Médias sociaux et contestation politique
Des pays arabes jusqu’à la lutte des étudiants au Québec, en passant parl’Espagne, des mobilisations de masse contestent le capitalisme. Une jeunesse diplômée mais précaire exprime sa révolte dans de nombreux pays du monde. Les médias sociaux et de nouvelles formes d’organisation s’invitent dans les nouvelles luttes sociales. L’universitaire Daniel Drache, dans son livre Publics rebelles, tente d’analyser les caractéristiques communes de ces différents mouvements. « Ils ont en outre conçu de nouveaux moyens de l’occupation de l’espace public et ont délimité des objectifs communs », indique Daniel Drache.
L’information du web 2.0 révèle un affaiblissement de l’autorité, de la hiérarchie et le déclin de la déférence. Les nouvelles technologies de l’information favorisent les luttes à la base, l’organisation en réseaux et l’expression individuelle. La pratique semble supplanter la théorie dans la contestation de l’autorité. Les médias sociaux permettent au public de sortir de la passivité pour participer à l’action. La diversité de ces mouvements, ancrés dans le local, valorise le pluralisme et se méfie des idéologies. Les médias en ligne jouent un rôle d’organisation bien plus central que les vieilles bureaucraties des partis et des syndicats.
Pour l’instant, les médias sociaux échappent au contrôle des États. Les médias dominants ne détiennent plus le monopole de l’information. Les sites internet et blogs indépendants proposent un regard critique sur l’actualité. Les mouvements sociaux peuvent diffuser leur message en dehors des médias traditionnels.
LA SUITE SUR ZONES SUBVERSIVES
« Le monde tourne parce que nous contribuons à le faire tourner. » C comme Complot et Charlie…
Depuis quelques temps, les journalistes découvrent avec étonnement que ce qu’ils écrivent n’est plus lu sérieusement. C’est ainsi que la presse mainstreams’intéresse aux « théories du complot » qui fleurissent sur le Net depuis quelques années.
Les médias paraissent surpris que des versions hallucinantes des faits qui se sont déroulés puissent avoir un succès ailleurs qu’à travers leurs canaux. Les grands médias ont pourtant bien souvent, eux aussi, des soucis de retranscription du réel. Certains détails manquent, l’exposé est manichéen, et bien souvent les personnes qui regardent les infos ou lisent le journal ont l’impression qu’on les prend pour des imbéciles.
Le fameux : « on ne nous dit pas tout / on nous cache tout » a des raisons d’exister : du nuage de Tchernobyl à la mort de Rémi Fraisse, il existe une multitude d’exemples où la presse dans sa grande majorité n’est ni neutre, ni exacte.
Comme les grands médias retranscrivent le réel de manière partielle et partiale, beaucoup d’entre nous sont tentés d’aller chercher des infos ailleurs. Ce n’est pas nouveau, il y a toujours eu des personnes qui ont enquêté par elles-mêmes ainsi que des journalistes qui ont fait un réel travail d’investigation avançant des preuves matérielles pour étayer ses affirmations.
Globalement, jusqu’à l’avènement d’internet, il y avait deux possibilités pour remettre en cause un événement dont certains faits avaient été occultés : le temps qui finissait par faire émerger certains aspects de l’affaire (voire la vérité) ou le traitement de l’affaire (méthode d’investigation) qui était remis en cause.
Aujourd’hui c’est plus simple : quand la version officielle ne convient pas, il en existe d’autres, plus satisfaisantes et disponibles rapidement sur le net.
LA SUITE SUR QUARTIERS LIBRES
L’opinion publique, je l’emmerde !
Il y a (au moins) deux sortes d’anarchistes. Ceux qui se préoccupent de l’opinion publique et les autres. Les premiers aspirent à une certaine respectabilité politique, à avoir un écho dans la sphère publique en utilisant des moyens légaux et à y améliorer l’image de l’anarchisme et de l’anarchie. Les seconds s’en contre-fichent car ils savent pertinemment que les discours qui passent par les outils légaux et institutionnels – tels que les médias de masse ou les farces électorales – sont digérés et aseptisés pour les rendre “publiquement” comestibles et inoffensifs.
Il m’a toujours semblé absurde de tenter d’élaborer une stratégie de propagande avec les armes de l’ennemi tels que les médias de masse[1] ou la participation à des élections représentatives[2].
Premièrement parce que ces méthodes font entrer une contradiction fondamentale entre fins et moyens. Nous aspirons à une société débarrassée de toute forme d’autorité, de toute forme de pouvoir. « Le pouvoir est maudit et c’est pour cela que je suis anarchiste », disait Louise Michel. Mais nous n’en sommes plus là. Certes l’histoire nous a montré à maintes et maintes reprises que l’exercice du pouvoir entrainait la perpétuation de ce même pouvoir et qu’il a toujours spolié les espoirs révolutionnaires. Mais aujourd’hui nous pouvons analyser plus exactement la nature du pouvoir et plus précisément sa nature biologique,[3] son impact sur le cerveau humain. L’aliénation du pouvoir a désormais une réalité biologique qui obéit aux lois de la physique et de la chimie.
