD. Ce groupe demeure restreint et rentre en clandestinité pour multiplier les actions violentes. Il devient la cible de l’État social-démocrate. AD privilégie les luttes internationalistes et les cibles symboliques. « Cet internationalisme est concret, matériel. Il englobe tous les domaines de la vie des prolétaires et de ceux qui rejoignent leur camp », écrit le journal L’Internationale en 1983.
AD se rapproche des autres groupes armées en Europe, et notamment de la Fraction armée rouge (RAF) allemande. AD exécute le général Audran et Georges Besse, le patron tyrannique de la régie Renault. En 1987, les quatre membres d’AD sont arrêtés.
AD et la RAF attaquent l’Otan et l’Europe de l’Ouest comme centre de l’impérialisme. « Cela signifie clairement pour l’homme ici de plus en plus d’exploitation, de manipulation de masse par le contrôle social et l’idéologie dominante », écrivent AD et la RAF. La lutte contre l’impérialisme permet aussi d’attaquer l’État et le capitalisme.
AD, dans son communiqué qui revendique l’assassinat de Georges Besse, évoque Renault comme un laboratoire dans lequel l’État impose des conditions de travail plus dures, avec la flexibilité et la soumission des salariés.
En 1995, les membres d’AD poursuivent leur réflexion depuis la prison. « Partout la contrainte s’alourdit », constate AD. La lutte révolutionnaire doit se poursuivre « dans le rejet de tous les mécanismes et les conformismes, et fondamentalement dans la critique radicale de l’Institution classiste ». La société du contrôle total impose une routine quotidienne. Le capitalisme fabrique une subjectivité et l’individu comme « un produit « zéro défaut » des nouvelles productivités du dressage social ». Les partis et les syndicats se contentent de revendications réformistes pour défendre le travail et le logement. Les organisations du mouvement social reposent sur « la trilogie très « social-démocrate » du simulacre oppositionnel : l’étatisme, le productivisme et le moralisme ».

Face au constat d‘une destruction de la subjectivité révolutionnaire, aucune nouvelle pratique de lutte ne semble émerger. « Et partout la routine protestataire se perpétue en vase clos », observe le texte. L’engagement révolutionnaire ne dépend plus d’un Parti centralisé mais de la multiplication d’actions directes. « Parce que l’engagement révolutionnaire crée la collectivité et le désir fondamental d’émancipation, il est l’élément décisif du processus de la réapparition de la dialectique, la politique révolutionnaire en acte, l’intervention du sujet, le prendre parti et l’agir en parti pour modifier et guider le rapport entre conditions objectives et initiatives subjectives », propose le texte.
Jean-Marc Rouillan, membre d’AD, revient sur son parcours dans une interview de 2007. En 1968, à 16 ans, il découvre l’effervescence révolutionnaire. « Sur cette base, Mai 68 m’a apporté sa flamme anti-autoritaire et surtout la révélation du primat de la pratique. Ne pas attendre que les choses changent d’elles-mêmes », témoigne Jean-Marc Rouillan. Durant, les années 1970, la lutte armée doit permettre de combattre l’impérialisme depuis son propre pays. « Des dizaines de petites organisations de résistance voyaient le jour comme des groupes autonomes rompant avec les luttes routinières et pacifistes », décrit Jean-Marc Rouillan. Un illégalisme de masse doit permettre de sortir de la manière bourgeoise et institutionnelle de faire de la politique. Mais AD se développe dans les années 1980, dans le contexte de la révolution conservatrice et du triomphe du néolibéralisme.
L’altermondialisme apparaît comme une nouvelle imposture militante. La gauche de gauche et les altermondialistes ne veulent pas un autre monde, mais plutôt un autre capitalisme. « En défendant les visions d’un possible retour à un capitalisme régulé, ils trompent leur monde », observe Jean-Marc Rouillan. Les luttes sociales actuelles ne s’inscrivent plus dans une perspective de rupture avec l’ordre existant. Le prolétariat doit désormais construire et se réapproprier ses propres luttes. « Des luttes nées de la spontanéité et se plaçant résolument hors des cadres du consensus social bourgeois », précise Jean-Marc Rouillan.

