Rencontre avec VII et Première Ligne (Skalpel & E.One)

La dépolitisation du rap a rencontré un franc succès. L’industrie du divertissement tourne à plein régime et la réflexion politique semble avoir depuis bien longtemps déserté les grandes maisons de disque. Dans ce marasme, rares sont ceux qui assument encore une position militante qui ne consiste pas simplement dans une complainte, mais qui se fonde sur une ligne politique forte. Loin de rechercher le succès, certains rappeurs ont encore la force de refuser tout compromis avec le capital en se développant en autonomie totale, loin des réseaux habituels. C’est lors d’un concert organisé par l’Action antifasciste Tolosa au bar La Dernière Chance à Toulouse que nous sommes allés à la rencontre de VII et des deux membres de Première Ligne Skalpel et E.One pour réaliser une interview croisée. La sortie récente de leurs projets respectifs était une bonne occasion de nous entretenir autour d’une table et d’aborder différents sujets : leurs parcours, leurs albums, leurs connexions et leurs visions du rap.

L’idée de faire une interview croisée m’a été suggérée par VII quand j’ai émis le souhait de l’interviewer pour la sortie de son album « Eloge de l’ombre ». Sachant que Première ligne venait de sortir son album « II », le timing était parfait. Avant cette date toulousaine, vous aviez fait un concert ensemble à Marseille. Vous connaissiez-vous déjà avant cette date ?

Skalpel : Je connaissais VII de nom par rapport à ce qu’il faisait musicalement, mais c’était tout. On ne se connaissait pas personnellement.

On a vu sur vos derniers albums que vous aviez une démarche assez semblable au niveau de votre militantisme. Quelles sont les concordances ou les différences que l’on pourrait dégager entre vous ?

VII : On peut déjà dégager les différences, puisque ce que je connais de Skalpel, La K-Bine ou Première ligne est strictement militant. Quasiment tout ce que j’ai entendu était axé là-dessus. Moi j’ai fait des titres par-ci par-là qui étaient clairement sur le sujet, mais eux c’est leur démarche.

Sur le site Bboykonsian, que ce soit la musique ou les informations, tout est militant. A mon sens, il y a entre eux et moi deux démarches différentes. De mon côté, le truc n’est pas si vieux, parce qu’il y a « militant » et « militant ». Le premier morceau véritablement militant dans ma discographie était « La mort d’un monde » sur le premier Inferno (2010), tu entends quasiment tout ce que je pense dessus, et le son à presque six ans. Sur un son comme « Seul avec le diable » quelques trucs pouvaient aiguiller, mais c’est tout. D’ailleurs, le premier projet que j’avais fait à 17 ans était très mauvais mais très militant. Ça s’appelait Poison rouge. ça m’a un peu fait dire qu’il fallait que je fasse autre chose… Alors bien sur je parsemais mes projets de sons militants, mais c’est le dernier projet qui est véritablement militant.

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« Ça va être un viol » : Formes et fonctions de l’obscénité langagière dans les joutes verbales de rap

dossier de Cyril Vettorato

La pratique des freestyle battles chers aux passionnés de hip-hop est caractéristique du statut ambivalent des pratiques poétiques orales issues des cultures dites « urbaines ». Entre virtualité et actualisation, elles font apparaître avec éclat un ensemble de symboles et de valeurs extrêmement bien maîtrisés par leurs acteurs, maîtrise qui est sans commune mesure avec la fréquence à laquelle ces pratiques sont réellement exercées. Le battle, un tournoi opposant deux rappeurs qui se lancent au visage des couplets improvisés bardés d’insultes et de moqueries, est toujours relativement rare en France. Néanmoins, lors dubattle, chacun des acteurs semble connaître sa place et agir en fonction d’elle. L’apparition en 2010 de la première ligue de battle française, basée à Paris et dénommée Rap Contenders, en fournit un exemple frappant. Le premier tournoi organisé par cette ligue a eu lieu le 11 décembre 2010 dans le dix-neuvième arrondissement de la capitale et a réuni douze rappeurs français ; c’est ce tournoi qui retiendra particulièrement notre attention. L’événement, qui a été filmé dans son intégralité, est exceptionnel, à défaut d’être le premier du genre. Et pourtant, les règles du jeu sont parfaitement maîtrisées par tous, créant les conditions d’une mécanique ludique fonctionnelle, prête à se mettre en marche autant de fois que possible. Nous sommes ici au cœur de la génération virtuelle, qui s’est familiarisée avec le hip-hop et ses codes sur Internet et à la télévision. Elle a autant, sinon plus, fréquenté les tournois de battles dans le film à succès8 Mile – et sur les sites de partage de vidéos en ligne – que dans le vacarme des salles de concerts. Peu importe au final que le jeu soit pratiqué pour la première fois : les mots, les symboles, les postures et les valeurs qu’il engage le dépassent de loin, même si elles ont besoin de ces tumultueux moments d’actualisation pour exister.