« L’un des plus grands dangers menaçant le monde vient de ce jaillissement de testostérone dans le sang d’un dirigeant à haut besoin de pouvoir lorsqu’il gagne. Ce jaillissement hormonal est enivrant. Comme l’alpiniste qui cherche la satisfaction du pic suivant, plus dangereux, le politicien dépendant du pouvoir trouve difficile de se satisfaire du train-train de la politique quotidienne : il se languit du flash chimique que la victoire déclenche en lui. Hélas, comme tous les flashes de ce type, il faut que le stimulus suivant soit plus puissant, pour obtenir un effet égal ».
Voici donc une des bases biologiques de l’idéologie anti-autoritaire et qui mériterait d’être un peu plus mise en avant.
De là, comment pourrions nous espérer aller vers notre émancipation en usant d’outils qui peuvent nous soumettre à cette ivresse du pouvoir? Car pour être entendu dans les médias dominants il faut adopter leurs codes.[4] Il faut dégager des individualités qui deviendront des interlocuteurs valides, des porte-paroles qui permettront à ces mêmes médias de personnifier une lutte ou un groupe politique, à l’image du représentant syndical ou du chef de parti. De là, comment éviter que se créent des hiérarchies internes, même informelles? Comment diffuser l’idée de l’action de tous si on est réduit à communiquer par l’intermédiaire d’un représentant? Si nous ne pouvons pas affirmer avec certitude que cette aliénation est systématique et obligatoire, nous ne pouvons pas non plus courir ce risque. Nous avons déjà trop souffert de ce genre de dérives pour nous permettre de les reproduire.
Deuxièmement parce que ces méthodes nuisent à une stratégie basée sur le développement des pratiques révolutionnaires et d’action directe.[5]
Si nous entendons modifier l’environnement socioculturel qui fait véritablement les individus, nous devons développer des pratiques qui serviront à créer des consciences révolutionnaires en agissant sur l’inconscient des individus, en modifiant cet environnement socioculturel et en y incorporant des pratiques et idées anti-autoritaires. Si nous utilisons les médias bourgeois pour nous exprimer, nous faisons de fait la promotion de ces mêmes médias. Si nous participons à des élections représentatives nous participonsde fait à éloigner les individus de l’action directe. Tous nos actes ont un impact.
A nous de choisir dans quelle direction nous voulons orienter notre propagande. Soit en conservant la radicalité du discours et des pratiques anarchistes pour orienter l’environnement des individus dans une certaine direction, soit en jouant le jeu des dominants en utilisant leurs outils et en aseptisant nos discours, en les modérant, pour être audible par la partie consciente de « la masse » sans prendre en compte le fait que nous seront tout aussi entendus par son inconscient à travers nos actions quotidiennes.
Quelle forme voulons nous que les luttes de demain prennent? Celle d’un référendum, d’une pétition, d’une manifestation pacifique et contrôlée par des autorités syndicales et politiques ou celle de l’action directe, de la mise en place d’un rapport de force avec l’autorité et du rejet des représentants autoproclamés?
« Menteurs ». Tout est dit.
Alors non, je ne pense pas que le fait d’attaquer les médias de masse – qui collaborent avec les flics et qui ont toujours diffusé des inepties au sujet des révoltés – nous soit préjudiciable. A l’image des dernières émeutes à Nantes,[6] il est plus intéressant de voir “nos” médias diffuser une information qui ne soit pas manipulée par les dominants que de voir les journalistes de BFM ou France 2 modeler les faits pour orienter l’opinion contre les révoltés. Seule la présence de ces derniers peut nous être néfaste.
Alors camarades, voyons un peu plus loin que le bout de notre nez et ne nous contentons pas d’élaborer une stratégie uniquement basée sur le court terme et sur la partie consciente de nos encéphales. Utilisons le savoir que la vulgarisation scientifique met à notre portée pour mieux comprendre le monde qui nous entoure et pour espérer avoir une action efficace sur ce dernier.
André Volt
[1] Déjà évoqué dans cet article: http://aaa12.noblogs.org/post/2013/10/27/de-la-violence-revolutionnaire-a-court-et-long-terme/
[2] http://aaa12.noblogs.org/post/2014/02/04/de-la-strategie-de-certains-syndicalistes-de-la-cnt/
[3] http://www.monde-libertaire.fr/sciences/15976-ce-que-le-pouvoir-fait-au-cerveau
[4] Problème évoqué en partie ici: http://aaa12.noblogs.org/post/2014/02/27/dun-certain-anarchisme-et-de-la-gauche-quebecoise/
[5] http://aaa12.noblogs.org/post/2013/09/26/comment-voir-la-propagande-par-le-fait-aujourdhui/
[6] http://aaa12.noblogs.org/post/2014/02/23/manifestation-anti-aeroport-du-22-fevrier-a-nantes/
LU SUR http://aaa12.noblogs.org/