Les réactions enthousiastes comme critiques suscitées par le dernier livre d’Houria Bouteldja ont largement ignoré les pages que l’auteure consacre aux « femmes indigènes » et à la place qui devrait être la leur dans la lutte antiraciste. Ce texte souhaiterait combler cette lacune, en refusant l’injonction à l’allégeance communautaire et en proposant un antiracisme résolument féministe. Les Blancs, les Juifs et nous a donné à chacun l’occasion de pousser des hauts cris, et c’était l’objectif de son auteure : creuser le fossé entre, d’un côté, la gauche universaliste traditionnelle et l’antiracisme institutionnel et, de l’autre, les mouvements antiracistes autonomes et leurs alliés proclamés. Bouteldja sait qu’elle cristallise le débat et anticipe les attaques outrées, racistes et stupides dont elle fait effectivement l’objet. Elle sait qu’il sera difficile de parler de son livre sans la condamner définitivement ou la défendre farouchement. Elle compte sur le pragmatisme des militants antiracistes, qu’ils aient ou non de la sympathie pour elle et son mouvement, qui ne pourront accepter qu’on l’attaque pour « racialisme » et « racisme anti-blanc » et qui se rangeront de son côté, quitte à fermer les yeux sur les détails de son propos – l’étiquette décoloniale se suffisant à elle-même.
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