La « flore rouge » squattée par une barbouze

Pendant six ans, une fonctionnaire de police de Hambourg a noyauté la Rote Flora. Les militants de ce squat ont mis huit ans à démasquer leur fausse camarade. Une affaire pas si surprenante, qui démontre que la hantise de l’infiltration souvent à l’œuvre dans les groupes contestataires est peut-être légitime mais inopérante  : quand la police y met les moyens, ses mouchards sont de toute façon indétectables. Du moins, jusqu’à un certain point…

Le centre social autogéré Die Rote Flora, « squat » historique de Hambourg et foyer de quelques luttes épiques contre l’extrême droite, le racisme et la gentrification, vient de verser une pièce de choix au dossier des nobles besognes policières. Dans un communiqué mis en ligne le 3 novembre sur unblog anonyme créé pour l’occasion, des proches de la « Flore rouge » révèlent qu’une de leurs anciennes camarades émargeait en fait à la maison poulaga. De 2000 à 2006, celle que tout le monde connaissait sous le nom d’Iris Schneider s’était illustrée comme une militante pure et dure, à la fois par son dévouement à la vie du centre et par la place très offensive qu’elle occupait au sein du comité d’actions. Pour débouler dans une cage à riches ou inciter à la baston avec les fafs, Iris n’était jamais la dernière, rameutant copines et copains pour ensuite les balancer en flag’ à ses collègues. La taupe avait même réussi à prendre les rênes d’une émission sur FSK, une radio associative proche des squatteurs. Activiste dévouée et journaliste alternative, deux casquettes de rêve pour camoufler le képi.

D. R. {JPEG}

Les occupants de la Rote Flora ne sont pourtant pas nés de la dernière pluie. Depuis l’ouverture du lieu en 1989, cet ancien théâtre converti en QG d’autonomes, régulièrement en proie aux menaces d’expulsion et aux attaques des néo-nazis, a vu défiler quantité de mouchards et de flicaillons de tout poil. Comme le reconnaît un ancien, « l’infiltration, c’est une évidence avec laquelle il faut vivre ». Inutile de soumettre chaque nouvelle recrue à un interrogatoire serré, ou de refouler X ou Y pour défaut de cooptation, comme cela se voit en France  : les flics sont en général les mieux formés pour endormir les paranos et les naïfs, qui sont souvent les mêmes [1]. A la Rote Flora, le comportement un chouïa trop « parfait » d’Iris Schneider a bien éveillé quelques soupçons, sans que cela l’empêche de s’incruster pendant six ans. « La crainte d’exclure injustement une camarade l’a emporté sur notre méfiance », résume le témoin. D’autant que l’adrénaline de la vie militante agit parfois comme une colle forte.

Tout comme Mark Kennedy, le flic anglais passablement tordu qui a parasité le groupe dit « de Tarnac » [2], l’agente de Hambourg a poussé le goût de sa fonction jusqu’à multiplier les escapades amoureuses avec les camarades qu’elle fliquait. Au prix de quelles complications pour son psychisme ? L’histoire ne le dit pas. En 2006, quand Iris s’arrache de la Rote Flora à destination, dit-elle, des états-Unis, les plus affûtés de ses camarades n’ont plus le moindre doute. Il faudra pourtant attendre encore sept ans pour que lumière se fasse  : en septembre 2013, une militante de la scène autonome de Hambourg la croise par hasard à l’hôtel de police. Le temps de mener l’enquête, et les camarades découvrent qu’Iris Schneider s’appelle en fait Iris Plate, qu’elle fait la fierté de la flicaille locale et qu’elle officie désormais au « service de prévention contre l’extrémisme islamiste ». Là-bas comme ici, l’impérieuse urgence de terrasser la « mouvance anarcho-autonome » a cédé le pas à d’autres priorités. Les modes passent, les méthodes demeurent. Au début des années 1980, des « totos » parisiens vécurent déjà ce cauchemar qui consiste à tomber nez à nez sur un ancien compagnon de lutte en tenue de flic – un souvenir évoqué par Guy Dardel dans son roman Un traître chez les totos [3].

