« Le monde tourne parce que nous contribuons à le faire tourner. » C comme Complot et Charlie…

Depuis quelques temps, les journalistes découvrent avec étonnement que ce qu’ils écrivent n’est plus lu sérieusement. C’est ainsi que la presse mainstreams’intéresse aux « théories du complot » qui fleurissent sur le Net depuis quelques années.

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Les médias paraissent surpris que des versions hallucinantes des faits qui se sont déroulés puissent avoir un succès ailleurs qu’à travers leurs canaux. Les grands médias ont pourtant bien souvent, eux aussi, des soucis de retranscription du réel. Certains détails manquent, l’exposé est manichéen, et bien souvent les personnes qui regardent les infos ou lisent le journal ont l’impression qu’on les prend pour des imbéciles.

Le fameux : « on ne nous dit pas tout / on nous cache tout » a des raisons d’exister : du nuage de Tchernobyl à la mort de Rémi Fraisse, il existe une multitude d’exemples où la presse dans sa grande majorité n’est ni neutre, ni exacte.

Comme les grands médias retranscrivent le réel de manière partielle et partiale, beaucoup d’entre nous sont tentés d’aller chercher des infos ailleurs. Ce n’est pas nouveau, il y a toujours eu des personnes qui ont enquêté par elles-mêmes ainsi que des journalistes qui ont fait un réel travail d’investigation avançant des preuves matérielles pour étayer ses affirmations.

Globalement, jusqu’à l’avènement d’internet, il y avait deux possibilités pour remettre en cause un événement dont certains faits avaient été occultés : le temps qui finissait par faire émerger certains aspects de l’affaire (voire la vérité) ou le traitement de l’affaire (méthode d’investigation) qui était remis en cause.

Aujourd’hui c’est plus simple : quand la version officielle ne convient pas, il en existe d’autres, plus satisfaisantes et disponibles rapidement sur le net.

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On ne nous enterrera pas avec Charlie

Quand on est prêt à mourir pour ses convictions, il faut être certain que cela pourra servir la cause que l’on défend. La plupart des révolutionnaires ou des personnes qui se sont battus et qui ont payé de leur vie pour des idées de justice sociale et d’égalité ont le plus souvent permis de faire triompher leurs idées. Idées qui sont alors portées et prolongées par de nouvelles générations.
L’assassinat de Martin Luther King n’a pas empêché le mouvement des droits civiques d’obtenir des victoires importantes et de devenir un symbole international d’égalité, de lutte contre le racisme et de refus de la violence.

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Même si la stratégie du Pasteur King était contestée et n’était pas hégémonique dans son propre camp, son meurtre n’a pas abouti à une disqualification du combat dans lequel il était engagé. Le KKK et l’Amérique raciste n’étaient pas présents dans les commémorations qui ont suivi sa mort et ne se réclament toujours pas de son héritage politique. Cinquante ans après sa mort, il n’y a toujours pas de partisan de la ségrégation raciale avec des badges « je suis Martin ». Pas plus qu’il n’a été possible de rendre responsables de son assassinat les militants radicaux du Black Panther Party qui critiquaient sa stratégie politique.
Avec la disparition tragique d’une partie de la rédaction de Charlie Hebdo, on peut mesurer à quel point ces figures officielles de la lutte contre le racisme menaient un combat de façade mais avec de mauvais arguments et une ligne politique erronée. Il n’a pas fallu attendre 5 minutes après leur mort pour que tout ce que la France et le monde comptent de racistes et d’islamophobes se solidarisent avec Charlie Hebdo.

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Sur les événements du 7 janvier 2015, leurs causes et leurs suites…

Quelques textes et quelques infos pour rompre avec l’union nationale, les amalgames ou l’hypocrisie dominante. Parce que les ennemis de nos ennemis ne sont pas nos amis. Parce qu’islamophobie, négrophobie, misogynie, homophobie … même “de gauche”, même en blague, ne font sourire que les dominants… Parce que l’union sacro-sainte derrière la laïcité et la démocratie font frémir, surtout quand elles sous-entendent  le repli, l’exclusion et la stigmatisation.

