par Vincent Casanova, Joseph Confavreux, Laurence Duchêne, Dominique Dupart, Carine Fouteau, Stany Grelet, Paul Guillibert, Thibault Henneton, Xavier de La Porte, Aude Lalande, Philippe Mangeot, Petra Neuenhaus, Carole Peclers, Lise Wajeman & Pierre Zaoui
Illustrations d’Antoine Perrot
On vit tous, depuis plus d’un siècle, sur une ligne de crête : un pas de plus, un pas trop loin en trépignant dans son bon droit et on tombe dans le fascisme ou on le voit surgir subitement en soi, ou encore on le sent nous traverser comme un flux irrésistible et anonyme. C’est avant tout pour cela que nous tenons encore à employer le mot « fasciste ». On ne peut pas renoncer à employer un tel terme au nom de sa confusion avec d’autres formes peu sympathiques de politique (populisme, racisme ordinaire, autoritarisme classique…), puisque le propre du fascisme est justement de tout confondre, de tout mélanger, de tout ensorceler. Les affects fascistes ne sont pas solubles dans une logique de camps ou de classes. On les retrouve partout, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche, en passant par de policés ministres de l’Intérieur ou du Budget prétendus de centre-gauche. Bref, parce que le premier danger est de découvrir le fascisme non pas en l’autre mais en soi : dans une pulsion raciste insoupçonnée, dans une subite fureur de destruction, dans le sentiment irrépressible d’un « tous pourris », dans une haine impuissante ressassant ses échecs répétés. De ce point de vue, le plus important, face au fascisme, est de se demander comment s’en protéger avant d’en accuser les autres depuis le bunker de sa bonne conscience, ou de pointer du doigt les nouveaux ventres féconds de la bête immonde. Même si Dieu sait — et il n’est pas le seul — combien les fascismes menacent aujourd’hui, partout : en France, en Hongrie, en Europe, aux États-Unis, de la Pologne aux îles Kouriles, en Syrie, en Égypte, en Israël, dans la péninsule amérindienne, en Norvège, au Pérou, chez les Tchèques, au sud des Abruzzes, au printemps, l’été même, parfois la nuit, en Turquie, en Chine, à Djibouti et au Kenya, partout. Mais commençons par tester nos propres capacités de défense véritablement non-fascistes. Michel Foucault a écrit en 1975 une flamboyante préface à L’Anti-Œdipe de Deleuze et Guattari qui s’intitulait « Introduction à la vie non-fasciste ». Tentons de lui redonner une forme actuelle. Une sorte de vade mecum par gros temps.
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