đŸ‘šâ€đŸŽ“Â«Â N’étudiez pas les pauvres et les sans-pouvoir : tout ce que vous direz sera utilisĂ© contre elleux ».👹‍🎓

Ça faisait longtemps que je n’étais pas tombĂ©e sur une critique de ce qui est produit dans le cadre de l’universitĂ©, d’un point de vue subversif. Bien plus vivace il y a quelques annĂ©es, ce regard sur la production de savoir est tombĂ© en dĂ©suĂ©tude, rendant plus acceptable l’idĂ©e de faire carriĂšre sur les luttes. Souvent au nom de la « survie », ou du fait qu’il « faut bien s’en sortir »… Mais qui produit ce genre de rhĂ©torique, et dans quel but ? Est-ce qu’il s’agit vraiment de survivre (un toit, de la nourriture, la santĂ© ?), et est-ce que les personnes qui produisent des donnĂ©es sur les opprimĂ©.e.s ont rĂ©ellement intĂ©rĂȘt Ă  ce que les diffĂ©rents systĂšmes de domination s’écroulent ?

Plusieurs personnes ont dĂ©couvert avec dĂ©ception, aprĂšs des annĂ©es au cĂŽtĂ© d’une amie, la thĂšse universitaire que cette derniĂšre avait produite sur elles et leur cercle d’agitation politique en mixitĂ© choisie. Sociologue en formation, cette personne s’est introduite dans leur espace d’organisation pour Ă©tudier les modes de vie et de luttes de celles qui sont devenues ses proches Ă  l’occasion de ce terrain de recherche, pour l’universitĂ© et contre un salaire, pour certaines avec leur accord, mais pour d’autres souvent Ă  leurs dĂ©pends et parfois mĂȘme contre leur volontĂ©.

Ayant moi-mĂȘme portĂ© un grand intĂ©rĂȘt aux sciences sociales et humaines, j’ai d’abord Ă©tĂ© rĂ©ticente face Ă  cette lecture. La nĂ©cessitĂ© de comprendre l’organisation de la sociĂ©tĂ©, mais aussi ses marges et les mouvements contestataires, m’a toujours paru importante. La notion du point de vue situĂ© issue des sciences sociales, notamment des subaltern studies et de l’anthropologie, est venue s’opposer Ă  la production de recherches complĂštement biaisĂ©es par un regard trop extĂ©rieur et dominant, et les chercheur.e.s ont adaptĂ© leurs approches Ă  cette nouvelle Ă©pistĂ©mologie*. Cette Ă©volution de la mĂ©thode de recherche a peut-ĂȘtre contribuĂ© Ă  mieux comprendre certaines formes sociales, mais elle n’a pas dĂ©centrĂ© le lieu de la production du savoir. Le savoir, celui qui fait autoritĂ©, reste celui produit par l’universitĂ©, mĂȘme quand il parle de nos propres vies, mĂȘme quand celleux qui le produisent n’ont manifestement rien compris Ă  leur sujet d’étude

Le problĂšme, soulevĂ© par les autrices de ce petit guide d’autodĂ©fense face aux chercheur.e.s, est le suivant : connaĂźtre, oui, mais dans quel but ? Étudier les pauvres, pour mieux les comprendre ou pour mieux les dominer et contourner leurs rĂ©sistances ? Pourquoi Ă©tudier pour l’universitĂ© des collectifs de lutte, si ce n’est pour en rĂ©vĂ©ler les mĂ©canismes, les stratĂ©gies et les difficultĂ©s, et donc les offrir en pĂąture Ă  la rĂ©pression et l’infiltration policiĂšre et Ă©tatique ?

Toutes les formes de rĂ©cupĂ©ration des luttes par le capitalisme et des systĂšmes de domination sont le fruit d’une meilleures connaissance de celles-ci par celleux qui veulent les maintenir. Il ne s’agit pas de vivre dans le secret pour Ă©chapper Ă  la surveillance, au greenwashing, au pinkwashing ou autre ; mais il s’agit de ne pas se laisser dĂ©possĂ©der de nos vĂ©cus et de nos initiatives politiques par des gens qui ne feront jamais rien de plus que nous observer, pour une gloriole personnelle et un peu d’argent.

Ce texte, édité sans code-barre ni prix, par le mystérieux Fond de la casse en février de cette année, est disponible gratuitement sur internet et en physique dans des infokiosques.

Pour le lire, c’est par ici.

*Ă©pistĂ©mologie : la science qui s’observe elle-mĂȘme et s’auto-critique, dans le but d’ĂȘtre plus exacte

 

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