En Syrie Majed, mort à Alep, combattait Assad ET les djihadistes
Majed Karman, militant révolutionnaire d’Alep (Photo diffusée par les camarades de Majed)
J’ai rencontré Majed Karman en juillet 2013, lorsqu’Ammar Abd Rabbo et moi nous étions infiltrés dans les quartiers révolutionnaires d’Alep.
Nous ignorions alors que nos amis Didier François et Nicolas Hénin, ainsi que leurs compagnons d’infortune Edouard Elias et Pierre Torres, étaient embastillés non loin de notre « planque », dans un hôpital que Daech, l’acronyme arabe de « l’Etat islamique », avait transformé en centre de détention et de torture.
Majed était un militant actif du Conseil des révolutionnaires de Salaheddine, quartier mixte arabe et kurde. Salaheddine, situé sur la ligne de front avec les forces du régime Assad, était devenu emblématique de la résistance populaire d’Alep à la dictature.
Comme tous ses camarades, Majed était à la fois un administrateur civil de l’aide distribuée à la population, un organisateur de secours multiformes et un combattant voué à la défense de ces zones dites « libérées ».
Deuxième révolution
Majed avait pris les armes à l’été 2012 pour défendre les siens, dans l’espoir d’élever un jour une famille dans une Syrie débarrassée du despote. Ses armes, il les avait ensuite tournées contre Daech, lors d’une bataille impitoyable, une « deuxième révolution » qui avait, en janvier 2014, expulsé les commandos djihadistes hors d’Alep.
C’est après, vous avez bien lu chers riverains, après cette victoire remportée sur Daech que le régime Assad avait intensifié sa campagne de bombardements aux « barils », ces containers de TNT bourrés de grenaille, largués à basse altitude par des hélicoptères invulnérables, en l’absence d’arme anti-aérienne au sein de la guérilla.
Ces bombardements sauvages avaient semé la terreur au sein de la population des quartiers « libérés » d’Alep, qui était tombée d’un million à moins de 300 000 personnes.
Pourtant, dans cette désolation, Majed gardait une contagieuse bonne humeur. Il avait ainsi joué dans la série « Interdit en Syrie », tournée avec les moyens du bord par de jeunes révolutionnaires d’Alep.
Frapper Daech, épargner Assad ?
Cela fait deux mois que l’administration Obama a étendu à la Syrie sa campagne, lancée en Irak, de raids aériens contre Daech. Cette campagne a soigneusement épargné les positions du régime Assad, alors qu’elle a frappé, bien au-delà de Daech, des groupes engagés dans la lutte contre la dictature.
Assad en a naturellement profité pour multiplier ses pilonnages sur Alep et resserrer son siège sur la partie « libérée » de la deuxième ville de Syrie.
Les funérailles de Majed Karman, mort le 23 novembre 2014 (Photo diffusée par les camarades de Majed)
C’est en combattant pour sauver le dernier axe d’accès d’Alep vers le nord et la Turquie que Majed Karman a été tué, le 23 novembre 2014.
Il n’est qu’un visage de plus dans la litanie des 200 000 morts déjà tombés en Syrie depuis le déclenchement de la révolution, longtemps non-violente, en mars 2011. Aujourd’hui un Syrien sur deux a été expulsé de son foyer et a dû se réfugier soit dans une autre région de Syrie, soit à l’étranger.
Cent fois plus de victimes d’Assad
Alors que la campagne anti-Daech occupe les esprits et les médias, on oublie trop rapidement qu’Assad et ses nervis ont fait cent fois plus de victimes que les bourreaux djihadistes.
La mort de Majed Karman, les armes à la main, laissera indifférents tous ceux pour qui la tragédie syrienne n’est qu’une affaire d’Arabes tuant d’autres Arabes. Mais, pour les riverains convaincus que la Syrie est notre guerre d’Espagne, cette disparition devrait rappeler ce qui est vraiment en jeu là-bas. Avant qu’il ne soit trop tard.
Lu sur le blog de J-P Filiu (rue89)
L’anarchisme révolutionnaire de Flores Magon
L’anarchisme révolutionnaire n’est pas un courant politique qui existe uniquement dans l’Europe occidentale. Certains gauchistes postmodernes considèrent la perspective d’une révolution mondiale comme un projet colonial pour imposer l’universalisme occidental. Ils justifient ainsi l’acceptation des traditions communautaires avec ses hiérarchies et sa morale patriarcale. Les communautés indigènes au Mexique, duChiapas ou de Oaxaca, sont alors présentées comme émancipatrices.