A Hambourg, les victimes de la fourberie policière se sont fait (un peu) justice  : dans le texte dégoupillé sur Internet figurent l’identité de la policière infiltrée, sa date de naissance, sa qualité et son adresse. Sa photo aussi a fait le tour de la Toile, ce qui amenuise considérablement ses chances de réitérer ses exploits ailleurs. Effet inattendu de ce déballage  : sommés de s’expliquer par des élus de Die Linke, le parquet et la police de Hambourg ont admis avoir commandité l’opération, mais dans le « cadre autorisé par la loi  », assertion farfelue qui a eu don d’agacer tout le monde. C’est qu’en Allemagne l’onde de choc suscitée par l’affaire des écoutes de la NSA a rendu l’opinion un brin chatouilleuse sur les questions de flicage. Pour les médias, passe encore que la police espionne des militants politiques de gauche, fût-ce au mépris de la loi, qui – rions un peu – interdit en principe au policier undercover de piéger ses victimes en les incitant à commettre des actes susceptibles de les envoyer en taule. Mais que de surcroît le flic se fasse passer pour un journaliste, ça, c’est pousser le bouchon un peu loin. Indignation du syndicat de la presse, menace de porter plainte pour violation de la Constitution, effets de manche et trémolos.

L’affaire devrait encore faire le bouillon quelques semaines. Après quoi elle se tassera  : la mairie SPD de Hambourg pourra alors reprendre ses projets d’embourgeoisement du Schanzenviertel, le quartier popu de la Rote Flora, en comptant sur l’aide de la police et de ses barbouzes. Les squatteurs, eux, promettent qu’ils continueront de faire ce qu’ils font depuis vingt-cinq ans  : un peu mieux que résister.

Notes

[1En mai dernier, un envoyé spécial de CQFD s’est ainsi vu jeter à la porte de la « commission actions » de la Coordination des intermittents et précaires d’Ile-de-France (CIP-IDF) au motif qu’il n’avait pas été «  coopté ». Vraisemblablement, ses remarques au sujet de la stratégie à adopter avec les médias (feu ! feu ! feu !) avaient été interprétées comme un symptôme de radicalité dont seul un agent provocateur stipendié par la place Beauvau pouvait être l’auteur.

[2Lire David Dufresne, Tarnac, Magasin général, Calmann-Lévy, 2012.

[3Publié chez Actes Sud en 1999

lu sur CQFD

Paris : projection du doc antifa « Acta non verba »

La Horde vous invite à assister samedi 31 janvier 2015 à 14h, au cinéma La Clef (Paris), à lapremière projection publique du documentaire antifasciste Acta non verba, un documentaire réalisé par un militant antifasciste marseillais, dans lequel sont présentés différentes initiatives antifascistes en France et à l’étranger.

Voilà comment Hazem, le réalisateur, présente son projet :

Affiche Acta non verbaIl n’est pas facile d’expliquer pourquoi et comment j’ai mener ce projet de documentaire, et j’ai longtemps hésité sur la manière de le faire.

Au départ, Acta non verba est né de plusieurs constats : celui de la montée des extrêmes droites en Europe, de leur renouvellement théorique et de leurs nouveaux visages ; celui aussi du désarroi de la gauche, de notre immobi- lisme et de tout ce qui nous coupe des réalités du monde qui nous entoure.

La mort de Clément Méric fut un vrai choc pour moi, tout comme son traite- ment médiatique. Je me suis rendu compte à cette occasion à quel point nous étions mal compris et mal organisés…

Aussi, pour moi, faire Acta non verba répondait à un besoin : dans un monde où le support visuel s’impose, j’ai voulu réaliser un documentaire qui parle de nos luttes, de ceux qui ne baissent pas les bras et qui continuent à expérimenter.

En présentant différents collectifs, en France et à l’étranger, j’ai voulu mon- trer nos projets et nos contradictions, mais surtout faire un état des lieux, donner la parole à ceux qui sont présents sur le terrain.