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ENTRETIEN AVEC KARIM HAMMOU, 1/4 : COMMENT ON ÉCRIT L’HISTOIRE… DU RAP

Le 5 mai 2015, Nycthémère a rencontré Karim Hammou, sociologueHammou histoire couvertureau CNRS qui a publié aux éditions La Découverte l’ouvrage Une histoire du rap en France en 2012, issu de son travail de thèse. L’ouvrage est disponible en version numérique sur le carnet hypothèse de Karim Hammou, Sur un son rap, notes sur le genre rap et ses usages.L’entretien fut long et très riche. En voici la première partie, consacré au parcours du chercheur, à la place du rap dans le champ académique et aux rapports entre la thèse et le livre.

Nycthémère : pour commencer, est-ce que vous pourriez nous résumer votre parcours en expliquant comme vous en êtes arrivé à faire du rap votre objet de recherche dans les années 90. 

Karim Hammou : Je suis tout bêtement un amateur de rap qui a fait des études de sociologie et qui au moment de sa maîtrise a eu envie de mêler l’utile à l’agréable. Je n’avais pas une vision très stratégique du monde de la recherche, donc je ne me suis pas du tout posé la question de la légitimité de l’objet. Je me suis simplement dit : je vais profiter de mon mémoire de deuxième cycle à Sciences Po pour travailler sur le rap. Et finalement je me suis doublement pris au jeu.

D’abord au jeu de la sociologie et des sciences sociales en général. Et puis je me suis pris au jeu du questionnement sur le rap : à l’issue de ce premier mémoire, je ne suis pas satisfait par l’état de mes réflexions, j’ai l’impression que je commence à peine à commencer à ne plus mal comprendre plein de choses. Lorsque se présente l’opportunité de faire un mémoire de DEA – équivalent du master 2 aujourd’hui – je conserve le rap comme sujet de recherche par intérêt scientifique et parce je n’ai pas le temps d’imaginer un autre sujet. Ce DEA je le fais à Marseille, alors que j’ai grandi en région parisienne et c’est à ce moment que je me prends vraiment au jeu. Je commence à avoir une vision de ce que signifie faire une enquête sociologique sérieuse sur un objet comme le rap.

Et à l’issue de ce DEA, je suis conscient que je suis encore loin du compte. J’ai alors la chance d’obtenir un financement de thèse auprès de la région PACA. Ça me permet d’envisager une comparaison sociologique entre le rap en région parisienne et à Marseille. On est en 2002, donc quelques mois à peine après le pic de succès commercial du rap français. Pourtant, et j’insiste beaucoup là-dessus dans le livre, c’est un moment où on parle beaucoup d’une crise du rap français qui aurait commencé au début des années 2000, comme s’il y avait eu un effondrement incroyable, alors que ce qui s’est effondré, ce sont des espoirs ou des attentes. C’est le moment où on comprend que la conquête du paysage et de l’économie musicale par le rap ne sera pas une croissance sans fin. Ce n’est donc pas un moment de chute des ventes de disques, c’est plutôt un moment de stabilisation. Cela, je ne le percevais pas à l’époque, j’ai commencé ma thèse en pensant que le rap allait devenir toujours plus grand, toujours plus gros.

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BERETTA/GOTHAM ET DES LARMES

berette

Bérétta est un groupe de rap Français, il se compose de deux chanteuses lead, M7Flow et L’animal C. Auteurs, compositeurs et interprètes, ce duo de choc affiche clairement leurs opinions dans leurs textes. Militantes pour l’égalité des droits, leurs thématiques tournent autours des faits de la vie quotidienne et des injustices à
travers le monde. Issue d’univers musicaux différents, leurs instrus portent des empreintes de rock, de
jazz et de fusion. Un certain nombre d’entre elles fut créer par le beat-maker «Tieu D», mais les filles n’hésitent pas créer elles-même leurs instrus ou à s’associer avec d’autres compositeurs.
Ces deux fortes personnalités se sont rencontrées en 2010, à travers leur militantisme et leur passion commune pour la musique, tout particulièrement leur passion du RAP. Leurs influences sont variées aussi bien dans le Punk , le Rock, le Ska, la Fanfare, le Jazz et l’Électro.
Lucides qu’au jour d’aujourd’hui le rap français est devenu un produit musical de consommation, elles revendiquent leur appartenance au rap Conscient et indépendant.