Quelques réflexions par Quartiers libres, Non-Fides, Claude Guillon, un appel contre la manifestation islamophobe du 18 janvier…

A LIRE SUR DEPAVAGE

Nous sommes tous des hypocrites Bienvenue dans un monde de plomb

Nous sommes tous des hypocrites. C’est peut-être ça, ce que veut dire « Je suis Charlie ». Ça veut dire : nous sommes tous des hypocrites. Nous avons trouvé un événement qui nous permet d’expier plus de quarante ans d’écrasement politique, social, affectif, intellectuel des minorités pauvres d’origine étrangère, habitant en banlieue.

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Née en 1960, Nathalie Saint-Cricq est la fille de Jacques Saint-Cricq, président du conseil de surveillance deLa Nouvelle République du Centre-Ouest, la petite-fille de Jean Meunier, fondateur du même journal et homme politique français, et l’épouse de Patrice Duhamel, ex-directeur général de France Télévisions et frère d’Alain Duhamel, chroniqueur politique vedette de France Télévision et de Libération, Les Dernières Nouvelles d’Alsace, Nice-Matin et Le Point. Fin juin 2012, elle succède, au poste de responsable du service politique de France 24, à Fabien Namias, fils de Robert Namias, ex-directeur de l’information de TF1. | VOIR LA VIDÉO

Nous sommes des hypocrites parce que nous prétendons que les terroristes se sont attaqués à la liberté d’expression, en tirant à la kalachnikov sur l’équipe de Charlie Hebdo, alors qu’en réalité, ils se sont attaqués à des bourgeois donneurs de leçon pleins de bonne conscience, c’est-à-dire des hypocrites, c’est-à-dire nous. Et à chaque fois qu’une explosion terroriste aura lieu, quand bien même la victime serait votre mari, votre épouse, votre fils, votre mère, et quelque soit le degré de votre chagrin et de votre révolte, pensez que ces attentats ne sont pas aveugles. La personne qui est visée, pas de doute, c’est bien nous. C’est-à-dire le type qui a cautionné la merde dans laquelle on tient une immense partie du globe depuis quarante ans. Et qui continue à la cautionner. Le diable rit de nous voir déplorer les phénomènes dont nous avons produits les causes.

À partir du moment où nous avons cru héroïque de cautionner les caricatures de Mahomet, nous avons signé notre arrêt de mort. Nous avons refusé d’admettre qu’en se foutant de la gueule du prophète, on humiliait les mecs d’ici qui y croyaient – c’est-à-dire essentiellement des pauvres, issus de l’immigration, sans débouchés, habitant dans des taudis de misère. Ce n’était pas leur croyance qu’il fallait attaquer, mais leurs conditions de vie. À partir de ce moment-là, seulement, nous aurions pu être, sinon crédibles, du moins audibles.

Pendant des années, nous avons, d’un côté, tenus la population maghrébine issue de l’immigration dans la misère crasse, pendant que, de l’autre, avec l’excuse d’exporter la démocratie, nous avons attaqué l’Irak, la Libye, la Syrie dans l’espoir de récupérer leurs richesses, permettant à des bandes organisées d’y prospérer, de créer ces groupes armés dans le style de Al Quaïda ou de Daesch, et, in fine, de financer les exécutions terroristes que nous déplorons aujourd’hui. Et au milieu de ça, pour se détendre, qu’est-ce qu’on faisait ? On se foutait de la gueule de Mahomet.

Il n’y avait pas besoin d’être bien malin pour se douter que, plus on allait continuer dans cette voie, plus on risquait de se faire tuer par un ou deux mecs qui s’organiseraient. Sur les millions qui, à tort ou à raison, se sentaient visés, il y en aurait forcément un ou deux qui craqueraient. Ils ont craqué. Ils sont allés « venger le prophète ». Mais en réalité, en « vengeant le prophète », ils nous ont surtout fait savoir que le monde qu’on leur proposait leur semblait bien pourri.