Mais le Mexique abrite également une véritable culture libertaire. Ricardo Flores Magon incarne ce mouvement anarchiste et révolutionnaire. Il participe à de nombreuses révoltes dans le Mexique des années 1910. Il se place du côté des illégaux, des brigands, des rebelles. Ses textes incitent à l’action et à l’insurrection, loin de la résignation postmoderne et du fatalisme marchand. Le mouvement magoniste existe toujours, même si les anarchistes préfèrent médiatiser les pitreries du sous commandant Marcos.
Appel à l’insurrection
« Dans la pâleur du paysage se dessine la silhouette d’un géant : l’insurrection », écrit Ricardo Flores Magon. Il évoque, avec lyrisme et passion, les diverses révoltes ouvrières. Malgré leur échec, elles permettent de raviver la perspective d’une rupture avec la barbarie capitaliste. « Ainsi vivent les classes dirigeantes, de la souffrance et de la mort des classes dirigées. Pauvres et riches, opprimés et despotes, égarés par l’habitude et les usages ancestraux, considèrent cette situation absurde comme naturelle », souligne Ricardo Flores Magon. Il propose une véritable analyse de classe de la société. Il attaque également les valeurs traditionnelles qui imposent l’acceptation de l’ordre social.
Mais la réflexion critique peut transformer l’esclave en rebelle. Même si la théorie ne remplace pas l’action, indispensable pour véritablement transformer la société. « Le droit à la révolte pénètre les consciences. Le mécontentement grandit, le malaise devient insupportable. La contestation éclate et tout s’embrase », poursuit Ricardo Flores Magon. La conscience de classe permet l’émergence d’une colère spontanée qui ne provient d’aucune avant-garde. La révolte apparaît comme une respiration, indispensable pour vivre.
L’anarchiste illégaliste préfère le voleur au mendiant qui quémande une aumône à genoux devant le bourgeois. La dignité du voleur devient préférable à la soumission de l’honnête citoyen qui se prosterne devant la légalité bourgeoise. « En violant les lois promulguées par la bourgeoisie, je ne fais que rétablir la justice bafouée par les riches, qui volent les pauvres au nom de la loi », écrit Ricardo Flores Magon.
la suite sur zones-subversives.over-blog.com
Interview de l’Action Antifasciste Ukraine
Sascha, Andrei et Mira sont membres de l’Union Antifasciste Ukrainienne, un groupe qui surveille et combat le fascisme en Ukraine.
Nous nous sommes assis pour parler de l’influence du fascisme sur EuroMaidan, voilà ce qu’ils m’ont dit :
Sascha : Il y a beaucoup de Nationalistes ici, dont des Nazis. Ils viennent de toute l’Ukraine, et ils représentent environ 30% des manifestants.
Mira : Les deux plus gros groupes sont Svoboda et Pravy Sektor (Secteur Droite). Les forces de défense ne sont pas à 100% du Pravy mais beaucoup le sont.
S : Svoboda est un groupe légal, mais ils ont aussi une faction illégale. Pravy Sektor est plus illégal, mais ils veulent prendre la place de Svoboda.
M : Il y a beaucoup de querelles entre Pravy et Svoboda. Ils ont travaillé ensemble pendant les violences, mais maintenant que tout est calme ils ont le temps de se focaliser les uns sur les autres. Pravy et Svoboda reçoivent tous les deux des dons et ils ont beaucoup d’argent.
Pravy a récemment eu de tout nouveaux uniformes, des treillis militaires. L’une des pires choses est que Pravy a sa structure officielle. Ils sont coordonnés. Tu as besoin de laissez-passer pour aller sur certaines places. Ils ont le pouvoir de donner ou de ne pas donner la permission aux gens d’être actifs. Nous essayons d’être actifs mais nous devons éviter les nazis, et je ne vais pas demander la permission à des Nazis !
S : Un groupe de 100 anarchistes a essayé d’organiser leur propre groupe d’autodéfense, différents groupes anarchistes sont venu ensemble pour un meeting sur le Maidan. Pendant qu’ils faisaient leur meeting, un groupe de Nazis est arrivé en plus grand nombre, ils avaient des haches, des battes de baseball, des bâtons et des casques, ils ont dit que c’était leur territoire. Ils ont appelé les anarchistes « juifs », « noirs », « communistes ». Ils n’étaient même pas communistes, c’était juste une insulte. Les anarchistes ne s’attendaient pas à ça et ils sont parti. Les gens qui ont des visions politiques différentes ne peuvent pas rester sur certaines places, ils ne sont pas tolérés.
