Le wing chun est un art martial aux prises avec la cruauté, cette part inconvertible de la violence. Un art qui la réfléchit dans une négociation entre la force et le droit. Art de contrôle non pas seulement de la violence mais bien de la cruauté. Pas de contre-attaque efficace, sans un moment moral, intellectuel et politique d’anti-violence. À programmer dans la pluridisciplinarité des collèges, car nous avons besoin du wing chun comme nous avons besoin de philosophie.
« Pour civiliser l’esprit, il faut d’abord rendre le corps sauvage ».
— Mao Zedong, pour le journal révolutionnaire New Youth, à propos du rôle de l’éducation physique dans la société, 1917
« What’s your style ? »
— Wong Kar-Wai, The Grandmaster
1973. Bruce Lee, artiste martial au début de sa gloire, est fauché à 32 ans par une probable rupture d’anévrisme. Au-delà de son propre style de kung-fu, le jeet kune-do, qu’il invente, joue et enseigne à Hollywood, chacun des arts martiaux pratiqués par l’icône va alors bénéficier de son aura mondiale. À commencer par le wing chun, appris jeune à Hong Kong auprès d’un des grands maîtres de la discipline : Yip Man. Si le kung-fu ne désigne pas un art martial en particulier, mais une « excellence obtenue après un dur travail » — l’expression peut donc être employée dans tous les domaines (poésie, peinture, cuisine, etc.) —, il renvoie d’abord à l’art du combat. Comme tel, le kung-fu entretient immédiatement un rapport à la violence, la sienne propre comme celle de l’autre, force à maîtriser, rationaliser et utiliser, sans ignorer la possibilité du lynchage ou de la mort. Il a donc aussi affaire en même temps à un excès de violence, qui est comme son côté obscur : la cruauté.
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