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Presse porte-clefs (Quand Amedy Coulibaly dénonçait les conditions de détention à Fleury-Mérogis, Emeline Cazi & Luc Bronner, LeMonde.fr, 12 janvier 2015) | VOIR LA VIDÉO

Nous ne sommes pas tués par des vieux, des chefs, des gouvernements ou des États. Nous sommes tués par nos enfants. Nous sommes tués par la dernière génération d’enfants que produit le capitalisme occidental. Et certains de ces enfants ne se contentent pas, comme ceux des générations précédentes, de choisir entre nettoyer nos chiottes ou dealer notre coke. Certains de ces enfants ont décidé de nous rayer de la carte, nous : les connards qui chient à la gueule de leur pauvreté et de leurs croyances.

Nous sommes morts, mais ce n’est rien par rapport à ceux qui viennent. C’est pour ceux qui viennent qu’il faut être tristes, surtout. Eux, nous les avons mis dans la prison du Temps : une époque qui sera de plus en plus étroitement surveillée et attaquée, un monde qui se partagera, comme l’Amérique de Bush, et pire que l’Amérique de Bush, entre terrorisme et opérations de police, entre des gosses qui se font tuer, et des flics qui déboulent après pour regarder le résultat. Alors oui, nous sommes tous Charlie, c’est-à-dire les victimes d’un storytelling dégueulasse, destiné à diviser les pauvres entre eux sous l’œil des ordures qui nous gouvernent. Nous sommes tous des somnambules dans le cauchemar néo-conservateur destiné à préserver les privilèges des plus riches et accroître la misère et la domesticité des pauvres. Nous sommes tous Charlie, c’est-à-dire les auteurs de cette parade sordide. Bienvenue dans un monde de plomb.

Pacôme Thiellement, Les mots sont importants, 13 janvier 2015

La ligne du Parti

Ça fait un moment que l’envie d’écrire sur le rapport à la popularité dans les milieux anarchistes (très largement). Un milieu que naïvement je pensais apte à se remettre en question, et que j’ai embrassé à cause de cela et de la critique des rapports de domination. Pour moi c’était tout le nœud des problèmes : le pouvoir et ce qu’il modifie des comportements.

Le pouvoir est protéiforme et insidieux, il ne s’annonce pas toujours aussi clairement que ÉTAT, POLICE, PRISON. Le pouvoir s’immisce dans quasiment toutes les relations, et je pensais que l’anarchisme tendait à démonter celui-ci où qu’il se cache, à le traquer où qu’il se faufile.
l’anarchisme oui. mais les anarchistes, c’est une autre paire de manches. L’anarchisme est si lumineux que, trop souvent, on se retrouve à avoir l’impression de patauger dans le purin dans une réalité autrement plus concrète chez les militants anarchistes. Le pouvoir n’est pas qu’une question d’élus ou de celui qui tient le bâton, le pouvoir est dans les rapport de classe, de sexe, de race, et de façon encore plus insidieuse dans le savoir, l’éducation, le CV militant. C’est ahurissant de rappeler ce genre de choses qu’on pensait admises, mais il semblerait qu’il faille reprendre les bases.

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Le jour où extrême droite et néonazis européens se sont réunis à Nanterre

Samedi 22 novembre se tenait le meeting de l’extrême droite européenne. Intitulé Réveil des nations, il avait lieu à Nanterre, à quelques kilomètres à peine de la capitale.

Les principaux partis d’extrême droite du continent ont répondu présent à l’appel du GUD (Groupe union défense), comme les Grecs d’Aube dorée et les Italiens de CasaPound.

Aucun journaliste n’était accepté à l’entrée. Une équipe du « Petit Journal » de Canal+ a bien tenté le coup, mais sans succès. Seul journaliste présent, incognito, j’ai réussi à pénétrer à l’intérieur et à enregistrer les discours que je rapporte ici.

Une plongée dans un microcosme méconnu qui prend de plus en plus d’ampleur en Europe, mais aussi en France, et a pu se réunir en toute impunité en banlieue parisienne.

Le lieu du meeting n’a été communiqué que le matin même sur Internet, comme c’est d’usage pour ce genre de rassemblement.