En réponse aux stéréotypes et aux fausses représentations que certains donnent de l’antifascisme, j’espère que ce documentaire, fait par des militants, permettra aux spectateurs de mieux comprendre nos raisons d’être, nos es- poirs, nos aspirations ainsi que la logique de nos actes.

Rendez-vous le 31 janvier 2015 à partir de 14h
au cinéma La Clef 34, rue Daubenton, Paris Ve
entrée libre / tables de presse

La ligne du Parti

Ça fait un moment que l’envie d’écrire sur le rapport à la popularité dans les milieux anarchistes (très largement). Un milieu que naïvement je pensais apte à se remettre en question, et que j’ai embrassé à cause de cela et de la critique des rapports de domination. Pour moi c’était tout le nœud des problèmes : le pouvoir et ce qu’il modifie des comportements.

Le pouvoir est protéiforme et insidieux, il ne s’annonce pas toujours aussi clairement que ÉTAT, POLICE, PRISON. Le pouvoir s’immisce dans quasiment toutes les relations, et je pensais que l’anarchisme tendait à démonter celui-ci où qu’il se cache, à le traquer où qu’il se faufile.
l’anarchisme oui. mais les anarchistes, c’est une autre paire de manches. L’anarchisme est si lumineux que, trop souvent, on se retrouve à avoir l’impression de patauger dans le purin dans une réalité autrement plus concrète chez les militants anarchistes. Le pouvoir n’est pas qu’une question d’élus ou de celui qui tient le bâton, le pouvoir est dans les rapport de classe, de sexe, de race, et de façon encore plus insidieuse dans le savoir, l’éducation, le CV militant. C’est ahurissant de rappeler ce genre de choses qu’on pensait admises, mais il semblerait qu’il faille reprendre les bases.

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L’antiracisme commence avec la déconstruction du privilège blanc

En France, la question de la blanchité est quasiment absente du débat. C’est pourtant un concept nécessaire pour penser un pendant de l’exclusion des noirs qu’est le racisme: la norme qui lui fait face. Amandine Gay l’explique dans cette tribune.

Lors des récentes manifestations au TGP de Saint-Denis, qui mettaient en cause le racisme d’Exhibit B –performance revendiquant une réflexion sur le rapport noirs/blancs et la colonisation– la rappeuse Casey a abordé un paradoxe encore tabou en France, tant de le monde artistique que dans la société civile:

«Tu peux pas parler d’esclavage en montrant que l’esclave, faut montrer aussi l’esclavagiste (…) faut que le blanc il se détermine en tant que blanc (…) Ils ont du mal à se projeter, ils ont du mal à se déterminer en tant que blancs»

 

C’est cette question de l’indicible pendant de l’altérité, à savoir la norme, que résumait déjà la sociologue et féministe Colette Guillaumin, en 1978, dans Pratique du pouvoir et idée de Nature:

 «On dit des Noirs qu’ils sont Noirs par rapport aux Blancs, mais les Blancs sont, tout court, il n’est d’ailleurs pas sûr que les Blancs soient d’une quelconque couleur.»

C’est cette citation du reste qui ouvre De quelle couleur sont les Blancs, ouvrage collectif dirigé par l’historienne et américaniste Sylvie Laurent et le journaliste Thierry Leclère, paru en 2013 et qui illustre parfaitement le paradoxe de l’identité blanche dans la société française, remis en lumière avec les débats autour du TGP: cette identité blanche est une norme qui ne se pense ni ne se voit comme telle.

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Le jour où extrême droite et néonazis européens se sont réunis à Nanterre

Samedi 22 novembre se tenait le meeting de l’extrême droite européenne. Intitulé Réveil des nations, il avait lieu à Nanterre, à quelques kilomètres à peine de la capitale.

Les principaux partis d’extrême droite du continent ont répondu présent à l’appel du GUD (Groupe union défense), comme les Grecs d’Aube dorée et les Italiens de CasaPound.

Aucun journaliste n’était accepté à l’entrée. Une équipe du « Petit Journal » de Canal+ a bien tenté le coup, mais sans succès. Seul journaliste présent, incognito, j’ai réussi à pénétrer à l’intérieur et à enregistrer les discours que je rapporte ici.