L’héritage de la lutte armée

Sans être des groupes armées, des mouvements pratiquent l’action directe violente. Dans les luttes contre la prison, contre le nucléaire ou pour la solidarité internationale, la violence semble diffuse. A partir de 1975-1976, l’autonomie politique valorise l’illégalisme. Ce mouvement regroupe les nouveaux prolétaires, comme les chômeurs, les intérimaires et les travailleurs précaires. Le saccage de bâtiments et le sabotage deviennent des pratiques de lutte. La violence doit permettre d’interrompre la routine d’un mode de vie qui impose la passivité et la soumission. « Rideau de fer à l’Est, rideau de fumée à l’Ouest : l’uniformisation du mode de pensée (celui de l’hommeblanccravaté) ne peut se faire que par le génocide physique et culturel de tous ceux qui ne veulent pas se soumettre », observent les Hooligans internationalistes en 1983.

Durant les années 1980, l’antifascisme radical brise la monotonie du régime socialiste. Dans la région de Toulouse se développent les Scalp (Sections carrément anti-Le Pen), mais aussi le Black War qui pratique la lutte armée. Le soutien à ce groupe face à la répression permet l’enracinement de l’antifascisme radical.
Durant les années 1990, les Franc tireurs et partisans (FTP) luttent contre le Front national dans la région de Marseille. Des locaux du FN sont alors attaqués à l’explosif. Les FTP dénoncent la corruption des politiciens et le triomphe de la civilisation marchande qui expliquent le retour du fascisme. « L’avenir est perçu incertain, le repli sur soi est encouragé par la société de consommation. Il n’y a plus de projet collectif, mot que le capitalisme a transformé péjorativement, en synonyme de société totalitaire », observent les FTP en 1998.

Ses expériences historiques peuvent inspirer de nouvelles pratiques de luttes. Ses groupes armées tentent de construire un espace en dehors du carcan des partis et des syndicats attachés au respect de la légalité. Même en rejettant la violence et les armes, il semble indispensable de sortir de la routine militante avec ses manifestations traîne-savates, ses grèves corporatistes et ses mouvements encadrées par les bureaucraties. Il semble important d’inventer de nouvelles formes de lutte. Surtout, ses groupes révolutionnaires insistent sur l’importance de la conflictualité. Aujourd’hui, l’intériorisation des normes étatiques et marchandes se traduit par le triomphe du conformisme, de l’obéissance et du citoyennisme.
Mais, face à cette routine de la vie quotidienne, certains groupes armés ne proposent que discipline militante et idéologie du sacrifice. Mais l’action directe et la lutte politique peuvent aussi permettre de vivre la vie comme une aventure. Contre la routine gauchiste et militante, il semble essentiel d’affirmer le plaisir de la lutte et la joie de la révolte.

Source: Hazem el Moukaddem, Panorama des groupes révolutionnaires armés français de 1968 à 2000, Al Dante, 2013

Articles liés :

L’après Mai du jeune Olivier Assayas
L’antiterrorisme contre les autonomes
Témoignages sur la lutte armée en Italie
Lutter et vivre dans l’autonomie italienne
Insurrection des désirs dans l’Italie des années 1970

Pour aller plus loin :

Présentation du livre sur le site Feu de Prairie publiée le 28 mars 2013
Entretien avec Hazem el Moukaddem, à propos de Panorama des groupes révolutionnaires armés français de 1968 à 2000, publié le 9 mars 2013 sur le site des éditions Al Dante
Brochures « Agitations armées » sur le site Infokiosques
Film de Martina Loher Rodriguez sur le MIL réalisé en 2006, publié sur le site Esprit 68
Film de Pierre Carles et Georges Minangoy « Ni vieux ni traîtres », sorti en 2006 et publié sur le site Intercessions le 26 mars 2008

Sur la Gauche prolétarienne :
« Gauche prolétarienne Luttes urbaines », publié sur le site Laboratoire urbanisme insurrectionnel
Parti Communiste maoïste de France, « Que l’ancien serve au nouveau : sur la Gauche prolétarienne », publié sur le site Servir le peuple le 1er novembre 2010
Archives du journal La Cause du peuple publiées sur le site Archives communistes
Interview de Volodia Shahshahani, ancien membre de la gauche prolétarienne, publié sur le site des Renseignements Généreux

Sur le mouvement autonome et Action directe :
Archives sur le MIL
Sébastien Schifres, « La mouvance autonome en France de 1976 à 1984 »
Jean-Baptiste Casanova, « Les Autonomes. Le mouvement autonome parisien à la fin des années 1970 », publié sur le site de revue Dissidences
Patrice Herr-Sang, « A propos du mouvement autonome », publié sur le webzine La spirale le 28 novembre 2008
Jean-Guillaume Lanuque, « Action directe. Anatomie d’un météore politique », publié sur le site de la revue Dissidences le 27 mai 2012

tiré de http://zones-subversives.over-blog.com/