En sortant du RER, je rejoins à pied le lieu du meeting, un petit quart d’heure de marche dans une zone semi-industrielle, située derrière les voies de chemin de fer. Devant moi, deux jeunes marchent, suivis par un homme seul, puis par un couple. Tous se dirigent vers le lieu du meeting.

MAKING OF

Le document que nous publions montre comment l’internationale de l’ultra-droite, allant jusqu’aux néonazis d’Aube dorée en Grèce, tente de s’organiser pour profiter de la crise européenne.

Ce rassemblement a eu lieu à huis clos, théoriquement sans journaliste. Ce compte-rendu (écrit sous pseudo) nous est néanmoins parvenu, et la teneur des discours montre les obsessions de cette mouvance et sa stratégie de noyautage des mouvements populaires, y compris la suggestion que l’extrême droite infiltre les ZAD (zones à défendre).

A lire pour comprendre ce qui se joue dans cette frange située à la marge du système. Pierre Haski

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Récit(s) d’une manifestation offensive et de sa répression à Lyon

Nous étions plus de 4000 ce samedi après-midi 29 novembre à Lyon. Les nombreux appels avaient donné le ton et si la mobilisation appelée par les habituels « partis et syndicats de gôche » ciblait uniquement le FN et son congrès, l’opposition du jour couvrait un champ quelque peu plus large : celui du racisme (d’état) et de la violence policière (lesquels s’exercent régulièrement de façon conjointe). Quel intérêt d’ailleurs de s’opposer uniquement à un FN bunkerisé à la tête d’Or protégé par la police, et que médias et politiques ont déjà rendu « acceptable » en reprenant et appliquant ses idées racistes et réactionnaires.

Le déploiement policier du jour était sans commune mesure pour une manifestation « antifasciste » : plusieurs dizaines de camions de CRS, autant de gardes mobiles, la BAC, un canon lance à eau, et même un hélicoptère. Mais depuis plusieurs semaines et les mobilisations anti-répressions, nasses policières [1] et déploiement ostentatoire sont devenus la règle, peu s’en sont étonnés. L’histoire avait déjà été vendue au quidam par les médias et le préfet Carenco : un centre-ville impraticable et des hordes de « casseurs » à la violence prétendument « gratuite ».

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Répression par le pouvoir, division des syndicats : en Egypte, rien n’arrête le mouvement ouvrier

La vague de grèves de février 2014 qui a contraint à la démission le gouvernement de M. Hazem Al-Beblaoui aurait dû représenter une avancée majeure pour le mouvement ouvrier égyptien. Pour la première fois depuis le 3 juillet 2013, jour de l’éviction du président Mohamed Morsi (Frères musulmans), des débrayages de grande ampleur sont intervenus dans les services publics et dans le secteur industriel d’Etat : les employés du textile et des filatures, des transports et des services de propreté se sont joints à ceux des postes, du secteur de la santé ou de la justice. S’y sont ajoutées des dizaines de grèves et d’autres initiatives dans le secteur privé. Pour le seul mois de février 2014, le Centre El-Mahrousa pour le développement socio-économique a recensé plus d’un millier de sit-in, débrayages ou manifestations, avec plus de deux cent cinquante mille grévistes, contre moins de cinquante actions en janvier et moins de quatre cents en mars.

L’importance de cette vague de contestation ne tient pas seulement à son ampleur, mais aussi au contexte dans lequel elle s’est développée. Au cours des cinq premiers mois de 2013, le mouvement ouvrier, particulièrement actif, avait su mobiliser des centaines de milliers de personnes, avant de décliner après la chute du président Morsi. On n’observait plus alors que quelques troubles sporadiques, violemment réprimés par le pouvoir issu du coup d’Etat du 3 juillet 2013. Tandis que les forces de l’ordre dispersaient les rassemblements, les grévistes et leurs chefs de file étaient accusés d’appartenir aux Frères musulmans.