Une plongée dans un microcosme méconnu qui prend de plus en plus d’ampleur en Europe, mais aussi en France, et a pu se réunir en toute impunité en banlieue parisienne.

Le lieu du meeting n’a été communiqué que le matin même sur Internet, comme c’est d’usage pour ce genre de rassemblement.

En sortant du RER, je rejoins à pied le lieu du meeting, un petit quart d’heure de marche dans une zone semi-industrielle, située derrière les voies de chemin de fer. Devant moi, deux jeunes marchent, suivis par un homme seul, puis par un couple. Tous se dirigent vers le lieu du meeting.

MAKING OF

Le document que nous publions montre comment l’internationale de l’ultra-droite, allant jusqu’aux néonazis d’Aube dorée en Grèce, tente de s’organiser pour profiter de la crise européenne.

Ce rassemblement a eu lieu à huis clos, théoriquement sans journaliste. Ce compte-rendu (écrit sous pseudo) nous est néanmoins parvenu, et la teneur des discours montre les obsessions de cette mouvance et sa stratégie de noyautage des mouvements populaires, y compris la suggestion que l’extrême droite infiltre les ZAD (zones à défendre).

A lire pour comprendre ce qui se joue dans cette frange située à la marge du système. Pierre Haski

LA SUITE SUR RUE 89

Dimanche 21 Décembre 2014 – Projection-Concert de l’Action Antifasciste Paris-Banlieue !

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L’Action Antifasciste Paris-Banlieue vous accueillera à partir de 15h au CICP (21 ter rue Voltaire M°9 Rue des boulets/Nation) pour assister à la projection d’«Enfermés vivants», un film de Félix G. (production ciné 200/90minutes/HD).

Ce documentaire-fiction sur le quotidien de la prison, joué par 2 anciens prisonniers et un acteur, revient sur les conditions d’enfermement en France.

Après un débat avec le réalisateur de ce film, ce sont nos potes d’AOB Sound System et de Stepper Allianz qui viendront mixer sur leur sono pour soutenir tou-te-s les militant-e-s antifascistes interpellés ces derniers mois.
Comme vous le savez, la répression étatique se fait de plus en plus pressante et nous avons donc besoin d’un maximum de soutien… Venez nombreu-ses-x !

De la nourriture et des boissons seront proposés tout au long de la soirée.

Entrée : 4 euros (TOUS les bénéfices seront reversés au profit de militant-e-s antifascistes interpellé-e-s ces derniers mois)

Programme :
15h00: Ouverture des portes
16h00 : Projection du film «Enfermés vivants» (soyez à l’heure svp !)
17h30 : Discussion sur l’enfermement avec le réalisateur
19h : Sound System d’AOB et de Stepper Allianz

COME ON !

Récit(s) d’une manifestation offensive et de sa répression à Lyon

Nous étions plus de 4000 ce samedi après-midi 29 novembre à Lyon. Les nombreux appels avaient donné le ton et si la mobilisation appelée par les habituels « partis et syndicats de gôche » ciblait uniquement le FN et son congrès, l’opposition du jour couvrait un champ quelque peu plus large : celui du racisme (d’état) et de la violence policière (lesquels s’exercent régulièrement de façon conjointe). Quel intérêt d’ailleurs de s’opposer uniquement à un FN bunkerisé à la tête d’Or protégé par la police, et que médias et politiques ont déjà rendu « acceptable » en reprenant et appliquant ses idées racistes et réactionnaires.

Le déploiement policier du jour était sans commune mesure pour une manifestation « antifasciste » : plusieurs dizaines de camions de CRS, autant de gardes mobiles, la BAC, un canon lance à eau, et même un hélicoptère. Mais depuis plusieurs semaines et les mobilisations anti-répressions, nasses policières [1] et déploiement ostentatoire sont devenus la règle, peu s’en sont étonnés. L’histoire avait déjà été vendue au quidam par les médias et le préfet Carenco : un centre-ville impraticable et des hordes de « casseurs » à la violence prétendument « gratuite ».

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