Les détricoteuses étaient donc des menteuses… [Histoire, jacobinisme et langues régionales] Par Alèssi Dell’Umbria

« Pourtant à la fin du XIX siècle, personne n’empêchait l’enseignement des langues régionales » . Mathilde Larrère. Historienne.
« Les langues des minorités ont eu toujours leur place à l’école ». Laurence De Cock. Historienne.

On trouve ces perles sur Mediapart où, sous la rubrique « Les détricoteuses » les deux enseignantes se donnent la réplique dans de petits montages qui épinglent les énormités les plus flagrantes émises par diverses personnalités de droite. « L’école c’était mieux avant », c’est le titre, qui se veut ironique, de la séquence en question, en réponse au sinistre Eric Zemmour. Après une brève apologie de « l’État éducateur », Larrère et De Cock évoquent ce maire qui, dans le Var, a envoyé les flics s’opposer à un cours d’arabe dans une école. C’est alors, à 4’20″, que sortent ces affirmations :

« Pourtant, à la fin du XIXº siècle personne n’empêchait l’enseignement des langues régionales »affirme l’une, l’autre enchérissant : « les langues des minorités ont eu toujours leur place à l’école »

Ignorance ou falsification, une contre-vérité aussi flagrante assénée avec autant d’assurance par des historiennes qui prétendent par ailleurs « déconstruire le roman national » ? En tous cas, les réactionnaires déclarés ne sont à l’évidence pas les seuls à défendre bec et ongles le socle de mensonges sur lequel repose l’édifice bétonné de l’Histoire de France…

« Le roman national, c’est une invention du XIXº siècle destinée à fabriquer des petits Français patriotes » dit par ailleurs Mathilde Larrère. « Et pour ça, on enjolivait les faits en supprimant les pages honteuses » lui répond Laurence de Cock. Exactement ce qu’elles viennent de faire en débitant une énormité qui exonère l’école de la République de l’ethnocide commis à l’intérieur de l’hexagone durant près d’un siècle, et qui n’est sans doute pas l’une des pages les moins honteuses de l’histoire de cet État-nation.

Quand on s’autorise comme elles de Suzanne Citron, qui avait quand même reconnu le rôle de l’institution scolaire dans la destruction des langues non officielles parlées (et même écrites) dans l’espace hexagonal, il devrait être tout simplement impensable de proférer une telle contre-vérité. Nous voici donc obligés de répéter une évidence : les langues des minorités n’ont jamais eu leur place à l’école de la IIIº République, qui a été précisément chargée de les éradiquer pour transformer les petits pacoulins en bons Français -voilà cet « État éducateur » dont De Cock et Larrère cultivent par ailleurs la nostalgie.

ARTICLE A LIRE EN INTÉGRALITÉ SUR lundi.am

La nature de classe de la société israëlienne

« Aucune classe ouvrière ne peut jouer un rôle révolutionnaire dans la société tant que la majorité de ses membres ambitionnent d’améliorer leur situation de façon individuelle, dans le cadre de la société existante, en quittant les rangs de leur classe. Cette vérité est renforcée quand le prolétariat n’accepte pas son existence en tant que classe sociale stable avec ses propres intérêts de groupe et son propre système de valeurs opposées à celles de l’ordre social existant. Une communauté d’immigrants ne se donne pas facilement comme objectif la transformation totale de la société, dans la mesure où ses membres viennent de changer de statut social et politique et vivent encore dans des conditions d’une grande mobilité sociale.

Ceci ne signifie pas que la classe ouvrière israélienne est incapable de devenir une force révolutionnaire à l’avenir – seulement que l’action politique à mener à l’intérieur de cette classe ne peut pas procéder sur les mêmes bases et avoir les mêmes attentes que dans un pays capitaliste classique.Si le caractère unique de la classe ouvrière israélienne ne résidait que dans le fait qu’elle était composée principalement d’immigrés, alors nous pourrions supposer qu’avec le temps et une propagande socialiste patiente elle commencerait à jouer un rôle indépendant, voire révolutionnaire. Dans un tel cas, le travail d’éducation patient ne serait pas très différent de celui mené ailleurs. Cependant, Israël n’est pas simplement une communauté d’immigrés ; c’est une société de colons. »

à lire sur quefaire.lautre.net

De la reproduction à la production

Dans le féminisme, l’autonomisme, ou encore le marxisme urbain, la problématique de la reproduction sociale a été mise au centre du débat sur l’oppression capitaliste et les formes de résistance. Dans ce texte de 1977, l’anthropologue marxiste Claude Meillassoux revient sur la formation au sein des sociétés traditionnelles de rapports de classe fondés sur la reproduction sociale, à travers l’émergence d’un groupe des aînés et des cadets. Cette analyse met en lumière la centralité de la reproduction sociale dans l’émergence des classes sociales, sa co-dépendance avec la production économique, ainsi que les transformations des rapports de genre introduites par la colonisation et la pénétration du capitalisme au sein des sociétés de subsistance.

A LIRE SUR REVUE PERIODE

BLACK MIRRO RADIO: LE SALE AIR DE LA PEUR

Ce mois-ci dans le Sale air de la peur, on continue d’esquisser les contours de l’idéologie républicaine en essayant de réfléchir à deux de ses « grands » concepts, l’universalisme et l’assimilation. Sous couvert d’humanisme globalisant, l’universalisme a toujours servi à protéger les privilèges d’une seule catégorie de la population, l’homme bourgeois blanc, en excluant d’abord les femmes et les pauvres puis les personnes racisées. L’assimilation quant à elle sert à fabriquer une figure d’altérité négative : c’était l’espion prussien il y a plus d’un siècle, c’est l’homme musulman aujourd’hui. On s’est appuyé.e.s sur un livre d’Abdellali Hajjat, Les frontières de l’identité nationale, l’injonction à l’assimilation en France métropolitaine et coloniale. Il y fait l’histoire idéologique de l’assimilation et l’histoire sociale des colonies et de l’immigration en France en analysant les pratiques administratives d’accès à la naturalisation. On verra donc que l’assimilation n’est rien de plus qu’un outil de légitimation du pouvoir qui varie selon le contexte économique et politique, faisant le tri entre le bon étranger intégrable et le mauvais, non intégrable.

Podcast : Le sale air de la peur 7
Page de l’émission : Sale air