Cette campagne d’intimidation a si bien fonctionné que, après la publication d’une feuille de route prévoyant l’adoption d’une nouvelle Constitution suivie de l’élection présidentielle et des élections législatives, les principales organisations syndicales ont signé des communiqués soutenant le nouveau régime et s’engageant à renoncer à la grève pour mieux appuyer sa « lutte contre le terrorisme ». La Fédération syndicale égyptienne, chapeautée par l’Etat, et les deux principaux syndicats indépendants — la Fédération égyptienne des syndicats indépendants, née durant la révolution de janvier 2011, et le Congrès démocratique du travail — se sont prononcés en ce sens. La nomination du président de la fédération indépendante, M. Kamel Abou Eita, au poste de ministre du travail a suscité de nombreuses critiques internes. De fait, il est par la suite resté silencieux face à la répression des grèves par les autorités.

Le regain de combativité de février 2014 a donc marqué une rupture importante. Dans un sursaut, le mouvement ouvrier est parvenu à casser la bipolarisation : Etat d’un côté, Frères musulmans de l’autre. Pour la première fois, des protestations populaires ont visé le gouvernement sans que les Frères soient impliqués, même si le pouvoir tentait encore — mais en vain — de le faire croire. Elles intervenaient précisément dans les secteurs (textile, transports, santé, etc.) où avaient éclaté, en 2012 et 2013, des grèves hostiles au gouvernement Morsi. Le mouvement ouvrier a ainsi mis en lumière l’échec du nouveau pouvoir sur le plan économique et social, mais aussi ses tentatives de se défausser de ses responsabilités en invoquant la « lutte contre le terrorisme ».

La suite de l’article sur Le monde diplomatique (août 2014)

Mort de Philou et appel à la solidarité pour l’organisation de ses obsèques.

Philou, le premier chapeau des bons mots, l’intello légèrement alcoolo, est mort samedi 15 novembre dans le lit d’un hôpital, où, privé d’un verre, il nous répétait ceux de Baudelaire :

L’espérance, comme une chauve-souris,
S’en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris…

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Nous avons besoin d’aide pour payer ses obsèques, merci à toutes celles et tous ceux qui pourront participer de nous écrire à l’adresse vilainpetitjournal@riseup.net

A 2 h 03, un gendarme s’écrie : « Il est décédé, le mec ! Là, c’est vachement grave… Faut pas qu’ils le sachent ! »

Le 2 novembre 2014, plusieurs milliers de personnes se sont réunies sur le site du projet de barrage de Sivens pour une marche blanche en hommage à Rémi Fraisse.

Photo: Ulrich Lebeuf / M.Y.O.P
Le 2 novembre 2014, plusieurs milliers de personnes se sont réunies sur le site du projet de barrage de Sivens pour une marche blanche en hommage à Rémi Fraisse. Photo: Ulrich Lebeuf / M.Y.O.P | ULRICH LEBEUF / M.Y.O.P/ULRICH LEBEUF

L’enquête sur la mort de Rémi Fraisse, le jeune manifestant de 21 ans, tué par une grenade offensive lancée par un gendarme lors des affrontements entre des opposants au projet de barrage de Sivens (Tarn) et des militaires, dans la nuit du 25 au 26 octobre, se révèle de plus en plus embarrassante pour les autorités.

Selon des informations du Monde, les gendarmes ont tout de suite eu conscience de la gravité de la situation face à laquelle ils se trouvaient. C’est ce que révèle unprocès-verbal daté du 29 octobre auquel nous avons eu accès, qui retranscrit les conversations des militaires sur place, enregistrées par la caméra d’un gendarme qui filme les affrontements.

Lors de cette nuit, les militaires, équipés de jumelles à vision nocturne, voient un manifestant s’effondrer juste après le jet d’une grenade offensive, entre 1 h 40 et 1 h 50 du matin. A 1 h 53, un militaire ordonne : « Stop pour les F4 ! Il est là-bas le mec. OK, pour l’instant, on le laisse. » Les F4 désignent les grenades lacrymogènes instantanées (GLI), dont l’usage a été aussi suspendu depuis par Beauvau.