M : Plus tôt, une tente Stalinienne a été attaqué par des Nazis. Une personne a été envoyée à l’hôpital. Un autre étudiant a dénoncé le fascisme et il a été attaqué. Pravy Sektor a beaucoup attiré l’attention après les premières violences, les médias leur ont donné de la popularité et ils ont commencé à croire qu’ils étaient des gars cool. Pravy existait déjà avant, mais maintenant ils grandissent et ils attirent beaucoup de nouvelles personnes.
S : Après ça Pravy a recruté beaucoup de jeunes gens. Ils ont de l’argent pour faire de la propagande, des uniformes, ils attirent l’attention et ils ont l’aire cool.
Un groupe de jeunes hommes qui ont récemment rejoint la Milice de Défense.
M : L’Ukraine est un pays patriarcal alors être un homme fort qui combat est une bonne chose.
S : Les groupes nazis essayent également d’imiter les gauchistes, d’essayer de les intégrer. Ils utilisent un vocabulaire anarchiste, des mots comme « autonomes ». C’est ce qu’est en train de faire l’un des plus affreux groupe Nazi en s’appelant « Résistance Autonome ». Ils ont beaucoup de succès avec cette tactique. Ils attirent quelques anarchistes qui pensent qu’ils font changer les nazis, alors qu’en vérité c’est les nazis qui sont en train de les changer. Ils deviennent plus nationalistes, ils ont des visions plus antiféministes, etc. C’est maintenant que les anarchistes doivent s’exprimer et se faire entendre.
Deux symboles que l’on peut retrouver à EuroMaidan. La croix celtique (en haut) est un symbole commun qui représente la suprématie blanche. La Wolfsangel (en bas) était un symbole utilisé par différentes divisions SS pendant la seconde guerre mondiale et représente maintenant le Néonazisme:
S : Tout l’éventail nationaliste est représenté. Ils se divisent entre groupes qui ont leurs propres symboles. Ils veulent du soutient alors ils n’utilisent pas tant de symboles Nazis ou fascistes que ça. Ils utilisent des symboles reconnaissables par d’autres fascistes, mais qui sont inconnus pour les autres gens. Par exemple il y a le symbole d’un aigle spéciale. Il est dessiné de telle manière qu’il ne ressemble à rien à moins que tu connaisses la signification.
Personnes n’a idée de comment les choses vont tourner, quelle forme va prendre le nouveau gouvernement. Les groupes fascistes n’ont pas de but communs, ils savent à quoi ils sont opposés, et qu’ils sont opposés les uns aux autres, mais ils ne veulent pas tous la même chose. Si Pravy a une place dans un nouveau gouvernement, ce serait vraiment dangereux, mais c’est impossible, ils ne sont pas assez puissants pour ça.
M : Les gens chantent ces slogans : « Gloire à l’Ukraine », « Gloire aux Héros », « Mort aux ennemis ». Mais qui sont ces héros, qui sont ces ennemis ? Je pense qu’ils n’en ont pas idée. « L’Ukraine avant tout » en est un autre, comme ils chantent en Allemagne.
Andrei : Je viens d’Allemagne et je pense que le nationalisme en Ukraine date de la chute de l’URSS. Le sentiment nationaliste à Maidan est là pour diviser les gens. L’Est de l’Ukraine est pro Russe, l’Ouest est nationaliste.
Les gens sont plutôt divisés, mais si tu regardes le pays tout entier, tout le monde a les mêmes problèmes sociaux et économiques. Si les gens s’en rendaient compte et venaient ensemble, ce serait le plus gros danger pour Svoboda, ou Yanukovich, ou n’importe quel parti politique. Svoboda et Yanukovich défendent la même politique néolibérale qui empire la vie des ukrainiens.
M : Ces nationalistes sont là non pas pour défendre leurs droits mais pour défendre la nation, et c’est pratique pour les leaders d’encourager ça, parce que pendant que les gens se concentrent sur des questions nationalistes, ils peuvent faire ce qu’ils veulent. Il y a surtout des ouvriers et des pauvres à EuroMaidan, et il faut détourner leur attention des problèmes réels. Beaucoup de gens veulent manipuler les gens ici…”
Un symbole accroché à une tente à EuroMaidan : « Ultra-Radical Pacifist »
Traduit par des camarades depuis ce site.