« IL EST DÉCÉDÉ LE MEC ! LÀ, C’EST VACHEMENT GRAVE »

Au milieu des cris, un autre gendarme tente de se rassurer : « C’est bon, il va se relever ! Il va se relever, c’est bon ! » Rémi Fraisse ne se relève pas. Sept minutes passent. A 2 heures, « On y va ! », un peloton fait une sortie pourrécupérer le blessé. Sur procès-verbal, les enquêteurs de la section de recherches de Toulouse relèvent alors que le chef de l’unité demande à un de seshommes « de soutenir ceux qui sont allés chercher le manifestant », sans préciseren quoi cela consiste.

Les militaires ramènent le corps inerte de Rémi Fraisse. « Il respire ou quoi ? », s’inquiète le supérieur. L’infirmier de l’escadron tente alors les gestes de premiers secours. A 2 h 03, un gendarme s’écrie : « Il est décédé, le mec ! Là, c’est vachement grave… Faut pas qu’ils le sachent ! »

Cette dernière phrase prononcée dans le feu de l’action vise les manifestants, selon la thèse avancée par le service de communication de la gendarmerie, contacté mardi 11 novembre. « Il fallait éviter que ceux qui agressaient les gendarmes ne redoublent d’ardeurs en apprenant la mort de Rémi Fraisse. » En aucun cas, affirme-t-on, il ne s’agirait d’une volonté d’étouffer l’affaire, la gendarmerie avançant pour preuve que le parquet a été avisé dans les minutes suivantes et une enquête judiciaire diligentée dans l’heure.

Les rentranscriptions des conversations des gendarmes au moment du décès de Rémi Fraisse jettent cependant une nouvelle ombre dans un dossier où les autorités ont – au minimum – failli dans leur communication. Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a notamment été critiqué pour être resté silencieux pendant plus de quarante-huit heures.

lu sur LE MONDE

LA POLICE ENLÈVE ET RETIENT DES MILITANTS CONTRE LEUR GRÉ ET SANS RAISON! ACAB

Une petite histoire édifiante à propos d’un tract de la Caisse de Solidarité : quand la possession d’un écrit politique vous propulse hors-la-loi.

Caisse de Solidarité – Témoins

Un jeune homme nous a récemment contacté pour nous faire part d’une histoire assez incroyable qui mérite d’être rendue publique. Une histoire assez exemplaire des basses méthodes employées par la police quand elle s’occupe de gens ou d’affaires classés « sensibles ».

Garde-à-vue 2.0

Tout commence mardi en fin de journée (le 14 octobre) par un contrôle de la BAC. En sortant d’une camionnette, un homme (appelons le Y) est contrôlé par un policier en civil. Il contrôle son identité et lui demande si il a des stupéfiants sur lui, s’il y en a dans la camionnette. Réponse négative de Y. Manque de chance, le flic trouve rapidement quelques miettes dans la boite à gants. En fouillant un peu plus dans le bordel, il tombe sur un tract de la Caisse de Solidarité ainsi qu’un papier avec une adresse mail et un mot en dessous. Le condé et ses collègues lisent attentivement le tract. « Vous êtes anti-flic ? », « Non ce n’est pas à moi, ce n’est pas ma camionnette ». Les dénégations de Y n’y font rien et les flics l’embarquent direction le commissariat de Villeurbanne.

Et là, c’est parti pour une garde-à-vue de 36h. Mais une garde-à-vue d’un genre un peu nouveau. Ce qui cloche, c’est qu’il n’y a rien contre Y, aucun chef d’inculpation n’est retenu à son encontre. Juridiquement on ne lui reproche rien. En fait pendant deux jours, des flics le retiennent enfermé dans une salle du comico et passent leur temps à lui poser toutes sortes de questions. Y ne croise pas d’autres gardés-à-vue. Aucun droit ne lui est notifié, le procureur n’est pas prévenu. Il ne peut pas prévenir d’avocat ni voir de médecin. Y est aux mains de la police pendant 36h mais sans véritable statut juridique. Il est juste retenu contre son gré. Personne ne sait qu’il est là. Il n’est pas amené en cellule, comme dans n’importe quelle garde-à-vue classique, mais reste enfermé dans la même salle d’interrogatoire au sous-sol. Il dort deux nuits dans cette petite pièce composée d’une table et de chaises [1]. La lumière est constamment allumée, il n’a pas accès à l’interrupteur qui se trouve au dehors.

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UNE ANALYSE DU MOUVEMENT ETUDIANT AU QUEBEC

Une analyse du mouvement étudiant au Québec
Le collectif de débrayage propose ses analyses et réflexions critiques sur le mouvement étudiant qui agite le Québec en 2012.

 

Un mouvement de révolte éclate au Québec en 2012 avec une grève étudiante et des manifestations populaires. « Du 13 février au 4 septembre 2012, le Québec est transfiguré : sept mois de grève étudiante, culminant avec la résistance aux mesures d’exception, la marée anonyme des casseroles et les émeutes quotidiennes », décrit le collectif de débrayage. Le livre collectif sur ce mouvement, intitulé On s’en câlisse, insiste sur la grève elle-même comme moyen et comme fin. Le mouvement dépasse le cadre de la question étudiante, même si le conflit est provoqué par une hausse des frais d‘inscription à l’université. La morgue du pouvoir et la créativité de ceux qui luttent déclenchent alors un mouvement d’ampleur. Ce mouvement de révolte demeure imprévisible et spontané.

Depuis 2011 et le « Printemps arabe », le vent de la révolte balaye les gouvernements. Dans ce contexte l’analyse du Collectif de débrayage assume sa subjectivité. « C’est de là que ce livre porte le regard, de cet œil résolument amoureux de la grève, résolument fasciné par ses effets et irrémédiablement partisan de ses faits d’armes », indique le collectif de débrayage. La grève précipite les choix individuels et construit un sentiment de puissance collective. La grève bloque la machine sociale et permet une démobilisation générale. La grève attaque les dispositifs de contrôle et brise les séparations entre les êtres humains.

Le mouvement au Québec dispose déjà de ses livres d’histoire et de ses commémorations qui visent à désamorcer la charge créatrice du mouvement, alors réduit à un simple exercice de citoyenneté. Le caractère destructeur de la grève et ses coups portés contre l’ordre social demeurent éludés. Mais il semble indispensable d’écrire une histoire de la grève de 2012 pour penser les mouvements à venir et ne pas avoir chaque fois à recommencer à zéro. « Pour que même des années plus tard, les désirs révolutionnaires puissent recueillir des étincelles dans la cendre des défaites », précise le collectif de débrayage. Contre la personnalisation politique, les auteurs du livre assument une démarche anonyme et collective. Étudiants, travailleurs et chômeurs, ils se définissent avant tout comme grévistes.

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Ceci n’est pas une bavure. 2000-2014 : 127 personnes tuées par la police française

Deux articles tirés du dernier numéro de la revue Z sur Venissieux, qui ressort à l’occasion de la mort de Rémi Fraisse tué par la police.
Z8_Ceci n’est pas une bavure
Z8_Recensement 2000-2014

En 2013, au moins onze personnes ont été tuées au cours d’une opération policière. Le constat est le même qu’en 1983 : dans la très grande majorité des cas, les victimes sont des héritiers de l’immigration. Ni dérapages fortuits ni bavures, ces meurtres sont l’aboutissement d’une violence quotidienne exercée au nom du maintien de l’ordre. Face à cet état de fait, certains s’organisent pour le faire reconnaître et enrayer la machine. État des lieux depuis les Minguettes et ses alentours. (Extrait de la revue Z n°8, Vénissieux)

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Le recensement suivant a été réalisé par des historiens, des collectifs militants et à l’aide de coupures de presse. Il est ici fait état – de manière nonexhaustive malheureusement – des 127 personnes tuées lors d’interventions policières ou par des policiers et des gendarmes en civil entre 2000 et début 2014. En parallèle, des indications quant aux évolutions des dispositifs et armements policiers sont données. Cette chronologie ne fait en revanche pas mention des personnes qui décèdent de façon suspecte en prison et en centre de rétention. (Extrait de la revue Z n°8, Vénissieux)

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